Bonjour à toutes et tous !

Ici commence une courte fic écrite sous les pulsions de l'aléatoire, de incongrus, du n'importe quoi, de le vacherie et de l'auto-satisfaction. Vous pouvez tout à fait y être complètement... étrangers. Donc pas de panique c'est bizarre, je ne dais que prévenir.

C'est un yuri soft tout en léger-thé - en fait c'est ultra lourd X) - où Lucy se perd dans le temps et les lieux.

Voilà voilà! Bonne lecture!


ALAMBIC

Hamoir et la bête sexy


Je n'avais pas vu l'heure tourner. La journée devait déjà se liquider puisque les stores se baissaient doucement dans la réserve où maman rangeait les vieux livres. Elle le faisait généralement après vingt heures, quand il n'y avait plus aucun client, lorsque les lumières de la grande allée principale n'étaient plus que de minuscules loupiottes dorées.

- Ah… Lucy ! Tu es là ! Tu peux t'occuper de ça, s'il te plaît ?

Nouvel arrivage.

Les caisses étaient d'une lourdeur terrible. Jamais je n'aurais cru suer autant pendant le boulot. Faut dire, en travaillant ici avec maman, j'ai commencé à me faire des muscles ! Mêmes certain garçons de mon lycée sont moins costauds que moi (en même temps, à notre âge…). Et j'ai beau transporter des caisses presque tous les jours, ce soir là précisément, la sueur semble ne plus s'arrêter de couler (mauvais présage ?)

Je rêvais déjà du moment où je rentrerais à la maison, où je pourrais prendre ma douche, me gorger d'eau jusqu'à n'en plus pouvoir, et ainsi, lavée de toute la poussière des livres, aller de rayons en rayons pour fermer la boutique, seule, dans l'obscurité, rayonnante et fraîche de l'écoulement nocturne, passant entre les boites ouvertes d'où émergent des foules de journaux, de périodiques aux couvertures plastifiées – dont l'odeur rappelle étonnement celle de mon réfrigérateur – et où chaque roman est empilé sur le précédent, le tout formant des paquets unis de grands et petits auteurs, de vraies tours de Babel qui n'en finissent plus de grandir.

Je n'aime pas lire pourtant (manga? ça je connais, mais est-ce que c'est vraiment de la vraie lecture, maman dirait que non... (soupire))

« C'est un livre d'Irène Hamoir, alors ? »

Surtout la littérature Anglaise. Là, ça allait.

Et puis d'un coup, là voilà…

Qu'avait-elle ? Le titre était écrit en gros dessus, comment pouvait-elle ne pas le voir ? Ce devait être une idiote. Comme cela me démange parfois de crier aux clients ce qu'ils sont… J'ai envie de perdre mon sang-froid… mon sang… Il est chaud pourtant, n'est-ce pas ? Qui l'a déjà touché, senti ou même goûté ?

Je suppose qu'il doit être comme tous les autres sangs.

Un vrai sang.

Le visage de la femme reste dans l'ombre pour l'instant, on pouvait simplement distinguer deux petites taches bleues regardant vers le livre.

- Oui. Il vient juste d'arriver, je réponds doucement.

C'était une fille de mon âge. Peut-être même exactement du même âge que moi… Elle venait de me prendre le livre des mains, tranquillement, comme si de rien n'était, en caressant un instant mes doigts avec la fine couverture de l'ouvrage.

Et puis son visage m'apparaît. Elle a dans ses yeux bleus et sombres, les mêmes couleurs que celles de la bibliothèque, tout s'y reflète. Un humble auvent, de fins sourcils noirs dessinent au-dessus de ses petits yeux entrouverts, une plateforme étanche où de grandes mèches de cheveux humides se posent – il doit pleuvoir dehors, c'est fou pourtant, on n'entend rien d'ici – ses mains sont tremblantes, perlées par de fines globules troubles. Sueur ? Mais, dans cette obscurité, cela aurait pu aussi être du sang – ce fameux sang – je n'y aurais rien vu.

Sa grande bouche exerce sur son pouce gauche quelques pressions amusantes, jamais vu ça, et elle semble même manger un peu le livre. Elle passe ses deux yeux – ces grandes orbes – sur la tranche dorée de l'édition, regarde attentivement les plis et la marque de l'auteur, fait le tour avec ses petits sacs noirs d'un large coffre au trésor – dont les petites dalles jaunes crépitent à chaque pas – et parvient à mettre le doigt sur quelque chose qui semble la fâcher, du moins la mettre en rogne : l'étiquette jaunie qui indiquait le prix du dit ouvrage :

- Merde, trente-cinq ! Mère pour cela, je vous jure… je vous maudis.

Elle laissa le livret sur une étagère, dans un grand mouvement de glissement, une hypnose passagère, et mit ses mains dans les fines poches de son manteau blanc avant de repartir vers l'obscurité des bas-fonds, sans se retourner, sans me regarder une dernière fois, sans d'autres mots, sans rien de plus qu'une tête toute ballante et des pas hésitants.


- C'est bizarre… murmurai-je.

Les cheveux blonds de ma mère brillèrent un instant dans le noir de la réserve, près de la caisse.

- Maman ? Tu sais qui c'était, là, à l'instant ?

Elle toussa un coup, s'approcha, vérifia si j'avais rangé et répondit doucement, sans me regarder à aucun moment :

- Tu veux parler de Juvia ? Elle vient ici souvent.

Je restais sans rien faire un instant, perdue, les images des yeux bleu foncé de cette fille en tête. Elle venait toutes les semaines ?

- Comment ça se fait que je ne l'ai jamais vue, alors ?

- Parce que tu as été malade les deux dernières semaines… Elle est arrivée récemment en ville.

Ah oui, malade comme un Nyan cat.

La cheminée du salon a eu de graves ennuis ces derniers temps. Je suis abonnée aux infections urinaires et dès que le temps se refroidit, la mécanique se dérègle et maman m'emmène chez le gynécologue. Puis on m'installer en boule sur le canapé, devant Les feux de l'Amour et je reste là… à regarder le vide.

La chaleur, ça se perd.

- Alors, tu as parlé avec elle du coup ? Je demande.

- Techniquement… oui.

Ma mère est clairement ailleurs.

Moi, j'étais bouillante.

Pour l'instant !

Et ce prénom … pourquoi ce prénom ? Juvia ? C'est quoi ce nom ? Qui peut appeler son sang ainsi ?

- Au lieu de discuter, va plutôt finir la remise… c'est un vrai bordel, là-bas.

Je m'exécute lentement, le souvenir gravé de la fille dans ma tête.


Des livres partout, il fallait vivre avec.

C'était plutôt amusant au début, je me rappelle avoir couru à travers les allées étroites, entre du polar comme de l'essai et avoir marché sur les magazines renversés (ils se renversent si bien ceux-là) pendant des heures, avant de pouvoir tous les ranger correctement.

M'affranchir de l'école par la lecture, me délecter d'un mot d'auteur dans une préface que je ne pouvais saisir, et m'amuser à voir une histoire comme on voit un film, avec des plans de couleurs différentes, des explosions, des personnages proches de la caméra, quelque chose de corporel, dans le mouvement.

Et puis, cela est devenu plus banal, plus flou, plus lointain et les livres sont devenus une sorte de masse continuelle de mauvaises nouvelles. Chaque nouvelle histoire sentait le caveau, les dépressions à en puer, et les peines de cœur, de poètes meurtris comme jamais.

Et maman a prononcé une nouvelle phrase qui a résonné dans toute la bibliothèque. J'écarquille les yeux :

- Maman, tu connais à peine cette fille ! Et tu l'invites déjà à dîner ? Ce pourrait être une obsédée, une obsédée du boiler, une bête sexy !

- Bête sexy… ? Attends j'arrive… quoi ?

Et puis d'un coup, un bruit, un glissement, des pas feutrés sur le parquet et les yeux bleus qui reviennent :

Juvia était juste derrière moi, elle avait peut-être entendu. Sans doute des grains de ce métal nauséabond étaient parvenus à ses oreilles. Elle aurait pu rougir, s'échauffer tout légèrement, mais son visage était tranquille, impassible, rien ne semblait perturber son petit monde de soufre et de cambouis.

Elle me regardait simplement, à demi-tournée vers le livret. De mon hublot floué, je sentais mes cils plisser les uns contre les autres, mes narines se dilater et mon haleine chaude s'échapper de plus en plus vite de ma bouche Mes épaules se raidissaient dans le même temps, et je voyais de nouveau ses yeux bien bleus sur les miens.

- J'ai oublié mon bouquin.

Elle partit avec son livre d'Hamoir à la caisse, attendit quelques instants ma mère, pour qu'elle lui emballe le livre de poésie, et finit par sortir après avoir payé (grand billet bleuté).

- Ah, madame Heartfillia… au sujet du dîner…

- Appelle-moi Layla, dit ma mère avec un grand sourire aux lèvres.

Les miennes étaient fermées serrées, elles retenaient une foule de questions et de commentaires. Je suis comme ça, je ne peux m'empêcher de tout regarder, de déduire et de vouloir tout cracher d'un coup.

- Oui… ma mère m'a dit que, pour ce soir, c'était bon…

- Nous sommes déjà le soir, non ? Je sens le sous-marin qui coule doucement au fond de l'eau - le soir donc.

J'ouvre la porte de chez nous.


Les grands orbes de la mer s'étaient gravés en moi, en ma plus profonde rétine, je les sentais en torrents de larges gouttes, ou peut-être de corps parsemés de poisons, parcourir les recoins de la bibliothèque, faire sécher chaque livre de la chaleur maladive de leurs pores violacés et dévaler avec moi dans leur sillage une montagne de grandes feuilles empilées, ou peut-être de la tour de Babel.

Les étages sans fin, entourant l'édifice de corps telle une vipère sur son rocher de mort entoure sa proie, les grandes portes de chaque entrée, de chaque face, toutes bien circulaires, plus aucun côté, juste un trait continu qui n'en finit plus de grandir pour se perdre dans le ciel.

Les collisions incessantes des chemins de la tour, chaque voie empruntable est une vraie torture de décision et en même temps, de flottement, chaque fourneau révèle son âme calcinée, et s'y laisse périr à petit feu, à feu moyen, à feu doux, donnant des tâches laborieuses de couleurs incendiées aux bases et - tonitruants - ces filets d'eau macabres s'écroulaient sur les flèches des ennemis, mettaient à l'assaut les rayons du soleil...

Ah...

Voilà tout ce qu'il y a dans ses pupilles bientôt closes, mais qu'est-ce… Mais ! Qui est cette fille, bon Sang ? Y a-t-il sur Terre quelque chose de plus perturbant qu'elle et ses yeux ?


LA SUITE LA PROCHAINE FOIS !

Je vous aime si vous avez tenu ;) et pis aussi si vous avez pas tenu, c'est beau tout de même.