Chapitre 1 : Souvenirs d'un regard azur…
Alors que le soleil est haut dans le ciel, moi j'en profite pour m'accorder une petite pause à l'ombre d'un cerisier, quelque part à l'abri des regards indiscrets dans la cour de l'école. Je ne tiens pas à être dérangé pendant ma sieste…
Baillant allègrement, je m'allongeais sur la pelouse moelleuse. Ah… Une place de choix.
Ah tiens, j'aperçois la Prez' un peu plus loin… Elle a l'air de martyrisé des premières années. Un léger sourire se dessine sur mon visage. Bien sur, c'est son passe-temps préféré d'empêcher les garçons de tourner en rond, j'aurais dû m'en douter. Ce sourire ne me quitte plus.
Ah, mais elle n'est pas seule. Il y a ce mec, là, ce Hinata qui est collé à ses pompes. Pff, c'est vraiment navrant de voir ça. Juste parce qu'elle est son premier amour, il est depuis peu constamment derrière son dos, en rampant à ses pieds. Qu'est-ce qu'il peut être pitoyable ce mec, à s'abaisser à faire ce genre de choses…
Mais attends… Quel est ce sentiment qui s'insinue en moi ?
J'ouvre lentement mes yeux verts, cachés sous mes mèches blondes.
Oui, je sais de quoi il s'agit.
La jalousie.
S'il y a bien un sentiment dont j'ai horreur, c'est bien de la jalousie. Je m'étais pourtant jurer de ne plus ressentir cela, de ne plus m'attacher à quelqu'un d'autre. Mais il semble que j'ai échoué…
Des souvenirs refaisaient surface en moi, tandis que j'apercevais la Prez' s'avançant rapidement dans ma direction, l'air furibonde…
Flashback :
Une petite fille s'avance vers moi, l'air sûre d'elle. Ses petites couettes brunes volent au gré du vent, tandis qu'elle me fixe de ses grands yeux azurs en se postant face à moi.
-« Dis, pourquoi tu es toujours tout seul ? Pourquoi tu n'essaies pas de te mêler aux autres, ils ne sont pas méchants tu sais ! »
Elle avait une lueur particulière dans son regard, comme une impression de défi. Elle était confiante, et semblait s'entendre avec tout le monde. Alors pourquoi venait-elle vers moi, alors que tous les autres me rejetaient ? Sous prétexte que ma famille était riche, ils me détestaient tous, tous les enfants de la classe. De toute manière, ça m'était égal, je n'avais pas envie de jouer avec eux. Je préférais être seul avec moi-même, au moins je n'avais pas besoin de faire semblant d'être quelqu'un d'autre pour me faire accepter dans leur groupe. Ce ne sont que des pauvres, ils n'ont aucun intérêt pour moi, alors à quoi bon.
-« Allez, viens, joue avec moi ! », m'avait-elle dit en me tenant la main, un sourire éblouissant sur le visage.
J'étais resté éberlué devant son sourire.
Sans me demander mon avis elle m'avait attrapé le bras et m'avait tiré avec elle, en riant joyeusement. Je n'avais pas compris dans quel but elle agissait ainsi. Au début, j'avais soupçonné qu'elle n'en avait qu'après l'argent de ma famille, mais au fil du temps passé avec elle j'avais compris que ce n'était pas ce qui la motivait. Elle n'en avait rien à faire, elle n'était pas comme ça.
Non… Elle était honnête, et généreuse.
-« Je m'appelle Akira Fujiwara. Et toi ? »
Au fur et à mesure, je ne m'étais pas aperçu que je changeais peu à peu. Assez vite, je me surprenais à rire discrètement avec elle de ses pitreries et de ses maladresses. Elle était vraiment la fille la plus maladroite que je n'avais jamais rencontré. Mais je l'aimais bien, elle était la toute première amie que j'arrivais à conserver. La plupart des autres enfants ne supportaient pas très longtemps mon attitude renfermée. Je n'étais pas très bavard, pas très marrant comme petit garçon. Mais au contact de cette petite fille, j'avais changé.
Oui, j'avais irrémédiablement changé.
Elle m'avait à tout jamais changé.
Je n'étais pas amoureux d'elle, non. Je ressentais seulement une profonde amitié pour elle, je la considérais comme la petite sœur que je n'avais pas. Une petite sœur gaie, et très mignonne. Plus le temps passait, et plus je me surprenais à m'ouvrir aux autres et au monde extérieur. Je n'étais plus prisonnier de la bulle que l'on m'avait forgé, elle m'avait en quelque sorte sauvé de tout cela.
Et malgré tout, elle ne m'avait jamais rien demandé.
Lorsque pour la première fois je l'avais remerciée, lorsque j'avais enfin réussi à me faire accepter par mes camarades de classe, sous un cerisier en fleurs, elle ne m'avait répondu qu'une seule chose. Le souvenir de son sourire éclatant de sincérité ce jour-là, je ne pourrais jamais l'oublier.
-« Mais voyons, moi je n'y suis pour rien ! »
Et quelques jours après cela, alors que je l'attendais impatiemment devant les grilles de l'école un matin, on m'apprit qu'elle avait été transférée dans un autre établissement. La nouvelle m'avait surpris, m'avait chamboulé, mais j'avais agi comme si de rien n'était. Je pouvais me débrouiller seul, je l'avais toujours fait, alors je n'étais pas si dépendant de cette fille…
Elle m'avait aidé, son sourire m'avait sauvé de la solitude dans laquelle j'étais enfermé, son rire m'avait fait sortir de ma léthargie.
La seule chose que je regrettais, c'était de ne pas avoir eu le courage de la remercier comme il fallait. J'avais comme la désagréable sensation de lui devoir quelque chose… Et pour moi, c'est assez pénible comme sentiment, je déteste détenir une dette auprès de quelqu'un.
Mais je ne l'ai jamais revue…
Fin du flashback.
Depuis, chaque année pendant la période des cerisiers en fleurs, j'ai toujours une petite pensée pour elle. Je me demande souvent ce qu'elle est devenue, si elle va bien. Et je ne peux m'empêcher de me demander également si elle m'a remplacé. Si elle a aidé d'autres âmes perdues tels que je l'étais. Avec sa gentillesse, je ne pouvais que me dire qu'elle avait dû faire cela. Et je ne cessais de me demander une autre chose…
A qui offrait-elle désormais ces sourires rayonnants ?
A la bonne personne, je l'espérais. J'avoue que cela me faisait comme un petit pincement au cœur tout de même de me dire cela. Elle avait été importante pour moi, pour tout ce qu'elle avait fait, et elle le resterait. Pour moi, elle demeurait la petite fille aux yeux bleus et au caractère sans pareil.
Tiens ! D'ailleurs, en voila une, avec un caractère sans pareil, qui fonce sur moi avec des yeux flamboyants…
-« Yo, Prez'. »
-« Usui ! Qu'est-ce que tu fiches là à fainéanter, alors que tu devrais être en cours à cette heure-ci ! Allez, lève-toi et dépêche-toi ! C'est quoi cette attitude de rébellion, non mais tu vas voir ! »
Je ne pus m'empêcher de sourire.
Oui, Misaki lui ressemblait quelque part. C'est peut-être cela qui m'a attiré vers elle au début… Mais enfin, après tout, elle reste celle que j'aime, malgré son caractère plus qu'autoritaire.
Je me relevais gracieusement, et mis les mains dans mes poches, tandis qu'un léger bâillement m'envahissait. Je pris lentement la direction des bâtiments de cours, et passant près de la furibonde qui m'avait secoué ainsi, je glissais ces quelques mots près de son oreille. J'en profitais pour prendre cette voix suave, qui je le savais la perturbait.
-« Mais voyons Prez', je suis un méchant garçon. Et ce que j'aime par-dessus tout c'est de te voir en colère, tu es d'autant plus attirante. »
J'avais tapé juste, je voyais les joues de Misaki virées au rouge. J'avais quand même mon petit effet il faut dire, je ne lui étais pas si indifférent. Non pas que je doutais de l'attraction magnétique que j'exerçais sur elle, non. Elle avait beau toujours nier, moi je savais que malgré ces protestations, elle aimait le jeu auquel nous jouons depuis notre rencontre. Elle avait beau fuir, je la suivais comme son ombre. Ne dit-on pas « Fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis ». Alors pourquoi se priver. Le petit jeu qui s'était installer entre nous me divertissait, j'aimais voir la Prez' embarrassée. Et j'avais besoin d'être près d'elle, cela m'était devenu nécessaire. Le temps passé loin d'elle me semblait être interminable, je n'attendais qu'une chose : retourner en classe pour la voir.
C'était peut-être ridicule formuler ainsi, mais c'était ce que je pensais réellement. Bien entendu, je n'en parlerais jamais à la Prez', je tiens trop à la vie. Mais il faut dire que c'est assez tentant, rien que pour voir la réaction qu'elle aurait.
Je souris une nouvelle fois.
Oui, ça pourrait être amusant.
Mais pour l'instant, une chose retenait mon attention. Enfin, plutôt une personne.
Shintani Hinata, ce « troisième classe ».
Ce mec, il faut que je trouve une solution pour l'éloigner de la Prez', elle ne fait même plus attention à moi, c'est à ne plus avoir la motivation de venir au lycée. Il est trop envahissant à mon gout. Et Misaki Ayuzawa est chasse-gardée, ça il va bien falloir qu'il le comprenne.
Et je m'en chargerais avec un plaisir quasi-sadique.
Prez', sors vite ton uniforme de Maid du placard, ton cher Maitre vénéré est là.
