« Lady Catherine fut indignée du mariage de son neveu ; comme elle donna libre cours à sa franchise dans sa réponse à la lettre qui le lui annonçait, elle s'exprima en termes si blessants, spécialement à l'égard d'Elizabeth, que tout rapport cessa pour un temps entre Rosings et Pemberley. Mais à la longue, sous l'influence d'Elizabeth, Darcy consentit à oublier son déplaisir et à chercher un rapprochement ; après quelque résistance de la part de lady Catherine, le ressentiment de celle-ci finit par céder, et, que ce fût par affection pour son neveu ou par curiosité de voir comment sa femme se comportait, elle condescendit à venir à Pemberley, bien que ces lieux eussent été profanés, non seulement par la présence d'une telle châtelaine, mais encore par les visites de ses oncle et tante de la cité. » (Chapitre LXI ; 61)


La lettre

— Fitzwilliam, je pense qu'il est temps d'envisager de réentamer un rapport avec votre tante.
— Elizabeth ! s'exclama Darcy. Elle a dit tant de choses horribles sur vous… Elle a utilisé des termes si blessants…

Il frissonna à cette pensée.
— Je sais, répondit Elizabeth, mais c'est une femme fière qui a l'habitude de parvenir à ses fins alors il n'est pas surprenant que le fait que vous m'ayez épousé au lieu de sa fille l'ait tellement mise en colère. Tout le monde a des défauts et pourtant, si nous abandonnions nos rapports avec des parents ou des amis imparfaits, nous n'aurions aucun entourage.

— Mais nous n'avons pas besoin de cette relation. Nous nous en sortons parfaitement bien sans cela.
— Oui, néanmoins je me sens coupable d'être la cause de l'éloignement entre votre tante et vous.
— Vous ne devriez pas. Toute la culpabilité est de sa part. Et pour être honnête, je ne l'ai jamais beaucoup aimé.
— Mais c'est votre tante. N'avez-vous pas de bons souvenirs d'elle ? Ne voulez-vous pas pouvoir à nouveau lui adresser la parole, même sans être très proches ?
Darcy haussa les épaules de manière évasive. Il hésita.

— Peut-être, si cela enlèverait votre sentiment de culpabilité ...
Elizabeth sourit joyeusement et prit le visage de son mari entre ses mains pour couvrir ses lèvres de baisers rapides. « Merci » dit-elle dans un souffle entre deux baisers.

Darcy rit.

— Si j'avais su que cela susciterait une telle joie et une telle passion, j'aurais proposé de le faire il y a longtemps.
Elizabeth se mit à rire avec lui.

— Qui aurait pensé que lady Catherine pouvait être une cause de joie et de passion ? Bien que, je dois dire que ce n'est pas la première fois. Elle nous a réunis par son ingérence.
— Son ingérence très grossière.
— En effet, son ingérence très grossière. Et donc, nous pouvons espérer que sa connaissance amènera de nouvelles ingérences grossières qui ne feront que nous rapprocher.

Elizabeth sourit effrontément à son mari qui lui rendit son sourire.
— Vous savez, hasarda Darcy en parlant lentement et pensivement avec une étincelle d'humour impertinente dans les yeux, je commence à me demander si vous voulez retrouver la compagnie de lady Catherine uniquement pour pouvoir rire d'elle.

Elizabeth lui donna un léger coup de poing au bras de manière espiègle : « Comment, Monsieur ! Comment osez-vous ! Bien que j'avoue que je me régale de tout ce qui est ridicule, et lady Catherine est une source infinie de ridicule. Je dis cela avec tout le respect que je dois à votre tante.
— Bien sûr, répondit Darcy qui feignit d'être offensé et Elizabeth crut un instant son expression farouche et sévère avant de réaliser qu'il la taquinait et elle éclata de rire.


La réponse

— Incroyable, marmonna Darcy en lisant la lettre.
— Qu'est-ce qu'il y a, William ? demanda Elizabeth.
Mr. Darcy, Mrs. Darcy et Miss Darcy prenaient leur petit-déjeuner à Pemberley. Le petit salon donnait sur le lac et ce matin la vue était particulièrement belle. Georgiana détourna ses yeux de la vue et regarda son frère avec curiosité.
Darcy soupira.

— Lady Catherine a répondu.
— Ah, dit Elizabeth. Et je suppose que la réponse est impolie et pas du tout conciliante ?
Darcy soupira de nouveau.

— Vous la connaissez trop bien. La réponse est certainement impolie. Cependant, elle semble s'être calmée un peu depuis la dernière lettre. C'est incroyable qu'elle se comporte comme si nous devions implorer son pardon et ardemment désirer reprendre contact avec elle.

Elizabeth sourit.

— Encore quelques lettres et elle cédera à sa curiosité et daignera nous rendre visite à Pemberley, malgré la profanation que ces lieux ont subie.

Georgiana en avait le souffle coupé.

— Lady Catherine a dit ça ?
— Oh oui elle l'a fait, répondit Darcy d'un ton sombre.
Le visage de Georgiana exprimait son choc.

— Comment a-t-elle osé ?
— C'est peut-être plus par bêtise que par courage, dit Darcy, car elle sait à quel point la repartie d'Elizabeth est vive et agressive et pourtant elle persiste à la sous-estimer.
— Vous me flattez, mon beau mari, dit Elizabeth avant d'éclater de rire.
Darcy sourit et lorsque Georgiana eut le regard détourné, il fit un clin d'œil à sa femme, qui étouffa son rire dans sa tasse. Mr. Darcy était devenu beaucoup plus enjoué et beaucoup moins sévère depuis son mariage, bien qu'en public il avait tendance à se comporter avec autant de réserve qu'il l'avait toujours fait.
— Que répondrez-vous ? s'enquit Georgiana.
— Je ne suis pas sûr. Que recommandez-vous ?
— Son traitement d'Elizabeth est épouvantable. Peut-être que ne pas répondre est la façon la plus polie de sortir de cette situation, dit Georgiana d'une voix songeuse.
— Vous êtes une sœur très attentionnée, complimenta Elizabeth, mais je suis forte et je peux résister à la fureur, au mépris et aux reproches de lady Catherine. Pourquoi ne pas continuer d'essayer de l'amadouer ?
— Je pourrais vraiment avoir besoin d'aide pour cela. Je ne suis pas sûr d'être capable d'écrire de nouveau une telle lettre sans perdre toute dignité.
— Nous vous aiderons, répondit Georgiana, mais la lettre doit être écrite de votre main, car elle ne respecte pas assez Elizabeth pour entretenir une correspondance avec elle et je préfère éviter de relancer ma correspondance avec lady Catherine.
— D'accord, concéda Darcy, je suppose que je suis l'intermédiaire officiel de lady Catherine. Que devrions-nous lui écrire ?
« Ma très chère tante bien-aimée, » dicta Elizabeth.
Georgiana haleta de choc avant de se rendre compte qu'Elizabeth n'était pas sérieuse. Georgiana aimait beaucoup Elizabeth, mais parfois, malgré son intelligence considérable, elle tardait à comprendre l'humour d'Elizabeth. Cependant, elle apprenait vite et, suivant l'exemple d'Elizabeth, elle osa continuer la plaisanterie de manière de plus en plus audacieuse :

« C'est avec une extrême désolation que je découvre que vous êtes toujours indignée, à juste titre, de mon mariage. Je dois demander votre pardon et vous implorer de nous honorer de votre présence. Pemberley est misérable sans Votre Grâce. »

Darcy et Elizabeth se mirent à rire. Darcy était agréablement surpris par le cran et l'humour croissant de sa sœur.


Condescendance et moquerie

En dépit de ses prétentions à l'indifférence et de ses manières espiègles, Elizabeth se tordait les mains avec anticipation ; elle était légèrement inquiète. Son mari passa son bras autour de ses épaules pour la réconforter et elle se pencha vers lui avec reconnaissance. Georgiana se tenait près de la fenêtre et avait la meilleure vue sur la voiture qui approchait.
— Elle a pris sa plus grande voiture. Elle sort ... on dirait qu'elle n'a pas emmené Anne avec elle après tout.
Lady Catherine avait écrit un reproche à peine voilé dans sa dernière lettre. Elle insinuait qu'Anne appréciait beaucoup Mr. Darcy mais qu'elle était probablement trop chagrinée par la rupture de leurs fiançailles pour le voir maintenant. Georgiana et Fitzwilliam, connaissant très bien Anne, ne doutaient pas que les accusations de lady Catherine étaient complètement fausses, car Anne n'avait jamais montré d'affection particulière pour son cousin et ne semblait pas se soucier de ses soi-disant fiançailles avec Mr. Darcy.
— Elle beugle des ordres au valet de pied ... et maintenant elle parle à Mrs. Reynolds qui est venue la saluer…, relatait Georgiana.
Elizabeth soupira profondément. « Je peux le faire » murmura-t-elle.
Fitzwilliam se tourna vers elle avec une expression mi- amusée, mi- anxieuse :

— Bien sûr que vous pouvez, ma chère. Vous lui avez tenu tête très vaillamment quand vous avez proclamé que vous ne feriez pas la promesse de me refuser.

Elizabeth se mit à rire au souvenir.

— Ma plus grande déclaration d'amour, dit-elle.