Après avoir descendu les escaliers, je me retrouve dans la salle commune et tourne la tête vers la seule fenêtre de la pièce. Comme je m'y étais attendu, elle est encore là, assise près de la fenêtre, un livre posé sur ses jambes repliées et les yeux dans le vague. Malgré son air triste, je ne peux m'empêcher de la trouver magnifique l'éclat de la lune se reflétant dans ses yeux et l'entourant d'un halo pareil à celui d'un ange. Je m'approche silencieusement.

« Hermione ? », demandé-je prudemment.

Elle se retourne vivement vers moi à l'appel de son prénom et je lui offre un sourire qui se veut rassurant.

« Tout le monde est déjà parti manger. Tu viens ?
- Je… –Elle se racle la gorge pour faire disparaître sa voix enrouée–, je n'ai pas terminé de lire ce livre pour le cours de Métamorphose de demain. »

Je jette un coup d'œil au livre posé sur ses genoux et je fais semblant de ne pas remarquer la même page devant laquelle je l'ai laissé trois heures plus tôt.

« Bien sûr, réponds-je avec un faible sourire. Tu veux que je te rapporte quelque chose ? »

Elle secoue la tête, comme si les mots qu'elle avait sortis, d'une voix si faible, avaient épuisé tout son stock de paroles.

« Bien, dans ce cas je te laisse. À tout à l'heure. »

Je ne sais même pas si elle a entendu mes derniers mots, mais je me retourne et franchis le portrait de la vieille dame, la tête lourde. Chaque entrevue avec Hermione devenait de plus en plus dure. Pour moi, qui essayais tant bien que mal de surmonter l'obstacle qui nous séparait désormais, et pour elle, comme si chaque mot arraché de sa bouche était d'une douleur insurmontable. Je passe ma main dans mes cheveux pour tenter d'éloigner le mal de tête qui débute et pousse un profond soupir.
La vérité est que tout cela me dépasse complètement, je ne sais pas quoi faire. Si nous avions été dans des circonstances normales, je l'aurais retrouvée en plein travail, et elle m'aurait répondu qu'elle ne pouvait absolument pas laisser tomber ce devoir à faire pour dans deux semaines tant que les choses étaient encore claires dans sa mémoire, et je me serais plaint comme quoi, moi, je mourrais de faim. Elle m'aurait alors répondu d'un ton irrité que toutes les chocogrenouilles englouties une heure plus tôt auraient pourtant dû me couper l'appétit. Ce scénario m'arrache un faible sourire, en imaginant Hermione ayant retrouvé sa vigueur.
Le fait est qu'Hermione et moi n'avons jamais été très proches lorsqu'il s'agissait d'exprimer des marques d'affections. Les filles me mettent mal à l'aise, et d'autant plus Hermione qui n'a rien à voir avec toutes les autres filles que j'avais rencontrées jusqu'alors. Notre moyen de communication préféré passe par la taquinerie et avec son comportement lunatique, je ne sais plus comment m'y prendre. Je ne suis pas Harry.

« Ron ! On t'attendait, on t'a gardé une place », me lance Seamus.

Je ne m'étais pas rendu compte que j'étais déjà arrivé dans la Grande Salle. Je m'avance vers mes amis et m'assois en face de Seamus, déjà parti dans une grande conversation avec Dean, tout en mangeant la bouche ouverte. Je touche à peine à mon assiette, restant focalisé sur le comportement d'Hermione.

« Comment va-t-elle ? »

Je me retourne vers Neville. Il semble le seul à avoir remarqué mon mutisme. Je regarde rapidement si quelqu'un s'intéresse à notre conversation, mais les Gryffondor parlent bruyamment autour de nous.

« Pas très bien. Elle n'avait même pas tourné la page de son stupide bouquin, dis-je en maugréant, triturant mon assiette avec ma fourchette.
- Ça va passer, tente de me rassurer Neville.
- Je sais. »

Mais je n'en sais rien, de même que Neville qui dit cela pour me réconforter. Nous sommes déjà en novembre, et j'ai le pressentiment que ce mois-ci ne sera pas différent des deux mois précédents de l'année scolaire, tout simplement parce que rien ne changera d'ici là. Par habitude, je jette un regard à la table des Serpentard, au centre de celle-ci. Il est là, comme à son habitude, entouré par les mêmes personnes que d'habitude, avec le même air que d'habitude : froid et tranquille.
Je soupire tout en me reconcentrant sur mon assiette. Je commence à croire que tout ceci n'a servi à rien et que je suis en train de perdre mon temps. Je me sens totalement inutile.

- - -

Je me rends compte que cela fait un bon bout de temps que je fixe le feu de la cheminée de la salle commune, car le feu ardent a laissé place à de la braise. Je baisse les yeux sur le paquet de dragées surprises de Bertie Crochue que je tiens dans la main. Je porte le dernier à mes lèvres, sûrement saveur cacahuète, puis je le mâchouille, la tête ailleurs. La salle commune s'est vidée peu à peu, me faisant me rendre compte de l'heure tardive. Je pousse un juron silencieux, n'ayant absolument pas fini le devoir de Métamorphose que McGonagall nous a demandé de faire pour demain. Finalement, j'aurais peut-être dû rester avec Hermione. En me repassant son air triste, je grimace. Probablement pas, non.

« Par Merlin Ron ! Comment peux-tu prétendre être son meilleur ami si tu n'es pas présent pour elle pendant les périodes difficiles ? » me sermonné-je moi-même.

Je soupire bruyamment en me passant les mains sur le visage. Très bien, je vais tenter de passer outre mon inhabileté avec la gente féminine pour enfin être présent pour ma meilleure amie. Cette appellation semble étrange rien qu'en y pensant mais après tout, c'est ce que nous sommes. Mais d'abord, j'ai besoin d'une bonne nuit de sommeil, tant pis pour le devoir. Après tout, ce ne serait pas la première fois que j'en rends un inachevé. Je ferme donc mon livre et monte me coucher. De McGonagall ou d'Hermione, j'hésite encore sur laquelle sera la plus difficile à affronter.