A/N : Bonjour à tous! Me revoilà avec une nouvelle histoire de Tales of Symphonia: Éternité. Cette histoire contiendra plusieurs chapitres, relatant l'histoire des quatres héros de Kharlan durant la guerre 4000 ans auparavant, décrite à ma façon, mais je ne changerai rien des faits qui ont été établis dans le jeu. Cela faisait longtemps que cette histoire mijotait dans ma tête et je me suis enfin décidée à la poster. :)
Comme d'habitude, j'ai quelques avertissements à donner. Cette histoire contient des relations non-consensuelles, de la romance homosexuelle et hétérosexuelle ainsi que du sang et de la violence. Pour ceux qui ne supportent pas, vous n'avez qu'à appuyer sur la petite flèche dans le coin en haut à gauche de votre navigateur. :)
Les couples dans cette histoire sont:
Kratos/Yuan, Yuan/Martel, Kratos/Anna
Pour les autres, et bien je ne vous ferai pas plus attendre! Voici le premier chapitre d'Éternité!
La légende raconte que le monde tel qu'il est aujourd'hui fut crée lorsque les elfes descendirent de Derris Kharlan, amenant avec eux l'arbre géant de Mana infinie – L'arbre géant de Kharlan. Cette ressource nouvelle permit aux humains de développer une nouvelle technologie; plus avancée, plus sophistiquée. La magitechnologie. Mais cela était le début d'une ère de mort et de désolation.
L'humanité était une race avare et égoïste; les humains se mirent à désirer plus de pouvoir. Bientôt, les deux grands pays, Tethe'alla et Sylvarant, acquirent assez de pouvoir pour déclencher une guerre mortelle. Et les tensions montaient. Ce fut Tethe'alla qui déclara la guerre les premiers. Ils n'eurent pas à chercher un prétexte bien longtemps; ils accusèrent les Sylvarantis d'avoir brisé un tabou.
Un humain Sylvaranti s'était uni avec une elfe et le premier demi-elfe naquit. Cette naissance fut maudite par les elfes et les humains, même si l'enfant portait leur sang dans ses veines. Ils exécutèrent la famille du demi-elfe. Mais ils étaient loin de se douter que cet enfant au sang-mêlé n'était que le premier de cette nouvelle race qui allait en compter des milliers au travers du monde. Les humains étant incapables d'accepter ce qui était différent d'eux, les Tethe'allans blâmèrent les elfes et les forcèrent à se retirer dans une forêt retirée du reste du monde.
Les Tethe'allans se servirent de ce prétexte pour déclarer la guerre. Car la véritable raison pour cette guerre n'était pas le tabou des sang-mêlé. C'était un goût de domination et de pouvoir. Le monde fut bientôt recouvert d'une montagne de cadavres. Ses rivières si pures se transformèrent en rivières de sang.
C'est ainsi que la grande Guerre de Kharlan débuta... Et les quatre héros qui eurent le pouvoir d'y mettre fin ne naquirent que mille ans plus tard...
Éternité
Chapitre 1
Rencontre prédestinée
An 1109 du calendrier Kharlan – An de Luna
Le demi-elfe courait à perdre haleine dans les rues de Meltokio, bousculant les passants sur son chemin qui jurèrent après lui. « Reviens-ici, saleté! » Ses poursuivants hurlèrent, frayant eux aussi leur passage parmi les citoyens. Le jeune demi-elfe atteignit des rues moins passantes et bifurqua dans une ruelle, tentant de semer ses poursuivants. Mais cela s'avéra être une erreur. Il se retrouva face à un mur, avec aucune échappatoire possible. Il se retourna vivement, seulement pour voir les silhouettes menaçantes des soldats Tethe'allans barrant le chemin, souriants méchamment. Le demi-elfe aux longs cheveux bleus tint son bras blessé, sentant le sang couler entre ses doigts crispés. L'un des quatre soldats s'avança, tenant son épée d'une façon menaçante. « Cette fois, tu ne pourras plus t'échapper. Je vais te faire payer ton affront, sale bâtard! » Siffla-t-il entre ses dents. Malgré le fait qu'il était seul contre quatre hommes, le sang-mêlé ne se laissa pas impressionner. Il empoigna un long couteau qui pendait à sa taille et le brandit devant lui, prenant une pose défiante. Ses yeux d'un vert d'émeraude se plissèrent de rage et de défi. « Ne pensez pas que je vais me laisser abattre facilement. Vous allez mordre la poussière! » S'exclama-t-il avec de la colère et de l'adrénaline. Un deuxième soldat ricana. « J'ai bien hâte de voir ça. »
Kratos Aurion sortit des baraques militaires de Meltokio d'un pas vif. Il était fatigué et ne souhaitait plus que rentrer chez lui. Ses nouvelles fonctions étaient éreintantes. Il ne s'y était pas encore habitué. Il venait tout juste d'atteindre le rang de lieutenant, après avoir passé à peine deux ans dans l'armée royale de Tethe'alla. Il s'était engagé à l'âge de quinze ans, malgré les protestations de son oncle, qui aurait préféré le voir remplir adéquatement son rôle en tant que chef de la noble famille Aurion. Ses parents étant morts, le titre lui revenait de droit, mais Kratos n'en avait rien à faire. En ces temps de guerre, il ne pouvait pas rester assis bien tranquillement dans son manoir à ne rien faire. Ce n'était pas dans sa nature. Il était un homme d'action.
Ses supérieurs avaient tôt fait de remarquer ses talents prodigieux à l'art de la guerre et il s'était fait rapidement promu. Et au rythme où les choses progressaient, le prochain grade n'était pas bien loin. Mais sa promotion l'obligeait à s'occuper des nouvelles recrues et elles étaient loin d'être disciplinées. Plusieurs jeunes avaient manqué de respect envers Kratos, car il était à peine plus vieux qu'eux. Mais le lieutenant les avait mis à leur place bien assez vite. Il aurait beaucoup de travail à faire pour les former comme de bons soldats.
Il marcha rapidement vers les quartiers des nobles, où se trouvait sa demeure, mais bientôt, son attention fut détournée vers plusieurs personnes qui parlaient avec agitation. Sa curiosité gagnant sur sa fatigue, Kratos s'approcha, se demandant ce qui pouvait bien se passer. « ... Je ne blague pas! Un demi-elfe! Il s'est enfui par là! Il était poursuivit par des soldats! » S'écria une femme, pointant une allée qui s'étendait vers les quartiers pauvres. L'homme qui l'accompagnait rajouta; « J'espère qu'ils vont le capturer. Juste penser qu'un demi-elfe parcoure nos rues en ce moment me donne envie de vomir. » Sa voix exprimait très bien ses paroles. L'autre femme qui les accompagnait aperçu alors Kratos. Elle se précipita sur lui, ayant reconnu son uniforme de l'armée. « Sire! Il y a un demi-elfe qui s'est enfui par là! » S'exclama-t-elle et Kratos regarda dans la direction indiquée, pensif. Devait-il y aller?
Après mûre réflexion, il se dit qu'il serait préférable qu'il y jette un coup d'œil, au moins pour s'assurer que les soldats ne feraient rien de stupide. Meltokio était l'endroit dans tout Tethe'alla où la discrimination envers les demi-elfes était le plus élevé. Ils n'étaient pas tolérés dans la ville. Qui sait ce qui arrivait à ceux qui s'y perdaient par mégarde? Dans tous les cas, ce n'était probablement rien de très plaisant.
Le lieutenant hocha la tête. « Je vais aller y jeter un coup d'œil. Retournez à vos occupation, il n'y a plus rien à voir! » Ajouta-t-il plus fort pour se faire entendre des autres curieux avant de marcher rapidement vers la ruelle indiquée. Il ne lui prit pas longtemps avant d'entendre des cris de rage résonner plus loin. Il augmenta le pas. Il tourna bientôt le coin d'une rue et tomba soudainement sur le dit demi-elfe. Il n'était pas difficile de le reconnaître. Aucun humain ne pouvait posséder une beauté et une grâce pareille, propre aux elfes. Kratos vit le demi-elfe aux longs cheveux bleus éviter de près la lame mortelle du dernier soldat qui tenait encore debout. La fatigue l'avait gagné et il se baissa juste à temps, mais l'épée du soldat entailla son épaule. Le demi-elfe ne s'en soucia guère. Il planta vicieusement son couteau dans la cuisse du soldat. Ce dernier hurla de douleur. Il s'apprêta à abattre son épée sur le sang-mêlé, mais il n'en eut jamais le temps. Kratos regarda avec stupéfaction alors que la lame du long poignard devenait électrifiée. Une puissante décharge électrique entra dans le corps du soldat. Le Tethe'allan hurla de nouveau alors que son corps était secoué de spasmes. Le demi-elfe retira le couteau d'un geste brusque avant de se relever, regardant le soldat tomber comme une masse par terre, inconscient.
Kratos relâcha un souffle qu'il n'avait même pas été conscient de tenir. Cela sembla être suffisant pour alerter le demi-elfe de sa présence. Il se retourna vivement, la lame levée en position de défense. Kratos ne bougea pas, ne montrant aucune animosité. Il prit ce moment pour observer le demi-elfe de plus près.
Dire qu'il était beau n'était pas le mot juste. Kratos n'avait jamais vu une créature pareille. Même blessé et couvert de sang, il était magnifique. Une peau d'albâtre, des traits fins, mais tout de même masculins, et des yeux verts brillants comme des émeraudes. De longs cheveux bleus tombants de manière désordonnée sur ses épaules encadraient ce visage parfait.
Le lieutenant sortit de sa rêverie lorsqu'il entendit des voix s'approcher de l'endroit où ils se trouvaient. Ses yeux se rivèrent sur la blessure sérieuse que le demi-elfe portait au bras. Il fit un pas vers le sang-mêlé, mais ce dernier leva son arme vers le visage de Kratos d'un air menaçant. Ses yeux brillèrent de colère et de peur. « Ne m'approche pas! » S'exclama-t-il, la menace sérieuse dans sa voix. Kratos ignora son avertissement. Non pas qu'il n'avait pas vu l'habileté du jeune demi-elfe, mais plutôt parce qu'il avait remarqué qu'il parvenait à peine à tenir debout maintenant. Il marcha résolument vers lui, dont la fureur se peignit sur son visage à cette action. « J'ai dit n'approche pas! » Répéta-t-il plus fort cette fois.
Il s'apprêta à frapper Kratos de son arme, mais l'humain fut plus rapide que lui. Il attrapa son poignet et tordit son bras derrière le dos. Le demi-elfe grimaça lorsqu'il fut pressé non gentiment contre le mur de pierre. Ses doigts relâchèrent leur emprise sur le couteau et Kratos en profita pour en prendre possession. Il se pencha alors pour parler près de son oreille. « Calme-toi. Je ne te veux aucun mal. » Lui assura-t-il d'un ton calme. Pour prouver ses dires, il le relâcha aussitôt et fit un pas en arrière. À présent désarmé, le demi-elfe se retourna vivement, ses yeux montrant toujours la même animosité. Kratos mit le poignard à sa ceinture.
L'humain entendit les voix se rapprocher. Ce qui le força à réaliser la situation dans laquelle il se trouvait et les options qui s'offraient à lui. Soit il arrêtait le demi-elfe et le remettait à la garde de la ville – ce qui allait sûrement signifier sa mort –, ou bien il l'amenait avec lui en lieu sûr pour le cacher.
Étrangement, quelque chose en lui le poussait à vouloir protéger cet étranger. C'était plus fort que lui. C'était comme s'il n'avait pas le choix. Et Kratos n'était pas du genre à aller à l'encontre de son intuition. Il déchira un bout de ses vêtements et approcha le demi-elfe à nouveau. Ce dernier recula jusqu'à ce que son dos heurte le mur. Ses yeux prirent une étrange couleur bleutée. « Ne me touche pas. » Souffla-t-il, cette fois avec plus de peur que de colère.
Kratos pensait que cette attitude agressive et défensive était la preuve que ce n'était pas la première fois qu'il se faisait poursuivre et attaquer ainsi. Malgré son jeune âge, Kratos savait à quel point la discrimination envers les demi-elfes était profonde. Il avait grandit et vécu toute sa vie à Meltokio, après tout. Mais Kratos était l'un des seuls humains – enfin, à sa connaissance – qui ne vouait pas une haine hostile et mal placée envers eux.
Il ignora son avertissement. Il prit son bras blessé et appliqua le bout de tissu sur la blessure. Il l'attacha le plus serré possible pour arrêter l'hémorragie. Lorsqu'il eut terminé, il releva le regard pour plonger ses yeux marron dans ceux surpris du demi-elfe, qui avaient repris leur couleur habituelle. « Ça fera l'affaire pour le moment, au moins jusqu'à ce que l'on arrive chez moi. Allez, viens. » Dit-il et sans plus d'explications, il prit le poignet du jeune demi-elfe et l'entraîna avec lui vers la sortie de la ruelle, ignorant totalement les corps des soldats. De toute façon, les gardes ne tarderaient pas à débarquer ici et pourraient leur venir en aide, s'ils n'étaient pas morts, bien entendu.
Le demi-elfe sortit de sa torpeur et résista avec force, essayant de déprendre son bras de l'emprise du soldat. «Lâche-moi! Il n'est pas question que je suive un humain! » S'exclama-t-il avec rage. Kratos se retourna lentement, mais sans jamais lâcher son emprise sur lui. Son visage exprimait une indifférence totale.
« Tu peux rester ici si tu veux, mais je ne garanti pas ce qui va t'arriver lorsque la garde débarquera ici. Tu tiens à peine debout; tu crois que tu vas tenir combien de temps contre eux avant qu'ils ne te capturent? Et ne pense même pas à fuir la cité. À ce que j'ai entendu, ils sont tous à ta recherche et ils ont probablement bloqué toutes les sorties; ils auront tôt fait de te coincer. » Expliqua-t-il d'un ton nonchalant. Le demi-elfe se mordit nerveusement la lèvre inférieure. Malheureusement, il savait que l'humain avait raison. Il n'avait pas d'autre choix que de le suivre. Il détourna le regard et Kratos le prit pour son acceptation. « Je préfère ça ainsi. Surtout, ne fait pas de bruit. Je n'aimerais pas qu'on nous repère. » Lui dit-il avant de sortir de la ruelle, bifurquant dans la direction opposée aux voix, traînant toujours le demi-elfe qui s'était enfin tut.
Il n'avait pas l'intention de tomber sur la garde de la ville. Il n'aurait aucune excuse à leur donner pour se balader avec le demi-elfe qui avait causé tout un émoi. Lui-même ne savait pas pourquoi il agissait ainsi.
Ils atteignirent la demeure des Aurion sans encombre. Le demi-elfe regarda furtivement l'imposante demeure qui se trouvait à être l'une des plus grandes du quartier des nobles. Il n'avait aucun doute maintenant que cet humain aux cheveux châtains en bataille faisait partie de la haute noblesse. Le sang-mêlé ne l'aurait pas deviné au premier coup d'oeil. Il portait l'habit des soldats Tethe'allan. Généralement, les nobles n'allaient pas à la guerre.
Il fut sortit de sa rêverie lorsque le dit humain ouvrit la porte arrière de la demeure – qui donnait sur le jardin – et le poussa à l'intérieur en premier, s'y glissant par la suite. Le majordome arriva bientôt, ayant entendu l'arrivée de son jeune maître. À la vue du demi-elfe blessé et couvert de sang, la surprise et la peur se peignit sur son visage austère. « Maître, Aurion? Qu'est-ce que cela signifie, sauf votre respect? » Demanda-t-il d'une voix apeurée. Il avait bien évidemment remarqué qu'il s'agissait d'un demi-elfe. Il était difficile de ne pas remarquer ses oreilles pointues et son apparence exotique.
Le sang-mêlé lui rendit son regard. Kratos mit ses mains sur ses épaules. Le demi-elfe se raidit à son contact, mais il ne dit rien. Le jeune lieutenant le poussa vers les marches qui menaient à l'étage supérieur. « Je te serais gré de ne pas parler de cela à mon oncle. Tu n'as rien vu, est-ce clair? » Dit-il sérieusement, tout en montant les marches avec le demi-elfe.
Le valet s'inclina devant lui. « Très bien, maître Aurion. Oh, avant que j'oublie, votre oncle est ici. Il désire vous voir. » Ajouta-t-il d'un ton plus cordial. Kratos se renfrogna à cela. « Très bien. Dis-lui que j'arrive dans quelques minutes. » Lança-t-il d'un ton ennuyé et agacé. Il avait horreur lorsque son oncle demandait à le voir. Ce n'était jamais bon. Le valet s'inclina à nouveau et sortit du hall, sûrement pour aller avertir son oncle de son arrivée. Du moment qu'il ne mentionnait pas le demi-elfe... Kratos savait pour un fait que son oncle ne vouait pas un grand amour envers les demi-elfes.
Kratos mena son invité jusqu'à la dernière porte du long corridor. Il l'ouvrit guida le demi-elfe à l'intérieur. Il s'agissait d'une chambre à coucher spacieuse, réservée pour les invités. Kratos relâcha enfin le jeune demi-elfe et se rendit jusqu'à la grande penderie. Il l'ouvrit et fouilla rapidement à l'intérieur. Il en sortit bientôt des vêtements qu'il tendit à son invité. Ce dernier ne bougea pas. Il ne fit que le regarder avec prudence. Son attitude irrita Kratos un peu, mais il ne le fit pas paraître. « Je dois aller voir mon oncle. Profites-en pour prendre une douche et te changer durant ce temps. Je soignerai tes blessures ensuite. Je ne serai pas long. » Il déposa de force les vêtements dans les bras du demi-elfe avant de rejoindre la porte. Il l'ouvrit et s'arrêta soudainement sur le pas de la porte. Il se retourna et lança au demi-elfe avant de la refermer; « Et ne pense pas à t'échapper. Je vais barrer la porte à clé. Il ne faut pas que mon oncle te voit. » À la mention d'être enfermé, le jeune sang-mêlé se précipita vers la porte, mais il l'atteignit trop tard. Il entendit le son du loquet.
Génial. Il n'avait plus d'autre choix que d'attendre que l'humain ne revienne. En fait, si. Il avait toujours l'option de faire sauter la serrure et s'enfuir, mais quelque chose lui disait qu'il était plus sage qu'il attende que l'humain revienne. Il n'était pas dans l'état de se battre présentement et la garde de la ville le recherchait. À contrecœur, il se dirigea vers la porte qui donnait à une salle de bain adjacente. Il n'avait pas vraiment envie de suivre les ordres de l'humain, mais il devait avouer qu'il avait hâte de se débarrasser de l'odeur du sang.
Kratos entra dans le grand salon et ne fut pas surpris d'y voir son oncle, déjà assit dans l'un des sofas, une coupe de vin à la main. À voir l'expression de son visage, Kratos savait déjà qu'il n'aimerait pas le sujet de la conversation. Mais il ne s'en étonnait pas. Depuis la mort de ses parents, la venue de son oncle était toujours de mauvais augures. Sans dire un mot, sans même saluer son oncle, Kratos prit place dans le siège en face du sien.
« Vous vouliez me voir, mon oncle? » Demanda-t-il d'un ton ennuyé. Son oncle ne parut pas du tout content de l'attitude de son neveu. Il se leva et déposa son verre brusquement sur la table de salon. Son regard dur et froid ne lâcha pas Kratos. « Oui, et tu sais très bien de quoi il en retourne. »
Ce fut au tour de Kratos de le fixer d'un regard mauvais. Il croisa les bras dans une attitude défiante. « Je vous ai déjà dit que cette conversation était close. Je ne changerai pas d'avis. Je n'ai pas l'intention d'abandonner l'armée. » Sa voix froide résonna dans la pièce. Ce fut assez pour faire monter la colère de son oncle. Ce dernier abattit violemment ses mains sur la table et la coupe tomba sur le plancher de marbre, explosant en millions de fragments de verre. « Espèce d'effronté! Tu n'es qu'un sale égoïste! As-tu pensé un instant à ce qui va advenir de cette famille si tu es tué dans cette guerre? » Cette fois, Kratos en avait assez entendu. Il se leva lentement, contenant sa fureur du mieux qu'il le put. « Et que reste-t-il de cette famille, vous pouvez me le dire? Il ne reste que vous et moi, marchant sur les cadavres de tous ceux qui nous étaient chers! Je n'ai que faire d'un titre pareil, vous pouvez le garder! »
Il n'eut jamais le temps de voir venir le poing qui s'enfonça dans sa mâchoire. Il sentit par contre la douleur fulgurante qui s'ensuivit. Son oncle empoigna durement le collet de sa chemise et rapprocha son visage menaçant du sien. « Fais attention à ce que tu dis. Je ne tolérerai plus tes excès d'égoïsme encore bien longtemps. » Comme toute réponse, Kratos lui fit un sourire effronté. Son oncle resta immobile pendant plusieurs secondes avant de le repousser avec violence. « Ce n'est pas terminé, crois-moi. Je vais voir à ce que tu prennes tes responsabilités. » Déclara-t-il avant de sortir furieux de la pièce. Kratos soupira et massa sa joue endolorie. Il avait mit son oncle en colère. Encore. Mais c'était plus fort que lui. Il détestait lorsqu'il voulait faire de lui quelqu'un qu'il n'était pas. Il ne voulait pas d'une vie d'aristocrate. Il n'en avait jamais voulu. Alors il allait se battre contre lui jusqu'à ce qu'il entende raison. Ce qui pouvait prendre longtemps, ou peut-être n'arriverait jamais.
Quoi qu'il en soit, il allait emprunter son propre chemin.
Kratos remonta à l'étage cinq minutes plus tard. Il apportait avec lui des bandages et des désinfectants. Le demi-elfe était sortit de la douche et attendait assit sur le bord du lit. Il avait revêtit les vêtements qu'il lui avait donnés. Il le regarda entrer d'un œil prudent. L'humain vint s'asseoir sur le lit près de lui. Il remarqua le mouvement de recul du jeune demi-elfe, mais il ne dit rien. Kratos tendit la main pour prendre son bras blessé, mais il le retira vivement de sa portée. L'humain fronça les sourcils d'irritation devant son attitude loin d'être coopérative. « Donne-moi ton bras. » Ordonna-t-il plus sèchement que voulu. Le demi-elfe lui jeta un regard dur. « Ce n'est pas nécessaire. » Répliqua-t-il froidement. Kratos ne se laissa pas impressionner. D'un mouvement trop rapide pour qu'il n'ait le temps de réagir, Kratos attrapa son bras, mettant délibérément de la pression sur sa blessure. Une exclamation de douleur sortit des lèvres du blessé. Il jeta un regard meurtrier à l'humain. Ce dernier avait un petit sourire au coin des lèvres. Un sourire qui l'énerva au plus haut point. « Je retirerais ce que j'ai dit, à ta place. Ta blessure est loin d'être bénigne. »
L'humain était chanceux que le demi-elfe soit trop fatigué pour résister longtemps. Le sang-mêlé promettait qu'il serait en train d'exhaler son dernier souffle dans le cas contraire. Kratos remonta la manche de la tunique et défit le bandage improvisé qui était maintenant imbibé de sang. Il examina la blessure. Elle était plutôt mauvaise. Une profonde entaille courait le long de son bras. Le demi-elfe se tendit au toucher de Kratos. Ce dernier fit comme s'il ne l'avait pas remarqué. « Quel est ton nom? » Demanda-t-il alors qu'il trempait un linge dans le désinfectant. L'interpellé ne répondit pas tout de suite. Kratos ne le pressa pas. Il appliqua le linge humide sur la longue estafilade. Le demi-elfe serra les dents sous la douleur soudaine. Kratos s'assura d'avoir bien désinfecté la blessure et nettoyé le sang avant de reposer le linge. « ...Yuan. Je m'appelle Yuan Ka-Fai. » Il entendit à peine la réponse de Yuan alors qu'il l'avait murmuré. Kratos chercha à voir son visage, mais il avait tourné la tête et sa longue frange l'en empêchait.
« Enchanté. Je m'appelle Kratos Aurion. » Répondit-il d'un ton plaisant, mais ne reçut aucune réponse en retour. Il appliqua un nouveau bandage serré – un vrai cette fois – autour de son bras. Il se souvint alors que Yuan avait été blessé à l'épaule, bien que la blessure ait semblé beaucoup moins profonde. Il posa une main sur son épaule, ce qui attira l'attention du demi-elfe à nouveau. « Tu permets? » Demanda-t-il gentiment. Yuan haussa les épaules. Il détestait la familiarité de l'humain, mais il n'avait pas envie de discuter maintenant. « Je te l'ai dit tout à l'heure; c'est inutile. Tu perds ton temps. » Répondit-il froidement. L'humain le regarda d'un air confus. Yuan soupira. Il fit glisser la tunique de façon à exposer son épaule. Kratos vit avec surprise que la blessure était déjà cicatrisée. Mais comment était-ce possible? Il laissa ses doigts errer sur la cicatrice blanchâtre, comme pour s'assurer qu'elle était bien réelle. Yuan le regarda enfin et décida d'expliquer, répondant à sa question silencieuse. « Les elfes ont le pouvoir de régénération. Leurs blessures – lorsqu'elles ne sont pas sérieuses – se referment par elles-mêmes. J'ai hérité de ce pouvoir. La blessure que je porte au bras aurait aussi fini par se refermer. Ce pour quoi je t'ai dit que c'était inutile. » Sa voix était douce. Il semblait plus calme que tout à l'heure. C'était déjà une bonne chose en soi. Kratos hocha la tête. Il se leva, prenant ce qu'il avait emmené avec lui. Avant de sortir, il se retourna vers Yuan, qui le regardait intensément de ses yeux émeraude. « Bon, euh... Je dois redescendre. Je vais remonter bientôt avec quelque chose à manger. Tu dois avoir faim. » Dit-il avant de sortir de la pièce, barrant la porte à clé à nouveau.
Une heure plus tard, il ouvrit la porte de la chambre où il avait enfermé le demi-elfe, apportant avec lui les restes du souper qu'il avait subtilisés dans les cuisines. Son regard se porta instinctivement sur le lit, mais il ne vit pas le demi-elfe. Intrigué, il laissa son regard errer vers la droite et l'aperçu enfin. Yuan était assis sur la tablette de la grande fenêtre et contemplait les jardins qui s'étendaient à l'extérieur. Il devait l'avoir entendu entrer, mais il ne daigna pas lui témoigner de l'attention. Kratos déposa son repas sur la table. « Voilà de quoi manger, comme promis. » Lui-annonça-t-il, mais le demi-elfe ne tourna toujours pas la tête. À la place, il riposta avec une question de son cru. « Combien de temps dois-je rester enfermé ici? » Il avait parlé sur un ton sec. Son humeur était retombée rapidement et il était clair qu'il n'était pas content de se retrouver enfermé contre son gré. Mais s'il n'avait rien tenté pour s'échapper – Kratos se doutait que cela lui serait relativement facile – , c'était qu'il comprenait qu'il serait en danger hors de ces murs.
Kratos prit appui contre la table, mettant ses mains contre le rebord du meuble.
« Aussi longtemps que nécessaire. Je te ferai sortir d'ici dès que possible. On doit attendre que les choses se calment. Probablement demain, ou au plus tard dans deux jours. » Répondit-il honnêtement à la question de Yuan. Ce dernier tourna enfin la tête et Kratos vit de l'agacement dans ses yeux. Il semblait plus énervé que tout à l'heure. Il y avait peut-être une raison pour laquelle il était si énervé? Les yeux du jeune lieutenant s'adoucirent lorsqu'il crut savoir de quoi il s'agissait.
« Ta famille doit s'inquiéter. » Laissa-t-il sortir dans un murmure. Yuan le regarda quelques secondes avant de détourner à nouveau le regard. Kratos crut voir de la tristesse dans ses yeux. Il entoura son corps de ses bras.
«... C'est impossible. Ils ne peuvent pas s'inquiéter là d'où ils sont. » Révéla-t-il doucement de sa voix mélodieuse. Il n'en fallut pas plus pour que Kratos comprenne le sens de ses paroles. Il s'en voulu immédiatement pour avoir prononcé ces paroles.
« Oh... je-je suis désolé. » Dit-il d'un ton embarrassé. Un silence gênant s'ensuivit, où les deux jeunes se toisèrent sans dire un mot. Il avait l'impression que les yeux émeraude du demi-elfe le vrillaient jusqu'au plus profond de son âme.
« ...Pourquoi? Pourquoi m'avoir sauvé? » Finit-il par demander. Kratos haussa un sourcil à cela et passa une main dans ses cheveux. Le demi-elfe voulait une réponse, mais Kratos ne savait même pas lui-même pourquoi il avait agit ainsi. Il soupira. « Honnêtement, je ne sais pas. J'ai juste pensé que c'était la bonne chose à faire. » Avoua-t-il et vit bientôt Yuan le regarder avec incrédulité.
« Incroyable. Et si j'étais celui en faute? S'ils avaient une bonne raison de me poursuivre? » Il exposa une hypothèse. Kratos y réfléchit plusieurs secondes. Il ne savait pourquoi, mais il était certain que ce n'était pas le cas. Il ne voyait pas Yuan comme un tourmenteur, mais plutôt comme une victime. Kratos ne lâcha toujours pas le demi-elfe du regard.
« Je ne crois pas que ce soit le cas. Je les connais bien. Ces hommes trouveraient n'importe quelle raison pour s'en prendre à un demi-elfe. » Révéla-t-il et vit l'expression de Yuan changer de l'incrédulité à la méfiance. « ... Ne va pas croire que je te fais confiance plus qu'aux autres. Je ne fais confiance à aucun humain. » Dit-il sur un ton glacial et méfiant. Kratos eut un sourire énigmatique avant de se lever sous le regard ardent du sang-mêlé. Il marcha jusqu'à la porte et l'ouvrit, sentant toujours son regard dans son dos.
« Libre à toi. Tu peux me croire ou non lorsque je t'ai dit que je ne te voulais pas de mal. Que tu me fasses confiance ou non, je vais t'aider à sortir de Meltokio. » Répondit-il avec conviction. Il s'apprêtait à sortir lorsqu'il entendit la voix de Yuan, pas plus haute qu'un murmure.
« Kratos... merci. »
Il se retourna avec surprise, seulement pour voir le demi-elfe tourné de nouveau vers la fenêtre, refusant de le regarder. Kratos pensa que c'était peut-être son imagination. Il décida de ne pas s'attarder sur cette idée, sortant de la pièce pour laisser le demi-elfe seul à nouveau.
Kratos avait entendu une bonne nouvelle pendant l'entraînement le lendemain. Plusieurs hommes ne parlaient que de ça; que le demi-elfe qui s'était introduit dans la ville la veille n'avait pas été retrouvé et que les gardes abandonnaient les recherches. C'était le moment parfait. Il allait faire sortir Yuan de la ville ce soir. Le seul obstacle serait la garde à la sortie de la ville. Ce n'était rien dont il ne pouvait s'occuper.
Lorsque le crépuscule arriva, il entra dans la chambre d'invités, seulement pour voir le demi-elfe faire les cent pas dans la pièce. Yuan se retourna brusquement vers lui lorsqu'il l'entendit entrer. Il avait l'air très agité et impatient. Il fut sur le point de parler, mais Kratos le coupa rapidement. « On doit partir. Maintenant. » Il lui lança une longue cape noir. Yuan l'attrapa. « Revêts-ça pour te cacher. J'ai bien peur que tu attires trop l'attention sinon. » Ajouta-t-il sur un ton précipité. Yuan ne se fit pas prier. Il revêtit la cape, ses yeux verts ne quittant jamais l'humain des yeux. « Et tu as un plan pour me faire sortir de la ville? » Demanda-t-il sur un ton qui semblait inquiet. Kratos se retourna et se dirigea vers la fenêtre. Il repoussa le rideau et vit son majordome qui attendait dans le jardin, une cape de voyageur jetée sur les épaules pour le protéger de la pluie. Kratos revêtit sa propre cape et vint rejoindre Yuan. Son visage arborait un mince sourire. « Pas vraiment. J'espère juste que mon titre suffira pour nous faire sortir sans encombre. » Blagua-t-il. Il avait bien un plan, mais il n'était pas certain qu'il fonctionnerait.
Yuan le regarda comme s'il était cinglé. Il l'était peut-être. Juste le fait qu'il s'associait avec un demi-elfe pouvait lui valoir la corde, malgré son statut et son titre. Et pourtant, il s'apprêtait à aider un demi-elfe qu'il connaissait à peine. Oui, il avait certainement perdu la raison.
Il prit le bras de Yuan fermement et ce dernier eut envie de se déprendre de son emprise, mais il se retint. « Viens. Nous n'avons pas de temps à perdre. » Rajouta-t-il avant d'entraîner Yuan hors de la chambre et en bas des marches. Il jeta un coup d'œil autour d'eux. Lorsqu'il vit que la voie était libre, il amena Yuan jusqu'à la porte donnant sur le jardin. Le demi-elfe rabattit son capuchon pour dissimuler son visage. Kratos tint fermement Yuan et ils sortirent sous la pluie qui tombait comme des cordes. Lorsqu'il les vit, le vieux majordome – le même que Yuan avait vu une journée auparavant – vint à leur rencontre. Il avait l'air très inquiet. « Maître Aurion! Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de sortir par cette température! » Hurla-t-il pour se faire entendre par dessus le vent violent qui soufflait. Kratos secoua la tête et protégea son visage contre les rafales. « Je me passerais bien de votre opinion, majordome! Occupez-vous de nous conduire hors de la ville! » Répondit-il en hurlant à son tour. Yuan regarda l'échange en silence et ne manqua pas le regard furtif et rempli de reproches et de haine que lui lança le vieil homme. Ce dernier se détourna avant que son maître ait le temps de le remarquer et s'éloigna, leur faisant signe de le suivre. Kratos – qui tenait toujours Yuan par le bras comme s'il avait peur qu'il s'enfuit – l'amena à la suite du majordome. Dans la rue derrière le manoir attendait une carriole tirée par des chevaux. Kratos le fit monter à l'intérieur avant de grimper à son tour et de refermer la porte derrière eux. Le majordome prit les rênes rapidement et donna un coup sec sur les chevaux. Ils partirent en trombe sur le chemin pavé. Kratos ne manqua pas le regard inquiet du demi-elfe, qui regardait le paysage défiler par la fenêtre. « Ne t'inquiète pas; tout va bien aller. »
Ce fut suffisant pour que le regard du demi-elfe vienne se poser sur lui. « Comment peux-tu en être sûr, hein? Qu'est-ce qui te fait croire qu'ils ne vont pas fouiller cette carriole à la sortie de la ville? » Demanda-t-il avec anxiété. Kratos lui fit un sourire nerveux. « En fait, je dirais qu'il n'y a aucune chance que l'on passe sans qu'ils ne nous fouillent. »
Yuan lui jeta un regard qui était à la fois anxieux et furieux. « Alors pourquoi es-tu si calme? Ils vont me trouver, et qui sait ce que seront les conséquences pour toi! » S'exclama-t-il avec agitation.
Comme toute réponse, Kratos se pencha et tira quelque chose de sous le banc. Yuan regarda avec confusion alors que l'humain levait une boîte métallique devant ses yeux. Kratos se pencha en avant et empoigna son bras soudainement. Surpris, Yuan eut le réflexe de tenter de retirer son bras, mais il s'arrêta lorsqu'il vit Kratos ouvrir la boîte et qu'il fut confronté à son contenu. Il s'agissait d'une sorte de poudre noire qui lui était inconnue. Kratos y plongea ses doigts sans hésitation et l'étendit sur la main et le bras de Yuan. Ce dernier fronça les sourcils. « Qu'est-ce que c'est? » Demanda-t-il avec une grimace.
« Une poudre noire que sécrète la plante Cornile à l'arrivée du printemps. Elle est souvent utilisée en médecine. Ça na rien de magique. Mais si on en recouvre ta peau, tu auras l'air d'être atteint par la peste noire. Tu comprends où je veux en venir? »
Yuan voyait très bien où il voulait en venir. De cette manière, les gardes n'oseraient pas l'approcher, puisque la peste noire était hautement contagieuse et mortelle. C'était un bon plan, mais tout de même risqué. Il n'y avait aucune garantie qu'ils ne voudraient pas voir son visage tout de même.
L'expression du jeune demi-elfe s'assombrit. « J'espère vraiment que ton plan va fonctionner. » Dit-il sombrement. Le sourire nerveux de Kratos revint se placer sur son visage. « Je l'espère bien, moi aussi. Car je n'ai pas d'autre plan. »
Cinq minutes passèrent pendant lesquelles les deux occupants de la carriole étaient occupés à recouvrir la peau de Yuan avec la poudre. Si l'on n'y regardait pas de trop près, il était impossible de démasquer la supercherie. Kratos espéra que ce serait assez.
Bientôt, ils sentirent la carriole s'immobiliser, ce qui ne pouvait signifier qu'une seule chose; qu'ils étaient arrivés à la sortie de la ville. Kratos regarda par la vitre et ne put distinguer que deux silhouettes sombres se diriger vers eux à cause de la pluie qui réduisait la visibilité considérablement. Il vit son majordome mettre pied à terre et se diriger à la rencontre des deux soldats. Il jeta un coup d'œil rapide à Yuan et fut satisfait de voir qu'il avait baissé la tête pour cacher habilement la moitié de son visage sous son capuchon.
Un coup sec retentit contre la porte de la carriole avant qu'elle ne fut brusquement ouverte, exposant les deux jeunes hommes à la violence du vent et de la pluie. Un soldat âgé à l'air sévère et portant la barbe tenait fermement la poignée de la porte pour l'empêcher de se refermer. Ses yeux passèrent rapidement de l'un à l'autre des occupants de la carriole.
Kratos entra aussitôt dans son rôle. Son visage exprima un profond mécontentement. « Qu'est-ce que cela signifie? » Demanda-t-il sèchement, mais le soldat ne se laissa pas impressionner. Ses yeux se plissèrent un tantinet. « Veuillez me pardonner, Sire Aurion, mais nous sommes dans l'obligation de procéder à une fouille de la totalité des véhicules qui désirent quitter la ville. Sûrement avez-vous été mis au courant qu'un demi-elfe coure en liberté dans nos rues en ce moment? Nous voulons simplement nous assurer qu'il n'aurait pas monté à bord dans l'espoir de quitter Meltokio. » Alors qu'il expliquait, ses yeux ne quittaient pas Yuan. Il était suspicieux. Kratos fit semblant de paraître préoccupé. « Cette situation est bien fâcheuse. J'aurais cru que vous l'auriez attrapé à l'heure qu'il est. Mais je peux vous assurer qu'il ne se trouve pas dans mon transport. » Affirma Kratos d'une voix qui ne trahissait aucun mensonge.
Le soldat sembla perdre de sa contenance pendant quelques secondes, mais il reprit vite un air professionnel. « Je me dois tout de même de vérifier l'identité de votre invité. » Insista-t-il et Kratos prit un air à la fois irrité et menaçant.
« Je ne ferais pas ça à votre place. À moins que vous ne vouliez attraper la peste. » Dit-il sur un ton neutre alors que le soldat tendait la main vers Yuan, s'apprêtant à rabaisser son capuchon.
C'est alors que les yeux du soldat se concentrèrent sur la partie visible du visage du demi-elfe, remarquant du même coup les plaques noirâtres qui recouvraient sa peau. Il recula vivement, une expression horrifiée sur le visage. Il regarda Kratos, semblant incapable de dire quoi que ce soit. Ce dernier savait que c'était dans la poche. Il passa un bras autour des épaules de Yuan de façon protectrice, ce qui lui gagna un regard encore plus horrifié de la part du soldat.
« Je vous avais prévenu. Il s'agit de mon cousin. Je dois l'amener en toute urgence à Sybak. Les médecins d'ici ne peuvent pas le sauver. Sa seule chance réside avec les scientifiques de Sybak. Mais si vous nous arrêtez encore plus longtemps avec vos stupidités, il va mourir à cause de vous. Et ne croyez pas que ce sera sans conséquences. » Sa voix était lourde de menaces et le soldat n'était pas assez stupide pour ne pas le percevoir. Il ravala lourdement sa salive avant de faire une courte révérence.
« Milles excuses, Sire Aurion. Je ne vous retiendrez plus d'avantage. Je vous souhaite bonne chance. » Prononça-t-il faiblement avant de refermer la portière.
Bientôt, la carriole se remit en marche et Yuan jeta un regard incrédule à Kratos. Il n'arrivait pas à croire que ça avait fonctionné! Et à voir le visage de l'humain, lui non plus n'y croyait pas. Et pourtant, ils s'éloignaient incontestablement de la ville. Kratos eut bientôt un sourire victorieux et soulagé. « Je savais que ça marcherait! » S'exclama-t-il avec une joie non contenue. Même Yuan eut un mince sourire. « Il en a fallut de peu. »
Kratos ne se départit pas de son sourire pendant un bon moment. Ils avaient passé le seul obstacle qui séparait Yuan de sa liberté.
Un long moment passa dans un silence confortable alors que le paysage défilait. Yuan prit ce temps pour enlever la poudre noire qui le recouvrait. Il laissa alors son regard errer au travers de la fenêtre qui était toujours battue par la pluie, se demandant vaguement où ils allaient. Mais il n'eut pas le loisir de se le demander encore longtemps. « Kratos? Tu devrais regarder ça... » La voix anxieuse de Yuan lui parvint et il sortit de sa rêverie. Le ton qu'il avait prit l'inquiétait hautement. Il se leva de son banc et vint regarder par la fenêtre. C'est alors qu'il les vit malgré la pluie. Des soldats Tethe'hallan barraient la route à plus d'une centaine de mètres plus loin. Cela ne voulait dire plus qu'une chose. Son majordome les avait vendus. Ils les attendaient, sachant très bien qu'il trouverait le demi-elfe recherché à bord de la carriole. « Merde! » Jura Kratos avant de prendre le bras de Yuan et le forcer debout. Il ouvrit la portière de l'autre côté. « Saute! » S'exclama-t-il d'un ton précipité. Le demi-elfe le regarda anxieusement, l'hésitation bien présente dans ses yeux. « Mais – » Commença-t-il, mais Kratos le coupa brusquement en tirant sur son bras, le rapprochant de l'ouverture où le vent sifflait. Il avait deviné ce qui le faisait autant hésiter. « Moi, ça va aller. Mais tu dois partir – tout de suite! » S'exclama-t-il avec urgence. Mais le demi-elfe semblait toujours hésiter. Kratos le poussa soudainement en avant et Yuan tomba hors de la carriole. Il fit plusieurs embardées avant de s'arrêter dans l'herbe mouillée au bord de la route. Il se releva rapidement, un genou toujours au sol.
Alors que Kratos s'éloignait, il vit tout de même distinctement le visage inquiet de Yuan. Allez, va-t-en... Pensa Kratos. Les Tethe'allan ne devaient pas le voir...
Et comme s'il lisait dans ses pensées, Yuan se remit agilement sur ses pieds et s'enfuit en direction du bois. La nuit sombre eut tôt fait d'engloutir sa silhouette. Kratos pria pour que le demi-elfe puisse retourner chez lui sans plus d'embuches.
Quant à lui, il sentait qu'une montagne de problèmes l'attendait à seulement une centaine de mètres plus loin. À nouveau, il se dit qu'il devait être devenu cinglé.
Aperçu du prochain chapitre
« Yu-Yuan? » S'exclama-t-il d'un ton surpris. Il ne pouvait y avoir de doute. Il s'agissait bien de lui. Mais même s'il avait vieilli, il ne paraissait pas avoir cinq ans de plus. Le demi-elfe ne dit rien. Ses yeux se plissèrent de colère. Il repoussa Kratos brutalement. Ce dernier recula de quelques pas et dû bloquer une attaque furieuse du sang-mêlé. La confusion se peignit sur son visage. « Yuan, c'est moi, Kratos! Tu ne me reconnais pas? » Insista-t-il en bloquant une nouvelle attaque qui visait sa tête, cette fois. Un coup d'œil sur le côté lui évita une mort atroce. Il vit Yuan charger de l'électricité dans sa paume. Il esquiva juste à temps et le rayon percuta l'arbre derrière, creusant un énorme trou dans l'écorce. Kratos reporta son attention sur le demi-elfe. Ce dernier se tenait en position d'attaque, dégageant toujours autant d'animosité. Il voyait que le général attendait sa réponse. Un sourire moqueur fit son chemin sur ses lèvres. « Bien sûr que je me souviens de toi. L'humain stupide qui avait permit à un pauvre demi-elfe en détresse de s'échapper. » Alors qu'il disait sa dernière phrase, il fonça de nouveau sur Kratos. Ce dernier évita de se faire empaler à la dernière seconde et répliqua rapidement. Yuan évita le coup mortel en effectuant un bond en arrière, retombant gracieusement sur ses pieds.
Kratos resta immobile, observant son adversaire. « Alors pourquoi? » Demanda-t-il en haussant la voix. Il ne voulait pas tuer Yuan. Si seulement il pouvait éviter cette alternative...
Le beau visage du demi-elfe s'assombrit. « Tu es idiot, ou quoi? Nous sommes ennemis. Voilà pourquoi. Sur le champ de bataille, il n'y a pas de place pour le passé ou les sentiments. Et si tu ne me tue pas, c'est toi qui va mourir. » Yuan avait prononcé ces paroles avec une détermination à faire froid dans le dos.
N/A: Et voilà pour ce premier chapitre! J'espère que cela a piqué votre intérêt! ;) En passant, je vais toujours mettre un aperçu du prochain chapitre à la fin, façon de vous faire attendre impatiemment. :)
Si vous avez des commentaires à me faire, n'hésitez pas! On se revoit au prochain chapitre!
Littlerosebud
