Chapitre 1
Walking Disaster
« I'm just a kid with no ambition who wouldn't come home for the world. »
Sum 41
Pourquoi lui ?
Pourquoi la situation n'est jamais comme on veut qu'elle soit ?
Pourquoi a-t-il accepté ?
Pourquoi s'est-il laissé faire ?
Pourquoi ?
Draco Malfoy n'est pas un garçon comme les autres. Il a vécu beaucoup d'aventures, toutes plus noires les unes que les autres. Mais c'est de Potter dont les journaux parlent. Pourquoi ?
Tant de pourquoi, et au final, pas de réponse. Ou plutôt, une réponse qui n'en est pas une. Il a perdu le contrôle. De sa vie. Depuis sa naissance, Draco Malfoy dort d'un sommeil sans rêve, mange sans avoir faim et déteste Potter comme si c'était son oxygène. D'ailleurs, sa respiration est inaudible. Tout chez Draco Malfoy révèle l'abandon, l'absence d'âme et le désespoir.
Car derrière son sourire tantôt aguicheur, tantôt méprisant, Draco Malfoy est un jeune homme désespéré. Désespéré de n'avoir personne à qui parler. Désespéré d'avoir déçu les siens. Désespéré d'avoir été abandonné par ses parent.
Ce n'est pas le même genre d'abandon qu'un accouchement sous X ou qu'un placement dans une famille d'accueil. Non, c'est un abandon peut être plus douloureux encore.
Son père était menacé par Lord Voldemort. Il avait accepté le marché du Maître des Ténèbres : tuer Dumbledore. Mais il s'était rendu compte qu'il n'est pas si facile de tuer un homme. Tout le monde a la possibilité de tuer quelqu'un, pour quelque raison que ce soit. Mais peu d'entre nous ont le pouvoir, ou plutôt l'absence de conscience qui permet de tuer. Et Malfoy n'a pas ce pouvoir, car au fond de lui-même, il a une conscience.
Sa conscience ne lui a jamais vraiment donné de bons conseils. Pour ne pas montrer ses sentiments, il a toujours préféré montrer de la haine envers ceux qu'il aimait. Ce n'est pas qu'il aimait Potter. C'est juste qu'il l'admirait. Mais encore maintenant qu'il appartient au clan des gentils, il ne veut pas l'admettre. Potter reste un idiot, ami d'un miséreux et d'une Sang-de-Bourbe. Fin de la discussion.
Alors Draco Malfoy est seul. Terriblement seul. Il a été humain, en laissant Dumbledore sauf, mais le directeur a quand même été tué. Donc Draco Malfoy a tout perdu : il ne voulait pas être un assassin, mais il a poussé quelqu'un d'autre à l'être. Et par conséquent, son père est poursuivi par Voldemort. Il n'a pas été tué, mais il est obligé de se cacher, et sa mère fait de même.
Il a essayé de les retrouver, avec l'aide de Severus Snape, mais son père ne voulait plus le voir. Jamais. Il l'a qualifié de « traître à son sang », et sa mère, en pleurant, lui a dit qu'il l'avait déçue.
Quand on déçoit ses propres parents, que nous reste-t-il ?
« A walking disaster, the son of a bastard »
Couché sur son lit, Draco fredonnait tristement cette chanson. Si quelqu'un ne l'avait pas déjà fait, il aurait pu l'écrire.
« You regret you made me, it's too late to save me »
Les paroles collaient exactement à son état d'esprit. Renié de ses parents, de son père, qui n'était au final qu'un salaud.
Il aurait voulu oublier tout ça, ses malheurs, ses sentiments. Mais c'était impossible. Totalement impossible.
Draco se mordait les lèvres pour ne pas pleurer. Cette chanson lui renvoyait à la figure toute sa solitude. Mais il avait fini par s'habituer à souffrir. On s'habitue à tout, au final. Draco s'était habitué aux insomnies à répétition, aux nausées persistantes et aux migraines fréquentes. Il était paranoïaque, hyperactif, hypochondriaque… Un véritable monstre aux yeux du monde.
« I'd never known what I'd become : the king of all that's said and done ? »
Il avait pris la décision de changer le monde. Quitte à faire honte à son sang, autant le faire jusqu'au bout. Alors il avait voulu devenir un mec bien. Ni plus, ni moins. Ca paraissait simple, à vue d'œil. Et pourtant, ça ne l'était pas. Car il n'avait pas été éduqué pour être un mec bien. Il avait été éduqué comme un petit mangemort, apprenant à haïr et oubliant d'aimer. Alors comment défendre les faibles, après ça ?
« I begin to bring a bridge of innocents »
Il avait fait du mieux qu'il le pouvait. Il avait choisi de donner des informations concernant Voldemort à l'Ordre du Phoenix, parce que Dumbledore en faisait partie et c'était un moyen de se faire pardonner. Au moins un petit peu…
Sentant des larmes perler au coin de ses yeux pâles, Draco se décida à quitter sa chambre pour se changer les idées. On dit que les yeux sont les miroirs de l'âme. Si l'œil de Draco Malfoy était à l'image de son âme, son esprit serait aussi pur que froid.
Les yeux de Draco étaient à la fois son principal atout et sa faiblesse. Personne ne pouvait résister à ses yeux gris, symboles de force et d'ambition. Mais lui ne voyait à travers ses yeux qu'un monde qui n'était pas le sien, qui l'avait méprisé et qu'il méprisait. Quoi qu'il puisse dire, si ce monde ne lui appartenait pas, Draco y appartenait.
« A world of disbelieve where I belong »
C'est sur cette pensée qu'il quitta son dortoir. Il n'avait pas pris la peine d'enfiler un tee-shirt ou un pantalon. Mais les couloirs étaient aussi vides que son cœur. Il raflait les murs en murmurant inlassablement les paroles de la chanson moldue. La musique sorcière n'était pas pareille… Les musiciens n'avaient qu'à imaginer une musique pour qu'elle envahisse instantanément l'atmosphère, rebondisse sur le plafond et le sol, danse au milieu des gens et se décide enfin à atteindre nos oreilles.
Le tout dans la musique sorcière, c'était d'avoir de l'imagination pour trouver un air original, puis que chaque membre du groupe soit synchronisé avec les autres, afin de donner à la musique une direction, un sens, et une signification.
Avec la musique moldue, c'était un peu différent. Ils avaient des sortes d'instruments, dont ils avaient besoin pour faire passer la musique de leur esprit à la réalité. Ils devaient trouver comment placer leurs doigts ou où taper pour obtenir le son qu'ils désiraient. C'était toute une technique… Autant d'imagination, mais beaucoup plus de travail. Un travail qui n'en était pas un, car la musique est un plaisir, pas une contrainte.
Si Draco avait été moldu, il aurait certainement été dans un groupe. Un groupe de punk rock, ou de hard rock, à voir… Il aimait l'ambiance noire et violente du hard, mais était admiratif du côté rebelle et indépendant du punk. Contrairement à ce qu'on aurait pu croire, Draco Malfoy aimait la musique. C'est bien la seule chose qui ne l'avait jamais déçue… La musique nous suit, nous précède aussi, mais ne nous abandonne jamais.
Elle avait pris possession de son cœur, de son esprit et de son corps. Tout son être s'était offert à la musique. Il avait toujours été intéressé par cela, mais depuis que ses parents l'avaient laissé tombé, c'était devenu sa raison de vivre. La musique… Est-ce que quiconque pourrait comprendre ça ? Est-ce que d'autres personnes vivaient elles aussi entourées de musique ?
C'était d'ailleurs son seul amour. Il était sorti avec des filles, n'avait jamais été amoureux, et c'était mieux comme ça, car toutes l'avaient déçu. Il voulait quelque chose de mieux. Il voulait quelqu'un qui le comprenne, qui supporte ses sautes d'humeur, qui aime la musique comme il l'aimait. Il ne voulait pas quelqu'un qui lui ressemble, il voulait quelqu'un qui le complète. Mais ce rêve faisait partie des choses qu'ils avaient mises de côté, qui se cachaient dans un coin de sa tête au même titre que ses souvenirs avec ses parents.
« Sorry Mom but I don't miss you... Father no name you deserve... »
Au moins, cette ballade lui avait fait comprendre une chose : ses parents ne lui manquaient pas, c'était l'innocence naïve qu'il possédait avant qui lui manquait terriblement. Quand on croit que le futur sera rose et à notre avantage, n'importe quel problème du présent devient dérisoire. Mais Draco ne croyait plus à un futur qui pourrait lui sourire…
Maintenant, il chantait vraiment. Quelques notes paraissaient fausses, mais il s'en fichait. Il n'avait jamais eu l'occasion de chanter, réellement chanter, et il voulait essayer. C'était assez jouissif quand on y arrivait, mais certains passages plus aigus ou plus graves devenaient un calvaire. Après tout, ce n'était pas important. Personne ne se promenait à cette heure-ci, il fallait vraiment s'appeler Draco Malfoy pour ne pas dormir en plein milieu de la nuit…
… Ou alors Hermione Granger. Comment caractériser cette adolescente ? C'était la princesse de la différence, la laissée-pour-compte de la première année, la belle héroïne amie du grand Harry Potter à partir de la deuxième année. Eternellement dans l'ombre de son meilleur ami, éternellement la première de la classe, et éternellement anormale.
Née de parents moldus, elle aimait lire et s'instruire comme les autres filles aimaient le shopping. Mais chaque année, elle avait évolué. Ses cheveux ébouriffés avaient laissé la place à une crinière ondulée, qui retombait le long de son visage fin. C'était devenue une jeune femme, peu confiante en elle mais adulée par beaucoup. Mais elle était bien trop modeste pour s'en rendre compte.
Elle s'était levée sur un coup de tête, après un rêve étrange qui lui rappelait ses années de moldue typique. Hermione, durant ses jeunes années, montrait déjà un vif intérêt pour les études, et cherchait par tous les moyens à gagner des points grâce à des activités extrascolaires, notées dans son dossier et saluées par les professeurs.
Et de ces activités était née une passion chez la jeune fille. Elle l'avait presque oubliée en entrant à Poudlard, mais le rêve de cette nuit avait réveillé l'attrait pour sa passion. Comme à son habitude, elle avait décidé d'aller chercher le plus vite possible un livre à la bibliothèque, pour s'informer sur ce sujet.
Hermione Granger connaissait cette bibliothèque par cœur. Elle savait donc comment y pénétrer facilement, car elle avait souvent vu la manière dont la bibliothécaire entrait, étant souvent présente à l'ouverture. Elle s'était dirigée directement vers le rayon moldu, sachant bien que ce qu'elle cherchait n'existait pas chez les sorciers, en tout cas pas sous la forme qu'elle désirait.
Trouvant son bonheur, elle avait emprunté le livre, un sourire aux lèvres, et avait décidé de rentrer dans son dortoir pour le lire facilement, et aussi pour ne pas se faire pincer à être entrée par effraction dans ce lieu. C'est sur le chemin du retour, absorbée par la préface de son livre, qu'elle avait entendue une voix.
Hermione ne pensait pas possible que quelqu'un soit dans les couloirs à cette heure, et surtout, que quelqu'un pousse la chansonnette dans son coin au lieu de laisser son esprit vagabonder au pays des rêves.
Elle s'approcha un peu, et reconnut la chanson. C'était une chanson moldue, qu'elle avait eu l'occasion d'écouter à la radio lors de ses dernières vacances avec ses parents. Cette chanson parlait de l'enfance du chanteur, c'était à la fois triste et rempli d'espoir. Hermione Granger était étonnée que quelqu'un ici la connaisse… Elle suivit la voix pour tenter de trouver la personne à qui elle appartenait.
Avançant comme un robot, elle entendit soudain les sons devenir plus forts. Elle n'était plus très loin… A l'angle du couloir qui se dessinait devant elle se trouvait la personne d'où provenait la voix. Elle se rapprocha au maximum, s'attendant à voir un première année, tout juste sorti d'une école moldue pour venir étudier la magie.
Mais ce qu'elle vit la figea. C'était Draco Malfoy, le serpentard sans cœur qui la traitait de Sang-de-Bourbe, qui chantait désespérément cette chanson, comme si sa vie en dépendait.
« I can't wait to see you smile… »
Hermione ne put s'empêcher de finir.
« … I wouldn't miss it for the world. »
Et avant que Draco n'ait le temps de se retourner, elle s'enfuit à toutes jambes.
