Salut tout le monde !
Cette fanfiction a déjà été postée. Sauf que là, y'a plus de prologue, plus le même titre, mais par contre, il y a eu des corrections ! Et donc, youhou ! On repart du début.
J'espère que l'histoire de Lucy vous plaira. Bonne lecture !
Arty'
Chapitre 1
Fais dodo
Maman est en haut,
Qui fait un gâteau,
Papa est en bas,
Qui fait du chocolat...
C'était une soirée d'été, plus chaude, plus humide que toutes les précédentes en cette année 1959. L'atmosphère orageuse était si lourde qu'on aurait pu penser que l'air venait peser sur les épaules de quiconque sortait de chez soi. Le ciel était bas et noirci par d'épais nuages, de temps à autres fendus, au loin, par des éclairs de chaleur.
La pelouse trop longtemps délaissée du grand jardin ondulait sous le vent chaud, et alors que la lumière baissait, la maison à la façade grise, couverte de vigne vierge, semblait prendre de l'âge ; si ses fenêtres n'étaient pas aussi propres, la porte fraîchement repeinte et les lampes allumées, on aurait pu la croire abandonnée depuis des années.
À l'intérieur, Éponyne Myrthese leva le regard de sa lecture - « Le monde selon les centaures ». Était-ce son imagination, ou avait-elle véritablement entendu les pleurs de sa fille ?
Après tout, ce n'est pas comme si c'était inhabituel ; cela faisait deux mois que toutes deux vivaient seules dans cette grande maison – depuis la naissance de l'enfant, en fait. L'endroit avait appartenu à des Moldus, avant que les parents Myrthese ne la leur rachète, prévoyant de s'y cacher si le besoin finissait par s'en faire ressentir. C'étaient des sorciers intelligents, ils savaient que quelque chose de grave se préparait. Et ils étaient assez riches, aussi, pour se permettre d'acheter une sympathique « maison de vacances » sans d'autres véritables raisons que des pressentiments. Malheureusement, ils n'avaient pas eu l'occasion de mettre leur cachette à profit, sachant que leur fille unique avait rejoint le camp de ceux dont ils espéraient se protéger.
Ainsi, ils avaient fui dans des lieux bien plus inaccessibles que cette vieille maison.
Éponyne en avait naturellement profité. Elle n'avait pas vraiment besoin de s'éloigner du danger, non... Elle était le danger. Mais il lui fallait, disons... Être discrète. Ces derniers mois, surtout : se tenir à l'écart des événements était essentiel. Maintenant que Lucy était née, sa conscience était un peu plus tranquille, mais tout de même : elle était jeune, fragile, et il serait si aisé de lui faire du mal. Ou pire : de l'enlever afin d'utiliser son statut.
Ces onze derniers mois, elle n'avait rien laissé au hasard. Les risques de rumeur, les Moldus des environs, la façon de s'approvisionner, les potions pour sorcières enceintes les plus chères et les mieux recommandées par les plus grands spécialistes...
Elle avait tout prévu. Et tous ces efforts mis en œuvre avaient enfin payé. Plus rien ne pourrait l'empêcher d'atteindre ce statut privilégié auquel elle aspirait tant depuis plus de deux ans : celui de mère d'un enfant exceptionnel. Maintenant tout lui était presque acquis : protection, puissance, renommée. Elle estimait que seuls quelques jours de plus lui seraient nécessaires, puis...
Elle se leva pour traverser la maison vide jusqu'à la chambre. En entrant, elle ne put s'empêcher d'embrasser la pièce du regard, comme pour s'assurer que personne ne s'y était caché. C'était un réflexe : peu importait le soin qu'elle avait mis à garder l'endroit où elle se trouvait secret, une vague paranoïa s'était installée depuis la naissance de la petite fille. Mais désormais, puisqu'elle avait volontairement laissé quelques rumeurs s'échapper, cette peur était justifiée...
Elle secoua la tête afin de chasser les idées noires ; personnes ne pourrait les trouver. Seulement Lui ; elle y avait veillé.
Éponyne s'approcha du berceau, au milieu de la chambre, et se pencha au-dessus.
La petite Lucy était bel et bien réveillée, et l'observait de ses grands yeux toujours clairs. L'air indécise, elle mâchonnait silencieusement ses doigts. Éponyne caressa les quelques fins cheveux qui recouvraient sa tête.
Comme le lui avaient promis les spécialistes qu'elle avait consultés, ce bébé était né sans défauts. Après tout, les parents eux-mêmes n'avaient que du bon à léguer : talent, beauté, santé et puissance. Éponyne n'avait pourtant jamais beaucoup aimé les enfants – elle n'avait d'ailleurs jamais souhaité en avoir auparavant – mais elle était désormais persuadée que si Lucy n'était pas belle, aucun nouveau-né ne l'était. N'étant pas la plus maternelle des femmes, elle savait que son jugement n'était pas biaisé : sa fille était calme, son regard curieux et fasciné, et les expressions qui animaient son petit visage ne pouvaient susciter que l'affection.
Éponyne sourit, malgré elle.
-Dors, petite, dit-elle à voix haute. Papa sera bientôt là.
Ces simples mots lui donnèrent envie de rire, et une boule d'allégresse se forma dans son ventre ; l'appeler, Lui, le désigner par un mot aussi simple, aussi commun que « Papa »... Elle hésitait à y voir une insulte, ou une appellation attendrissante. Elle finit par se dire qu'elle aurait largement le temps de découvrir comment Il le prendrait.
Elle savait qu'elle n'était pas, et n'avait jamais été la seule à Le fréquenter de cette façon ; mais personne, avant elle, n'avait osé prendre cette initiative. Les rares proches à qui elle en avait parlé lui avaient reproché d'être folle, de ne pas se rendre compte à quel point cette décision signait son arrêt de mort. Mais elle savait qu'ils se trompaient. Elle Le connaissait, eux non. Certes, si elle lui en avait demandé la permission – comme cela sonnait ridicule, dit de cette façon – elle ne s'en serait certainement pas tirée indemne. Il aurait été furieux. Mais maintenant qu'elle lui avait retiré ce choix, ils en bénéficieraient l'un comme l'autre, elle en était persuadée.
Lorsque Lucy eut à nouveau les yeux fermés, Éponyne sortit, éteignant la lumière derrière elle. La nuit était tombée, et la force du vent s'intensifiait, agitant les branches des arbres de la cour.
Elle ferma doucement la porte, et retourna au salon où elle avait laissé son livre. En entrant dans la pièce, elle voulut avancer vers le fauteuil, mais elle sentit aussitôt que quelque chose n'allait pas ; elle se figea avec un sursaut lorsqu'elle réalisa qu'elle n'était pas seule.
Un homme se tenait là, lui tournant le dos, faisant face à la grande fenêtre. Immobile, vêtu de noir, Éponyne reconnut sans mal celui qu'elle attendait depuis deux mois ; aussitôt, le frisson de joie mêlé à cette crainte qu'on entretient pour les êtres vraiment puissants traversa ses membres. Elle sourit.
Alerté de sa présence par le bruit de ses pas, l'homme prit néanmoins son temps avant de se retourner. Lorsque son regard se posa sur la jeune femme, il était froid, tranchant, cependant son visage était d'une impassibilité sculpturale.
-Mon Seigneur, dit Éponyne en s'inclinant.
Une lueur de contentement traversa le regard de l'homme en noir. Mais lorsqu'elle releva la tête, toute trace d'émotion avait de nouveau disparu de ce visage pâle.
Il n'avait pas changé depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus. Ses traits oscillaient toujours entre la beauté parfaite et cette indéfinissable inhumanité que lui conférait sa supériorité. Si ses iris étaient devenus rouges avec les années, si sa peau d'albâtre était devenue froide, si son visage s'était creusé et ses narines affinées, l'homme qu'elle avait croisé pour la première fois chez Barjow & Beurk il y avait bien longtemps éveillait toujours en elle la même fascination.
-Éponyne, répondit-il de sa voix lente, mesurée. Cela doit faire des mois que je ne t'ai pas vue. D'autres auraient pu penser que tu te cachais de moi.
La jeune femme sourit, inclinant la tête pour cacher le rouge sur ses joues. Puis elle fit quelques pas vers lui, la démarche voluptueuse.
-Peut-être voudriez-vous quelque chose à boire ? Demanda-t-elle avec ces inflexions langoureuses qu'elle s'était habituée à avoir en sa présence. Vous devez venir de loin.
-Non, rien, dit-il. Je ne vais pas rester. Je ne suis ici que pour... Clarifier quelque chose.
Le cœur d'Éponyne fit un bon ; il savait. Ces quelques jours n'allaient pas être nécessaires, finalement. La tête lui tourna lorsqu'elle pensa à cette vie qui l'attendait, qui était enfin à sa portée. Plus que quelques minutes, quelques heures peut-être...
-Éponyne, j'ai entendu certaines rumeurs, dernièrement. Probablement rien de plus, certes... Des murmures de ruelles, tout simplement. Mais quand bien même, des rumeurs fâcheuses...
Elle se raidit légèrement ; voulait-il dire que... ? Non : elle chassa immédiatement l'idée de sa tête. Elle avait longuement réfléchi à la scène qui se déroulait actuellement, elle avait prévu tous les scénarios. Tout allait bien se passer. Même s'il était possible qu'il exprime des réticences dans un premier temps, elle aurait les arguments pour le raisonner.
Elle parcouru la distance qui la séparait de lui, et lui caressa le bras.
-Des rumeurs fâcheuses qui me concernent, mon Seigneur ? Dans ce cas, je suis certaine qu'effectivement, il ne s'agissait de rien de plus. Je suis incapable de vous fâcher.
-C'est également mon ressenti, Éponyne. Tu es une sorcière intelligente, et je doute que l'idée de commettre une erreur aussi... irréfléchie ait pu te traverser l'esprit.
Éponyne déglutit difficilement, mais cachant son malaise, laissa sa main remonter jusqu'à l'épaule du sorcier. Elle vit ses paupières se plisser avec satisfaction, un très léger sourire étirant les coins de ses lèvres blanches. Le sien n'en fit que s'agrandir : elle avait toujours su faire ressortir la part d'humanité qu'aucun homme ne pouvait réprimer : le désir. Et savoir que le plus grand mage noir de la décennie (peut-être même du siècle) ne faisait pas exception créait en elle un sentiment de puissance infinie.
-Je suis certaine qu'il s'agit là d'un malentendu, assura-t-elle.
Le sourire de l'homme s'effaça instantanément, comme si elle venait de l'insulter. Il pinça imperceptiblement les lèvres.
-Bien, dit-il froidement.
Il s'éloigna d'elle, et traversa le salon pour s'arrêter prêt de la porte ouverte. Éponyne dut retenir sa surprise, se composant une expression sûre et envoûtante.
-Dis-moi, fit-il. D'où revenais-tu en entrant dans cette pièce ?
Éponyne eut un léger sursaut – mais elle ne put répondre immédiatement. Elle ne voulait pas qu'il l'apprenne de par une réponse à une telle question... Ce serait trop grotesque, trop sobre pour l'événement. Mais s'il était là, il devait déjà le savoir. Alors pourquoi... ?
-Mon Seigneur, commença-t-elle...
-Est-ce que, la coupa-t-il, si je passe cette porte – il désigna la chambre, hors de leur champ de vision – je trouverais un nouveau-né ?
Éponyne resta muette, les lèvres entrouvertes et tremblantes. Son Seigneur semblait se moquer d'elle... Ou était-il furieux ? Que pensait-il ? Quelle réponse attendait-il d'elle ? Car il savait. Elle était certaine qu'il savait. Elle ne comprenait pas : pourquoi jouait-il avait elle de cette façon ? Était-ce par cruauté ?
-Et quand bien même j'y trouverais bien un enfant, continua-t-il, n'est-il pas totalement impossible qu'il s'agisse du tien ?
Il se rapprocha d'elle, d'une démarche saccadée, mais rapide – imprévisible, comme s'il s'empêchait de bondir sur elle. Lorsqu'il s'arrêta, son visage n'était qu'à quelques centimètres du sien.
-Et quand bien même ce serait le tien, il serait décemment impensable qu'il s'agisse également du mien.
Cette dernière phrase était une affirmation, cependant il n'ajouta rien : un silence s'installa, uniquement entrecoupé par la respiration difficile de la jeune femme.
Puis un mouvement de la main du sorcier attira son regard, et elle réalisa qu'il avait sorti sa baquette magique.
La peur lui arracha un cri, et elle recula d'un pas, se ramassant sur elle-même comme si rapetisser ferait d'elle une cible plus difficile.
-Oui, il y a un enfant ! Cria-t-elle d'une voix rauque.
-Éponyne, Éponyne... réprimanda l'homme.
Elle haleta, paniquée, regardant autour d'elle à la recherche d'un échappatoire. Mais soudain, une douleur indescriptible lui tordit les entrailles, et bien que n'ayant duré qu'une seconde, le sortilège d'Endoloris la précipita sur le sol avec un cri.
-Pardonnez-moi, Seigneur! Supplia-t-elle. Pardonnez-moi ! Je croyais...
Mais les mots restèrent coincés dans sa gorge. Que voulait-elle dire ? « Que cet enfant m'assurerait votre protection, une vie à vos côtés, la sécurité, la gloire ? »
Mais l'homme semblait déjà tout savoir de ses espoirs.
-Tu es une idiote sans cervelle, dit-il d'une voix calme qui transcenda le concept de fureur. Tu te croyais intouchable, et pourquoi ? Parce que tu es belle ? Parce que tu étais ma favorite ? Tu as pris une décision si stupide que n'importe quelle femme à ta place aurait préféré mourir plutôt que seulement y songer. Et tu as cru que tout irait bien...
Sa voix était devenue moqueuse. Il s'agenouilla devant elle, mais qu'il se soit mis à sa taille n'enlevait rien à la pression que sa simple présence exerçait sur elle. Instantanément, sa peau se couvrit de sueur, et un frisson glacé lui parcourut l'échine.
-Je n'ai jamais agi que dans l'espoir de vous plaire, Seigneur, supplia-t-elle. Pitié...
-Ah, Éponyne... soupira-t-il.
Il avança ses doigts vers elle, mais elle était trop terrorisée pour reculer ; elle sentit ses ongles effleurer sa joue, et descendre jusqu'au coin de sa mâchoire.
-Tu es d'une grande beauté, mais l'erreur que tes parents ont commise est de ne jamais t'avoir dit à quel point tu es stupide.
Éponyne ne dit rien, ne bougea pas. Le Seigneur le disait, soit. Elle ne le contredirait pas. Elle ne pensa même pas le contraire, son esprit n'émit pas la moindre protestation. Elle pourrait passer sa vie à se faire dire qu'elle était idiote, tant qu'elle pouvait seulement la passer.
-Pardonnez-moi, répéta-t-elle... Je... je réparerai mon erreur. L'enfant n'est rien. Je vous en débarrasserai. Il me faut simplement ma baguette, et...
Un éclat de fureur traversa son regard, et le sang d'Éponyne se glaça.
-Crois-tu que je ne m'en débarrasserais-pas moi-même ? Fit-il d'une voix sifflante.
Elle trembla, et secoua énergiquement la tête, alors que les larmes débordaient finalement de ses yeux. Le sorcier se leva, la contemplant avec mépris. Elle n'osait toujours pas bouger.
Il resserra sa prise autour de sa baguette. Elle pouvait percevoir les muscles qui se tendaient sous la manche de sa veste. Tous les siens étaient paralysés, raides comme un cadavre. La sécheresse de ses yeux produisait autant de larmes que sa terreur, à force de les maintenir écarquillés. Ils allaient finir par sortir de leurs orbites, c'était certain...
Puis il détendit sa main, et se détourna d'elle. Aussitôt, tout le corps d'Éponyne se relâcha, comme libéré d'un sortilège de paralysie. Haletante, elle tenta de reprendre sa respiration alors que le sorcier noir sortait de la pièce. Mais avec stupeur, elle entendit le plancher grincer, derrière elle.
-Tue-la, dit son Seigneur depuis la pièce voisine.
Il entendit la jeune femme hurler, couvrant le sortilège de Mort exécuté par son serviteur. Il attendit le son du corps qui s'affaisse sur le sol, avant de poursuivre son chemin à travers la maison.
Il savait vers quelle porte se diriger, et n'eut pas la moindre hésitation en chemin. Quand il actionna la poignée, et poussa le battant, la semi-obscurité ne le gêna en rien pour se repérer : une pièce simple, une étagère, une fenêtre donnant sur le champ derrière la maison. Et au milieu, le berceau.
Alors qu'il s'approchait lentement – plus par ennui que par respect pour l'instant – il sentit contre ses chevilles le contact froid et fugace des écailles d'un serpent. Il ne baissa pas les yeux : Nagini ne tarda pas à entrer dans son champ de vision, lorsque ses anneaux s'enroulèrent autour des pieds du landau.
Il se baissa, pour découvrir le minuscule corps de l'enfant, animé par ses côtes qui se soulevaient et s'abaissaient à intervalles réguliers. Quand son regard remonta à son visage, il constata que ses yeux étaient grand ouverts, et cependant calmes. Il réalisa alors que ce bébé ne pouvait avoir aucune conscience du danger : il était trop jeune, sa tête était trop vide pour connaître le simple concept de mort. Il n'avait aucune idée, même, de sa propre faiblesse. C'était tellement pathétique que le sorcier en fut presque furieux. Oui, furieux de se retrouver face à une créature d'une insignifiance si démesurée, qui n'avait pas été marqué par le monde et qui n'avait lui-même rien marqué du tout, aux possibilités et capacités si piteusement limitées.
Il grimaça, et ce fut soudain de la haine qui s'empara de lui à l'égard du nourrisson. Comme si le voir, là, lui rappelait qu'il avait déjà lui-même subi cette pathétique condition.
L'énorme tête reptilienne de Nagini apparut alors qu'elle s'élevait au-dessus du berceau. Le bébé ne la regarda même pas – il était occupé à contempler sa propre main.
Le Seigneur des Ténèbres répéta son ordre de tout à l'heure, mais dans une langue différente – une langue râpeuse, faite de chuintements et de sifflements.
-Tue-la.
Nagini ouvrit sa mâchoire, et lui se détournait déjà de la scène, impatient de s'en aller. Mais le cri d'horreur enfantin qu'il attendait ne vint pas ; pire, il se trouva remplacé par un rire – mais pas celui d'un nouveau-né. Un rire tout aussi sifflant et décalé que l'avait été sa voix un instant plus tôt, que personne, hormis lui-même, ou le serpent, n'aurait pu associer à un signe d'hilarité.
Maintenant qu'il y pensait, jamais il n'avait cru ça possible de rire en Fourchelang. Pour tout dire, il ne s'était simplement pas posé la question...
Il ne put s'empêcher de repenser à la surprise de son oncle, Morfin, quand il avait découvert que lui-même parlait le Fourchelang – l'héritage de Serpentard dans toute sa splendeur. « Tu le parles ? », avait-il dit avec incrédulité. Il lui vint également à l'esprit qu'il venait de vivre une situation identique.
Quand il se retourna vers le berceau, Nagini était immobile, indécise – tout comme lui. D'un mouvement de la main, il la chassa, et elle disparut en un éclair. Puis, d'un geste cérémonieux, il sortit sa baguette, et la pointa vers le nouveau-né : ce dernier fut soulevé dans les airs par une force invisible, à hauteur du visage de son vis-à-vis. Cependant il n'en parut pas effrayé ; encore une fois, il avait trop peu d'expérience pour trouver cela étrange.
Sans abaisser sa baguette, il l'observa avec plus d'attention, comme pour chercher une excuse à ne pas le tuer. Certes, il nourrissait du respect pour le sang de sorcier qui courrait dans ses veines. Pourtant, il ne pouvait réprimer cette douloureuse sensation de colère que lui inspirait sa seule existence – cette existence qu'il n'avait pas permise, et qui ainsi n'aurait pas du être.
Mais brusquement, il réalisa à quel point cette existence différait de toutes celles qu'il avait pu croiser jusqu'à aujourd'hui.
Cet enfant était à lui.
L'idée d'être père ramenait en lui le cuisant souvenir du Moldu qui l'avait lui-même conçu, et le dégoûtait proprement, mais il ne pouvait nier que le bébé qui flottait alors devant lui était le sien. Et c'était ça toute la particularité de la situation : il ne pouvait pas le nier. Personne ne le pouvait. Peu importait la crainte qu'il pouvait susciter, peu importaient les menaces, les promesses, la puissance, personne ne partagerait avec lui un lien aussi indéniable et éternel. Certes, la famille n'imposait pas la complicité – il en avait fait l'expérience. Mais ce qu'il avait obtenu de ses propres parents n'avaient rien à voir avec l'héritage que, Lui, il pouvait offrir. Et c'était cet héritage qui faisait toute la différence.
Le sorcier abaissa sa baguette, et l'enfant retomba dans le berceau. Puis il dirigea la pointe de bois vers sa tempe ; un instant après, lorsqu'il l'en éloigna, un fil brillant y apparut – semblable à des cheveux de lumière. Une lumière, cependant, noire et terne, comme sale.
Il détacha le souvenir de sa tempe, le plaça au-dessus de l'enfant, et l'y laissa tomber. À l'instant où il toucha son corps, il devint plus net, moins lumineux, et sa forme se fit plus claire. Transformé en un minuscule serpent, il alla paresseusement se cacher sous les couvertures, contre le bébé.
C'était à la fois un souvenir, une connaissance, une certitude. Des images, et une vérité. Une réponse à la question : « qui suis-je ? »
« Je suis l'enfant de Lord Voldemort. »
Quelques heures plus tard, la Marque des Ténèbres flottait dans le ciel, si grande et si haute qu'elle fut visible depuis toutes les villes et villages avoisinant. Lorsque les Aurors arrivèrent, ils ne trouvèrent que le cadavre d'une femme, et un bébé endormi, un minuscule serpent blanc enroulé autour du bras.
Et voilà. Si ça vous a plu, n'hésitez pas à laisser une review et me faire part de vos impressions.
En attendant, bonne journée à vous, et à bientôt !
La bise,
Arty'.
