Partie 1: Noirceur quotidienne

-On s'aimera toujours, h'm?
-Toujours!
-Comme les grands?
-Nan, pour toujours je te dis!
- ..Ca me va! Je t'aime fort Saso!
-Moi aussi, fort fort!
-Moi fort fort fort! H'm!
-Tch, tu es vraiment têtu quand tu t'y mets!

Mon Deidara me sourit pour toute réponse. J'adore son sourire, il est si grand qu'on dirait qu'il va toucher ses oreilles. Je l'aime tellement! Je sais que c'est pour toujours! Les autres disent qu'à six ans, c'est trop tôt pour parler d'amour éternel, que ce ne sont que des rêves féériques de petits qui sont dans leur monde, mais ils ne comprennent pas. Ils ne comprennent pas ce que je ressens. Ils ne le voient pas comme je le vois. Ils ne voient pas ses grands yeux, ils ne l'entendent pas quand il rit aux éclats, ils ne sentent pas sa peau si douce, ils ne goûtent pas le sucré de ses lèvres. Il est juste unique, et ce que je ressens pour lui est si fort qu'à chaque fois que je suis à côté de lui, j'ai peur de m'envoler tellement je me sens heureux et léger. C'est sûrement pour ça que je serre tout le temps si fort sa main.

-J'adore regarder les nuages avec toi Sasou!
-Moi aussi, parce que je te regarde toi!
-Hey!

Je vois les joues de mon Dei se colorer d'un rouge écarlate, il est trop mignon! Je suis le seul à pouvoir le faire rougir, et j'adore ça!

C'est un après-midi particulièrement ensoleillé, alors mon Dei et moi on s'est allongé dans l'herbe du jardin. D'ailleurs, avec ce Soleil, je vois que mon Dei a très chaud.

-Mon Dei? T'as chaud?
-Oui, ça fait deux heures qu'on est sous le Soleil quand même!
-Oh? Bah viens, on va boire!

Je me lève et lui tend la main. Il la saisit et se met debout en titubant.

-Oh zut!

On se tourne vers l'interjection et voit un homme avec une mallette ouverte et son contenu, des feuilles en l'occurrence, répandu à terre. J'allais reprendre mon chemin quand mon Dei me chuchote à l'oreille.

-Attends, je vais lui faire une blague!

Il se dirige vers l'homme, et j'aperçois un petit feu d'artifice dans sa main. Mon Dei est un grand fan des feux d'artifice, il en a toujours sur lui et adore les allumer sous le nez des gens! Je plains d'avance cet homme.

-Attendez, je vais vous aider!
-Ah, merci mon garçon!

Son sourire s'efface aussitôt quand un feu coloré jaillit de la main de mon Dei. Il fait un bond d'un mètre tandis que son 'agresseur' se tord de rire. J'ai envie de rire aussi, mais quand je vois le visage de l'homme, je me dis que quelque chose ne va pas.

-Très bien, je voulais utiliser la méthode douce, mais visiblement..

Il saisit le bras de mon Dei qui panique et le balance dans sa grosse voiture avant de refermer la portière. J'accours tandis qu'il remonte dans la voiture et claque sa propre portière. Je crie et cours de toutes mes forces après la voiture. Je ne laisserai pas mon Dei partir! Je hurle à m'en arracher les cordes vocales. Soudain une autre voiture apparaît devant moi, comme sortie de nulle part, je la vois se rapprocher inexorablement de moi, le décor valse et plus rien.

[...]

Onze ans plus tard.

[...]

Encore un jour se lève dans cette lugubre ambiance
Et je sors brusquement de mes rêves, je sens une défaillance, comme toujours
Il est huit heures du mat', j'ai appelé au secours
Je me suis encore senti si mal, un peu comme pris de court

Encore une journée où toute ma cohérence s'endort
Je me laisse porter puisque ici rien n'a de sens
Alors je vais errer, faire semblant d'être heureux
Pour aller lentement me coucher car demain rien n'ira mieux

Et oui, déjà le jour et je pense déjà au moment où je vais me rendormir. C'est comme ça depuis longtemps. J'ai perdu tout goût à la vie. Je ne vis pas, je me laisse vivre. En marchant dans la rue, je regarde les lycéens et leurs amis. Je n'ai pas d'ami, parce que je ne vais pas vers les autres et quand ils viennent vers moi, je les rejette. Pour me punir de l'avoir laissé m'échapper. Lui. Celui à qui était dédiée ma vie. Mais passons, je n'ai pas envie de pleurer en arrivant au lycée, déjà que les autres me considèrent comme vulnérable.. Ils sont indécis, ils ne savent pas si je suis vulnérable ou farouche. Ils ignorent, parce que je ne les laisse pas me connaître.

Parallèlement à mes études minables, je fais des petits boulots à la demande. Ca peut être n'importe quoi pour n'importe qui, des fois je connais tout en détail et d'autres fois je ne sais pas trop ce que je dois faire, ni qui me le demande; je me contente de suivre les instructions. L'argent me sert à une seule chose: acheter des matériaux comme l'encre, la peinture, les crayons pour représenter une personne qui m'était chère avant que les souvenirs que j'ai dans mon esprit ne s'effritent pour finalement disparaître. Parfois je fais un portrait fidèle, parfois c'est de l'abstrait qui le représente. Sinon, chez moi, il y a toujours mes parents, qui essaient tant bien que mal de me parler, mais d'après eux, je suis fermé comme une huître.

J'entre à peine dans la cour que quelqu'un m'aborde. Je crois que cette personne est en terminale. Le garçon s'approche pour parler bas.

-Sasori, tu fais quoi après les cours?
-Rien.
-Parfait, tu vas aller en face du café 72, tu sais?
-Oui.
-A 18h30, sois pas en retard.

Il me remercie et s'en va. Et voilà, un de ces petits boulots. Ça va très vite, on vient, on me dicte et c'est bon. Il n'y a plus qu'à attendre que cette journée passe.

[...]

Dix-huit heures. Je me dirige d'un pas lent vers le bâtiment qui fait face au café 72, en l'occurrence un magasin en construction. Construction qui dure depuis 6 années. Une silhouette noire encapuchonnée est adossé à la porte qui semble pouvoir s'écrouler à tout moment. Je me poste devant l'homme. Il fait un signe de tête et entre dans le bâtiment, moi à sa suite. L'intérieur est gris et poussiéreux, des planches traînant un peu partout, les fenêtres cachées par du plastique.

-Ton travail va consister à livrer des corps, accompagné de deux autres personnes.

Quand je dis que ces boulots sont de tout et de n'importe quoi.

-Les horaires sont de nuit, d'une heure à cinq heures du matin.
-C'est d'accord.
-Tu commences cette nuit. Tiens, c'est l'adresse où tu te rendras.
-Les livraisons sont toujours au même endroit?
-Oui, les gens là-bas font de la récupération. "recyclage somatique" si on peut dire..

L'homme rit doucement. Quant à moi je repars. C'est plus rapide que de passer un entretien d'embauche et le salaire est élevé.