Le nombre de fois où je m'étais posée ces questions était incalculable : Pourquoi lui ? Pourquoi Kou ? À quoi bon s'obstiner ?

Et à chaque fois c'est la même réponse qui me revient.

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Je m'en rappelle à chaque fois.

Même après tout ce temps je me rappelle de pourquoi j'aime Kou. De pourquoi il est si différent et spécial. De pourquoi je l'ai aimé, même au tout début. De notre première rencontre.

C'était au collège, en première année. Tout le monde était déjà rentré. J'étais la seule qui était restée pour faire les corvées dans la classe. Il devait bien y avoir deux autres personnes avec moi, mais tout portait à croire qu'ils avaient préféré eux aussi rentrer chez eux.

Après tout, je le savais bien, on ne pouvait guère compter sur les garçons. C'est pourquoi je les détestais. En plus d'être lourds, bruyants et brutaux, ils étaient irresponsables et se croyaient beaucoup trop supérieurs aux filles.

Cependant, je ne m'en plaignais pas trop. Rester avec eux à faire les corvées étaient loin d'être enchantant. J'essayais le plus possible de les éviter. À cette époque, on l'aura bien compris, se mêler aux garçons était un cauchemar.

« Fiouu... » soufflai-je de soulagement après une heure de rude ménage.

Il ne me restait plus qu'à vider les poubelles et mon travail ici était terminé.

En marchant dans le couloir, après avoir récupéré mon sac dans la salle de classe, j'entendis un miaulement provenant de l'extérieur.

Attirée par le bruit, je regardais à la fenêtre et vis un chaton blanc dans les mains d'un garçon.

J'eus un mauvais pressentiment.

Le mignon animal était tenu par les deux mains du vaurien et se retrouvait suspendu, le corps en longueur, au niveau de sa tête.

« À tous les coups, pour sûr, il veut torturer ce pauvre chaton » pensai-je en voyant la petite créature dans des mains de tortionnaires.

Qu'était-il arrivé au dernier animal que j'avais vu avec un garçon ? Il s'était retrouvé chez le vétérinaire, après qu'il ait fait l'expérience de se retrouver sur une planche de skate roulant à toute vitesse sur une pente raide.

Exactement, je ne pouvais cela se reproduire.

Les mains prêtes à ouvrir la fenêtre, dans un élan de secours, je me stoppai soudainement.

Ce garçon. Il n'avait aucunement l'attention de lui faire du mal. Il avait ramené le chat près de son visage, son nez caressant son museau, leurs deux yeux fermés.

C'était un geste des plus attentionnés, accompagné d'un doux sourire dessiné sur son visage.

Surprise, j'observais le tableau devant moi, les yeux ronds.

Et pour la première fois, je regardais vraiment la personne à quelques mètres de moi.

Il n'était pas très grand, et sa silhouette était fine. Il semblait lui aussi être en première année à la vue de sa carrure peu imposante. De plus son visage se retrouvait incroyablement et exagérément adorable lorsqu'il souriait. Du chat ou de Kou, je ne savais pas de qui des deux était le plus mignon ?

C'était peut-être dur à avaler mais Kou ressemblait drôlement à une fille en cet instant -sauf pour son uniforme.

Et c'était peut-être pour ça, avais-je opiné, que je ne ressentais aucun dégoût, aucun mépris, pour ce garçon lorsque je le regardais.

Il m'apparaissait tellement doux et clément. Il ne m'apparaissait pas du tout comme ces autres gigolos brutaux.

Mais, la chose qui m'avait définitivement fait comprendre qu'il n'était pas comme les autres garçons, était ces petites tâches rouges sur ses joues.

Ce garçon rougissait.

C'était bien la première fois que je voyais un tel spectacle.

Certes, ce n'était qu'un rouge pâle et étendue sur une petite surface, mais c'était si... étrange. Enfin, qui rougissait en câlinant un chat ?

C'était totalement enfantin.

C'était complètement simplet.

C'était presque trop innocent.

C'était incroyablement pur.

C'était véritablement beau...

Lorsque je me rendis compte de mes pensées, le rouge s'empara de mes joues.

« Venais-je de dire qu'il était beau ? » avais-je pensé à ce moment.

Pour la jeune fille naïve que j'étais à cette époque, c'était bien la première fois que je rougissais pour un garçon.

L'embarras m'eut pris.

Mais à la gêne, s'était ajouté un fort intérêt pour ce garçon. Après tout, ces rougeurs m'avaient fait voir ce qui m'avait paru incongru, avait fait réveiller quelque chose de nouveau en moi. Quelque chose qui résonnait encore aujourd'hui dans ma poitrine.

Il était différent. Définitivement.

C'était intrigant et excitant à la fois. En courant chez moi ce jour-là, je me promis de connaître son nom et dans quelle classe il était le lendemain.

Absolument, ce sont ces petites rougeurs qui m'ont conduit jusqu'à lui.

De plus, quand j'y réfléchis, encore aujourd'hui, Kou avait beau avoir changé, il avait gardé ce côté enfantin. Il avait beau le cacher, il était resté gentil et doux. Et en vérité, Kou, était extrêmement sensible.

Ces rougissements cachaient tant de ces bons côtés. J'avais la chance de pouvoir les voir, d'en être parfois l'origine même, et de les sentir déclencher en moi ce méli-mélo d'émotions.

Combien de fois avais-je vu ces petites traces rouges sur ses joues ?

Autant de fois qu'il le faut pour que je tombe amoureuse de lui encore et encore.