Bonjour à tous !

Me revoilà pour une nouvelle fic sur un manga dont, pour une fois, je ne lis pas les scans. Même si j'ai déjà été spoilée sur plein de trucs...
Pour ceux qui me connaissent déjà un peu et qui savent que j'attache de l'importance à rester dans la trame originale de l'auteur, ce ne sera pas du tout le cas cette fois-ci.
Alors si vous vous attendez à ce que je respecte à la lettre les événements du manga, comme j'en ai normalement l'habitude, je ne pense pas que cette fic vous plaira. Par contre, si vous êtes prêt à prendre un virage à 180° après l'arc du titan féminin, je vous prierai d'embarquer et d'attacher vos ceintures !

Je tiens également à préciser que le titre « abaddôn » ne fait pas référence à l'ange de l'abîme mais est ici utilisé comme son sens premier : destruction (en hébreu).

Disclaimer : L'univers de Shingeki no Kyojin ainsi que ses personnages appartiennent à maître Hajime Isayama, mangaka de sa profession. Je ne fais que les lui emprunter et, promis juré, je les lui rendrai (en espérant ne pas trop les avoir abîmés au passage... mais ça j'en doute XD).

Remerciements : Un grand merci à mon amoureux qui m'aide à écrire cette fic en étant mon beta-reader. Merci également à Melloan qui avait accepté de jouer ce rôle dans un premier temps avant que mon homme ne s'impose dans l'affaire.


Chapitre 1 - Peur et sentiments


La chute du mur Maria fut comme une piqûre de rappel. Leurs ennemis, monstres implacables et brutaux, étaient en train de gagner la guerre. Et bien qu'ils soient dénués d'intelligence, ils étaient parvenus à réduire la population restante à une simple poignée d'individus : l'humanité était condamnée. Elle courait à sa perte et c'était une évidence que tous avaient appris à accepter.

Les titans finiraient par les décimer.

Mais l'homme est de nature téméraire et les soldats du bataillon d'exploration ne voulaient pas croire en cette fin. Alors ils se battaient, pour leur survie, pour celle des autres, pour l'éradication de l'ennemi.

Lorsqu'une épée de Damoclès vous menace, faut-il rester sagement à attendre qu'elle s'abatte ? Ou bien est-il plus sensé de chercher un moyen pour l'empêcher de tomber ?

C'est parce qu'elle refusait d'avoir peur et qu'elle ne voulait pas vivre dans un tel monde que Petra avait rejoint l'armée. Quitte à mourir entre les dents d'un titan, au moins elle se serait battue pour le futur paisible auquel elle aspirait tant.

Vivre pleinement, quitter cette terre sans regret, c'était ce qu'elle s'était promis.

Alors, comme bien souvent lorsqu'elle en avait l'occasion, elle montait sur le toit du quartier général peu avant l'aube. Elle aimait voir le soleil se lever et ne s'en privait pas.

Assise sur le faîte du toit, elle s'était emmitouflée dans sa cape, les genoux ramenés au plus près de sa poitrine afin de se protéger de la fraîcheur matinale. Elle attendait patiemment le retour de l'astre solaire, les yeux rivés sur l'horizon et lorsque l'aurore commença à teinter le ciel, la magnificence du spectacle qui s'offrit à elle gonfla son cœur d'un sentiment de bien-être.

Elle aimait ces couleurs chaudes, l'orange en particulier, et leur contemplation ne manquait jamais de faire resurgir dans sa mémoire les moments heureux ou importants qu'elle ne voulait pas oublier.

Le souvenir de la première fois où elle avait eu un véritable échange avec le caporal Livaï s'imposa à elle. Cela s'était passé il y a un peu plus de deux ans, peu après son affectation au régiment. Elle se rappelait cette conversation comme si c'était hier : il était assis exactement à l'endroit où elle se trouvait. Un léger sourire sur les lèvres, elle se laissa envahir par la réminiscence de ce qui avait marqué le début de leur relation.


Ce matin-là, Livaï occupait déjà la place qu'elle se réservait habituellement. Dos à elle, il tentait frénétiquement d'allumer sa cigarette.

L'énervement qui émanait de lui contrastait totalement avec l'image du soldat froid et détaché qu'il arborait en permanence.

Il ne fut pas difficile pour la jeune fille de deviner l'origine du stress de l'officier. En effet, bien qu'à cette époque elle ne le connaissait pas encore très bien, elle savait déjà qu'il détestait les événements mondains et le « grand bal des explorateurs » venait justement d'avoir lieu la nuit précédente.

Il s'agissait d'une réception qui avait pour but de collecter des donations pour le bataillon et était systématiquement organisée une semaine avant la cinquième expédition de l'année.

Toute la noblesse et les riches familles de la capitale ne juraient que par ce gala.

Sur ordre d'Erwin, en tant que digne représentant du bataillon, il avait été forcé d'y participer. En compagnie du major, d'Hanji, de Nanaba et de Mike, il avait dû passer la nuit à faire des courbettes afin de récolter des fonds.

Constatant que le briquet du caporal ne voulait pas fonctionner, elle décida de lui proposer celui qu'elle avait justement sur elle : ce serait une parfaite opportunité pour engager la conversation.

Saisissant l'objet rectangulaire dans sa poche, Petra s'approcha de son supérieur. Lui qui était continuellement sur ses gardes ne semblait pas encore avoir remarqué sa présence.

Mais il n'en était rien.

Arrivée à moins d'un mètre derrière lui, il se retourna vivement, son bâtonnet de tabac à la bouche, prêt à renvoyer l'importun d'où il venait.

Prise au dépourvu, Petra lui tendit l'appareil dans un geste mécanique. Elle remarqua cependant que les sourcils du soldat s'étaient légèrement relevés lorsqu'il avait réalisé qu'il s'agissait d'elle.

Cela pouvait-il être dû à de l'étonnement ?

Elle en doutait.

Il se contenta de prendre le briquet qu'elle lui présentait, reprit sa position initiale, alluma finalement sa cigarette avant tirer dessus et d'expirer un nuage de fumée.

Il la suivit du regard lorsqu'elle vint s'asseoir à côté de lui puis reporta à nouveau son attention sur l'horizon.

- Merci, dit-il en voulant lui rendre son bien.

- Gardez-le, je n'en ai pas l'utilité.

C'était un mensonge, bien entendu, mais elle était heureuse de pouvoir le lui offrir.

Il inclina la tête dans un geste gratitude et le rangea dans sa veste.

Intimidée par son supérieur, Petra ne trouva aucun sujet de discussion. Elle avait beau se triturer les méninges, le silence commençait à s'étirer. Au final, ce fut lui qui le brisa :

- Qu'est-ce que tu fais ici ?

La jeune fille le remercia intérieurement d'avoir parlé le premier et pointa son doigt en direction du ciel qui commençait à s'éclaircir.

- J'aime bien admirer le lever de soleil de temps en temps.

Il esquissa un sourire qui disparut rapidement, à tel point qu'elle se demanda si elle ne l'avait pas imaginé. Elle en resta dubitative : en deux mois d'entraînement sous sa surveillance, elle n'avait jamais vu la moindre émotion transparaître chez lui. La cigarette le détendait-elle à ce point ?

Alors que la luminosité augmentait avec l'apparition du soleil, Petra se sentait de plus en plus mal à l'aise. Le silence, qu'ils avaient conservé depuis leur dernier échange commençait à lui peser, car plutôt que de se distraire avec une conversation banale comme elle l'avait espéré, son cerveau tournait à cent à l'heure. Elle réalisait peu à peu que dans une semaine allait débuter sa première expédition. Et bien qu'elle se fasse violence pour montrer du courage et de la détermination, elle n'arrivait plus à contenir la terreur qui lui dévorait les entrailles.

Ses mains commencèrent à trembler, elle tenta de contenir ses spasmes en se recroquevillant sur elle-même et en agrippant ses jambes. Mais c'était peine perdue.

Des larmes s'échappèrent malgré elle de ses yeux et lorsqu'elle osa tourner la tête vers son supérieur pour vérifier qu'il n'avait rien remarqué, elle constata que son regard était rivé sur elle.

Honteuse qu'il la voie dans un tel état, elle ne put que se confesser d'une voix à peine audible :

- J'ai peur...

Il soupira et écrasa son mégot. De ce simple geste, il lui signifia qu'il était prêt à l'écouter. Elle continua donc sur sa lancée :

- Je n'ai jamais vraiment supporté l'idée que d'autres meurent pour ma sécurité sans rien faire de mon côté pour me protéger moi-même. Alors je me suis convaincu qu'il fallait que je me batte. Sinon comment vivre heureux avec cette menace qui plane sur nous en permanence ? Maintenant que j'y suis, que je vais réellement devoir affronter des titans, je ne peux pas m'empêcher de penser que ce n'était peut-être pas une si bonne idée que ça. Se battre pour la liberté, pour la survie… J'ai peur de ne pas être à la hauteur, de me faire broyer par le premier titan que je croiserai. J'ai peur d'y rester…

Livaï se releva et Petra crut un instant qu'il était en train de s'en aller. Mais il n'en fut rien, il se contenta de détourner son regard de la jeune fille pour le reporter sur l'horizon.

Ce discours, il devait déjà l'avoir entendu tellement de fois…

Le caporal laissa s'échapper un long soupir d'exaspération et lui répondit sans la regarder :

- Tu sais, Ral, les titans sont juste de gros Bibendum débiles. Il faut se méfier des déviants, mais les autres sont tellement cons que les tuer en devient presque facile. Tant que tu es rapide et précise, tu les auras sans difficulté. Après, le tout est de savoir si tu auras le courage de les abattre le moment venu ou si tu resteras figée à te pisser dessus en attendant qu'ils te bouffent.

Il enjamba le faîte du toit et commença à redescendre.

- Y'a pas trente-six façons de les affronter, c'est eux ou toi. La seule chose que tu dois garder en tête, c'est que tu veux vivre.

Étonnée par sa tirade, Petra en resta pantoise. Il n'avait finalement pas pris de gants avec elle et c'était tout aussi bien.

Elle le regarda se diriger vers la trappe qui lui permettrait de retourner à l'intérieur et essuya ses yeux. Elle se leva d'un bond :

- Caporal !

Livaï se retourna, mais il ne distingua pas son interlocutrice tant le soleil l'inondait de sa lumière, formant un halo autour d'elle.

- Voulez-vous prendre une tasse de thé avec moi ?

- Pourquoi pas.

Heureuse que son supérieur ait accepté l'invitation et soulagée de s'être enfin confiée à quelqu'un, Petra retrouva instantanément sa bonne humeur.

C'est avec un grand sourire qu'elle lui emboîta le pas.


Depuis ce jour, elle s'était peu à peu imposée au caporal comme son aide de camp et il ne s'en était jamais offusqué. Bien au contraire, il semblait apprécier l'aide que lui apportait la jeune femme.

Elle s'occupait pour l'essentiel de son bien-être, mais elle n'en négligeait pas pour autant son devoir de soldat. Son tableau de chasse était l'un des meilleurs des jeunes recrues et elle avait passé son baptême du feu haut la main, portée par le discours qu'il lui avait tenu.

Un jour, elle avait trouvé le courage de lui demander pourquoi il l'avait réconforté ainsi, alors qu'elle l'avait vu insulter bon nombre de soldats qui lui avaient fait la même confession. Il lui avait simplement répondu qu'il ne supportait pas la lâcheté et qu'il savait à ce moment-là que la couardise ne faisait pas partie de son tempérament.

Ainsi, de cette position privilégiée, elle avait pu en apprendre un peu plus sur la personnalité de Livaï : elle ne se serait jamais doutée qu'il était en réalité une personne très expressive. Il ne fallait pas chercher à interpréter son attitude, il ne fallait pas non plus chercher une émotion sur son visage de marbre. Si on arrivait à plonger son regard dans le sien, ses yeux étaient suffisamment parlants.

Les souvenirs de ces précieux moments s'effacèrent lentement pour faire revenir Petra à la réalité.

Elle releva la tête pour jeter un dernier coup d'œil au soleil qui commençait à s'élever au-dessus de la forêt puis se dirigea vers l'intérieur du bâtiment.

La journée s'annonçait particulièrement belle.


Une tasse de thé posée sur un plateau, Petra venait de quitter les cuisines du mess pour apporter son breuvage au caporal. Elle était en train de monter les escaliers pour se rendre au troisième étage, celui qui était réservé aux officiers, lorsqu'elle croisa Erwin.

Elle voulut se mettre au garde-à-vous devant son supérieur, mais cela lui était impossible puisqu'elle avait les mains prises.

Le major, qui connaissait son dévouement pour le plus compétent de ses soldats, fut soulagé de la rencontrer et ne prêta aucune attention au fait qu'elle ne l'avait pas salué.

- Soldat Ral ! Vous tombez bien ! Je cherche justement le caporal Livaï, mais je n'arrive pas à le trouver. J'ai l'impression qu'il s'emploie à m'éviter depuis ce matin…

Elle ne put empêcher un petit rire de franchir ses lèvres, qu'elle réprima bien vite, confuse de s'être laissée aller.

Erwin lui lança un regard réprobateur et attendit son explication.

- Voyons major ! Nous sommes samedi, jour de grand ménage pour notre cher maniaque de la propreté.

Cette remarque cynique, totalement décalée avec la personnalité de la jeune femme, le fit sourire à son tour. En effet, comment avait-il pu oublier ce trait de caractère si particulier de son subordonné ?

- Je suppose que ce thé est pour lui.

- Affirmatif !

Le major mit alors en évidence le dossier qu'il tenait.

Il n'eut pas besoin d'exprimer sa requête pour que Petra la comprenne.

- Pas de problème, je vais le lui apporter.

Avec un sourire de remerciement, Erwin déplaça la tasse sur le bord du plateau avant d'y poser la chemise qui contenait les documents.

Alors qu'il la laissait, il ne put s'empêcher d'ajouter :

- Je commence à comprendre pourquoi il ne peut plus se passer de vous. Il faudra songer à vous donner un statut plus officiel. Vous ne pouvez pas continuer à occuper deux postes à la fois.

Bien que déconcertée par les paroles de l'officier, elle se reprit toutefois rapidement et décida de ne pas s'en formaliser puis recommença son ascension.


Petra frappa à la porte des appartements de Livaï et attendit l'autorisation d'entrer. Au bout de quelques instants, elle dut renouveler l'opération et cette fois-ci, la réponse ne se fit pas attendre :

- Foutez le camp !

Avec un soupir las, elle pénétra dans la pièce. À coup sûr, il allait l'accueillir avec un regard noir, mais elle savait par expérience qu'il ne lui en tiendrait pas rigueur, surtout si elle lui apportait du thé.

Dans la chambre, les fenêtres étaient grandes ouvertes. Les meubles avaient été dépoussiérés, le lit fait au carré et les chaises de la petite table et du bureau avaient été mis en hauteur.

Livaï, le balai à la main dans sa tenue spéciale de combat contre la saleté, était en train de laver le sol à grandes eaux.

Il s'était figé, le corps tendu comme un arc, lorsque la jeune femme avait osé pénétrer dans la pièce malgré l'ordre contraire qu'il lui avait donné. Ses yeux, pourtant à peine visibles entre ses cheveux qui lui tombaient sur le visage et le mouchoir qu'il avait placé sur son nez, dégageaient une intensité meurtrière. Mais elle en avait l'habitude et n'y prêta pas attention :

- Si vous ne voulez pas de mon thé caporal, je repars avec ! Mais je vous préviens, ce joli petit tas de paperasse, je vous le laisse dans tous les cas, lança-t-elle en agitant le dossier sous le nez de l'officier.

Ce dernier se força à relâcher la tension qui parcourait ses muscles et, tout en abaissant le morceau de tissu qui lui recouvrait la bouche, déclara :

- Ral, si tu continues à braver mon autorité, tu vas finir par avoir des ennuis… Et c'est caporal-chef. Je te rappelle que je viens d'être promu.

Il posa son balai contre le mur puis se dirigea vers sa subordonnée afin de prendre la tasse qu'il commença à boire aussitôt.

- Oui, oui, je m'en souviens… C'est juste que je n'ai pas encore l'habitude… caporal-chef, appuya-t-elle avec un sourire. C'est d'ailleurs pour ça qu'Erwin vous donne du travail à faire pendant le week-end.

Elle recommença à secouer le dossier, ce qui eut pour effet d'irriter Livaï qui attrapa son poignet pour la forcer à arrêter son geste.

- Tu prends décidément trop de libertés avec ton supérieur, fit-il remarquer en prenant les documents de la main de Petra qu'il n'avait toujours pas lâchée.

La jeune femme, qui était certes d'un naturel démonstratif, n'en resta pas moins troublée par ce contact inattendu.

Sans douceur, elle se dégagea de son emprise et se détourna pour cacher sa gêne.

Livaï était au courant du faible qu'elle avait pour lui et cela l'amusait de la voir réprimer ses sentiments. Il se demandait combien de temps il lui faudrait encore avant de les assumer.

En quelques secondes, elle vint se pencher par-dessus son épaule, curieuse de connaître la teneur des papiers.

- 'tain Petra ! Tu le fais vraiment exprès ! Tu cherches réellement le blâme !

Elle s'écarta vivement et, en lui tirant la langue, se dirigea vers la fenêtre la plus proche avant de s'y accouder. Son regard se perdit dans la forêt qu'il y avait au loin.

Après un petit moment de silence, elle finit par demander simplement :

- De quoi ça parle ?

- Erwin veut que je forme des binômes pour la prochaine expédition.

- Pourquoi maintenant ? C'est dans deux mois.

- Il veut que les binômes s'entraînent pour être parfaitement opérationnels.

Elle ne put s'empêcher de faire la moue lorsqu'elle se retourna pour faire de nouveau face à son supérieur. Mais cette grimace qui se voulait discrète n'échappa pas à Livaï et il vit l'occasion parfaite de la pousser un peu plus dans ses retranchements.

- Avec qui veux-tu faire équipe ?

La question était déroutante et la jeune femme ne sut quoi répondre.

Après un moment de flottement, elle déclara simplement :

- Comme vous voulez, ça m'est égal.

Exactement la réponse qu'il attendait.

- Très bien, tu seras avec Auruo…

Il attrapa une plume sur son bureau pour noter les noms des deux soldats sur une page blanche. Il releva la tête vers elle juste avant de les inscrire pour demander confirmation :

- Ça te convient n'est-ce pas ?

Il pouvait lire sur le visage de Petra que ça n'était pas le cas.

Elle ne supportait pas l'arrogance de son camarade, les grands airs qu'il se donnait et, avec le temps, l'envie de lui tordre le cou ne faisait que croître en elle à chaque fois qu'il essayait d'imiter son cher caporal.

« Tout le monde sauf Bossard », il le savait, mais il voulait qu'elle l'énonce clairement.

Elle se contenta de secouer la tête de manière affirmative.

Quelque peu déçu, mais n'en montrant rien, Livaï coucha sa décision sur le papier avant de reprendre son balai et de continuer le nettoyage du sol.

- Vous voulez un coup de main ?

- J'ai presque terminé, tu peux disposer.

Elle reprit la tasse vide ainsi que le plateau et quitta la pièce sans un mot de plus.


À l'ombre d'un grand chêne, dans les jardins du quartier général, Petra venait de terminer le livre qu'elle avait emprunté à Hanji. C'était un très vieux recueil de contes, écrits par les frères Grimm, bien avant l'apparition des titans. Il ne restait que très peu d'ouvrages de ce type, ce qui en faisait un bien très précieux. La scientifique avait finalement consenti à le lui prêter « au nom de leur grande amitié » après plusieurs mois de chantages et supplications en tout genre.

Elle détendit ses muscles endoloris d'être restés trop longtemps dans la même position, prit quelques grandes inspirations et profita du paysage qu'elle avait sous les yeux.

La fraîcheur ne tarda pas à tomber, ce qui était normal après tout pour un début de printemps.

Elle se leva, épousseta son pantalon et se dirigea vers l'entrée principale du bâtiment. À peine avait-elle franchi la porte qu'Erd l'interpella :

- Petra ! Sais-tu où est le caporal Livaï ? Le major Erwin le cherche partout…

- Décidément, il ne peut plus se passer de lui ! T'inquiète pas, je vais le trouver.

Et elle partit en direction du quartier des officiers. Il y avait fort à parier qu'il n'avait pas quitté sa chambre de la journée au vu de la tonne de paperasse que le major lui avait confiée.

La pensée qu'il allait regretter d'avoir pris du galon à cause de tout ce travail administratif supplémentaire la fit sourire.


Petra frappa pour la cinquième fois à la porte des appartements de son supérieur. Elle était certaine qu'il se trouvait à l'intérieur, mais aucune réponse ne se faisait entendre.

Perdant patience, elle accompagna le sixième coup d'un appel :

- Caporal Liv… Caporal-chef Livaï ! C'est Petra, je sais que vous êtes là ! Répondez !

Elle attendit à nouveau, mais seul le silence lui parvint.

- Caporal-chef ! Le major Erwin vous cherche ! Répondez-moi s'il vous plaît !

Elle commençait à pester intérieurement. Voulait-il l'agacer parce qu'elle s'était introduite dans sa chambre sans sa permission le matin même ? C'était réussi !

- Caporal-chef je vous préviens ! Si vous ne répondez pas, j'entre !

Mais il ne se manifestait toujours pas. Tant pis, il était prévenu.

Elle tourna la poignée et fit lentement pivoter la porte sur ses gonds. Elle passa simplement la tête par l'ouverture pour vérifier qu'il était bien à l'intérieur.

- Caporal ?

Elle finit par pénétrer totalement dans la pièce avant de refermer doucement derrière elle.

Il était effectivement là, à moitié allongé sur son lit, dormant d'un sommeil profond, les documents qu'il lisait éparpillés autour de lui.

Toujours avec son livre dans les mains, elle s'accroupit et ramassa les feuilles qui se trouvaient par terre avant de s'occuper de celles qui étaient sur le lit. Elle en fit une pile qu'elle posa sur le bureau avec son ouvrage avant de revenir vers l'officier.

C'était étrange, elle connaissait assez bien Livaï pour savoir qu'il ne baissait jamais complètement sa garde même lorsqu'il dormait. Alors pourquoi ne l'avait-elle pas réveillé quand elle avait frappé à la porte la première fois ? Faisait-il semblant d'être assoupi ?

Non… Sa respiration était lente et son visage affichait une expression détendue.

Il était bel et bien dans les bras de Morphée.

La jeune femme se pencha vers lui et essaya de le réveiller en douceur.

- Caporal-chef, réveillez-vous, ce n'est pas encore l'heure de dormir…

Aucune réaction. Elle réfléchit un instant et décida d'adopter une approche différente. Ainsi, elle essaya les « Au feu ! », « Les titans attaquent ! », « Hanji vous cherche pour réaliser une de ses expériences ! » ou encore « Vous avez mal nettoyé votre chambre ! ». Elle s'était cachée derrière le bureau avant de lancer cette dernière phrase, certaine d'obtenir une réaction de sa part, mais décidément rien n'y faisait…

Elle se releva et décida d'abandonner les formules respectueuses.

- Livaï debout !

Elle soupira, était-ce peine perdue ? Elle se rapprocha de lui.

- Livaï si tu fais semblant, c'est pas drôle… Réveille-toi !

Elle s'assit sur le bord du lit, posa sa main sur son épaule et le secoua.

- Livaï…

Complètement découragée, Petra ne savait plus quoi inventer pour le faire émerger. Depuis quand avait-il le sommeil aussi lourd ?

- Livaï ! le secoua-t-elle encore, un peu plus fort que la dernière fois.

Sans succès…

Elle leva les yeux au plafond avant de parcourir la pièce du regard à la recherche d'une autre idée. Son attention fut attirée par le livre d'Hanji et l'un des contes qu'elle avait lus lui revint en tête.

- Arrête de penser à des bêtises, s'intima-t-elle. Pas moyen que tu fasses ça…

Elle soupira et se retourna vers son supérieur dont la torpeur restait imperturbable.

Elle se surprit à détailler son visage, c'était la première fois qu'elle en avait l'occasion et elle releva quelques indices qui lui permirent de confirmer la rumeur qui disait qu'il était plus âgé qu'il n'y paraissait. Il avait réellement dix ans de plus qu'elle.

Son regard s'arrêta finalement sur ses lèvres légèrement entrouvertes.

- T'es qu'une idiote Petra, murmura-t-elle pour elle-même.

Elle posa sa main de l'autre côté du corps du caporal afin de se stabiliser et commença à se pencher vers lui. Elle replaça derrière son oreille la mèche de cheveux qui venait de lui tomber devant les yeux sans pour autant stopper sa progression. Mais, encore hésitante, elle s'arrêta à une quinzaine de centimètres de sa bouche.

« Tu peux le faire Petra, vas-y ! » s'encouragea-t-elle mentalement.

Elle inspira légèrement pour se donner du courage.

Au moment précis où elle se décida, Livaï ouvrit les yeux, la pétrifiant sur place.

Elle était quasiment couchée sur lui, mais ne le touchait pas, comment avait-elle pu le réveiller ?

Il fronça les sourcils instantanément et son visage retrouva la seule expression qu'elle lui connaissait.

Complètement paniquée, Petra tenta de se dégager de cette situation, mais il fut plus rapide.

Alors qu'elle tentait de s'éloignait de lui, Livaï attrapa l'arrière de sa tête avec sa main, l'empêchant ainsi de se relever, et combla les derniers centimètres qui les séparaient en se redressant légèrement.

La surprise passée, elle ferma les yeux et répondit au baiser.

Lorsqu'ils se séparèrent, l'expression de Livaï était toujours aussi froide qu'à l'accoutumée.

- Qu'est-ce que tu fiches ici ?

Elle en resta coite : il ne ferait aucun commentaire sur ce qu'il venait de se produire.

- Le major Erwin vous cherche… répondit-elle d'une voix cassée.

Sans douceur, il la repoussa.

Le caporal se leva et se plaça devant le miroir qui était accroché au mur au-dessus de sa commode, réajusta son uniforme puis passa les doigts dans ses cheveux afin de les remettre en place pour finir par se diriger vers la porte.

- Caporal !

Il s'arrêta, la main sur la poignée et planta son regard glacial dans celui de Petra.

- Pourquoi m'avez-vous embrassée ?

L'intensité de ses yeux augmenta encore plus, fallait-il vraiment qu'il se justifie ?

- Quand on commence quelque chose, on termine.

La réplique fut cinglante et il quitta la pièce, laissant la jeune femme complètement perturbée et tremblante assise sur son lit.


À suivre...


J'espère que ce chapitre vous a plu et que vous me laisserez plein de commentaires pour me dire ô combien vous attendez la suite ;)
Merci pour votre lecture !