Ce qui fait défaut
Chapitre 1
- Où est ton frère ? Questionne John dans un soupir en jetant sa lourde sacoche en cuir chargée d'armes derrière la porte d'entrée de la chambre d'hôtel que nous louons pour plusieurs jours.
Fatigué, il s'avance lentement et grimace en faisait rouler plusieurs fois son épaule douloureuse avant de s'installer sur l'un des deux lits simples de la chambre que je partage avec Sam.
Mon père a nettoyé toutes traces de notre passage après avoir éliminer un polymorphe manipulateur qui aimait faire souffrir ses victimes et qui sévissait dans cette petite ville perdue de six milles habitants au Nord Est des Etats Unis.
Ses restes ont été brûlés et les cendres dispersées dans le lac à proximité.
Le travail a été fait correctement… dans les règles de l'art.
Quand on y pense, cette traque n'a pas été particulièrement difficile, mais cela fait plusieurs semaines que nous enchaînons chasse après chasse sans jamais s'arrêter vraiment.
Et maintenant, nous nous permettons quelques heures de répit. Un moment un peu flou où nous nous retrouvons enfin tous les trois indemnes dans une chambre de motel bas de gamme, à la périphérie de la ville.
Nous restons silencieux pendant plusieurs heures et faisons le tri dans nos têtes des évènements qui se sont déroulés. Ils nous arrivent parfois de soigner nos blessures et souvent de nous sentir coupable d'avoir tué un monstre qui a pris l'apparence d'une jeune femme ou d'un enfant.
Il nous reste alors un goût amer au fond de la gorge qui va persister durant quelques jours. C'est inévitable, après chaque mission, il y a toujours un ou plusieurs corps dont l'apparence est terriblement humaine et qu'il faut faire disparaître dans les flammes d'un bûcher improvisé.
Et c'est cette réalité là qui est dure à encaisser.
Mais aujourd'hui, il n'y a rien à redire, enfin… presque.
C'est mon père qui a insisté pour nettoyer la zone. Il n'a également pas souhaité notre présence. Le corps du polymorphe étant ma réplique exacte.
Quelques heures plus tôt, Sam à vu papa planter une longue lame en argent dans le cœur du monstre qui me ressemblait trait pour trait tout en s'effondrant lourdement sur le sol sans demander son reste.
J'ai vu dans le regard de mon petit frère le choc qu'il a ressenti lorsqu'il a vu la scène, avant de comprendre la situation et de tourner son regard désemparé, puis soulagé, vers moi. Une dualité d'émotions en quelques secondes pour voir enfin son grand frère bien vivant et presque à poil, complètement ligoté et attaché à une canalisation d'égout dégueulasse.
Les rires et les habituelles moqueries qui ont suivi nous ont permis de décompresser, de faire disparaître la peur…
Un peu avant minuit, nous sommes rentrés et avons repris nos habitudes. D'abord vérifier les protections de sel et autres talismans que nous avons installé avant de partir. Puis laisser la priorité à la salle de bain pour celui qui chlingue le plus (c'est-à-dire moi) en veillant à ce qu'il laisse de l'eau chaude pour le suivant. Et enfin, pour le plus valide d'entre nous (Sam cette fois-ci) d'aller chercher à manger dans le petit self ouvert 24/24 à côté de la station essence située à quelques bornes d'ici.
Le silence est venu naturellement envahir la pièce, laissant nos esprits vagabonder sans que nous ne nous rendions compte de l'heure qui passait.
Je soupire de nouveau, regarde l'heure à ma montre et repense à la question de mon père.
- Sam est parti chercher la bouffe…
Et ça va faire un sacré bout de temps qu'il est parti. Il est presque deux heures du matin et nous commençons à trouver le temps long.
Mon père me lance un dernier regard et du menton m'indique la porte avant de se diriger vers la salle de bain en fulminant dans sa barbe.
Je prends alors ma veste en cuir en grognant et maudis mon p'tit con de frangin qui n'est même pas capable d'aller chercher un casse-dalle sans qu'il lui arrive un truc. J'espère juste qu'il n'a pas rayé mon bébé parce que là, il risque de prendre une sacrée dérouillée !
Dehors la nuit est fraîche, surtout à cette période de l'année, et je n'entends qu'un chien aboyer au claire de lune à plusieurs kilomètres.
Rien d'alarmant.
Je sors du motel puis fais quelques pas avant de m'arrêter. Mes pieds crissent sur les graviers qui entourent le bâtiment et je scrute l'horizon méthodiquement. L'enseigne vétuste plantée en haut du hall d'entrée clignote difficilement avant de se stabiliser.
J'observe encore un moment le secteur avant de continuer mon inspection.
Après quelques pas, je suis surpris de voir ma voiture noire garée sagement sur le parking. A l'intérieur, Sam est au volant complètement immobile.
- Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?
Je marmonne passablement énervé et me dirige à grand pas vers l'Impala, prêt à foutre une trempe à mon cadet qui m'a obligé à ressortir alors que je suis complètement claqué. J'ouvre la portière côté conducteur et abaisse mon visage agacé vers lui.
Les jointures de ses mains sont blanches tellement elles s'agrippent à ses cuisses alors qu'il cherche à se retenir pour ne pas tomber en avant. Sa frange habituellement en désordre tombe sur ses yeux et les cache complètement. Seul le bas de son visage dévoile un teint blafard tandis que sa mâchoire contractée le fait paraître extrêmement soucieux et tendu.
Automatiquement, je passe du mode râleur au mode inquiet à la vitesse de l'éclair.
- Hey… tu vas bien ?
Ses doigts se crispent légèrement et Sam parait soudain se réveiller. Il se frotte les yeux rapidement, grimace et souffle profondément.
Je m'accroupis à son côté et pose une main rassurante sur son dos courbé.
- Sammy ?
Ses yeux nébuleux sont brillants comme si la fièvre le rongeait de l'intérieur. Je pose une nouvelle fois la main sur son front pour vérifier sa température.
Il n'est pas chaud, seulement légèrement moite.
- Ca va… mieux maintenant… bredouille-t-il nauséeux en respirant doucement l'air frais de la nuit.
- Migraine ou vision ?
Ma demande est directe mais elle lui permet de me répondre avec un minimum de mots.
- Ju… juste une migraine…
- Okay. Lui dis-je rassuré. Tu vas rentrer et prendre ce qu'il faut pour virer cette merde et te reposer.
Sam, malgré sa pâleur, semble avoir repris un peu plus contenance et amorce plusieurs mouvements lents pour sortir de la voiture. Je l'aide en le soutenant par le coude et le plaque un instant contre la Chevrolet pour le stabiliser alors qu'il tangue dangereusement.
- Bah dit-donc, elle a l'air sacrément vache celle-ci ! Lui dis-je moqueur. Tu ressembles à une merde !
- Mff…chier…. Marmonne t-il du bout des lèvres.
Je vois que le simple fait de parler lui remonte l'intestin dans le fond de la gorge. Pourtant, il se retourne maladroitement pour me montrer la nourriture qu'il a acheté pour nous, trônant sur le siège passager.
- Je te ramène d'abord et ensuite je viens chercher la bouffe. Lui dis-je encore en passant l'un de ses bras derrière mon cou pour le soutenir jusqu'à ce que nous soyons arrivés dans notre chambre.
Une fois à l'intérieur, il s'assoit sur le lit comme l'avait fait papa quelques heures plus tôt. Les coudes sur les genoux et le visage caché entre ses deux mains… Il soupire encore.
La porte que je claque lorsque je reviens avec les sacs de nourriture ne le fait même pas bouger d'un millimètre.
Je fouille alors dans son sac et prends deux comprimés que je lui tends avec un verre d'eau fraîche.
- Ca ne va pas s'améliorer si tu restes comme ça sans rien faire !
Sam pince ses lèvres à ma remarque et se saisit des médicaments qu'il avale d'une seule traite, sans dire un mot, puis allonge son long corps sur le lit, les yeux toujours cachés à l'intérieur de son coude droit.
- Il faudrait peut être que t'aille voir un gynéco ? Lui dis-je ironique.
Je sais que ce n'est pas le moment de me foutre de sa gueule mais je ne peux pas m'en empêcher, surtout quand je me fais du souci pour lui, ça m'aide à me détendre…
Lorsque je le vois me tendre rageusement le majeur de sa main gauche dans ma direction, je suis presque rassuré.
C'est à ce moment là que mon père décide de sortir de la salle de bain. Il observe un instant Sam affalé sur le lit puis se dirige vers la table où se trouve notre repas désormais froid.
- Il faudrait que tu consultes un médecin Sam. Lance t-il alors, tandis que mon cadet soupire d'agacement.
- Ca va passer… Murmure t-il tout de même en maudissant le son enroué de sa propre voix.
- C'est un peu trop souvent à mon goût. Reprend John. Dean, tu gères ça demain, trouve un toubib avant que l'on quitte la ville.
J'acquiesce de la tête et m'installe en face de lui pour manger.
- Tu sens meilleur ! Reprend mon père en me regardant avec un léger sourire sur les lèvres.
Je souris à mon tour la bouche pleine.
Nous continuons de manger en silence et jetons de temps en temps un coup d'œil sur Sam qui semble s'être endormi malgré son mal de tête.
Nous le laissons tranquille et allons nous coucher après cette journée qui semble avoir duré un siècle. Mon père dépose sur Sam une couverture légère et plonge à son tour dans les bras de Morphée, écrasé par la fatigue, après s'être plié en Z comme il le pouvait dans le canapé du salon trop étroit.
Je suis le dernier à m'endormir, bercé par la respiration lente et régulière de mon petit frère.
Nous sommes là tous les trois, bien vivants.
Ma dernière pensée est que demain sera un autre jour, avec son lot de surprise et d'inquiétude.
SPN-SPN-SPN
Lorsque Sam se réveille, le soleil filtre déjà à travers les rideaux, traçant un vif rayon de lumière sur son lit pour s'arrêter juste un peu au dessus de son front.
Il cligne plusieurs fois des paupières gêné et ouvre enfin les yeux.
Il observe un instant le plafond et reste plongé dans ses réflexions sans bouger. Doucement, il tourne la tête en direction de son frère qui dort profondément sur le lit parallèle au sien. La porte de leur chambre est entrebâillée et il peut entendre également le souffle profond de son père qui dort dans la pièce voisine.
Lentement, il se redresse et observe tranquillement la chambre comme s'il la découvrait pour la première fois, puis son regard s'attarde de nouveau sur Dean. Il l'examine à son tour curieux et remarque la façon dont sa figure peut se détendre lorsqu'il dort. Ses traits durs qu'il arbore dans la journée laissent désormais place à un visage doux et paisible qui le rend plus jeune encore. Son bras est glissé instinctivement sous son oreiller tout près de l'arme blanche qu'il dépose chaque soir à cet endroit avant de s'endormir.
Dean est toujours tellement sur le qui-vive qu'il peut passer du repos le plus complet au soldat prêt au combat en quelques secondes. La formation rigoureuse que lui a inculqué John y est bien évidemment pour quelque chose. Avec son quart de siècle bien entamé, Dean peut désormais rivaliser avec les plus grands chasseurs.
L'apparence peut être bien trompeuse parfois !
Doucement, Sam se relève et prend la direction de la salle de bain après avoir pris des vêtements de rechange. Il s'est déplacé aussi silencieusement qu'un chat pour éviter de réveiller son père et son aîné qui méritent quelques heures de sommeil supplémentaires.
Il n'est que six heures trente du matin mais le temps est déjà dégagé et lumineux.
Sa migraine contenue semble avoir disparu au détriment d'autre chose… Il ne se sent pas vraiment bien, légèrement nauséeux et surtout complètement vidé. Peut-être qu'après une bonne douche il ira mieux.
Sam se frotte énergiquement le visage avec ses deux mains pour chasser le reste de sommeil qui s'accroche encore à lui.
Il s'enferme ensuite à double tours dans la salle d'eau et fait face au grand miroir fixé derrière le lavabo. Son regard se fige sur son reflet lui permettant de s'observer immobile et silencieux.
Son esprit vagabonde…
Et il perd progressivement la notion du temps.
Lorsqu'un frisson l'assaille, ses idées reprennent place douloureusement. Il baisse alors la tête et gémit en serrant des poings contre l'émaille blanc du lavabo.
Comme un automate, il se défait de ses vêtements et garde seulement son boxer taché de sang au niveau de l'aine. Il écarte doucement le tissu et retire un mouchoir qui dissimule un symbole qu'il s'est gravé avec la pointe de son couteau, dans la soirée.
La plaie rouge est au début de sa cicatrisation et suinte encore un peu par endroit. L'endroit est sensible mais il est bien choisi car jamais personne n'aura idée de regarder là.
Pour l'instant, c'est encore douloureux, mais il était nécessaire et vital qu'il l'ait sur lui en permanence.
Il se désinfecte méticuleusement en se mordant la lèvre inférieure pour ne pas faire de bruit et laisse la cicatrice à l'air libre. Une fois complètement déshabillé, il passe sous la douche et se remémore la nuit précédente.
Sam se souvient de tout.
Et essaie désormais d'être lui-même alors qu'il se sent brisé de l'intérieur.
Des larmes s'échappent involontairement de ses yeux qui sont vite balayées par le jet d'eau puissant.
Un sanglot étouffé qu'il ne peut contenir filtre entre ses lèvres presque closes.
Las de cette situation qui lui échappe, il appuie sa tête contre le carrelage froid et brillant, avant de fermer les yeux et laisse un moment le jet d'eau chaude fouetter désagréablement sa peau avant de se frotter énergiquement le reste du corps avec du savon.
Il laisse échapper une plainte lorsque la mousse pénètre dans les longues éraflures qui lui sillonnent le haut de son dos, de chaque côté des omoplates.
Il sursaute de nouveau et redresse la tête lorsqu'il entend plusieurs coups tambouriner fortement sur la porte de la salle de bain.
- Prends pas toute l'eau chaude Saaam ! Avertit Dean à travers la fine paroi qui les sépare des autres pièces.
- J'ai terminé ! Répond Sam à la va-vite en refermant les robinets d'eau.
Il s'ébroue et s'enroule avec la serviette de l'hôtel un peu trop petite pour lui. Il tamponne doucement sa blessure à son côté et pose une compresse propre dessus avant de s'habiller rapidement.
Lorsqu'il sort, ses affaires sales roulées en boule sous le bras, il semble un peu gêné et maladroit.
- Désolé, j'n'ai pas vu le temps passer…
L'odeur du café est diffuse dans toutes les pièces et son père déjeune tranquillement près de la fenêtre.
- Viens t'asseoir. Ordonne John en lui indiquant le siège devant lui.
Sam dépose ses affaires dans son sac de linge sale et s'installe devant son père.
- Comment te sens-tu ce matin ?
- Beaucoup mieux ! Ment son cadet.
- Il y a un centre médical au sud de la ville, ton frère t'y emmène dès qu'il sort de la douche.
- Tu sais, ce n'est pas nécessaire… c'était juste une migraine et…
- Je ne veux pas que ça t'arrive lorsqu'on est en train de chasser ! Coupe son père d'une voix ferme.
- Ah oui… la chasse… bien évidemment… Soupire Sam.
- Quoi ? Questionne John en haussant des sourcils.
- Rien.
Le silence qui suit plombe l'atmosphère.
- Je sais que tu as été assez secoué hier, mais ce n'était pas ton frère que tu as vu mourir… Juste un polymorphe… Reprend son père pour mettre les choses aux points. Tu sais bien que c'est le genre de chose qui peut arriver parfois !
- Je l'ai bien compris papa.
- Alors c'est parfait !
John se lève satisfait et va vérifier le bon fonctionnement de ses armes dans la chambre alors que Dean sort de la salle de bain, apportant avec lui une bouffée d'oxygène.
Sam joue avec sa nourriture, mélange son café noir lentement, mais n'avale rien. Il est trop préoccupé pour songer à manger. De toute façon, il sait que rien ne pourra passer dans son estomac sans avoir envie de tout vomir. Une boule d'angoisse lui compresse tellement la gorge qu'il déglutit avec peine.
Discrètement, il presse ses doigts contre ses tempes pour chasser cette douleur si particulière qui se propage progressivement dans sa tête.
Dean s'assoit et commence à dévorer tout se qu'il trouve avec plaisir. Il aurait préféré une part de tarte mais aujourd'hui le pain, les œufs brouillés et le café suffiront. Il sourit inconsciemment et savoure ce petit moment de bien-être.
Il jette cependant un regard inquiet vers son cadet puis sur son petit déjeuner qui est resté intact.
Il n'a pas le temps de lui faire une remarque qu'il voit par la fenêtre des lumières rouge et bleu clignoter régulièrement et transformer les couleurs du papier peint à l'intérieur de la pièce. Il soulève le rideau lentement et voit une voiture de police patrouiller progressivement aux abords du bâtiment.
- Merde. Lance t-il en se levant et en allant toquer rapidement à la porte de son père. Papa… les flics !
Sam se redresse à son tour et rassemble automatiquement leurs bagages derrière la porte d'entrée.
John sort en quelques secondes et se précipite près de la fenêtre. En levant légèrement le rideau, il peut voir un policier en uniforme s'entretenir avec le propriétaire du motel.
La discussion s'éternise et le gérant mécontent lui remet entre les mains un registre contenant le nom des résidents.
John prend son arme et déverrouille le cran de sûreté avant de la glisser dans son dos, entre sa chemise et son pantalon.
Il voit ensuite un second policier rejoindre son collègue et ensemble ils commencent à toquer à chaque porte en commençant par chaque extrémité.
Dean et Sam se préparent à fuir en cas d'urgence.
Lorsque l'un des policiers tambourine à leur porte, les Winchester restent figés un instant sans bouger.
John inspire et ouvre la porte devant un agent souriant.
- Excusez-moi de vous déranger Monsieur… Le policier hésite et consulte son registre. Monsieur Winter. Je me présente, Agent Watson. Nous avons eu un double homicide la nuit dernière près de votre hôtel et nous interrogeons tous les résidents de ce périmètre. Est-ce que vous auriez remarqué quelque chose d'étrange ou de particulier hier soir ?
Le plus vieux des Winchester se détend progressivement.
Les flics ne sont pas là pour eux.
- Non, je n'ai rien remarqué de spécial.
- Vous n'avez pas entendu d'altercation ou croisé quelqu'un de bizarre ?
- Non vraiment rien ! Nous sommes rentrés, puis nous nous sommes couchés. Nous n'avons vraiment rien vu de particulier.
- Pourtant le gérant nous a dit que votre lumière est restée quasiment allumée toute la nuit. Reprend le policier.
John se frotte doucement le chaume de ses joues et semble contrarié. Sam est rentré tard et il n'était pas au mieux de sa forme. Cependant, il l'aurait prévenu s'il avait entendu ou vu quelque chose de suspect, surtout un double meurtre. La seule chose que le chasseur a retenu de la soirée est que son aîné sentait les chiottes et que son cadet avait une migraine carabinée.
- J'ai l'un de mes fils qui a eu une grosse migraine hier soir… rien d'autre.
- Puis-je les interroger Monsieur Winter ? Demande le policier affable en dévisageant John avec sympathie.
- Mais bien sur Monsieur l'agent ! Répond-t-il en grinçant des dents. Sam, Dean, vous pouvez venir cinq minutes !
Lorsqu'ils apparaissent aux côtés de John, Watson constate qu'ils ont déjà leur veste sur le dos.
- Oh, vous êtes vraiment sur le point de partir !
- Oui, nous allons rejoindre mon oncle ! Lance Dean faussement décontracté. Papa a déjà réglé la note de l'hôtel et nos bagages sont prêts. J'allais justement les mettre dans le coffre de la voiture !
- Nous allons être bref alors. Reprend le policier. Vous avez entendu la question que j'ai posé à votre père il y a un instant ? Avez-vous remarqué quelque chose de bizarre hier soir ?
- Qu'est-ce qui s'est passé ? Questionne Dean curieux.
- Une femme et un homme ont été assassinés sur le parking du drugstore derrière chez vous.
Les deux frères se regardent et secouent négativement la tête.
- Désolé Monsieur l'agent, mais nous n'avons vraiment rien remarqué !
- C'est bien dommage ! Lance le policier un peu pour lui-même. Les victimes ont été lacérées sur tout le corps… une vraie horreur ! J'aurais bien aimé trouver le tordu qui a fait ça !
John soulève les sourcils et se mouille les lèvres avant de parler.
- Vous voulez dire des coups de couteau ?
- Non, pas franchement ! S'exclame Watson. Ce taré s'est amusé à dessiner des symboles bizarres sur le corps des deux victimes ! Je n'ai jamais vu ça !
- Des symboles ? Demande John soudain intéressé en lançant furtivement un regard vers ses enfants.
- Oui Monsieur, il faut être malade pour faire une chose pareille !
- Nous n'avons vraiment rien vu, Désolé ! Coupe alors Sam pour la première fois. Mettant ainsi un terme à la conversation entamée entre son père et le policier.
John, surpris, lance à son fils un regard incendiaire.
Le visage de son cadet est blême et ses mains tremblantes sont profondément enfoncées dans les poches de sa veste.
- Bon… très bien Messieurs ! Soupire l'agent de police déçu. Si vous voulez bien me donner vos coordonnées dans le cas où nous aurions besoin de vous recontacter.
- Pas de soucis ! Lance une dernière fois John, un faux sourire aimable affiché sur son visage, en inscrivant sur la feuille tendue par l'agent les coordonnées fictives de sa carte de crédit trafiquée.
Une fois la porte refermée sur le policier, le plus vieux des Winchester se retourne énervé vers Sam.
- Tu peux me dire à quoi tu joues Samuel ?
- On n'a pas besoin de s'intéresser à cette histoire… Explique Sam pour sa défense en frissonnant lorsqu'il entend son prénom complet. Ca ne nous concerne pas !
- Un type grave des symboles sur le corps de ses victimes et tu trouves que ça ne nous concerne pas ? Siffle son père en avançant un pas vers lui.
- Tu dis toujours qu'après un travail, il faut déguerpir rapidement… Ne pas rester trop longtemps dans la même ville… D'autres chasseurs peuvent s'en occuper si tu penses que ça en vaut le coup !
- N'utilise pas mes propres mots pour les retourner contre moi !
Son fils semble désormais être aussi en colère que lui et refuse de baisser son regard.
- De toute façon quoique je fasse où quoique je dise, tu ne seras jamais d'accord avec moi ! Rajoute-t-il avec amertume.
Les yeux de John se plissent subtilement d'agacement et prennent une couleur sombre.
- On ne va pas recommencer à se disputer Sam ! Coupe-t-il. Nous allons en effet nous éloigner d'ici, mais nous ne quitterons pas la ville sans avoir la certitude que cette affaire n'a rien de surnaturel.
- On vient à peine d'en finir une ! Insiste son cadet avec lassitude. Pourquoi on ne s'arrête jamais ? Tu cherches quoi en fait ? Que l'un de nous meurt pour enfin t'arrêter ?
John voit maintenant rouge et se saisit de la veste de Sam pour le plaquer fermement contre le mur.
- Je t'interdis de dire ça ! Articule-t-il lentement. Si tu ne te sens pas concerné par ce combat, tu peux très bien prendre la porte, mais tant que tu restes avec moi… tu n'as pas à remettre en question mes décisions !
Sam grimace lorsque son corps s'écrase contre le mur alors que les poings de son père s'enfoncent dans le torse.
La fatigue le submerge et il voudrait juste faire une pause. Il n'en peut plus de lutter constamment pour rester lui-même.
Mais les paroles dures de John lui vont droit au cœur.
Il a l'impression que les évènements se répètent et qu'il est encore rejeté par son père qui n'approuve jamais ses décisions.
Ces mots crachés à la figure lui font profondément mal. Cependant, sa frustration est égale à la colère de son père et il ne se laissera pas impressionner cette fois-ci.
- Je croyais qu'on devait rechercher le démon qui a tué maman et Jess ! Reprend-il en défiant son regard. On s'épuise à faire tellement de chasses que le jour ou on le retrouvera… on sera tellement crevé… qu'on se fera tuer ! Tout ça par ta faute !
Dean observe impuissant l'altercation de son père et de son frère sans oser intervenir.
Il l'a fait plusieurs fois et le résultat a été pire que l'effet escompté.
Prudent, il garde ses distances et attend que l'orage passe. Soucieux de la colère impulsive qu'éprouve son cadet et inquiet de la réaction lunatique de John.
Cette situation est toujours aussi inconfortable pour lui que les fois précédentes et il bout intérieurement de les voir s'entre-déchirer de la sorte.
- Je n'ai pas oublié Sam et notre objectif reste toujours le même ! Crache John en desserrant un peu la pression de ses mains lorsqu'il voit son fils respirer plus difficilement. Nous allons retrouver le démon qui a tué ta mère et ta petite amie… mais si entre temps, nous avons l'opportunité de sauver des vies, nous le ferons !
Sam ne fléchit pas et son regard reste fixé sur celui de son père qui ne le comprend décidément plus. Il veut simplement quitter cette ville au plus vite, oublier ce qui s'y est passé et surtout, ne pas faire cette enquête. C'en est trop pour lui. Il n'en peut plus et veut chasser de son esprit les évènements de la nuit précédente qui le rendent terriblement mal à l'aise.
- A priori… ici… on arrive déjà trop tard ! Lâche-t-il en cherchant désespérément du regard le soutien de son frère. Ils sont déjà morts. Laissons cette affaire pour un autre chasseur et laisse-nous prendre quelques jours pour souffler !
John serre la mâchoire et regarde son fils avec déception.
- Oh… Monsieur a besoin de repos ? Lance-t-il mordant. Il te faut aussi des vacances ?
- Papa ! Intervient finalement Dean en se rapprochant de lui. Sam a de méchantes migraines en ce moment et on n'arrête pas depuis presque deux mois ! Il n'a pas tout à fait tort…
Surpris, le plus vieux des Winchester tourne la tête vers son aîné, l'observe étonné, puis retourne son visage décomposé vers Sam.
Il le lâche enfin et s'éloigne de lui.
Le silence est plus lourd que les mots qu'il a prononcé tout à l'heure.
Il se retourne alors et prend son sac de voyage sans un regard pour ses fils.
- Je vous attends dans la voiture ! Conclut-il en claquant méchamment la porte après son passage.
Dean fronce du front et regarde son frère réprobateur.
- T'avais besoin de l'énerver comme ça ?
Seules les épaules de Sam s'affaissent devant la remarque de son frère alors que le reste de son corps reste immobile.
Son aîné, contrarié, sort à son tour en prenant le reste de leurs affaires. Il laisse cependant la porte entre-ouverte pour inviter son frère à le rejoindre.
Sam sort de sa torpeur et s'avance lentement vers la fenêtre pour les voir déposer leurs sacs dans le coffre de la Chevrolet et l'attendre.
Il déglutit péniblement et soupire par à-coup en retenant un flot d'émotions qu'il maîtrise à peine. Le haut de son dos est désormais raide et douloureux mais il n'est pas aussi mauvais que la souffrance et la culpabilité qu'il éprouve.
Il emprunte à son tour la porte et évite de regarder son reflet dans le petit miroir accroché au mur de la pièce.
Un reflet qui laisse apercevoir derrière Sam une traînée trouble et inconsistante.
A suivre,
SPN-SPN-SPN
Surprise ! Me revoilà pour vous faire partager cette nouvelle histoire. Elle sera comme d'habitude, sombre et parfois violente, vous êtes désormais prévenus. Je pense publier tous les 10 jours environ (je me laisse une petite marge) mais rassurez-vous, je termine toujours mes fictions.
Evidemment rien ne m'appartient... hélas !
Je ne fais également aucun profit. Vos avis et mp sont mon unique récompense.
Alors bonne lecture et à la prochaine fois...
Elisab
