Eileen McNamara faisait des pas lents et réguliers dans la petite salle où on la faisait patienter depuis bientôt vingt minutes. Elle avait croisé, à son arrivée à Poudlard, environ une centaine d'élèves en uniformes, ainsi que des Elfes de Maison, un Gobelin empressé, et un hybride sorcier-géant à la mine sympathique. Cette diversité la confortait dans son choix : cette école était vraiment l'établissement de ses rêves – celui dans lequel elle aurait aimé étudier dans sa jeunesse. A défaut d'avoir pu y apprendre la magie durant son enfance, elle désirait désormais plus que tout au monde, y enseigner.

Elle se força à apaiser sa respiration : cette attente la rendait nerveuse. Lorsqu'elle avait passé les portes de l'Ecole, une demi-heure plus tôt, annonçant qu'elle postulait comme Assistante en Poisons et Contre-Poisons, un invidivu d'un âge avancé, accompagné d'un chat tout aussi méfiant, avait seulement levé les yeux au ciel, puis l'avait escortée ici sans mot dire. Eileen n'était pas tout à fait sûre de comprendre pourquoi.

Soudain, tandis que la jeune femme se repassait en mémoire la meilleure façon de résumer sa motivation, la porte de la pièce s'ouvrit en grand – et un homme à la silhouette élancée, avec des yeux et des cheveux sombres comme la nuit, fit son entrée :

- McNamara, veuillez me suivre, glissa-t-il entre ses lèvres d'un ton pressé et à peine audible, en guise de salut.

Il marcha à vive allure vers une porte en bois, qui s'ouvrit toute seule à son approche. Eileen, qui avait vivement sursauté, attrapa son dossier professionel, son sac, et le suivit aussi vite que possible. Ils arrivèrent dans une autre pièce, plus grande encore, emplie de potions, de bocaux, de livres, et d'une petite réserve.

- Asseyez-vous, ordonna le sorcier en s'installant lui-même derrière son bureau.

Eileen s'installa face à lui, les joues rougies par cet accueil des plus glacials, et elle posa maladroitement son manteau, son dossier et son sac sur ses genoux. Le maître des lieux la fixa un moment, puis il commença :

- Vous… Avez postulé comme Assistante en Poisons et Contre-Poisons à Poudlard, une matière qu'il nous est désormais obligatoire de rajouter officiellement sur le programme, par une absurde pression du Ministerium, enchaîna-t-il à toute allure, le regard rivé sur la jeune femme. Une matière, directement rattachée à la science des Potions – mon domaine d'enseignement. Maintenant dites-moi, pourquoi confierions-nous cette responsabilité à une sorcière sortie de nulle part, sans aucun écrit ni lettre de recommandation, et qui n'a même pas fait ses études à Poudlard, qui ne connait rien de cette école – rien à ce pays, si je ne m'abuse ?

- J'ai des lettres de recommandations et j'ai publié deux ouvrages, répondit Eileen en fronçant un peu les sourcils, ouvrant son petit sac et en sortant les documents en question. Les voici.

- Et pourquoi n'étaient-ils pas joints à votre dossier initial? S'impatienta son recruteur.

- Ils l'étaient, Monsieur, assura la jeune femme, quoiqu'intimidée.

- Professeur, corrigea l'inconnu d'un ton sifflant. A l'évidence, ils ne l'étaient pas.

Eileen se retint d'insister et prit une brève inspiration :

- Dans ce cas je vous présente mes excuses, murmura-t-elle.

Elle fut intérieurement ébranlée par cette nouvelle : elle se souvenait parfaitement avoir envoyé l'ensemble de son dossier de candidature par Hibou. Le Professeur posa un long regard sur elle en s'installant plus confortablement dans son fauteuil. Il tourna les pages de son premier ouvrage, dont il lut rapidement quelques passages.

- Où avez-vous étudié les poisons psychiques ancestraux ? Demanda-t-il.

- A Karnak… Professeur.

- Combien de temps êtes-vous restée en Egypte ?

- Six ans.

- Des conférences, des cours, des réanimations – quoique ce soit d'intéressant à me dire à ce sujet ? Demanda le Professeur d'un air ennuyé, tout en continuant à parcourir le livre.

- Des réanimations collectives lors de la découverte d'un sarcophage du 3e siècle après Merlin.

- Quel poison ?

- Hallucinogène contenu dans les murs – mortel pour les moldus – et paralysant pour les sorciers.

- Et quelle était la composition, de cet hallucinogène ? Demanda le sorcier d'un air évaluateur.

- Myrthe, venin de Basilic, pavot, poussière de charbon et houx.

- L'élément déclencheur ?

- Un sortilège d'effraction sur deux étages.

- Vous avez eu des pertes ?

- Une perte moldue, avoua Eileen d'un ton peiné.

Son interlocuteur l'observa à nouveau, un peu plus longuement, puis il poursuivit :

- Vous êtes ici aujourd'hui parce que votre dossier – bien qu'incomplet, insista-t-il à nouveau d'un ton irrité – faisait état de compétences annexes relativement… Rares, dans le domaine des potions. Fourchelang?

- En effet, souffla la jeune femme.

- Vous parvenez donc à prélever du venin de serpent avec facilité ?

- Oui.

- Bien, j'aurais le… Plaisir de vous voir à l'œuvre dans un instant, je vous ai préparé une série de tests. Basiques, ajouta le sorcier en refermant vivement le premier ouvrage pour ouvrir le second.

Eileen eut le mauvais pressentiment que les tests à venir allaient être tout sauf basiques, mais elle se garda bien d'en faire la remarque.

- Vous êtes née à Genève, en Suisse, reprit le sorcier – puis vous avez été en garde alternée entre votre père, qui vivait à Liverpool, et votre mère qui vivait…. Où vivait-elle ?

- Elle était archéologue, elle voyageait beaucoup.

- Je vois. Vos deux parents sont-ils sorciers ?

- Non. Aucun d'eux, à la vérité. Enfin, ma mère est moldue et mon père… Etait cracmol.

Rogue releva à nouveau les yeux du second livre, et il croisa savamment les doigts de ses deux mains, l'observant attentivement pendant un long moment. Elle eut soudain l'impression qu'il parvenait à lire dans ses pensées, et elle s'évertua à fermer son esprit à toute intrusion, aussi subtile soit-elle. Alors il demanda :

- D'autres membres de votre famille, qui soient sorciers ?

- Mes Grands-Parents paternels, mais ils sont décédés avant ma naissance.

- Vous avez étudié un an à Durmstang, deux ans à Beau-Bâtons, deux ans à Ilvermony… Où avez-vous passé vos deux années complémentaires ?

- J'ai obtenu mes ASPICS après cinq ans d'études seulement.

- Et où avez-vous passé cet examen ?

- A Ilvermony.

- Quels étaient vos résultats ?

- Optimal, 100 sur 100, dit la jeune femme.

- En potion ?

- Dans toutes les matières.

Le professeur de Poudlard plissa les yeux :

- Et comment avez-vous rattrapé ces deux années de cours manqués ?

- J'ai étudié à domicile, et sur le terrain.

- Sur le terrain ?

- Je suivais ma mère dans ses fouilles archéologiques au Népal, au Pérou, en Egypte… Et c'est dans ce contexte que j'ai rencontré plus d'une situation qui nécessitait l'utilisation de mes cours de magie.

- Je vois, dit le professeur. Puisque votre père vivait à Liverpool, pourquoi ne pas avoir fait au moins une partie de vos études à Poudlard ? L'Ecole de Sorcellerie la plus prestigieuse au monde ne vous attirait-elle donc pas ? Ajouta-t-il d'un ton légèrement accusateur.

- Si, répondit douloureusement Eileen. Enormément. Mais mon père s'y était violemment opposé.

- Et pourquoi cela ? Releva son interlocuteur, désormais sur la défensive.

- Il avait ardemment essayé de rentrer à Poudlard lui-même dans sa jeunesse, mais n'avait jamais pu y être accepté à cause de… De sa condition de Cracmol, bien sûr. Il en a toujours beaucoup voulu au Professeur Dumbledore, qui était Directeur à cette époque, et m'avait interdit de jamais y mettre les pieds.

- Et pourtant, aujourd'hui vous voici.

- Aujourd'hui… Il n'est plus de ce monde, et j'ai hérité de notre demeure ancestrale de Liverpool, raison pour laquelle je cherche un travail au Royaume-Uni. Et raison pour laquelle, je me sentirais plus qu'honorée, de pouvoir enfin rejoindre cet établissement en tant que professeur, à défaut d'avoir pu y faire mes études étant enfant.

Le professeur obtempéra très légèrement, puis il demanda :

- Lorsque Voldemort est réapparu officiellement, il y a un an de cela, une coalition de différents gouvernements s'est évertuée à contrer ses attaques, aidant l'Opposition à communiquer, et protégeant les Moldus du monde entier, par tous les moyens. Qu'avez-vous fait à ce sujet ?

- Rien du tout, souffla Eileen en toute honnêteté. J'étais à ce moment-là en Egypte, en train d'essayer d'annuler une malédiction déclenchée par la découverte d'un miroir du Riséd, et qui avait déjà fait plusieurs dizaines de morts et une grande quantité de blessés – autant moldus que sorciers.

- J'ai entendu parler d'un nouveau Miroir du Riséd importé par le British Museum le mois passé, reconnut le Professeur d'un air intéressé.

Eileen s'en étonna :

- C'est… C'est exact, Professeur. Bien que cette information soit des plus confidentielles.

Seul le Ministerium et le Département des Arts Antiques Magiques du British Museum étaient au courant de la découverte et du rappatriement de cet objet rarissime. Comment un simple professeur de Poudlard pouvait-il avoir été informé d'une découverte aussi secrète ?

- Est-ce vous, qui avez découvert ce miroir ? Reprit le sorcier.

- Non, c'est le Dr Brown et son équipe qui l'ont trouvé - j'ai seulement été appelée après les premières victimes, j'étais en Afrique du Sud à ce moment.

- Et pourquoi vous a-t-on appelé vous, plutôt qu'un Aurore ? Chercha à comprendre le professeur, sceptique.

- Oh ils avaient appelé des Aurores, bien sûr, il y en avait plusieurs de déployés sur site. Des sorciers très compétents et réactifs qui ont permis de limiter les dégâts... Mais j'ai… Disons, un historique avec les créatures les plus dangereuses de l'Egypte antique et moderne, de par le métier de ma mère que je suivais depuis toute petite, donc ils ont jugé pertinent de me contacter.

- Et comment avez-vous mis fin à cette malédiction ?

- En en jetant une nouvelle, soupira la jeune femme. C'est une longue histoire.

Le sorcier se figea et garda le silence. Puis il haussa des sourcils surpris et se leva :

- Bien, vous pouvez passer aux examens pratiques. Il s'agit de dix potions différentes à réaliser, toutes centralisées sur le thème des poisons et contre-poisons – comme vous vous en doutez, j'exige que mon assistante soit capable de réaliser sans aucune faute les breuvages qu'elle devra m'aider à enseigner en cours.

- Je comprends, répondit la jeune femme en se levant.

Donc elle serait amenée à travailler régulièrement avec… Cet individu ? Elle espérait qu'il était aussi brillant qu'antipathique, sinon jamais elle ne parviendrait à tolérer son attitude. Elle fit un pas pour le suivre, puis revint vers la chaise pour prendre son manteau et son sac.

- Laissez vos affaires ici, ordonna alors le sorcier par-dessus son épaule.

Eileen reposa le lot, et accéléra le pas pour le rejoindre.

- Voici vos instructions, dit-il en lui tendant un parchemin. Vous avez une heure.

- Une heure pour les dix potions ? S'alarma la jeune femme.

- Si vous êtes si adroite que vos résultats d'ASPIC et vos publications le laissent entendre, cela ne devrait pas vous poser de problème.

La jeune femme déroula le parchemin, sur lequel les noms des potions et leurs recettes respectives apparaissaient petit à petit, tandis que son évaluateur poursuivait :

- Vous avez libre accès à la petite pièce de réserve sur votre droite, les ingrédients sont rangés par ordre alphabétique – les serpents et plantes vivantes, sont dans le vivarium du fond. Vous pouvez commencer. A chaque question que vous me poserez, vous perdrez un point, à chaque potion réussie, vous en gagnerez un, et j'exige au moins huit sur dix pour ce test. Avez-vous des questions ?

Eileen déglutit :

- Non, Professeur.

- Alors qu'attendez-vous pour commencer ? Interrogea-t-il alors en avisant la pendule.

Il était désormais 11h03, et la jeune femme comprit que ces trois minutes ne lui étaient certes pas offertes. Elle haussa des sourcils un tantinet outrés et paniqués, puis lut les dix noms de potion. Felix Felicis, Filtre de Haine, Ensorcellement Culinaire, Mort Lente : il ne s'agissait que de breuvages extrêmement complexes et longs à réaliser. Elle doutait que qui que ce soit puisse tous les réaliser en une heure de temps…

Heureusement, elle les avait déjà tous plus ou moins étudié ou utilisé au moins une fois, elle n'allait donc pas avoir besoin de lire chaque étape de préparation, et se contenterait de relire la liste des ingrédients pour s'assurer de ne rien oublier. Elle décida de commencer par la sixième du lot, la Potion d'Oubliette, car la troisième à réaliser, le Contre-Cauchemar, nécessitait l'union d'une Potion d'Oubliette et d'extraits de plantes à thé bleu, pour fonctionner.

Elle attacha ses cheveux, sortit sa baguette et murmura des « accio marmite, accio spatules » et tout le matériel nécessaire, tandis qu'elle commençait à mettre les feuilles de menthe et de houx à tremper afin de les rendre plus efficaces.

Son évaluateur était assis non loin et il corrigeait une pile de copies d'un air particulièrement concentré – pourtant elle sentait parfois qu'il levait les yeux de son propre travail et l'observait de loin.

Cette toute première potion lui prit presque vingt minutes, soit cinq de plus qu'elle ne s'était fixée, elle dut donc accélérer pour les suivantes.

- Professeur ? Appela-t-elle avec douceur au bout d'un moment.

Il releva la tête avec un air de mise en garde, comme pour lui rappeler qu'elle allait perdre un point pour cette interruption.

- Voulez-vous vérifier la Potion d'Oubliette, avant que je ne m'en serve pour le Contre-Cauchemar ? Demanda-t-elle.

- Inutile, répondit-il en reportant son attention sur le parchemin qu'il corrigeait. Si elle est correcte, votre Contre-Cauchemar le sera aussi.

- Entendu, souffla la jeune femme, réalisant avec un brin d'anxiété que si jamais elle ratait sa potion de Contre-Cauchemar, le sorcier risquait de lui compter deux breuvages faux d'un coup.

Par chance, elle parvint à réaliser sa troisième potion dans les cinq minutes suivantes, rattrapant son programme. Elle attaqua ensuite les potions les plus rapides, puis se garda le Felix Felicis et la Mort Lente pour la fin.

Le Professeur de Potion se leva en silence quelques minutes plus tard, et il se rapprocha d'elle tandis qu'elle creusait quatre œufs de Mandragore. Puis il la suivit en silence lorsqu'elle alla en chercher un cinquième dans le vivarium – comme par hasard, la réserve n'en avait plus suffisamment.

La jeune femme lança des sortilèges Insonoritas et Petrificus à la plante en lui prenant son œuf, puis elle revint vivement dans le laboratoire et acheva ses préparations de base. Il ne lui restait plus que cinq minutes pour terminer les deux dernières potions, et elle décida d'aller trouver les serpents.

Là encore, son évaluateur la suivit. Elle intima l'ordre, en Fourchelang, au jeune Cobra qui dormait tranquilement sous un roc, de mordre dans un petit tas de coton absorbant, afin qu'elle puisse récupérer son venin – et par chance, il était d'une bonne nature car il obéit aussitôt.

Elle acheva donc en premier lieu la potion de Mort Lente, et termina par le Felix Felicis, jetant des coups d'œil réguliers à la pendule : elle n'avait plus qu'une minute, or il lui en aurait fallu encore cinq.

Son évaluateur commença à contrôler les autres potions en déposant des feuilles sur leur contenu, ou en murmurant des incantations de diagnostic qui faisaient réagir les liquides, puis au bout de la quatrième vérification positive, il lui dit d'un ton étonnamment conciliant :

- Prenez votre temps pour le Felix Felicis, vous avez encore cinq minutes.

Les épaules d'Eileen s'affaissèrent de soulagement, et elle expira discrètement :

- Merci, souffla-t-elle.

Elle put donc continuer de bien mélanger l'essence de mandragore aux plûmes de colombe, les enflamma, puis les versa à la potion de base, qu'elle fit ensuite couler dans une toute petite fiole qu'elle ferma et tendit au Maître des lieux.

Celui-ci observa le petit récipient dans la lumière et approcha un bezoar – le Felix Felicis devint alors noir. Eileen haussa des sourcils surpris : elle ignorait cette réaction, et se demanda si elle n'avait pas raté son exercice.

Le professeur lui servit alors un coup d'œil soudain moins hautain :

- Bien, dit-il. Vous avez utilisé des graines de Carroube, et non des flocons de Carabras pour le Filtre de Haine. Pourquoi ?

- Euh… Les graines de Carroube permettent une durée d'efficacité prolongée, balbutia Eileen… Alors, par réflexe…

- En effet. La potion d'Oubliette, combien de temps avez-vous mis à la réaliser ?

- Longtemps, grimaça la jeune femme.

- Combien ?

- Vingt minutes, Professeur.

- C'est beaucoup, critiqua-t-il.

- Oui, reconnut Eileen dans un murmure.

Il emporta les flacons dans sa réserve, mais continua de lui parler :

- Il s'agit d'un poste à 80%. A quoi avez-vous prévu de consacrer les 20% restant ?

Eileen sentit son cœur se mettre à battre plus vite. Lui proposait-il la place ? Etait-il convaincu ? Il avait l'air d'être tout, sauf satisfait – il était si froid !

- Je… A la vérité, se ressaisit-elle, je comptais passer un examen en dressage de dragon à la fin de l'année prochaine, en Ecosse. Donc idéalement… J'utiliserais cette journée de libre pour mes révisions.

Le sorcier obtempéra brièvement, puis il lui désigna d'un doigt sûr le bureau où ils avaient discuté en premier lieu :

- Reprenez vos affaires. Vous allez désormais rencontrer le Professeur McGonagall, qui est Directrice de cet établissement.

La jeune femme sourit, folle de joie – elle ne connaissait pas encore très bien cet individu, mais elle était à peu près sûre que si elle avait raté son exercice, il ne lui aurait certes pas laissé l'opportunité de rencontrer qui que ce soit d'autre. Elle se précipita donc dans l'autre bureau pour reprendre son manteau et son sac, puis le suivit, le cœur battant la chamade.

Ils traversèrent de longs couloirs couverts de superbes tableaux, et de peintures animées en tout genre. Eileen s'émerveilla de sentir une telle concentration de magie – plus encore que dans les autres établissements scolaires qu'elle avait pu fréquenter. Elle retrouvait dans Poudlard l'excitation de la découverte d'un tombeau maudit ou d'une ancienne maison hantée. C'était fabuleux !

Ils arrivèrent alors devant une grande statue de Phoenix, qui tournoya – et les deux montèrent des escaliers en colimaçon assez longs et étroits. Puis ils entrèrent dans un vaste bureau rempli de portraits d'hommes et de femmes – visiblement tous d'anciens directeurs de l'établissement : leurs dates de fonction étaient gravées dans la partie inférieure gauche des cadres.

Un Phoenix véritable nettoyait ses plumes avec attention, posé sur un perchoir en or sculpté. Les vitrines contenaient des objets magiques relativement puissants, ainsi que des ouvrages complexes. Alors, une femme d'un certain âge, attablée à un grand bureau, releva le nez de la lettre qu'elle écrivait et jeta un coup d'œil des plus surpris par-dessus ses lunettes en demi-lune :

- Severus ? Appela-t-elle, étonnée, en avisant tour à tour le sorcier et Eileen.

- Minerva, salua celui-ci d'un bref signe de tête. Voici Eileen McNamara, candidate au poste d'assistante-enseignante de Poisons et Contre-Poisons. Miss McNamara vient de réaliser de façon… Satisfaisante, quelques potions-clefs de cette matière. Voudriez-vous lui accorder un entretien ?

La Directrice se leva, sa mine s'éclaircissant soudain :

- Vraiment ? S'étonna-t-elle lentement, d'une voix chaude et rouillée. Mais bien sûr, sembla-t-elle se réjouir. Avec plaisir…

- Bien, coupa froidement Severus. Je vous laisserai me la ramener pour discuter des… Formalités.

- Entendu, approuva le Professeur McGonagall en lui servant un coup d'œil ravi.

« Severus », ainsi était-ce donc son nom, fit volte-face et repartit d'un pas énergique mais silencieux. La porte se referma derrière lui.

- Miss McNamara, commença alors la sorcière, c'est un plaisir de faire votre connaissance, dit-elle en lui désignant un large fauteuil confortable devant une petite table basse. Désirez-vous boire quelque chose, je m'apprête à prendre une Citrouillade ?

Eileen se sentit scotchée par le contraste entre la froideur de l'un et l'amabalité de l'autre – « Severus » et « Minerva » étaient aux antipodes l'un de l'autre. Tant de chaleur soudaine la mettait presque mal à l'aise !

- Avec plaisir, la même chose, si possible, sourit néanmoins Eileen, se laissant progressivement gagner par cet accueil convivial – et la gorge sèche depuis plus d'une heure.

- Bien sûr. Alors dites-moi, comment le Professeur Rogue vous a-t-il trouvée ? Je dois vous avouer, Miss McNamara, que je désespérais que ce poste soit comblé, vous êtes la première de plus d'une centaine de candidats, à passer le cap de l'entretien, et de l'examen de Severus !

Eileen en resta bouche-bée. Vraiment ?

- Euh… Et bien, répondit la jeune femme, il y avait une annonce de publiée à la Bibliothèque du British Museum, au département des potions du troisième niveau, et… Enfin, c'est comme ça que j'ai entendu parler du poste, et que j'ai envoyé ma candidature par hibou avant-hier.

- Ha très bien, très bien, sembla s'enchanter Minerva. Que vous a-t-il dit de lui, du poste, et de nos objectifs en la matière ?

« Pas grand-chose », réalisa Eileen, sarcastique.

Les deux femmes discutèrent pendant près d'une heure, Minerva posant des questions sur le parcours et la vie privée de la jeune sorcière, ses aspirations, ses qualités et axes d'amélioration, et surtout, encourageant la jeune femme à lui en poser en retour.

Ainsi elles parlèrent également du Professeur Severus Rogue, que Minerva McGonagall lui peignit comme un sorcier remarquablement puissant, intelligent, droit, mais mystérieux et ambigu – décrivant son rôle dans la guerre passée face à Voldemort.

Eileen trouva injuste d'avoir tant entendu parler d'Harry Potter à l'international, mais si peu de Severus Rogue, alors qu'au final il semblait avoir joué un rôle d'espion particulièrement déterminant. Puis elles parlèrent du précédent directeur, Albus Dumbledore, abordèrent la question du salaire, du logement, des horaires, des habitudes et coutumes de Poudlard – et au bout d'une heure et demie, Minerva et Eileen avaient développé un excellent premier contact.

La Directrice ramena la candidate au bureau du Professeur de Potions, et servit un regard satisfait à ce dernier, qui lui répondit d'un bref signe de tête.

- Miss McNamara, fit ensuite le Professeur McGonagall en guise d'au revoir, ce fut un plaisir, s'il vous faut quoique ce soit, n'hésitez pas à faire appel à moi.

Puis elle partit.

- Fermez la porte, ordonna Rogue d'un ton calme mais autoritaire, à Eileen.

Cette dernière obéit et revint s'asseoir face à lui. Ils discutèrent un peu plus en détail d'organisation : Eileen passerait les deux premières semaines en cours de Potions avec le Professeur Rogue, afin de se familiariser avec les classes, leurs niveaux, et le déroulement d'une leçon telle que Severus l'entendait.

Elle avait un programme à respecter – celui du Ministerium – mais le Professeur Rogue la laissait décider de l'ordre et des types d'exercices et incentives qu'elle voulait proposer à ses élèves pour les faire travailler sur les sujets en question. Il ne demandait qu'à voir ses cours la veille, au plus tard à 19h. Ils auraient des points hebdomadaires et mensuels sur les progrès des élèves, son installation à Poudlard, et ses idées de programme à venir.

Elle commençait dès le lendemain.

L'individu peu sympathique qui l'avait escortée à son arrivée, et qui s'avéra se nommer Rusard, vint la chercher encore une bonne heure plus tard, une fois tous ces points clarifiés – et après qu'elle ait rangé, de sa propre initiative, le bureau du Maître des Potions, qu'elle avait mis en désordre pour son évaluation. Si Severus Rogue apprécia qu'elle s'offre de remettre en l'état son espace de travail, il n'en laissa rien paraître, ne faisant qu'émettre quelques réflexions ou recommandations sur la localisation précise ou le nettoyage approprié de tel ou tel instrument.

Le concierge de Poudlard, accompagné de son chat, la conduisit ensuite vers les appartements des professeurs. On mit à sa disposition une large pièce, sobre mais propre et bien fournie, qui contenait une chambre, un bureau, une salle de bain privative, et un petit coin salon.

- Je vais être toute seule, ici ? Demanda Eileen, plusqu'agréablement surprise.

- Oui, aboya Rusard. Et pas de visiteur dans les appartements privés, c'est la règle – les élèves non plus, sauf accord express de la Directrice.

- Non, je veux dire, je vais être toute seule à vivre dans cette pièce ? C'est si grand…

- C'est la plus petite qu'on ait.

Eileen acquiesça, heureuse :

- Merci beaucoup. Et euh, je me demandais, il y a un endroit où je peux trouver quelque chose à manger ?

- L'heure du déjeuner est passée depuis deux heures, il faudra attendre le diner maintenant, se contenta de répondre Rusard. Z'avez d'autres questions ?

- Non, merci.

- Bien. Le diner c'est à 20h, tous les professeurs sont attendus à 19h45 dans la grande salle du banquet à l'étage inférieur. On vous a montré où c'était ?

- Euh… Non.

- Et bien il faudra demander. Et soyez pas en retard. Aussi, méfiez-vous des escaliers, ils sont capricieux.

Il repartit d'un air maussade. Eileen alla se laisser tomber sur le matelas de son lit avec un soupir d'aise. Un de ses rêves d'enfance se réalisait… Elle était folle de joie.

Elle sortit de son petit sac ses affaires pour le reste de la semaine, qu'elle fit repasser à l'aide d'une formule magique – tandis qu'elle s'attablait à son bureau, le ventre creux, et étudiait le programme du Ministerium. Elle mit par écrit la façon dont elle comptait organiser ses trois premier cours, écrit une lettre à sa mère – présentement sur l'île de Pâques – pour lui annoncer la bonne nouvelle, puis sortit ses dix derniers exemplaires de la Gazette du Sorcier, qu'elle avait trouvés sur le palier de la vieille maison familiale le matin-même, à la recherche d'articles sur le Professeur Rogue.

Il ne fut pas difficile d'en trouver : chaque nouvel exemplaire du journal, le mentionnait, sur un sujet ou un autre. En outre, il avait été acquitté de toutes les accusations portées à son encontre lors du retour de Voldemort, y compris pour l'assassinat du précédent Directeur, Albus Dumbledore. Cela grâce à de multiples procès, et de nombreux témoignages annexes, dont celui du fameux Harry Potter.

Le Professeur Rogue faisait désormais également partie d'un organe consultatif sur les arts sombres et leurs courants, au Ministerium. « C'est comme ça qu'il a du entendre parler du Miroir du Rised qui va être exposé au British Museum », comprit la jeune femme.

Soudain un bruit d'horloge comtoise plus fort que les autres se fit entendre. Eileen bondit hors de son bureau en voyant qu'il était déjà 19h : c'était son délai maximum pour apporter le parchemin de cours du lendemain au Professeur Rogue !

Elle se rhabilla et se recoiffa aussi vite que possible, et retourna au bureau du Maître des Potions. Hélas il n'était pas là, et sa classe était libre également. Devait-elle lui apporter les parchemins au diner, ou les laisser sur son bureau ?

Elle hésita pendant cinq minutes, puis décida de laisser les parchemins sur son bureau. Puis elle regagna aussi vite que possible la salle du banquet – en effet, elle du demander son chemin deux fois, et arriva avec cinq minutes de retard, les joues rouges.

Le professeur Rogue discutait avec le professeur McGonagall, et ils ne semblèrent pas se formaliser de la voir arriver à 19h50. Un Gobelin lui sourit et l'invita à s'asseoir entre lui et un géant, qui se leva maladroitement pour lui servir un signe de la tête.

Ainsi fit-elle la connaissance des Professeurs Flitwick et Hagrid. Le Professeur McGonagall donna un petit discours – apparemment il y avait eu du grabuge à l'entraînement de Quidditch, et elle en profita pour présenter Eileen à tout le monde. On l'applaudit faiblement, mais la jeune femme ne s'en inquiéta pas : elle non plus n'aurait pas été ravie qu'on lui rajoute soudainement une nouvelle matière à étudier !

Une fois le souper fini, les professeurs se levèrent et regagnèrent leurs appartements respectifs – McNamara attendit que le Professeur Rogue sorte de table pour le suivre et lui révéler enfin que son parchemin de cours l'attendait sur son bureau.

- Bien, je vous ferai mon retour demain matin. Rendez-vous à mon bureau à 7h.

- D'accord. Bonne nuit, Professeur, dit aimablement Eileen.

Il ne répondit pas mais lui servit un bref signe de tête.