C'est le soir. Un soir d'hiver comme on en voit beaucoup dans cette région de l'Angleterre, avec son ciel bleu glacé virant doucement au gris, puis finalement au noir et aux étoiles.

La forêt est silencieuse. Les grands arbres sombres surveillent la vallée et les animaux somnolent dans leurs terriers. Tout est calme.

Et soudain, ils sont là.

Surgis de nulle-part, sombres et menaçants. Sauvages. Rafleurs.

L'un deux hume l'air et s'élance dans la forêt, les autres à sa suite. Leurs souffles se changent en nuages blancs dans l'air gelé. Ils courent et c'est comme s'ils volaient, leurs pieds effleurant à peine le sol couvert d'épines. Les arbres défilent près d'eux à toute allure et bruissent doucement lorsqu'une veste les frôle.

La forêt les avale et ils se fondent en elle jusqu'à n'être plus que des ombres fugaces poursuivant une proie invisible. Leur chef accélère brusquement et ils perçoivent enfin l'odeur de leur victime, mélange d'indécision et d'angoisse. Elle s'est perdue. Les martèlements de leurs pieds sur la terre s'intensifient et la peur vient s'ajouter aux effluves que dégage la proie. Elle les entend. Et eux aussi. Ils devinent son souffle qui s'accélère, saccadé, le bruit de ses jambes qui se mettent en mouvement dans une course désespérée et inutile. Le chef accélère encore mais les autres s'arrête et l'un deux stop le plus jeune d'entre eux, qui continuait à courir. Celle-là revient à leur chef, c'est lui qui l'a sentie.

Ils reviennent lentement vers la vallée, le plus jeune à la traîne, boudeur. Soudain, il marche sur une branche et le craquement résonne longuement dans le silence des bois, les faisant tous tressaillir.

Un rafleur ne fait pas de bruit. Un rafleur, c'est une ombre, un courant d'air. Faire du bruit, c'est se faire repérer, c'est perdre. C'est mourir.

L'un des plus vieux se tourne vers le fautif et l'avertit du regard. Mais il ne dit rien. L'autre est encore jeune, c'est un nouveau. Il ne connaît pas encore l'échec de la traque ratée, le désespoir des jours mornes à rôder comme des bêtes dans les forêts. Lui ne pense qu'à vadrouiller, à vivre, et à courir. Il est encore innocent. Il est dangereux. Il ne comprend pas les règles de silence, il ne sait pas se repérer dans les bois, ni reconnaître l'odeur de ses semblables. Il a pitié des proie.

Mais ça viendra. Ça vient toujours.

Quand ils émergent enfin de la forêt, la nuit est tombée et l'air est glacial. Toujours sans bruit, ils commencent à descendre la pente qui les ramènera vers leur campement. A l'orée des bois, le plus jeune s'arrête quelques instants et inspire à plein poumons, heureux de retrouver la lueur des étoiles.

Scabior n'avait jamais aimé l'obscurité.

Écrit sur fond de « Hearing damage ». Alors ? Catastrophique ?

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