Cela fait un moment qu'il chemine dans ces bois sombres, quand, au détour d'une clairière, il l'aperçoit. Œil de biche, longs cheveux fauve, démarche mal assurée… Tout en elle éveille ses instincts de prédateur.

Il s'approche d'elle à pas feutrés, et lit dans son regard à quel point elle redoute ceux de son espèce. Mais dans ces yeux voilés par la peur, réside une infime étincelle. Celle de la fascination celle du désir qui embrase son ventre.

Il l'aborde en usant d'inoffensives questions, comme il parlerait de la pluie et du beau temps. Autour d'eux, le brouillard esquisse un cadre ouaté au forfait qu'il fomente déjà.

La malheureuse lui confie être seule, croyant arborer une marque de courage aussi affutée qu'une épée, et non un aveu de sa faiblesse flagrante.

Elle recule quelque peu; il s'avance pour se faufiler dans la brèche. Il effleure son épaule elle frissonne. Il pose sa main sur le haut de son bras, resserre son étreinte. Elle ne fuit plus. Elle n'est plus qu'à quelques centimètres de lui, sa gorge blanche et palpitante prête à être livrée à ses crocs. Il enroule son autre bras autour de sa taille, et elle frémit autant qu'elle gémit. Doux son, promesse de divins plaisirs !

Elle est presque sienne désormais. Son odeur sucrée vient lui aguicher les narines. Dans un instant, il goûtera à son corps.

Mais d'un bond, la rétive s'échappe. Il en est autant agacé qu'aiguisé dans son désir. Il aime la chasse, et encore plus lorsque la proie ne tombe pas immédiatement dans ses filets. Cela confère un certain piment au jeu, et démultiplie sa jouissance lorsqu'il vient à bout des obstacles.

Voyant sa belle biche tenter de prendre de la distance, il sourit, de ce sourire charmant et carnassier qu'il a appris à maîtriser. La naïve ne sait guère s'y prendre : au lieu de mettre le plus d'espace entre eux, elle reste dans son champ d'attraction, jetant à sa figure de fallacieux arguments aussi solides que des fétus de paille. D'un souffle, il les envoie voler au loin ; détruit toute résistance.

Ô délectation que de la sentir contre lui, offerte à tous ses caprices ! Déjà ses lèvres s'entrouvrent sous les siennes, et il la dévore, sans retenue. Elle chancèle, tombe, et il se couche sur elle, se love entre ses bras, se niche au plus profond de ses cuisses.

La chasse est finie.

Au fond des bois, l'hallali résonne comme un râle de plaisir.