A La Science De Tout

Par : Provocative Envy

Traductrice : Bleak Dawn

Beta : Estellech

CHAPITRE UN

Lorsque j'eus onze ans, je découvris la magie.

D'un point de vue pratique, cela avait eu un réel sens à mes yeux; je n'avais jamais vraiment été normale, jamais été capable de me conformer aux stricts standards sociétaux — ceux de mes pairs, la hiérarchie pré-pubescente me laissait perplexe alors même qu'elle me rejetait. Lorsque mes parents m'emmenaient à l'église le dimanche, je regardais tous ces gens biens, quelconques, heureux, à genoux, se délectant d'ambiguïté moraliste. Je me demandais s'ils étaient dans cette position de servilité parce qu'ils le voulaient, ou parce qu'ils avaient tout simplement trébuché, étaient tombés, les principes du monde tel qu'ils le voyaient les empêchant de se tenir debout par leurs propres moyens. J'ai appris ce qu'était la sorcellerie à l'école, bien sûr, en ai pris connaissance à travers les yeux cyniques d'historiens qui avaient peu de foi en l'irréalisme. J'ai appris ce qu'étaient les hérétiques, les chasses aux sorcières, la multiplicité de fantaisie mêlée à la possibilité de faits dormant dans les fables, contes de fées et légendes.

J'étais trop analytique pour être jugée différente dans le sens créatif du mot; j'étais trop gauchement timide pour être jugée différente d'une façon franche et socialement préjudiciable. Il y avait seulement quelque chose qui clochait chez moi, quelque chose de curieux dans mon comportement, ma démarche, mon regard. Mes parents encourageaient mon intégrité intellectuelle, ma soif de savoir, la droiture avec laquelle je présentais mes questionnements. La conclusion fut tirée que rien ne clochait réellement en moi, pas exactement; j'étais seulement en avance pour mon âge. Et tout le monde accepta cette explication, et arrêta de me demander pourquoi je lisais autant, et comment cela était possible pour moi d'absorber autant d'informations si aisément, si facilement.

Et puis, en un jour pluvieux de fin de Juillet, j'ai jeté un regard par la fenêtre de ma chambre, une brosse à cheveux à la main et souri à la chouette-effraie qui donnait un coup de bec à la vitre. Cela me prit un court instant avant de remarquer la lettre attachée à l'une de ses pattes. L'étonnement se battait avec l'excitation de l'anticipation, de l'expectation, une lente mais sûre réalisation que cette chouette à l'apparence quelconque à l'extérieur me cherchait moi. Comme en transe, j'ai ouvert la fenêtre, laissant l'oiseau battre des ailes et m'offrir sa patte. Tentative hésitante, n'y croyant pas, j'ai détaché l'épaisse enveloppe en parchemin de sa frêle cheville. En quelques instants elle avait picoté mes doigts et s'était envolée, et je me suis retrouvée là, devant la fenêtre ouverte, la pluie baignant mes poignets, la lettre adressée à moi, à ma chambre pour être exacte, dans ma main.

Et puis tout avait été expliqué, tout avait pris sens, et mon amour pour le rationnel, la raison, la logique, était né.

Je me riais de l'ignorance, me réjouissait dans ma prétention, reprit confiance en ma singularité. Tout ce qui m'avait été volé par mon enfance malheureuse et solitaire m'était restitué avec une ardeur redoublée, et lorsque l'initial scepticisme de mes parents fut remplacé par un sincère et confus soutien, je pris une identité entièrement nouvelle. Hermione Granger silencieusement solennelle –mais brillante – fille de dentistes, était spéciale.

Cela prit longtemps après mon arrivée à Poudlard pour reconnaitre, à contrecœur, que dans une école de personnes qui possédaient les mêmes talents que moi, je n'étais pas ne serait-ce qu'à moitié aussi spéciale que je le voulais que j'avais besoin d'être. En fait, le préjudice contre moi parce que j'étais novice à leur monde, à leur héritage, était écrasant. Je commençais à souhaiter ne jamais avoir vu cette chouette, à ne pas avoir eu l'impétueuse témérité d'ouvrir cette fenêtre en pleine pluie.

Drago Malefoy, un pâle éthéré paradigme de mon cauchemar, fut ma singulière introduction à ce monde de magie et de merveilles qui avaient semblé comme étant la parfaite échappatoire des imperfections de mon ancienne vie. Après que mes parents m'aient embrassée et dit au revoir, après que j'ai soulevé mes bagages à bord du train rouge, après que j'ai localisé un compartiment vide et m'était assise, lui et ses balourds, idiots d'amis, avaient ouvert la porte. Ils m'avaient regardée de haut en bas, et demandé si j'étais née de parents Moldus.

Pensant que mon discret lignage serait impressionnant, serait une représentation indéniable de combien j'avais ma place, me marquant comme digne, je répondais par l'affirmative, impatiemment, agréablement.

« Alors, tu es une sang-de-bourbe … Eh bien, tu ne feras pas long feu. » avait-il répondu, ses lèvres retroussées, le rire sourd-muet de ses laquais se répandant en écho dans mes fragiles et naïves oreilles.

« Qu'est-ce que tu veux dire par là ? » J'avais demandé, sidérée, incertaine si je devais me sentir blessée, outrée, ou en colère.

Il m'avait regardée comme si j'étais stupide avant de jeter sa tête en arrière et de rire. Même dans un état optimiste et plein d'espoir, je pouvais reconnaitre l'inimitié lorsqu'on m'y confrontait de façon aussi évidente.

« Tu ne sais pas ? Tu es seulement dans ce train parce que le Directeur de l'école est un sénile vieux benêt compatissant. Tu n'es pas à ta place ici. Tu es un cas social, de la charité mal placée. Mon père dit que vous tous devriez être partis dans l'année, s'il a son mot à dire à ce sujet. » m'avait-il informé, son ton dédaigneux, condescendant. En un mot, cruel.

Heureusement, il avait décidé que je ne valais plus la peine et était parti trouver des compagnons plus dignes, me laissant tremblante et seule. J'avais lu, bien sûr, à propos de cet étrange et archaïque préjudice que les familles de sorciers sang-pur avaient contre les gens comme moi mais je n'y avais pas cru, je n'avais pas voulu y croire, que cela existait encore, encore moins sous cette forme puissamment désarmante.

Mais Drago Malefoy, m'étais-je dit, n'était qu'un seul garçon. Sûrement, les autres personnes pensaient différemment. Sûrement, je ne serais pas aussi seule à Poudlard, ce lointain et fantastique château, comme je l'avais été chez moi.

Et donc j'ai serré les dents, la détermination et le désespoir infiltrant ma personnalité à un tel degré que j'étais sure de paraître plus autoritaire et suffisante que je ne l'étais réellement. Mais j'avais eu raison, la plupart des gens étaient bons, la plupart des gens étaient comme moi, la plupart des gens ne me jugèrent pas aussi sévèrement pour un apparentage sur lequel je ne pouvais rien.

A travers les années, j'ai appris comment gérer l'hostilité de Drago Malefoy.

Il ne me laissait jamais oublier qui j'étais et ce que j'étais il ne manquait jamais une opportunité d'exploiter ma seule et unique faiblesse. J'ai appris comment répondre de la même façon, comment user de sarcasme et d'esprit et de ma source intarissable de rage pure et non filtrée face à ses défauts — ou plus précisément, son dédain pour moi — afin de le désarmer verbalement. Nos joutes argumentèrent en fréquence et hostilité à mesure que nous grandissions.

Et lorsqu'on atteignit notre ultime, dernière année ensemble, nous étions à une sorte de point mort.

Il n'y avait plus rien que nous nous ayons dit l'un l'autre, rien que nous avions retenu, rien de nouveau pour tourmenter l'autre. Arrivé Octobre, nous avions carrément cessé de reconnaitre l'existence de l'autre. Notre ennui en présence de l'autre était palpable dans les étroits couloirs de pierre. En Novembre, les regards noirs n'étaient presque plus échangés, nos vies se heurtaient si rarement qu'il n'y avait peu ou pas d'intérêt à continuer une guerre qui n'avait jamais proprement commencé.

Voilà pourquoi je fus surprise lorsqu'il vint s'asseoir en face de moi dans la bibliothèque au début de Décembre, un petit sourire satisfait et mesquin en place.

« Oui ? » Demandais-je sèchement, plus irritée par son interruption que par sa présence.

« Granger. Sang-de-bourbe. Cela fait … Un bail » remarqua-t-il nonchalamment, caustiquement. Mon corps se tendit à son ton.

« Malefoy. Je t'appellerais bien par quelque chose de plus dérogatoire, mais je ne trouve pas de terme qui puisse faire justice à ta dépravation. » Répondis-je, désabusée, observant son visage.

« La justice est un concept qui date, Granger. Je suis surpris que tu ne te sois pas investie dans quelque chose de plus innovant. » Lança-t-il, le sarcasme en fin voile de sa peu subtile référence à nos droit de naissance respectifs. Il était tout sauf étranger à l'ironie.

« L'inceste date aussi, Malefoy, mais cela ne semble pas arrêter ta famille pour autant, n'est-ce-pas ? » Ai-je indiqué, souriant sans humeur.

« Quelqu'un se sent l'esprit ouvert aujourd'hui, » commenta-t-il, inspectant ses ongles.

« Cesse de jouer l'hypocrite cinq secondes, Malefoy. Qu'est-ce que tu veux ? » Demandais-je.

« Rien. » Il se tut, attendant quelques moments avant de remarquer mon regard furieux avant de poursuivre, « Rien pour l'instant, je veux dire. En revanche, j'ai connaissance de quelque chose qui pourrait bien t'intéresser et qui va se produire cette nuit, à minuit, en haut de la tour d'Astronomie. »

Je le regardais, sidérée, incrédule, et immédiatement suspicieuse.

« M'intéresser ? » répétais-je, les sourcils froncés. « De quelle façon ? De la façon dont l'incarcération de ton père m'intéresse, ou de la façon dont une retenue avec Rusard m'intéresse ? »

Son visage se contracta. Un tressaillement restreint.

« Sois là c'est tout. Je te promets que tu ne seras pas déçue. Ou peut-être que tu le seras. Qui sait après tout ? » Jeta-t-il au dessus de son épaule alors qu'il s'en allait.

Hochant la tête, je reportais mon attention sur mes devoirs, l'écartant lui et son évidente tentative de mauvais tour de mon esprit. Croyait-il vraiment que j'étais si stupide ? Minuit ? La tour d'Astronomie ? Presque instantanément, je réalisai que non, non, il ne croyait pas que j'étais si stupide. Alors dans ce cas à quoi jouait-il réellement ? S'il savait que je ne viendrais pas ?

Eh bien, peut être que j'irai. Juste pour voir.

Cela ne pouvait pas faire de mal.