Thème : Nuit blanche. / Limite : 1000 mots.
LETTRE D'UNE NUIT.
Tu me disais ces mots, par le biais de l'interphone. Je t'entendais les hurler avec tes tripes, comme si c'était devenu vital pour toi. Pardonne-moi si je ne t'ai pas ouvert dans la seconde, cette nuit-là. Pardonne-moi d'avoir hésité, de t'avoir laissé une bonne demi-heure dans le froid glacial de l'hiver. Non, je ne voulais pas t'ouvrir. Tu étais complètement saoul, tu avais bu comme un trou. Tu ne savais plus ce que tu disais.
- MA CHERIE D'AMOUR ! J'VEUX L'CODE !
Ne pas t'ouvrir à ce moment-là, dans l'état ahurissant dans lequel tu étais, cela aurait pu s'apparenter à une non-assistance à personne en danger, en y réfléchissant bien. Alors pourquoi je ne t'ai pas aidé ? Peut-être était-ce parce que je voulais profiter de la jouissance de voir les autres au plus bas, et pas moi. De te voir au plus bas, juste une fois. Mais j'ai craqué. Je te l'ai donné ce foutu code, je t'ai donné à manger, et tu as bu beaucoup d'eau.
Tu étais encore dans les vapes quand je t'ai bordé dans mon propre lit. Tu me rabâchais sans cesse que tu voulais dormir avec moi, qu'il y avait assez de place pour nous deux. Alors, je m'étais simplement assise sur le bord du matelas, et je commençai à passer ma main dans tes cheveux. Le réveil affichait une heure du matin. Tu t'es endormi assez vite après ça, et je t'ai observé. Une heure, peut-être deux ou même trois, je ne sais plus vraiment. J'avais perdu la notion du temps, mais je m'en fichais. Même complètement bourré, tu avais l'air d'un véritable bébé en manque d'affection maternelle. Le silence avait pris une grande place dans la discussion, et c'était très agréable, après tout le vacarme que ton arrivée avait engendré.
Tu m'avais donné du fil à retordre. J'étais descendu te chercher pour éviter que tu te ramasses dans les escaliers. Je me prenais les injures des voisins, qui se plaignaient de tout le bruit que tu faisais à toi tout seul. J'avais décidé de rester à tes côtés toute la nuit, pour éviter que tu ne tâches mes draps, au cas où l'alcool menace de remonter.
- Sérieusement, qu'est-ce que j'ai fait ?
Ce fut la question que tu m'as posé une dizaine de fois, quant au matin, tu reprenais peu à peu tes esprits, tout en râlant de la magnifique gueule de bois que tu subissais à cause de tes abus de la veille. Pour rigoler, je te donnais toujours la même réponse.
- Mis à part gueuler comme une adolescente en chaleur jusqu'en alerter tout le quartier, aucune.
Aujourd'hui, sache que je ne regrette pas de t'avoir accueilli chez moi. Je ne regrette pas de ne pas m'être couchée. Je ne regrette pas d'avoir veillé sur toi. Je ne regrette pas d'avoir fait une nuit blanche par ta faute. Je ne regrette pas de m'être occupée de toi, telle une mère qui s'occupe de son enfant.
La seule et unique chose que je regrette depuis cet instant maternel et nocturne, c'est que ces trois petits mots, ceux qui peuvent changer une vie, sortaient de ta bouche alcoolisée.
