Evasion

Prologue

La Terre - AC 204 - 20 septembre

Réléna Darlian Peacecraft Yuy en avait marre. Mais alors, vraiment très marre ! Comme jamais auparavant elle n'en avait eu marre ( et pourtant, il y avait eu des jours où...).

Marre de quoi ? De tout ! A commencer par son époux qui commençait sérieusement à la gaver avec ses recommandations, ses appels à la prudence. Un comble si l'on songeait à tous les risques que lui avait pris pendant la guerre. Bon, d'accord, lui n'était pas enceint alors et ne le serait jamais. Mais elle ne l'était que depuis deux mois et cela ne la rendait pas aussi fragile qu'il semblait le croire ! Elle pouvait sortir dans le jardin sans pour autant risquer d'attraper froid tout de même. Surtout, elle POUVAIT FAIRE L'AMOUR ! Mais elle avait eu beau le lui expliquer, livres en main pour appuyer ses dires, rien à faire, il avait décidé que ce genre d'activité pourrait nuire à l'enfant. Du coup, ceinture ! Abstinence forcée ou obligation de se débrouiller seule (elle pouvait tout de même pas prendre un amant, pas elle).

Le plus risible, c'est qu'ils étaient sur le point de demander le divorce, au mépris de toutes les convenances et des réactions que cela susciterait immanquablement, lorsqu'elle avait découvert sa grossesse.

Six ans d'attente, trois ans de fiançailles (excuse moi Réléna, Wufei a besoin de moi pour une mission, etc...) 5 mois de mariage et un divorce avorté. Pas brillant comme situation. Pas brillant du tout.

N'importe qui se serait tapé la tête contre les murs ou aurait piqué une crise de nerfs, voire tenté d'abattre son conjoint. Pas elle.

Premièrement parce qu'elle était qui elle était et qu'on ne porte pas moins de trois noms prestigieux sans devoir faire quelques efforts et quelques concessions.

Deuxièmement parce que l'on ne l'aurait pas laissé faire et que cela aurait définitivement ruiné son image de marque et celle de sa famille.

Troisièmement parce que l'on abat pas un type comme Heero Yuy comme l'on dégomme un pigeon d'argile dans un stand de tir (oui, elle avait appris à tenir et à se servir d'une arme depuis le temps qu'elle le fréquentait, cela lui avait semblé préférable).

D'accord, elle avait envisagé l'option "faire disparaître le gêneur", mais elle avait renoncé. Elle n'avait aucune chance d'y parvenir elle même, même si elle se débrouillait pas mal au tir, elle ne pouvait pas plus recruter un tueur pour le faire à sa place, les types capables de buter Heero Yuy se comptaient sur les doigts d'une seule main et, manque de pot, ils étaient ses amis, donc aucun espoir de ce côté, elle serait la seule à se faire descendre si elle avait l'audace de leur présenter une telle requête.

Et puis, malgré tout, elle l'avait aimé ce casse pieds, elle l'admirait toujours d'ailleurs, ne plus aimer quelqu'un ne signifie pas forcément le haïr...

En tout cas, résultat des courses, elle était toujours mariée, enceinte de deux mois, malade tous les matins et obligée de se cacher pour soulager sa misère sexuelle. Comme en cet instant dans la douche.

Ca a l'air de rien une douche, la plupart des gens n'y passent que pour se laver en vitesse. Elle aussi était de ceux-là quelques temps plus tôt, avant que son époux décide de supprimer la gaudriole. Plus maintenant. Elle avait découvert qu'une douche pouvait servir à tout autre chose que l'hygiène corporelle : l'hygiène mentale y trouvait aussi son compte si l'on savait utiliser les options du jet de façon intelligente. Rien de mieux pour se détendre après une journée entière de frustration.

Mine de rien Réléna Darlian Peacecraft Yuy était en train de devenir une droguée du pommeau de douche et surtout de son option "massage". Elle y pensait toute la journée, elle comptait les heures, les minutes et même les secondes qui la séparait de sa douche du soir, celle qu'elle prenait juste avant d'aller se coucher, bien sagement aux côtés de son tortionnaire de mari.

Elle est sur le point de parvenir à la délivrance lorsque des coups vigoureux sont frappés à la porte.

- Réléna, tout va bien ?

La voix de son époux, aussi calme que si il lui demandait l'heure. Tout désir envolé elle ferme les robinets et s'enroule dans une serviette.

- Tout va bien ! Je sors !

"Si ce n'est que tu viens de me gâcher ma douche..."

Cette fois, elle n'en peut vraiment plus, il faut qu'elle fasse quelque chose pour s'évader de cette vie. Elle pensait qu'elle serait plus libre lorsque, après son mariage, elle avait cessé ses activités de vice ministre pour se consacrer à son couple. Mais elle se trompait, elle n'a fait que se condamner à vivre dans une cage dorée. Elle est toujours prisonnière des apparences, de ses origines et de son statut social. Sa seule victoire a été de remplacer la limousine rose que son père lui avait offert pour ses six ans par une blanche et sa seule révolte d'acheter en secret une jaguar elle aussi blanche qu'elle tient dans un garage et qu'elle bichonne faute de pouvoir la conduire elle même et refusant de laisser quelqu'un d'autre en prendre le volant. Elle a beau savoir conduire, personne dans son entourage ne veut la laisser partir seule au volant de son petit bijou. Autre sujet de frustration pour elle.

Elle s'endort sur une question obsédante : "Comment m'évader de cette vie ?".

Lorsqu'elle sort du sommeil elle est seule dans le lit conjugal, son époux est déjà parti depuis des heures, levé à l'aube comme à son habitude il est parti sans faire de bruit, sans même l'éveiller d'un baiser.

Elle fait la moue, vraiment, cela ne peut plus durer ! Et soudain, l'idée lui vient, éblouissante, si séduisante, si parfaite qu'elle ne peut que la mettre à exécution sans tarder. Mais pour ce faire elle a besoin de l'aide de quelqu'un. Cette pensée manque briser son élan, trouver quelqu'un ne sera pas vraiment facile, surtout pour accomplir ce qu'elle a en tête. Mais le sourire lui revient très vite. Une seule personne peut accepter de lui venir en aide, même si elle aura sans doute du mal à la convaincre.