La nuit était sombre, la lune et les étoiles voilées par une épaisse couche nuageuse. Un étrange brouillard s'était levé un peu plus tôt dans la soirée, et on n'y voyait pas à vingt mètres. La ville entourée de ce surnaturel manteau dormait, aveugle à la scène qui se jouait.
Sur le toit de l'Hôtel de Ville, le monstre difforme au masque blanc et aux longs membres décharnés comme ceux d'un squelette hurla. Un son strident, multiple, sortit de sa gueule, comme si les milliers d'âmes des innocents dont il s'était nourri avaient hurlé avec lui. Le cri déchira le calme de la nuit et fit trembler l'air.
Une jeune femme faisait face à l'aberration. Elle se tenait sereine, immobile, le visage impassible. Ses grands yeux ne reflétaient nulle peur, ni haine ou dégoût face au monstre qui s'était mis à baver depuis qu'il avait ressenti sa présence. Ses cheveux ondulaient au gré de la petite brise glacée, ainsi que son uniforme noir de Dieu de la Mort. La peau nue de sa nuque frémit. Elle n'avait pas encore dégainé son sabre, accroché à sa ceinture.
- Ton âme a une odeur délicieuse, Shinigami... Elle sent la cannelle et la pâte de haricot sucrée. Je vais m'en délecter jusqu'à la moindre miette, éructa la monstruosité, en se pourléchant ce qui lui servait de lèvres.
La jeune femme ne répondit rien, se contenta d'un petit mouvement de bouche, qui aurait pu passer pour un sourire et fit glisser ses doigts fins dans sa chevelure courte. Puis, sans préavis, elle bondit agilement en direction du monstre pour atterrir deux mètres derrière lui. L'aberration voulut rire mais n'en n'eut pas le temps, son corps de désagrégea en des millions de petites particules brillantes qui s'élevèrent vers le ciel comme des cendres portées au gré du vent. Il disparut sans une plainte.
La fille soupira, blasée. Elle s'en tirait sans dommage, et avait éliminé un monstre, un Hollow, dévoreur d'âmes innocentes, mais cela ne semblait lui procurer aucune satisfaction ni aucune joie. Elle regarda la ville qui s'étendait à ses pieds, théâtre de souvenirs ô combien précieux qui remontaient dans son cœur par vague. Ici, la boulangerie, là-bas, le gymnase, plus loin, le lycée. Encore plus loin, caché à son regard, son appartement.
Sa lèvre inférieure trembla et ses yeux commencèrent à lui piquer un peu. Ce n'était pas le froid. Quelques spasmes la secouèrent mais elle se retint.
Son esprit peu à peu se vida. Sa respiration se calma, ainsi que son rythme cardiaque. Rien ne changera plus ce qui est. Ce qui est fait est figé. Elle regarda le paysage endormi pour le fixer en elle.
Dans le froid glacé de la nuit, son visage de porcelaine semblait lui aussi à jamais figé.
Not at Random
Voici le premier prélude de cette fic qui me trotte dans la tête depuis un moment.
A dans une semaine pour le premier chapitre de cette fic.
Merci à FreedomPen (pour ses encouragements), Pluie de pétale Sakura.
Vous êtes de véritables sources d'inspiration.
