-Vous ne parlerez plus jamais, Duo

Auteur : numi

Email :

Rating : Aucun, c'est presque tous publics

Disclaimer : Une histoire que j'ai inventé comme ça. Irrésumable.

Ou alors marrez vous à résumer ! C'est chiant les résumés.

(Non, sérieux ? C'est chiant, hein. )

Bonne lecture !

L'hôpital a quelque chose de grotesque, quelque chose de presque comique dans sa tristesse. Et surtout l'hôpital vu de l'envers.

L'hôpital des gens qui savent qu'il vont y mourir. Ou y rester longtemps. L'hôpital des gens qui y dorment depuis des années sans jamais s'être réveillés.

L'hôpital des gens qui déclarent des maladies auxquelles l'hôpital n'avait pas encore réfléchi, et qui les acueille en son giron pour mieux décortiquer à froid la souffrance des hommes à cœur chaud.

L'hôpital des gens qui ne rêvent plus, coincés dans le blanc des murs, des lits, dans la moiteur viciée de l'air.

L'hôpital est aussi un lieu ironique dans la tragédie.

Comme quand un clown surgit dans les salles blanches, ce qui arrive souvent.

Une créature violemment coloré, un pantin grotesque et tintinnabulant qui n'a de cesse de harceler les faibles formes engoncées dans les lits surélevées (et appareillés à mort) en jouant, en baragouinant, faisant mine de parler et de rigoler avec les personnes les plus blasées de la société, qui ont déjà compté combien il y a de carreaux au mur, combien de pets René l'ancien facteur peut lâcher en une minute, qui ont déjà étudié sérieusement les grains de beauté de Simone l'infirmière sadique en spéculant sur les cancers à venir, tout cela sans bouger de leurs lits, gémissant seulement au moindre mouvement.

Beaucoup de gens détestent les clowns, même dans les hôpitaux. Surtout dans les hôpitaux.

Les clowns aussi détestent les hôpitaux parfois, surout lorsqu'il s'y font harceler.

Et aujourd'hui Rose Bonbon le Clown était en train de vivre un enfer.

Un coup de trompette et il tenta de s'éloigner vers la porte en faisant mille et une courbettes grotesques, mais c'était sans compter avec le monstre.

Oh, il avait très soif, d'un coup. Il mima la soif et s'aperga un peu le visage, qu'il avait brillant de sueur, avec la classique fleur piégée. Il fit rire une petite vieille édentée. Il fit mine d'aller boire dans le couloir. C'étaitsans compter avec le monstre.

Alors le phénomène, rubicond, s'enfla dans des proportions inimaginables : c'est la fête ! Les ballons jaillirent, les rubans colorés et les coups de trompette remplirent la pièce de gai vacarme et de joie synthétique, à 6 € de l'heure.

Les petits vieux fatiguèrent vite devant le déluge sons&couleurs, et fermèrent les yeux, se tassant dans leurs nids douillets en attendant que la tempête passe.

Mais Duo, lui, était TRES résistant.

Et lorsque Rose Bonbon le clown voulut tirer sa révérence (ça faisait tout de même trois heures qu'il dansait, chantait, qu'il faisaiy des ballons et qu'il transpirait comme un porc dans son costume pour un salaire de misère) il constata, les yeux révulsés, que le monstrueux natté était posté devant la porte, un sourire enfantin aux lèvres. Il attendait patiemment les nouveaux tours. Et un ballon.

La lèvre inférieure de Rose Bonbon le Clown fut saisie d'un tic nerveux.

A l'autre bout de la salle :

-Nous pourrions tout de même le relâcher, non ? suggéra Quatre, un demi sourire aux lèvres.

Heero hoche la tête.

Il a un regard pour Duo qui gonfle un ballon, un air bienheureux sur le visage.

Duo est différent quand il est souriant.

Avec un vrai sourire.

-Certainement pas, rétorqua le vieil homme aux cheveux gris qui occupe le lit devant les G-boys. Ce clown à la con m'emmerde depuis facilement un mois, à venir traîner dans nos pattes avec son haleine fétide, ses ballons dégonflés, tout ça pour se faire un peu de fric qu'il ira claquer dans ses bouteilles de rhum hebdomadaires ! On va le faire chier jusqu'à ce qu'il en crève !

Le professeur J émit un rire éraillé puis tousse a qui mieux-mieux. Ensuite il se calma, et dévisagea les quatre pilotes, sagement assis en cercle autour de son lit sur les chaises bancales ( fournies de mauvais gré par Claire).

-Vous vous fatiguez trop, professeur, murmura Quatre en tapotant le drap.

-Certainement pas ! C'est de rester couché qui me fatigue ! J'en ai marre de cet hôpital ! JE veux rentrer, je veux continuer à superviser…

Quatre s'éclairçit bruyamment la gorge, comme il le faisait à chaque fois que le vieil homme lâchait une bourde. Autant dire qu'à la fin de la journée, Quatre avait généralement assez mal à la gorge. Ce n'était pas pour rien que J n'avait jamais été autorisé à effectuer des missions hors de la base…

J postillonna sur Heero qui reste impassible.

Duo, à l'autre bout de la salle, demanda à Rose Bonbon pourquoi son nom était Rose Bonbon.

C'est ça, de pas avoir eu d'enfance.

« Pas de chance Rose Bonbon » pensa le Japonais, pour une fois presque détendu.

« Mais faire sourire Duo comme ça, si tu savais comme c'est rare, homme clown... Toi qui veut faire le bonheur des gens..Je crois que tu ferais des ballons pour lui à jamais. »

:

Simone, à l'accueil, triturait sans enthousiame ses cheveux huileux. Elle matait l'autre stagiaire depuis dix minutes, cette fifille sage qui plaisait à tout le monde ici, qui était belle comme le jour et qui était arrivée il y a trois semaines, presque en même temps que Simone. Elle s'appelait Claire, mais tout le monde l'appellait « Cléo » dans le service.

« Si seulement j'étais arrivée avant elle» pensa Simone, amère.

« J'aurais eu le temps de me faire des amis…Mais là, à côté de cette Virgen de l'Inmaculada Concepcion… »

Elle s'alluma une clope de désespoir.

Simone, elle, n'avait jamais eu de surnom autre que « madame ».

Dès 20 ans, forcément, ça fait mal.

:

Les G-boys étaient partis et le professeur J s'ennuyait déjà ferme.

Son opération avait été, dès le départ, une opération à haut-risque en elle-même. Cacher l'identité d'un tel homme, tant recherché, tant détesté par Oz, tout en le faisant opérer sur Terre, fut une série d'acrobaties plus ou moins réussies…Surtout ici, surtout dans cette ville.

« Tudieu… »

Mais les fausses identités, les planques, toute la paperasse de falsification s'étaient soldées par un grand succès. Au final, Herbert Naricot ne courait aucun risque, sinon les rires que son nom pouvait provoquer.

« Forcément, ces abrutis ont osé laisser Maxwell choisir ! Mais ma vengeance sera terrible, froide comme seuls les pires fous savent la concevoir.. néanmoins je … »

Et J s'endormait souvent ainsi dans son lit spacieux, grâce à Duo.

Mais là il ne pouvait dormir. Le bruitage des décatis autour de lui le perturbait au plus haut point. Son opération avait été retardée de quatre semaines, et en attendait il devait resté perfusé et parfois mis sous sédatif tant sa douleur était grande.

Bon, peut-être un peu exagérée…certes… pour que la jeune vienne s'occuper de lui…oui..

-Ma petite Cléo…Vous êtes très gentille de vous être déplacée..

-Vous avez appuyé sur le bouton ?

-Oh, ah..aïe…Oh, peut-être…Arrh…Non ça va vous savez…j'ai juste un peu mal..Arrhgg..

-Où avez-vous mal ? Je vais appeler Sim…

-Non ! nonnoneuh rheu..hem. Ca va déjà mieux quand vous êtes là, ma chère petite fille !

-Comme vous êtes courageux. Si tous nos patients étaient comme vous !

-Si vous le dites, ma petite Cléo…

Un jour, Duo lui avait demandé si jouer le vieux pervers avec une si belle, fraîche et innocente jeune fille ne le dérangeait pas.

Et si vous vous posez encore la question, J avait répondu non.

:

-Alors, la grosse ?

Simone ferma les yeux. La salope™ était de retour.

-Quoi, on boude ?

Un coup dans la nuque fit monter les larmes aux yeux à Simone. La grosse fille se retint de grimacer, et lui jeta un regard mauvais. Cette dernière lui fit le regard habituel, mélange de mépris et de haine floue, assurément vénéneux.

-Tu iras t'occuper du vieux tout à l'heure. Ce vieux pervers me fatigue…

Elle s'alluma une clope. Lissa ses cheveux doux, les laissant filer entre ses doigts. Elle avait des cheveux qui captaient le soleil…Ceux de Simone captaient plutôt la poussière.

-Mesdemoiselles ?

Le jeune homme derrière l'accueil était beau comme un dieu, Dieu…Quelle œil, caché derrière sa mèche…

Claire lui tournait le dos. Une expression fugace de rage contenue lui passa sur le visage, comme une ombre. Puis elle disparut et la jeune fille fit volte-face, radieuse.

-Pouvons-nous vous aider ?

Simone trouva la formulation désopilante. Comme si elle avait été autorisée à participer à l'échange entre la belle brune et le beau brun. Se serait-elle interposée qu'elle s'en serait mordu les doigts. «Le « nous » était on ne peut plus artificiel.

Cléo frappait fort, quand elle le voulait. Et elle savait aussi faire mal avec la parole. C'est pourquoi Simone se pliait aux règles de sa tortionnaire.

Le beau brun demandait de l'aide pour le vieux schnoque. Le crevard. Le casse-couille. Le pervers qui draguait à qui mieux mieux Cléo la Douce.

Simone aimait le taquiner, le vioque. Trop marrant, comme son nom. Voir son expression mortifiée par exemple, quand après qu'il ait tiré une douzaine de fois sur la sonnette d'alarme se soit elle qui se pointe, et non le canon brun en tenue d'infirmière. Il allait instantanément mieux la plupart du temps.

Cléo envoyait souvent Simone voir le vieux. Ca les distrayait toutes les deux.

Cette fois cela semblait plus grave qu'à l'accoutumée, malgré l'impassibilité du jeune homme.

Claire trotta vers la salle, y rentra en jetant un regard menaçant à son homologue (elle avait vu l'expression amusée de Simone) et disparut dans l'embrasure.

Moins de deux minutes plus tard, alors que Simone se remaquillait, elle revenait.

Etrangement, calme comme tout.

-Ils sont trop sexy, souffla-t-elle. C'est pas croyable !

-Qui ? Simone lâcha son makeup un moment. Claire lui parlait normalement.

Etrange.

-Les jeunes avec le vioque. C'est pas croyable, il…il doit diriger une agence de mannequins !

-Il est entrepreneur de pompes fu…

-On s'en fout ! la coupa Claire. Ceux là ressemblaient vraiment pas à des macchabs, je te le garantis ! Et le Chinois, là, miiiiam.. De toute façon t'occupe, Simon, cherche toi une jolie petite femme et puis ça te suffira bien !

Elle rit. Simone haussa les épaules. Les blagues méchantes de la belle brune n'avaient plus d'effets sur elle. Ou plus trop. Un peu quand même.

« La pouffe… »

Claire la regarda, visiblement estomaquée.

« Oups, j'ai parlé tout haut ? Hin hin… »

Claire fit, d'un geste ample et gracieux, valser son poudrier vers la poubelle. Il s'écrasa à côté, répandant son contenu sur les carreaux blancs, les maquillant élégamment.

Simone fut désappointée de constater que son maquillage semblait mieux convenir à un carrelage qu'à elle-même.

Elle fusilla Claire du regard. Celle-ci la regarda de haut en bas, comme à son habitude, renifla d'un air méprisant, puis sortit son propre poudrier et lui jeta à la figure.

Claire était de plus en plus violente avec Simone.

Cette dernière semblait impuissante face à une quelconque violence. Balourde, empotée, elle n'avait jamais pratiqué dans sport de combat dans son enfance. A la réflexion, elle n'avait jamais pratiqué de sport du tout !

Claire était folle. Mais ça, seule Simone le savait. Et il était inutile de se plaindre.

Qui la croirait ?

Aussi se contenta-t-elle de ramasser le poudrier de Cléo et de jeter le poudrier de Cléo à la poubelle.

Bingo. Comme une gosse. Pitoyable vengeance de gosse.

« Au moins moi je sais viser, Claire !

Nanananère, tu peux toujours me frapper je m'en… »

! BLEUM !

L'autre était sortie de ses gonds. Simone ne vit pas partir la gifle et,déséquilibrée, chût lourdement sur le sol. Sa tête heurta violemment le meuble d'accueil, sa vue se troubla. Un sang poisseux lui coula dans le cou.

Claire avait vraiment fait fort, là.

« Pauvre timbrée.. »

Simone contint avec peine ses larmes. Claire, la belle Claire, se dressait au dessus d'elle, un sourire menaçant sur les lèvres. Puis elle leva les yeux, s'écarta de Simone. Ouvrit légèrement la bouche, sourit maladroitement. Puis cessa de sourire.

Simone se releva doucement, car sa tête continuait de la lancer. Elle eut un vertige et se tint au meuble. La grosse fille jeta un regard curieux au jeune homme qui les dévisageait, les yeux –putain les yeux !- grand ouverts. Et il avait une tresse. Et il était habillé de noir.

Bizarre.

« Je dirais même, putassier ! »

Derrière lui, une ombre.Un autre jeune homme.Des yeux magnifiques.

Les mannequins du vioque. Assez en colère, à en juger par leur attitude.

C'est aussi ce que dût penser Claire, qui se hasarda à prendre un ton enjoué, brisant l'épais silence.

-Il y a un problème avec monsieur Herbert ?

-Espèce de tarée…murmura le natté.

-Duo ?

L'autre s'avança et les dévisagea. Simone décida qu'elle l'aimait bien, quand son regard bleu foncé glissa sur elle sans afficher le mépris, la tristesse, la compassion, qu'elle pouvait lire dans les yeux de la plupart des gens.

Le natté avait les yeux fixés sur Claire. Puis il les reporta sur Simone.

-Ca va la tête, elle ne vous a pas fait trop mal ?

-Non..J'ai glissé, c'est bête hein ?

-C'est ça. Et vous vous êtes giflée toute seule ? répliqua l'autre garçon. Le musclé. Avec des putassiers de putain d'yeux bleus.

Claire ouvrit de gros yeux. Ces deux mannequins..la..défendaient ? Cette grosse baleine ?

En deux mots :

« Merde, cramée. »

Simone eut juste le temps de penser :

« YO I AM A SEXY LADY !! "

Puis elle tourna vraiment de l'œil et s'effondra sur l'autre infirmière.

:

-Elle m'a brisé la cheville ! sanglotait Claire.

Simone tendit l'oreille depuis le lit où on l'avait installée tant bien que mal.

Elle venait de se réveiller dans la salle du Vieux Crouton, où ça roupillait sec.

Du couloir lui parvenait les gémissements de la saleté, sans doute entourée par tout le service. Claire allait pouvoir cracher sur elle à gogo. Gé-nial.

« Je m'en fous, pour le temps qui me reste à tirer ici » songea Simone, souriant à l'idée de Cléo écrasée par elle sur le sol.

Comment ça ? Bien sûr que si, c'était un hasard si elle était tombée sur elle !

-Tout au plus une légère foulure, Cléo, murmura-t-on.

Simone reconnut le ton de Mme Scherman, médecin urgentiste. Une femme gentille, quand elle ne faisait pas de commentaires apitoyés sur le poids de Simone, qui, selon elle, la tuerait un jour aussi sûrement que Claire allait vivre longtemps avec une taille de guêpe.

Mme Scherman était rare dans le service. Comme les autres, elle ignorait tout de Claire. Néanmoins, elle semblait douée d'une certaine intelligence sociale. Elle regardait parfois Claire bizarrement. Elle ne lui parlait pas tellement, comme si elle sentait la folie de la jeune fille, sa violence contenue derrière son masque de douceur.

Elle préférait converser avec Simone la grosse, de tout, de rien. Simone l'aimait beaucoup, en fait.

« Ma tête.. »

Simone s'était levée prestement. Peut-être un peu trop. Première pensée :

« Ouh, ça tangue… »

Puis :

« Ils m'ont défendue…YO I AM A SEXY LADY !! »

Elle esquissa un sourire satisfait. Pan dans ta tronche, Claire. T'es belle, mais t'es teubée.

La salle de repos était plongée dans la pénombre et le silence à peine dérangé par quelques ronflements intempestifs.

Simone se sentit observée. Elle tourna imperceptiblement la tête.

Dans l'ombre, Naricot l'observait, impassible.

:

-Je te jure, elle l'a frappée super fort..

-Elle cachait bien son jeu, murmura Trowa. Ce genre de personne est la pire engeance au monde.

Ils acquiescèrent. Trowa parlait rarement, mais parlait généralement juste, exprimant souvent leurs pensées communes. Ici, il semblait vraiment remonté contre la fille.

Mais sa remarque, comme toutes ses remarques, était pertinente.

L'infirmière, Claire, était une vraie hypocrite.

:

« Attendre, attendre…Qui aurait pu prédire que notre premier disparu serait J? Malgré tout ce qu'il a fait, il me manquera. Ce n'est pas comme si j'avais une famille nombreuse qui m'attendait, comme Quatre. »

« Je me demande comment les gens comme Duo peuvent être des soldats ? Je demanderai à G un jour comment il l'a déniché et pourquoi il l'a engagé. Puis je lui demanderai de me parler de J. De sa vie, avant nous. »

« J'aurais dû faire ce clin d'œil à Heero… »

« Cette infirmière semblait réglo. Mais son comportement est celui d'une malade. Il faudrait la mettre hors-circuit. »

« Je ne laisserai plus la folle frapper l'autre, quitte à la secouer un peu. Elle est peut-être jolie, mais elle est trop fourbe pour être claire..Claire est décidément pas claire. Ah. Ah.»

« J n'était pas un mauvais instructeur, mais sa perte me touche-t-elle vraiment ? »

:

Lui était assis sur un banc, dans le jardin, l'autre était perché à la fenêtre de sa chambre.

Duo regardait les étoiles et le numéro un regardait les étoiles, chacun d'eux parfaitement conscient de la présence de l'autre.

Mais sans bouger, sans se parler, sans frémir, leurs yeux parcourant la galaxie.

Voir les étoiles de la Terre est pour un pilote de Gundam une prise de conscience politique, comme pour tout colon. Une remise en question permanente.

Car c'est cette beauté, pendant tellement longtemps inaccessible aux Hommes, qui aujourd'hui encore les dévore et les pousse vers le ciel, si profond, où désormais d'autres Hommes les attendent.

C'est une attraction que tous les Hommes ressentent et ressentiront toujours, et qui les pousse aujourd'hui à s'entretuer.

Et souvent, dans le jardin ce soir d'été, les yeux des pilotes Yuy et Maxwell ont accroché aux même étoiles, et ces étoiles ont brillé dans leurs yeux avant que ceux-ci ne se détournent pour regarder d'autres astres, plus personnels.

:

Le professeur J embrassait du regard les étoiles et semblait sourire.

:

Simone quitta le dortoir sans bruit. La lumière envahit pendant un temps la longue salle avec, sur le sol, mouvante, furtive, l'ombre affreusement déformée de l'infirmière.

:

Duo avait posé la feuille jaunie sur le lit de Heero.

C'était un vieux poème pré-colonial.

Heero le lut et se sentit étrange. Ce poème…

« Hommes, entonnons le chant des aventuriers

Dont les nefs déjà s'envolent et que les étoiles semblent accueillir.

Aujourd'hui nous autres restons, vous embarquez, mais l'amour

Embarque aussi, qui sera vos yeux.

Nous autres entonnons le chant des délaissés le chant de ceux

Qui regardent le ciel en vain et qui déjà vous pleurent,

Dont les cœurs voyageront avec vous dans la froideur de l'espace,

Du métal, dans le silence de vos vaisseaux

Tant que vous agirez comme ils ont agi ;

Comme des Hommes qui tôt aimèrent les étoiles

Et qui très jeunes surent ce qu'est la beauté. »

:

Duo avait cherché longtemps le poème. Il l'avait lu. Il avait adoré. Et il avait pensé à Heero. Tout de suite.

Ce poème, c'était Heero.

Enfoui sous sa couette, il respirait profondément, tentant de calmer les battements désordonnés de son cœur.

:

12 heures plus tard

:

-Je n'arrive pas à y croire, lâcha Quatre, et Trowa acquiesca.

Le blond avait toujours l'air étonné de la nouvelle, mais le chagrin était imprimé en filigrane sur son visage, ses yeux étaient brillants.

« On voit qu'il n'est pas habitué à la mort » songea Trowa. Il serra la main de Quatre pour le réconforter.

Tous, ils observèrent le bois brillant, les poignées de chrome blanc, le nom ridicule gravé sur la plaque.

Herbert Naricot

Rest In Peace

Duo détourna le regard.

-Je n'aurais jamais dû faire cette blague..c'était vraiment débile.

-Aucune importance, Duo. Vraiment.

Heero, une main sur l'épaule de Duo.

Pardonnez le, mais Duo oublia instantanément le professeur J.

« MY…rheu GOD DIEU SA…rhooo… MAIN !! DIEU MAIN SA…Mmm…dieu…Pffiou 00 »

-Quelque soit le nom que tu lui aurais choisi, baka, il serait imprimé sur cette petite plaque à l'heure qu'il est, ajouta-t-il. Duo le regarda.

« Godness Gracious. Trop de mots pour les compter ! Et out ça pour moi..Le poème y est peut-être pour quelque chose »

Il tomba en pâmoison.

Le Japonais se tourna vers le groupe. Ils furent très surpris de constater que ses yeux brillaient légèrement.

-J est mort, et pour la première fois…Hn..Nous avons à faire face à une mort, disons, naturelle. Aussi, si vous souhaitez…

Il semblait avoir du mal à trouver ses mots, comme si parler autant épuisait ses facultés, pourtant très développées.

-Si vous souhaitez vous recueillir, une salle sera mise à disposition avant le transfert du corps vers les colonies. Voilà…

Il reprit son souffle. Compatissant et intéressé, Duo mit sa main sur son épaule, faisant anaître un micro-sourire chez Trowa et un sourire gigantesque chez son petit-ami.

:

Les G-boys se tenaient sur le parvis de l'immense bâtisse blanche qui servait d'hôpital à la ville nouvelle de WhiteTheater. La ville bruissait tout autour d'eux, par cette belle après-midi ensoleillée.

J était mort et le monde n'avait pas cessé d'exister. Tous ces gens vaquaient à leurs occupations, sans savoir qu'à travers le dédale des avenues, un modeste corbillard transportait un des espoirs de la rébellion des Colonies.

La ville était contrôlée quasi-totalement par les forces de l'Alliance. Les troupes stationnaient dans les rues, envahissaient les cafés, les places, réquisitionnaient les ressources et pillaient parfois. L'ambiance était délétère. Lourde. Et le soleil et la chaleur n'y étaient pour rien.

WhiteTheater portait très mal son nom.

En réalité, c'était une ville dangereuse pour des rebelles mais où, bien sûr, on ne chercherait pas à les trouver. Néanmoins, par mesure de sécurité, les pilotes ne sortaient que rarement de leur planque (située non loin), et jamais tous ensemble. Les militaires ne visitaient que rarement l'hôpital, puisqu'un autre hôpital, militaire, avait été dressé dans le camp à l'extérieur de la ville.

-Cette ville, on dirait un cadavre, un bébé mort-né infesté par la charogne, siffla Wufei.

Tous le regdardèrent.

Duo avait les yeux en soucoupes.

-Wufei ?

-Mmm ?

-Nan.. rien.

:

-Mourir d'un arrêt cardiaque en plein hôpital, c'est vraiment pas de pot..fit remarquer l'Américain.

-Ca frappe n'importe où, Duo.

L'Américain sentait qu'il allait regretter le prof. Il était pervers, vicieux, un peu gâteux et parfois carrément inhumain, mais il était aussi un membre du groupe. Une sécurité, une présence en arrière plan, qui avait maintenant disparu.

Duo se sentit seul, d'un coup.

Quatre secoua la tête.

-Duo, tu m'écoutes ? Je veux dire, le sien a été fulgurant, selon les infirmières. Nous n'aurions rien pu faire où que nous ayons pu être.

Duo fit la moue.

-J'aurais aimé savoir pourquoi on a pas pu le voir immédiatement après l'annonce du décès.

-C'est la procédure, Duo… G va l'ausculter, de toute façon, une fois arrivé, avec le professeur S. Il semble apparemment douter de la fiabilité de l'expertise de l'hôpital.

-Et ses vêtements ? Et ses affaires ?

-On va les récupérer, émit Heero.

Il le tira hors du distributeur de bonbons en grognant, Duo tentant tant bien que mal de chiper un dernier paquet de Marshmallows.

-Mmmmm…chon fondants…T'en veux ?

-Je vois que le deuil ne te coupe pas l'appétit, cingla Wufei. Duo cessa immédiatement de manger, mortifié, au grand plaisir du Chinois.

Wufei était habillé en blanc, couleur du deuil en Chine.

Heero retint un sourire et traina le baka jusqu'à l'accueil, Trowa, Quatre et Wufei sur leurs talons. (enfin, sur les talons d'Heero, étant donné que ceux de Duo ne touchaient que peu le sol )

:

Rose Bonbon accepta le mouchoir sans rechigner, et Simone l'observa un instant. Le clown avait reçu le nuage irritant en plein dans les yeux, à plusieurs reprises, et avait visiblement toussé à s'en fendre l'âme, se traînant jusqu'à l'accueil sous les regard amusés des patients et des visiteurs.

« Il est marrant ce clown, finalement. »

-Quelle idée, aussi, de venir embêter Mme Meier. On vous avait pourtant prévenu, fit remarquer Simone alors qu'elle lui tendait un autre mouchoir et un peu d'eau.

-Tout le monde ici a..aïe…aïe ola..le droit à sa part de bonheur, non ? renifla Rose Bonbon, un rien cynique.

-Sûr que Mme Meier doit être satisfaite, maintenant. Simone retint un rire.

En face de l'accueil, sur un des bancs, une vieille fripée comme une vieille pomme, la bombe aérosol encore à la main, fit un geste obscène dans leur direction en souriant d'une oreille à l'autre.

-Elle est farceuse, hein ?

-M'en fous. Je vais l'amadouer avec un ballon, tiens.

:

Simone passa l'après-midi à éviter sciemment le regard chargé de haine de son homologue psychopathe. Claire ne lui avait plus parlé depuis la baffe qu'elle s'était prise. Certes, le natté n'y avait pas été de main morte, mais quel plaisir orgasmique que de voir la violence incarnée se ramasser sur le sol…Mmmm..

« Quel dommage que je sois tombée dans les pommes juste avant »

Oui. Cette garce l'avait bien mérité.

Simone laissa glisser son regard sur la joue de Claire, encore un peu enflée, et lui fit un petit sourire. Joua avec ses cheveux légèrement huileux, et passa sa langue sur ses dents et sur son fil dentaire détaché, le faisant aller et venir dans sa bouche en rythme.

Il avait un goût de rouille et de sang.

:

Heero était paralysé. La situation était…voyons, qu'aurait dit Duo, tiens.

C'était… la merde.

-Kuso, murmura-t-il, désespéré.

Le Japonais ne pouvait plus bouger. Trop risqué. L'agresseur le compressait, le poussait vers ses derniers retranchements.

Heero assura sa prise pour riposter, et doucement, le poussa légèrement de l'autre côté du canapé.

L'Américain ronflait comme un bienheureux, ses lèvres à quelques centimètres du visage de Heero. Ses cheveux dans le cou de Heero. Ses bras étaient étalés de part et d'autre, dont un sur Heero.

C'est alors qu'il eut un mouvement, et sa main vint se nicher au cœur de…Héééééééé !!

Heero piqua un fard terrible.

Et resta là, comme un con.

C'est alors que le téléphona sonna. Duo sursauta, s'écarta, et Heero en profita pour s'échapper le plus dignement possible. Il tourna le dos à Duo, le temps de retrouver des couleurs normales.

La voix, basse et inquiétante du professeur G le ramena vite à la réalité.

-Heero, changez de planque.

-…

-Vous êtes découverts. Quelqu'un sait qui vous êtes. Changez de planque le plus tôt possible.

-Comment…

-J a été assassiné, Heero. Nous avons pu, par chance, détecter une infime piqûre au niveau du cou, par laquelle un poison a apparemment été injecté. Nous en avons retrouvé des traces sur les bords de la blessure. Nous souhaitons que vous vous démerdiez pour retrouver le coupable. Sans prendre trop de risques, néanmoins. Et si vous le sentez mal, vous pouvez revenir à tout moment en vitesse.

-Nous vous donnerons nos nouvelles coordonnées dès que possible, G. Nous restons, bien sûr.

-Nous attendrons vos rapports. Merci pour J, Heero …Et ho, attend !

-Hn.

-Nous voulons le salopard vivant.

:

-Ils sont à toi, ma petite.

Une voix chuchotante, un souffle frais sur l'oreille. Une main qui tend un document. Une main ridée, mais douce. Des yeux rieurs, à l'éclat fané mais vif. Un visage encadré par une chevelure d'un blanc éclatant.

-Merci, Mme Meier.

La petite vieille s'éloigna en riant sous cape, sa robe blanche ondulant autour d'elle.

On aurait dit une petite fille, une petite fille de 80 ans. Une petite fille qui aurait fait une bêtise, mais qui en rierait doucement, démon sous un masque très blanc.

Puis elle revint sur ses pas rapidement, gloussant, se pencha sur l'infimière et lui dit tout bas :

-Vous êtes peut-être pas la plus belle, mais vous êtes la plus gentille, et ça vaut mieux, croyez moi…

La vieille disparut.

« Suivons la vioque…

Alors, voyons ce nom. Bien sûr, Herbert Naricot…Mmm.

Et comment un tel nom n'a-t-il pu alerter personne avant moi? Naricot. Tsss…

Et nous y voilà..Docteur J. J'avais vu juste. Et me voici, pilotes de Gundam…. »

:

Ce soir là, Heero trouva un second mot sur son lit.

Il le lut, et ses yeux brillèrent, brillèrent…jusqu'à ce que se condensent, sur ses cils inférieurs, deux gouttes salées, qui s'écrasèrent au sol silencieusement.

:

Le matin

:

-C'est pas vrai ! Non mais c'est une purée de blague, là ? Qu'est ce que les internes foutent, dans cet hôpital ?

La doctoresse secoua doucement, en restant prudemment à distance. Avec elle, on était jamais trop prudent.

-Vous avez dormi dans le couloir ? Vous abusez, Mme Meier… Mme Meier !?

La femme médecin inspira brusquement, les yeux écarquillés.

-Il y a un problème, Mme Scherman ?

Claire était derrière elle. L'autre sursauta, la main sur le cœur. Elle détestait ce genre de situation, les pires du métier, et Claire la répugnait à être furtive, comme ça !

-Eloignez les autres patients, Claire. Il n'y a plus rien à faire. Appelez Simone et les autres. Il nous faut aussi une civière.

-Comment ?

-Elle a dû mal tomber…Seigneur…Vraiment mal tomber..Avec cette habitude de se lever la nuit, aussi !

Les deux femmes se penchèrent sur la morte et la doctoresse écarta une nouvelle fois le rideau de cheveux blancs, doucement.

Derrière, le cou de la patiente formait un angle bizarre avec son corps.

Sur son visage, aucune trace de douleur. Presque un sourire. Un sourire de petite fille.

:

-Je ne sais pas écrire de poème, moi.

Duo releva la tête. Heero le regardait de la porte de la chambre.

-Heero ? C'est pour ça que je t'ai trouvé ceux là. Ils sont beaux, hein ?

-Très, oui.

Heero s'approcha, s'assit sur la couchette.

-Tu lis quoi ?

-Un recueil.

-Ah.

Duo se sentit devenir écarlate sous le regard neutre du Japonais.

-Tu choisissais de nouveaux poèmes ? Pour moi ?

-Hem…

-Je peux les lire avec toi ?

Alors, ça vous a plu ?

Bon, y'a pas de sexe, y'a pas d'action. Certes.

Ya pas trop d'intrigue. Certes.

Mais y'a de la joie ! Y'a de la joie ! Y'a..y'a de la joie…

Ah ben non…en fait, y'en a même pas.