Le jour se levait sur le prieuré Glorieuse Sainte-Marie. Eisen Faust, un des moines qui y vivait reclus, se leva rapidement de son lit, afin d'effectuer sa première prière matinale. Les rayons solaires filtraient gracieusement à travers les épais cumulo-nimbus qui tardaient à disparaître, diffusant une lumière ambre et douce.

« Quelle belle journée… Le temps hivernal va enfin toucher à sa fin », intima-t-il. Il n'était pas tout à fait moine mais son initiation se terminait en Mai. Eisen se rendit vers l'autel du monastère, fit son signe de croix, et commença à prier. Après une bonne heure de louanges à dieu, il fut interrompu par le Frère Konrad,

« Pardonnez-moi, mon frère, mais l'évêché de Coblence nous a fait une demande très particulière. »

- « Ah bon ? C'est plutôt rare que l'évêque ait besoin de nous en général. »

- « Selon lui, des villageois auraient aperçu des phénomènes paranormaux à quelques lieues de notre prieuré. Ils suspectent une sorcière d'être à l'œuvre. L'évêque demande que l'on fasse une investigation. Etant donné que les événements ont été reportés par des villageois de votre lieu de naissance, je me disais que vous seriez partant pour intervenir »

- « Je vais y aller. Vous en avez ma parole. »

- « N'hésitez pas à faire usage des runes que je vous ai enseigné, ainsi que de votre masse d'armes dans le cas où vous faîtes face à un être impie.»

Eisen prit le chemin vers la sortie du prieuré, tandis que Konrad murmurait, « Que dieu vous guide Eisen. Je redoute le pire. »

Eisen arriva rapidement dans les environs du modeste village, à l'aide de son fidèle âne, Ralf. Une fois sur place, il constata que les villageois, en panique, fuyaient dans sa direction.

« Partez pendant qu'il en est encore temps, mon frère… Le démon va tout détruire !», cria un des paysans qui courait à toute jambes vers la sortie du village.

Le frère Eisen vit les maisons s'enflammer une par une. Il y avait décidément quelque chose d'anormal. Eisen affronta la panique qui naissait en lui et courut vers les cabanes qui s'embrasaient. Il vit une jeune fille blonde, qui portait un ruban rouge et une robe noire, voler à travers les maisons calcinées… C'était sûrement la créature à l'origine des incendies. Elle passa une nouvelle fois, et sembla remarqua Eisen, lui déclarant :

« Oh. Tiens, un humain. Vous êtes un de ses prêtres hardis qui se croient capable de mettre à terre un être de l'obscurité ? Vous méritez d'autant plus la mort que ces fermiers simplets.»

- « Mon nom est Eisen. Votre présence est dans l'au-delà, esprit. Veuillez y retourner, et il ne vous sera fait aucune violence. »

La fillette rit, puis répondit :

« Ai-je vraiment l'air d'un spectre ? Je suis un Youkai, inculte. Préparez-vous à mourir. »

Le youkai fit quelques gestes de la main, et prononça quelques incantations. Eisen tenta de l'en empêcher en se jetant sur elle, la masse en main, mais celle-ci s'éleva dans les airs. Elle fixa Eisen de son regard malin, puis hurla :

« Tu vas morfler ! Rayon clair-de-lune ! »

La nuit se fit autour du village. C'était une nuit étrange, artificielle, laissant les environs dans une pénombre oppressante. Le ciel était d'un gris foncé, tirant vers le bordeaux. Eisen eut tout juste le temps d'invoquer une rune de protection au sol lorsque deux lasers furent lancés par le youkai. Son sceau de protection fut brisé par les deux lasers, mais Eisen survit cette première vague.

Cependant, la fillette continua de lancer des milliers de sphères d'énergie lumineuses en sa direction, qu'il évita du mieux qu'il put. Profitant d'une ouverture, Eisen s'agrippa à une poutre de la ruine dans laquelle il se trouvait, et porta un énorme coup de masse au démon. Elle fut arrêtée net dans son incantation, et tomba par terre, visiblement vaincue…

Le moine brun prit son pieu et bondit sur le youkai tombé au sol. Tandis qu'il prenait l'élan pour enfoncer son pieu dans le corps de la jeune fille, elle lui lança :

« De grâce ! Je vous dirai tout ce que vous voulez savoir. Mais par pitié, laissez-moi vivre… »

Eisen, perplexe, lui répondit :

« Je vous écoute. »

- « Je me suis rendu ici pour me venger de Richter Belmont. Il m'avait infligé une sévère défaite quand j'étais encore à Gensokyo. J'étais affaiblie, mais pas morte, alors je voulus me venger de lui en détruisant son visage natal.»

- « Vos crimes sont impardonnables. Vous vivez dans un autre monde que le nôtre, et avez tué des dizaines d'innocents sous prétexte d'une vengeance ? »

- « Je ne suis pas tenu à respecter votre morale. Ce qui me console, c'est que Richter va trouver la mort chez les Scarlet… Dîtes bonjour de la part de Rumia si vous le revoyez, hein ? »

Eisen jugea que le youkai s'était partiellement repenti. Au lieu de l'empaler, le moine lui assena un coup de masse. La brume se dissipa lorsqu'elle perdit conscience, laissant le soleil briller chaudement sur le village. Eisen n'avait pas sauvé le bourg à temps, mais, au moins, il s'était occupé du Youkai, qu'il avait envoyé en vol plané à cent lieues du village après l'avoir assommé.

Le contentement d'Eisen était très relatif, cependant. Certains détails l'avait fortement troublés, néanmoins, notamment la référence à ce Richter Belmont, qu'il allait bientôt rencontrer selon elle. Il sortit du village et prit la direction du prieuré, le front en sueur, exténué.

Eisen marchait déjà depuis plusieurs heures sur la route pavée qui reliait le prieuré aux villages environnants. Son esprit lui jouait peut-être des tours, mais il lui semblait avoir marché des dizaines de fois la distance qu'il avait parcouru à l'aller. Il continua d'avancer sur la voie, et vit bientôt qu'un manoir se dressait devant lui. S'étant manifestement trompé, il fit demi-tour, et commença à marcher dans la direction opposée. Le moine se heurta à un mur invisible. Après trois autres essais infructueux, il se rendit compte qu'une force magique le contraignait à avancer vers cette luxueuse demeure.

Une fois à l'entrée du manoir, deux fées lui ouvrirent la porte. Il les abattit, ayant fait serment d'éliminer toutes les chimères qui se dresseraient devant lui. A l'intérieur du manoir, il fut frappé par le nombre de fées, de démons, et de serviteurs gisant au sol, pourfendus par des lames courtes. Eisen avança sur le carrelage en damier maculé de sang, et prit les escaliers, suivant les traînées de sang et les cadavres qui s'amoncelaient à perte de vue. Après avoir terminé l'ascension du majestueux escalier en marbre, il entendit des bruits de pas et deux armes blanches qui s'entrechoquaient, venant d'une antichambre à sa droite.

Il entrouvrit la porte, et vit un homme, armé d'une dague et d'un fouet, attaquant un vampire féminin. Cette gracieuse mais profane femme avait de courts cheveux bleus et portait un chapeau en tissu noué avec d'un ruban rouge. Elle portait ses coups avec une lance gigantesque, tout en s'aidant de ses ailes pour voler, afin de garder de la distance par rapport à son adversaire.

« Richter, ton clan n'a rien à faire ici. Tu sais très bien que la famille Scarlet ne s'immisce dans les affaires des humains qu'en cas de nécessité absolue. Tu vas regretter de m'avoir agressé, chasseur de vampire ! »

Remilia fonça sur Richter, et donna un puissant coup de lance au sol, ratant son ennemi de très peu. Son coup fut si puissant qu'elle avait enfoncé la lance dans le sol, essayant en vain de l'y arracher. Richter profita de ce moment pour prendre Remilia par surprise et la poignarda au cou.

La sœur Scarlet serra les dents, de douleur, puis ferma les yeux, et versa une larme avant de tomber au sol. Richter rangea sa dague et cala son fouet entre son pantalon et sa taille. Il s'apprêtait à quitter les lieux, mais sursauta quand il entendit le cri d'une enfant :

« Grande sœur, tu vas bien ? Grande-sœur ! Ce monsieur t'as fait du mal ? »

- « Oui… C'est lui qui m'a blessé au cou… »

Le chasseur de vampire se retourna et vit une gamine blonde, mignonne, mais encore plus dérangée que sa sœur. Il la provoqua :

« C'est moi qui l'ai vaincue. Et ce fut amusant. »

- « Ah bon ? C'est toi qui as égorgé ma Onee-sama ? Tu vas mourir, étranger… »

Richter ne put pas faire un seul geste le temps que Flandre le transperce de centaines de cristaux colorés. Son corps inerte tomba à la renverse, saignant comme une cruche de vin ébréchée de tous parts. Eisen, ayant observé la scène jusque-là, recula lentement, afin qu'elle ne le remarque pas. Il ne faisait pas du tout le poids envers un démon d'une telle puissance, ainsi, il préféra se cacher et passer inaperçu. Le moine fit l'erreur de marcher sur une dalle branlante, et de tomber à la renverse.

La petite vampire fut alertée de sa présence par ce bruit. Elle courut vers lui, sauta et s'agrippa sur son dos, puis essaya de lui trancher la gorge avec ses ongles acérés. Eisen se débattit, et arriva à la projeter au sol grâce à un ultime effort de sa part. Elle se releva vite, et déclaré, « Toi aussi, tu vas mourir. Tu n'es pas de ma famille. Viens à moi, Lævateinn ! »

Frère Eisen voyait la mort approcher. Flandre brandissait une épée de flammes, qui dégageait une chaleur comparable au plus puissant des brasiers infernaux. Il fut pris de panique, mais accepta rapidement son destin, n'ayant de toute façon pas d'autre choix. Au moment où Flandre commençait à pointer l'épée en sa direction, il se mit à genoux, et se souvint de ce que lui avait dit son grand-père sur son lit de mort : « Souviens-toi, Eisen, un moine peut toujours enfermer un démon pour l'éternité dans une geôle divine au prix de sa vie. Ce n'est pas une décision à prendre à la légère, mais il y a des moments où il n'y a pas d'autres moyens pour vaincre le mal. »

Eisen prononça lentement l'incantation du sceau de capture. Au moment où Flandre allait donner le coup fatal, Lævateinn se volatilisa. D'énormes chaînes apparurent depuis un portail qui s'était créé derrière la fillette. Celles-ci entourèrent Flandre, jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus bouger. En se débattant, elle laissa échapper quelques larmes, en murmurant : « Lâchez-moi… Je ne veux pas finir toute seule dans le noir.»

Les chaînes emmenèrent Flandre de l'autre côté du portail, dans ce qui semblait être sa future geôle. Eisen perdit la vie peu de temps après, la rune ayant drainé la totalité de son énergie vitale.

Ce fut ainsi que Flandre Scarlet fut éliminée de la surface de Gensokyo par un courageux moine Allemand en 1712. Ce qu'Eisen Faust ne se doutait pas, cependant, c'était que la geôle n'était, hélas, que temporaire…