Bienvenu !
La fiction :
Cette fiction-ci, contrairement à mes deux autres, n'a aucun chapitre d'avance. Je viens tout juste de la commencer. (Même si elle me trottait dans la tête depuis un bon moment déjà et que je sais déjà où je veux aller.)
Elle est donc basée sur un OC et sur Thorïn, Fili et Kili. Même s'il est évident que -du fait du personnage de mon invention- l'histoire ne sera pas la même, je me base sur les films pour le déroulement des événements, mais je modifierai peut-être certains passages pour les rapprocher du livre ou des scène coupées (selon ce qui me semblera le plus intéressant à développer). Il se peut aussi que j'invente complètement une péripétie, qui prendrait sa place au cours d'une ellipse du film ou serait le prolongement d'une scène.
Etant donné que j'aime les combats, le sang, les blessures, les injures et les scènes de tendresses, cette fiction est classée T, mais certains passages seront peut-être classés M.
Le prologue :
J'ai beaucoup de mal à démarrer un récit, et tout particulièrement celui-ci. Le prologue se déroule des décennies avant le début de l'histoire, dans un contexte différent. Comme il ne s'agit que du prologue, j'ai voulu éviter de trop développer, mais je devais quand-même donner pas mal d'informations, c'est pourquoi la narration peut paraître "résumée" par moment et plus détaillée par d'autres. J'attend vos retours pour améliorer ça.
En espérant que cette aventure vous plaira,
bonne lecture ~
De toutes les races de dragons établies en Terre du Milieu durant le Troisième Âge, celle des grands dragons noirs, les Faiseurs d'Orage, était la moins répandue. Les archives tenues par les Hommes, les Nains et les Elfes ne font état que d'un seul spécimen apparut au cours des années 2780. Récits, on-dit, contes et racontars se propagèrent partout où il apparaissait, alors qu'il errait sans jamais s'établir où que-ce-soi. Il vadrouilla ainsi des décennies, se dissimulant, fuyant l'affrontement comme le ferait un jeune dragon – ce que beaucoup s'accordaient à dire étant donné sa petite corpulence – et fut aperçu pour la dernière fois en Rhovanion. Nul ne sut ce qu'il y fit ou ce qu'il lui arriva, toujours est-il qu'on ne le revit plus avant longtemps.
Il n'y avait que trois créatures pour qui le Faiseurs d'Orage n'était pas un mystère complet.
Trois nains. Des nains de la lignée de Durin.
Il s'agissait de Fili, Kili et Thorin Oakenshield.
Peu avant l'an 2780, une pierre étrange fut trouvée au cœur des Montagnes Bleus, où les nains résidaient depuis que Smaug les avait chassé d'Erebor.
Les montagnes leurs fournissait de généreuse ressource de gemmes étincelantes, qu'ils façonnaient et forgeaient pour les revendre, et assurer ainsi leur subsistance.
Alors qu'ils creusaient toujours plus profond, jour après jour, un accident ouvrit un puits sombre qui s'enfonçait loin sous la montagne et débouchait sur une immense caverne. Là-dessous, l'atmosphère était chaude, étouffante. L'air vicié donnait à penser qu'un quelconque être gargantuesque y avait dormi des siècles durant, épuisant l'oxygène.
C'est là que les nains firent une surprenante découverte.
Il y avait bien une gigantesque créature au fond de cette cave. Mais s'il était impossible de certifier qu'elle y avait dormi, tout du moins était-il possible de dire qu'elle y était morte.
Des ossements blancs, polis, démesurément grands, gisaient sur un promontoire rocheux. Ces os, à n'en point douter, appartenait à un dragon.
Sans ce soucier de ce qui avait bien pu tuer pareille créature – sa mort remontait de toute façon à trop longtemps pour qu'ils s'en inquiètent – les nains s'aventurèrent entre ses côtes, dressées telles des piliers sépulcrales dans les ténèbres. L'enthousiasme et l'espoir d'y trouver un quelconque trésor fabuleux s'évanouirent aussi vite qu'ils étaient nés. Entre les pattes squelettiques ne s'étalaient ni or, ni pierreries, ni même cuivre ou bronze. Seulement des roches et cailloux noircies.
Les mineurs ne firent qu'une seule trouvaille, qu'ils auraient manqué sans l'acuité d'un vieux nain : une pierre de forme ovale, étonnement légère, et parfaitement lisse. La lumière clignotante des torches jetaient des doigts de feu sur sa surface d'un noir charbonneux.
Il s'agissait de l'unique trésor du dragon : son œuf.
Les nains le crurent fossilisé. Ils l'entreposèrent aux forges, dans l'intention de le travailler plus tard pour en faire des objets ciselés, des incrustations de pommeaux ou bien des joyaux de colliers.
Ils ne firent rien de tout cela. L'œuf disparu sans explications au bout de quelques semaines, et bientôt il fut tout à fait oublié.
En vérité, l'œuf ne s'était jamais volatilisé. Il avait tout simplement éclos.
La chaleur des fours, vives, puissante, permanente, enveloppait l'œuf depuis qu'on l'avait rangé aux ateliers. La coquille, embrasée, transmit sa tiédeur à son contenu et lentement, ranima la vie à l'intérieur de l'œuf. La température ardente lui permit ainsi de terminer sa période d'incubation.
Le processus se serait achevé à l'insu de tous, au fond de cette galerie de rangement de matériaux insolites peu fréquentée, si Kili n'était pas venu s'isoler au fond de cette même galerie après un énième litige fumeux avec son frère.
Son aîné venait tout juste de le retrouver et s'apprêtait à se lancer dans une verte remontrance quand par dessus les échos du fracas des marteaux et des enclumes roulant jusqu'à eux s'éleva un couinement. Les deux nains se figèrent, les sourcils froncés. Le cri ne ressemblait pas à celui d'un rat ou de n'importe quel autre rongeur. Une poignée de secondes plus tard, le couinement se répéta, plus insistant. Fili et Kili en oublièrent leur querelle et commencèrent d'en chercher la source entre les paniers. Des tintements s'élevèrent de l'un d'eux.
Quelque chose s'agitait à l'intérieur, remuant la ferraille qui y était entassée. Le blond s'empressa de soulever le couvercle et, coude à coude, ils fouillèrent l'amas de cuivre et de fer jusqu'à ce que Kili en sorte l'œuf.
Sous ses paumes, la coquille vibrait d'une sorte de tension sinueuse. La surface n'était plus lisse, mais sillonnée de fissures.
Lorsqu'une nouvelle secousse agita l'œuf, le jeune nain le jeta loin de lui tandis que Fili se saisissait de la première lame rouillée qu'il trouva. Cependant le spectacle les fascina tous deux à un tel point qu'ils n'eurent pas d'autre geste que de s'avancer et de se pencher en avant pour regarder la coquille craquer, se fendiller, tomber en morceaux.
Et soudain une minuscule tête triangulaire pointa hors de l'ouverture déchiquetée. A force de couinements, de grattements et d'acharnement, la créature parvint à s'extirper toute entière de sa prison. Les yeux clos, enduit d'un liquide visqueux, le petit dragon tituba dans la poussière. Il ouvrit des ailes translucides, étirant en fils le suc qui le recouvrait, chancela, tomba, rampa, et s'agita pathétiquement au sol à grand renfort de chuintement plaintifs.
Fili fut le premier à reprendre ses esprits. Il poussa un grognement de rage et brandit sa vieille épée, mais alors qu'il l'abattait droit sur l'animal, son frère arrêta son bras.
- Kili ! S'exclama le blond sur un ton de reproche.
Les deux descendants de Durin se confrontèrent du regard. Le plus jeune ne s'expliquait pas son geste, pourtant sous l'insistance des prunelles vertes plantées dans les siennes, il s'entendit souffler :
- On ne peut pas faire ça.
- Tu as perdu la tête ? C'est un dragon.
D'une saccade, Fili dégagea son bras et releva la pointe de sa lame. Entre temps, le petit reptile était parvenu à se traîner d'une démarche maladroite jusqu'à leurs pieds.
- Il est inoffensif, plaida encore Kili, qui ne pouvait s'empêcher d'éprouver de la pitié pour la petite chose venue butter contre la pointe de sa botte.
- Aujourd'hui peut-être, riposta le blond, demain aussi. Mais dans trois mois ? Dans un an ? Si on l'épargne maintenant, on ne pourra plus jamais le tuer. Ce n'est pas à toi que je vais apprendre de quoi ils sont capable.
Son cadet se retourna brusquement vers lui, heurtant involontairement le dragon qui piaula d'irritation.
- Justement. Si on n'avait pas à le tuer ? Il est jeune et orphelin : il deviendra ce que l'on fera de lui.
Fili le dévisagea, incapable de croire ce qu'il l'entendait suggérer. Sa raison lui criait de ne pas l'écouter, de frapper sans attendre, de ne pas prendre le risque de voir un dragon s'emparer de leur montagne pour la seconde fois.
Un tout autre raisonnement se lisait à travers les yeux de son frère. Un dessein, que seul permettait l'inconscience due à son jeune âge, se construisait déjà dans son esprit. Une ambition inconsidérée, irrationnelle, qui tenait de la folie pure et pourtant... pourtant la volonté de Kili était de fer. Fili comprit qu'il n'en démordrait pas, et après un long moment d'hésitation, lourd d'appréhension à la pensée des conséquences de son choix, il rejeta son arme tâchée de rouille dans le panier.
Alors que le brun se fendait d'un sourire lumineux, presque enfantin, son aîné souhaita en son fort intérieur qu'il parviendrait à ses fins.
Dans le cas contraire, Thorïn leur trancherait la gorge.
Les deux nains découvrirent que la croissance des dragons – ou du moins de celui-ci – contrairement à celle des animaux, était lente. Au bout de quelques semaines leur protégé n'excédait pas les douze pouces de hauts et deux pieds de long. C'était là l'unique caractéristique de sa morphologie qui n'évoluait pas.
Ses écailles, à la naissance molles et fines, durcissaient, s'épaississaient, mais demeuraient encore petites et serrées. Elles étaient d'un noir d'onyx. Miroitantes les premiers jours, elles finirent pas se ternir et perdirent leur brillance à mesure qu'elles prenaient la résistance du métal. Le cuir de ses ailes s'opacifia, leurs bords de fuites se moirèrent de reflets gris perle. Une frange souple et dentelée s'érigea le long de leur longue phalange extérieur. Des crocs brillants, effilés comme des poignards, émergeaient de sa gueule. Ses griffes n'étaient pas encore bien épaisses, mais elles étaient suffisamment pointues pour creuser des sillons dans le bois et marquer la pierre. Quand à ses yeux, qu'il ouvrit quelques heures après l'éclosion, ils avaient l'éclat du rubis et l'intensité du charbon ardent.
Ils le baptisèrent Svarting, ce qui en Khuzdûl signifiait : noiraud.
La plus grande crainte des nains – ceux-ci n'ayant que des connaissances lacunaires en matière de dragonologie - avait été que leur dragon soit d'une race aussi terrible et féroce que celle de Smaug. Mais Svarting ne cracha jamais la plus petite étincelle, bien que ses naseaux émettaient parfois de minces filets de fumée lorsqu'il était contrarié. Par ailleurs, il se déplaçait sur quatre pattes au lieu de ramper sur les pouces de ses ailes et ses antérieurs comme le faisait le Cracheur de feu. Enfin – et c'était le plus formidable – il ne montrait pas le moindre signe d'agressivité. Au contraire, tout portait à croire qu'il s'était prit d'affection pour les deux neveux de Thorïn.
Ceux-ci le cachaient dans leur quartier, dissimulant leur entreprise à tous leurs pairs sans distinction. La vie sous terre ne semblait pas incommoder le dragon. Tout ce qu'il réclamait du haut de ses quatre semaines était sa portion quotidienne de morceaux de viande, sa place sur le ventre de Kili lorsque ce dernier allait dormir, des perchoirs depuis lesquels il s'essayait instinctivement au vol, et le droit de faire ses crocs et ses griffes sur tout ce qui ce trouvait à sa disposition.
Fili ne perdit pas l'envie de lui couper la tête, mais ses motifs n'étaient plus les mêmes qu'au premier jour. Sa mauvaise humeur venait de ses effet déchirés par les serres du dragonneau, des pieds de tables et de chaises criblés de marques de morsures, de ses réserves pillées et de ses fûts de bières – ses rares et coûteux fut de bière – brisés par les tentatives de vol de l'animal.
Pourtant, nonobstant son irritation, il en vint à se laisser aller à caresser la petite tête écailleuse lorsque Svarting venait se lover contre lui, et à rire avec son frère de ses chutes pataudes. Il lui jetait même ses restes de lard et de saucisse aux heures de repas.
Six mois s'écoulèrent. Le dragon leur arrivait maintenant à la taille, et se montrait chaque jour plus gourmand. Bientôt, il ne supporta plus l'enfermement. L'envergure de ses ailes n'en finissait pas de croître, et il s'agaçait de ne pouvoir les déployer complètement. Il passait ses journée à parcourir les quartiers des deux frères de long en large, tel un fauve en cage, ou restait de longues heures à la porte, dardant sur eux un regard intense et plein d'intelligence.
S'il ne parlait pas encore, Svarting n'était pas stupide pour autant. Il comprenait le Khuzdûl et la langue commune – du moins le peu que Fili et Kili parlaient devant lui – et la plupart du temps, parvenait à se faire comprendre des nains. Il savait leur communiquer ses humeurs et ses envies, obéissait à leurs consignes, montrait du souci lorsque l'un d'eux revenait accablé par des heures de labeur et de l'attention lorsqu'ils évoquaient -maintes fois et avec appréhension – la réaction de leur oncle s'il venait à apprendre son existence.
Mais il ne fut jamais capable de leur faire réaliser leur plus grande méprise à son propos. Lui-même ne le comprit que tard, quand il devint capable de différencier les genres dans la langue des nains et s'aperçut que ses deux amis parlaient de lui au masculin.
Svarting eut beau s'escrimer, les deux frères ne se doutèrent pas un instant qu'il s'agissait d'une femelle.
Ainsi la dragonne resta pour eux : « le dragon ».
Un septième moi passa, au cours duquel l'humeur de Svarting se fit de plus en plus exécrable, car les nains refusaient toujours de la laisser sortir. Elle en avait depuis bien longtemps intégré la raison, mais son désir impétueux et incontrôlable de prendre son envol l'emportait sur son bon sens.
Les dragons pouvaient se targuer de rivaliser d'entêtement avec les nains, et les descendants de Durin n'étaient pas décidés à céder à son caprice, aussi naturel soit-il.
Svarting chuinta des heures durant devant la porte, mais ils firent la sourde oreille.
Elle détruisit les derniers tonnelets de bière qu'ils conservaient, mais ils ne firent que la réprimander.
Elle les suivit inlassablement d'un regard de feu, mais ils s'arrangèrent pour se trouver toujours dos à elle.
Elle refusa de s'alimenter... et ne put tenir cette résolution que deux jours de suite, son estomac criant trop famine pour qu'elle refuse plus longtemps un quartier de viande.
Alors, en désespoir de cause, elle se nicha dans un coin et bouda comme un enfant.
Ils en étaient à ce stade du conflit d'opiniâtreté quand un acte inconsidéré de la jeune dragonne bouleversa brusquement les choses.
Un énième jour passé sous terre, dans l'obscurité qu'éclairait seulement le feu de l'âtre et des chandelles, était venu à bout de sa patience. Elle désirait si ardemment respirer l'air pur des cimes de montagnes, sentir le vent gonfler ses ailes, être éblouie de soleil, que ses poumons la lancinaient comme s'ils se refusaient à respirer plus longtemps la poussière et la fumée, et que la moindre de ses écailles fourmillait d'une attente fébrile. Son sang de Faiseuse d'Orage s'échauffait plus qu'il ne l'avait jamais fait alors qu'elle s'imaginait ce que cela serait de décoller d'un seul bond à la faveur d'un courant aérien, et de voir soudain les montagnes rapetisser à toute vitesse. Plus rien ne se dresserait devant elle, au dessus d'elle, pour la rabattre à terre.
A ces pensées, sa longue queue se mit à battre rythmiquement le sol, ses flancs palpitèrent et ses naseaux frémirent, jetant une bouffée de vapeur. Ses yeux incarnat brillèrent d'une lueur enfiévrée.
Fili et Kili rentrèrent des mines sur ses entrefaites. Or il avait fallut que ce jour-là soi un jour de grand vent, et que des courants d'airs circulent dans toutes la galeries. Lorsque la porte s'ouvrit, l'infime fraîcheur qui se répandit dans leurs quartiers fut instantanément perçue par Svarting. Ce modique avant goût de l'extérieur suffit à anéantir le peu de retenue qu'elle conservait. Oubliant tout bon sens, elle se dressa tout à coup sur ses pattes, et avant que les nains puissent réagir, elle fondit sur eux, les bouscula, et jaillit dans le couloir.
N'ayant aucune idée du chemin à suivre, elle se laissa guider par le pauvre souffle qui avait réussi à s'insinuer au cœur de la montagne, sourde aux appels des deux frères, avide de liberté.
Sa course prit fin plus rapidement que ce qu'elle avait escompté.
Au détour d'un tunnel, elle percuta de plein fouet une masse solide et se rejeta en arrière sous le choc. Fili et Kili déboulèrent en courant derrière elle, mais se pétrifièrent net en découvrant le nain avec lequel elle était entrée en collision.
Ce n'était nul autre que Thorïn Oakenshield, en habits de voyage défraîchis, les traits tirés par la fatigue mais le port aussi altier que d'accoutumé.
Le son clair d'une épée tirée hors de son fourreau résonna dans le boyau rocheux. Svarting se ramassa sur elle-même, babines retroussées sur ses crocs comme un loup menacé.
A ce moment le temps parut s'étirer. Il s'écoula, chargé de tension, comme la corde d'un arc tendue jusqu'à sa limite, prête à décocher sa flèche fulgurante.
Thorïn, promptement remit de sa stupeur, attendait l'offensive de la dragonne. Et celle-ci attendait la même chose de lui. Fili et Kili étaient trop épouvantés pour réagir.
- Dans toute la montagne, on me parle de la disparition d'un œuf de dragon fossilisé, gronda le Roi avec fureur, s'adressant plus à lui-même qu'à ses neveux. Et personne n'a eu la clairvoyance de penser à chercher non plus l'œuf, mais le vers qui en est né ?
Svarting émit un grognement caverneux en s'entendant appeler « vers » , que le nain le traduisit comme une menace. Il se rua sur elle avant que les deux autres ne puissent l'intercepter. L'épée fendit l'air en sifflant mais ne fit que sonner contre le marbre du sol, la dragonne ayant bondi de côté juste à temps. Thorïn enchaîna aussitôt, tailla de nouveau, jeta sa lame en direction de la tête et du cou de Svarting, encore et encore, alors que celle-ci esquivait chaque fois et grondait de plus en plus férocement.
- Thorïn ! Finirent par s'exclamer les deux frères.
Leur oncle ne les entendit pas. A la vue de Svarting, sa colère s'était réveillée, aussi ardente que dix ans auparavant. Son cœur criait vengeance. Vengeance pour son peuple, vengeance pour ses pertes. Vengeance pour son humiliation. Il allongeait des frappes rageuse, avide de sang.
Svarting, ayant reconnu à l'odeur qu'il était de la famille de ses deux amis, s'abstenait de riposter par égard pour eux. Mais bientôt il lui fut impossible d'échapper à la grêle de coups qui s'abattait sur elle. Le choc de l'épée sur ses écailles, même s'il ne les entamait pas, endolorissait ses membre. Et soudain le fil de la lame trouva un défaut dans le cuir de sa cuirasse. Il ripa entre deux rangées d'écailles, et mordit la chair.
La jeune dragonne poussa un rugissement de douleur et de fureur mêlée. Derrière elle, les deux frères virent son échine frémir, et soudain elle sembla rayonner de l'intérieur. Une lumière bleutée couvait sous ses épines dorsales. Svarting tendit le cou, ouvrit la gueule, et une décharge fulgura pour aller s'écraser contre la lourde épée de Thorïn. Il la lâcha immédiatement, comme si le pommeau lui avait brûlé la paume.
Le sang ruisselant de son épaule Svarting s'élança vers le roi nain pour le repousser brutalement contre la paroi de pierre. Elle prit la fuite dans le dédale de galerie sous la montagne, aussi enragée qu'éperdue.
De nombreux nains la virent passer, mais sous le coup de la surprise, aucun n'esquissa le moindre geste pour l'arrêter. Ceux qui parvenaient à reprendre leurs esprits à temps et s'engageaient à sa poursuite ne purent jamais la rattraper. Guidée par son instinct, Svarting trouva le chemin de la sortie et aussitôt qu'elle le put, elle déploya ses larges ailes pour s'élever dans la nuit.
Ce soir de Novembre de l'année 2780 du Troisième Âge, elle laissa pour toujours les Montagnes Bleues derrière elle.
Et lorsque son chemin fut amené à croiser de nouveau celui des descendants de Durin, des décennies plus tard, elle n'était plus la même créature.
