« Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés » -La complainte de Rutebeuf, Rutebeuf
Je m'appelle
Je m'appelle
Je m'appelle
Comment je m'appelle déjà ?
Attendez.
Ça va me revenir.
Je m'appelle
Je m'appelle Hermione.
Je m'appelle Hermione Granger.
Je crois.
J'ai presque 18 ans.
J'aurai 18 ans le
J'aurai 18 ans le
Le combien ?
Hihi souris c'est bientôt on va pouvoir souffler dans des ballons souffler dans des ballons on aura des cadeaux hihi on aura des cadeaux j'espère qu'on aura un couteau pour pouvoir se crever les yeux et arracher les mains des gens hihi et alors tu te souviens c'est quand ?
Ah oui.
Le 19 Septembre.
Mais ça ne veut rien dire au fond. Plus rien.
Puisqu'il n'y a plus personne pour le fêter.
Je vis à l'hôpital Sainte Mangouste.
C'est un hôpital de sorcier.
Parce que je suis une sorcière.
Je crois.
Mais si j'en étais une
Pourquoi
Je
Pourquoi
pourquoi
pourquoipourquoipourquoipourquoipourquoipourquoipourquoipourquoipourquoipourquoipourquoipourquoipourquoipourquoipourquoi
Ça va aller. Je suis calme. Je suis calme maintenant.
Je m'appelle Hermione Granger.
J'ai presque 18 ans.
Je suis une sorcière.
Je suis à Sainte Mangouste.
Je suis à Sainte Mangouste dans la Section « Traumatismes Psychologiques ».
C'est nouveau. C'est nouveau tout neuf ça brille c'est blanc et on crie tous dans nos chambres qui sont des cellules ahah c'est beau c'est tout neuf c'est propre comme un sou mais non mais tue les tue les tue les tous ahah TAIS TOI
C'est joli non, vous ne trouvez pas ? Comme nom. Je trouve ça mignon. Ça sonne bien. Ça sonne juste. Comme si c'était ma place.
Je crois.
Attendez.
C'est ma place en fait.
C'est vrai.
J'avais oublié.
C'est parce que
C'est parce que
C'est là où sont internés les fous.
Pourquoi je suis chez les fous ?
Parce que
Parce que
Parce que je suis folle
Je crois.
C'est ce que disent les Médicomages.
Je crois.
Pourquoi je suis chez les fous et que je suis folle ?
Parce que tu cries hihi on crie tous dans nos cellules tu sais hihi c'est trop drôle on crie et on parle on parle parce que c'est drôle de parler j'adore parler tu aimes parler il aime parler même le mur il parle elle aime parler même la fenêtre elle parle on aime parler on aime tous parler et crier et chanter nous aimons parler vous aimez parler ils aiment parler STOP c'est toi le chat
Parce que
Parce que
Parce que
parcequeparcequeparcequeparcequeparcequeparcequeparcequeparcequeparcequeparcequeparcequeparcequeparcequeparcequeparceque
Poudlard Express, ce même jour.
La porte du wagon s'ouvrit dans un grincement, audible malgré le bruit régulier et fracassant du train qui roulait à toute vitesse. Deux garçons étaient déjà assis sur les banquettes de cuir, et une fille sur les genoux de ce qui semblait être son petit ami. D'un même mouvement, leurs regards se dirigèrent vers les nouveaux arrivants.
« Neville, Luna. » salua d'un hochement de tête le garçon que l'on appelait Harry Potter, tandis que ses amis esquissaient un sourire
« Salut tout le monde ! » répondit joyeusement Neville, tout en se dirigeant avec sa compagne vers la banquette située en face du trio.
« Bonjour Harry. Ron, tu as plusieurs Nymphodies qui te tournent autour, tu devrais les chasser, c'est très mauvais pour ta santé. Ginny, comment vas-tu ? » rajouta Luna d'un sourire rêveur, toujours fidèle à elle-même.
« Bonjour Luna ! Ce que tu m'as manqué dis donc ! » rit doucement Ginny, avant de reprendre d'une voix joyeuse teintée de vanité :
« Excuse moi si je ne te serre pas dans mes bras, mais les genoux et le torse de Harry sont tellement confortables… Il faut dire qu'il s'est bien musclé cet été ! » rajouta-t-elle dans un gloussement, surprenant venant de sa part.
Un « hm. » maussade et un signe de tête sec vint finalement saluer Neville et Luna.
C'était Ron.
Visiblement d'une humeur de chien.
« Ne faites pas attention à Ronny, s'exclama Ginny en ébouriffant les cheveux de son frère qui la dominait pourtant d'une bonne tête et qui la repoussa d'ailleurs sans esquisser le moindre sourire. Il est comme ça depuis quelques jours déjà. »
Puis, rajoutant tout en se penchant et chuchotant vers ses amis comme si c'était un véritable secret :
« Je crois qu'il a ses règles ! »
Etonnant comme Ginny avait changé en si peu de temps, se surprit à penser Neville. Elle, auparavant si renfermée, presque grave, inquiète, semblait s'être finalement ouverte et épanouie, malgré la mort encore récente de son frère, Fred.
Elle en faisait presque trop, songea Neville. Mais peut être que c'était son nouveau moyen de combattre la tristesse du deuil. Après tout, pourquoi pas ? En souvenir de Fred, et des autres, mieux valait rire que pleurer, non ?
La conversation s'engagea.
Ron, toujours maussade, ne prononçait pas un mot. Il semblait s'être enfermé dans une bulle impénétrable, loin du monde extérieur, seul avec… avec quoi au juste ? Sûrement sa tristesse, sa colère, sa frustration.
Luna lisait, comme à son habitude, Le Chicaneur, ponctuant parfois la discussion de petits commentaires sur les Radibouli, ou les quelques Joncheruines qui traînaient encore par là – « Ce train en est infesté, décidément ! ».
Harry tenait fermement Ginny sur ses genoux, tous deux bavardant avec Neville.
« Quand même, elle abuse McGo de nous refaire faire une année ! » pestait Harry.
« Harry, mon cœur, calme-toi. » lui soufflait Ginny à l'oreille, tout en lui caressant la joue.
Observant le paysage sous ses yeux, Neville réalisa soudainement qu'il manquait quelqu'un.
« Au fait, Hermione n'est toujours pas là, fit-il remarquer à haute voix. C'est bizarre, non ? Elle n'est pas venue avec vous ? »
Il y eut un flottement, puis Ron sortit de son mutisme, ouvrant la bouche pour la première fois depuis le début du trajet :
« Visiblement non, tu vois bien. »
Un ton sec, froid, maussade.
Pas le Ron que Neville connaissait.
Ce dernier ajouta cependant, timidement :
« Mais… vous n'êtes plus ensemble vous deux ? »
« Eh bien 'faut croire que non parce qu'elle est partie il y a une semaine du Terrier. Comme ça, sans prévenir ! Sérieux, je vais lui faire payer cette humiliation ! Quelle garce celle là ! Elle m'a juste laissé un mot, un petit bout de parchemin minable pour m'expliquer qu'elle s'était barrée. Ca se trouve, j'étais peut être pas assez bon au lit avec elle... » ricana amèrement Ron.
« Il me semble qu'elle est préfète-en-chef cette année, en plus. Ça explique peut être le fait qu'elle ne soit pas avec nous. » fit remarquer Ginny.
« Ouais, acquiesça Ron. Putain, je vais lui faire payer je te dis ! Elle va regretter de m'avoir largué! »
Mal à l'aise, Neville se leva et tourna les talons, quittant le compartiment en disant qu'il allait voir si Hermione se trouvait bien dans le wagon des préfets et préfets-en-chef.
Il sortit, emportant avec lui une sensation de malaise qu'il ne parvint à dissiper.
Enfin arrivé, il toqua à la porte.
Des bruits de pas.
Et enfin, une tête blonde qui ouvre la porte du compartiment.
« Que...Malefoy?! » s'exclama, surpris, Neville.
Comment un être aussi mauvais que lui, fils de Mangemort, foncièrement mauvais donc, pouvait avoir été élu préfet-en-chef ?
Neville avait appris par La Gazette du Sorcier la nouvelle du suicide de son père, et songea tout de suite que le poste lui avait été remis par simple pitié.
Merlin tout puissant. Quelle erreur. Malefoy va être le pire préfet-en-chef de l'histoire de Poudlard.
« Londubat... Que fais-tu ici, tout seul ? » siffla d'ailleurs le blond d'un air mauvais.
Toujours aussi vicieux, visiblement. Saleté de Mangemort, se surprit à penser Neville.
Sur les autres banquettes se tenaient les autres préfets, légèrement apeurés, et avec suffisamment de bon sens pour ne pas se mêler à la conversation.
Rassemblant son courage de Gryffondor, et décidant que Malefoy n'allait pas lui faire peur, le jeune homme demanda d'un ton bravache censé cacher sa nervosité :
« Je... Pourquoi Hermione n'est pas ici? »
« Tiens, tiens, tiens... Granger, pardon, la sang-de-bourbe n'est pas là ? »
Ces insultes. Encore et toujours les mêmes insultes, même après avoir gagné la guerre.
« Ne l'appelle pas comme ça ! »
Mais le grand blond continua sur sa lancée, sournois comme un serpent, d'un ton doucereux qui exaspéra Neville presque plus que les mots qu'il entendait.
« Elle a du avoir peur de se montrer... après tout, ça se comprend... elle est si laide... »
C'était la goutte de potion qui faisait déborder la marmite.
« Ta gueule Malefoy ! Hermione vaut bien plus que toi ! »
Neville s'étonna lui-même. Même après cette guerre, il avait parfois du mal à se retrouver dans cette impulsivité, ce vocabulaire. Comme s'il lisait dans ses pensées, Malefoy ajouta :
« Tss tss tss mon petit Londubat, ne sois pas vulgaire, ça ne te va pas du tout. Tes parents ne t'ont donc jamais appris la politesse ? Non, bien sûr que non... » ricana le Serpentard.
Il avait osé.
Il avait parlé de ses parents ce petit…
Neville se jeta sur lui, et bien que le petit garçon joufflu qui était arrivé à Poudlard ne ressemblait en rien au grand garçon solidement planté qu'il était, Malefoy le plaqua néanmoins contre la porte du compartiment, et lui murmura, de sa voix toujours si doucereuse, sinueuse, qui s'infiltrait dans chaque pore de votre crâne pour ne plus en ressortir :
« Ou bien peut être est-elle près d'eux ? À Sainte-Mangouste, dans la nouvelle section, tu sais, celle appelée Section des traumatismes psychologiques... Sixième étage, juste au dessus de Pathologie des sortilèges, une section que tu connais bien d'ailleurs...Quand tu y retourneras voir tes pauvres fous de parents, jettes-y un oeil... Londubat. »
Et Malefoy le relâcha soudain, et le poussa hors du wagon, avant de refermer la porte.
« Pas un mot de ceci, c'est compris ? » ajouta-t-il aux autres préfets, désormais terrifiés par le grand blond qu'ils savaient fils de Mangemort, et qui acquiescèrent sans poser de questions.
« Putain, qu'est ce que le trajet va être long... » soupira-t-il alors en s'affalant contre sa banquette.
« Alors ? » demanda, assez ennuyé, Harry.
« Je… Non, elle n'est pas là-bas. » répondit Neville, livide, avant de se laisser tomber sur la banquette.
Seule Luna lui jeta un coup d'œil intrigué, semblant remarquer que quelque chose clochait. Il lui parlerait de l'altercation avec Malefoy plus tard.
« Bah, au pire, c'est pas grave. On peut se passer d'elle. » rajouta Ron, qui semblait n'ouvrir la bouche que pour dénigrer Hermione.
Stupidement, et surprenant Neville et Luna, Harry ajouta, ricanant :
« Ouais, faut pas qu'elle se croie indispensable ! »
Et le rouquin, surenchérissant d'un ton presque cruel :
« Elle nous a bien aidés pour les Horcruxes, mais maintenant... on n'a plus besoin de l'avoir dans les pattes ! »
Tandis que Harry, Ron et même Ginny, quoiqu'un peu moins, riaient ensemble, juste avant de se lancer dans des imitations toutes plus grotesques les unes que les autres de la pauvre Hermione, Neville fixait, atterré, ses prétendus « amis ».
Comment avaient-ils pu autant changer ?
En si peu de temps ?
Le jeune garçon se repassa alors dans sa tête sa conversation avec Malefoy, et la simple pensée d'Hermione dans le même état que ses parents lui donna la nausée, tellement cette image l'horrifiait.
Il déglutit difficilement, soudainement inquiet, les tripes tordues par l'angoisse.
En arrivant à Poudlard, il allait fouiller le château de fond en comble, la trouver et tirer cette histoire au clair.
Car elle ne pouvait être qu'à Poudlard, n'est-ce-pas ? Elle ne pouvait être que là-bas.
C'était impossible, elle ne pouvait pas être ailleurs.
Luna se leva soudainement, pliant calmement son Chicaneur.
Elle se dirigea vers la sortie, et héla Neville, l'incitant d'un signe de tête à venir. Il se leva également, et la jeune fille, avant de quitter le compartiment, ajouta d'un ton serein mais pourtant méprisant :
« Ce que vous faites, c'est méchant et mal. Vous le savez pourtant. »
Mais le trio ne lui prêta aucune attention, perdus dans leurs fous rires.
Qu'avait-il bien pu se passer pour que ces trois là changent autant ? Car oui, ils avaient bel et bien changé. Mais pour le pire plutôt que du meilleur, semblait-il.
