Merlin avait souvent imaginé la réaction du Prince face à son secret. Les nombreuses fois où il y avait songé, il se représentait Arthur criant et le mettant à mort, son visage partagé entre le dégoût et la déception. Parfois, il essayait d'imaginer une meilleure fin et il voyait son ami tourner les talons et l'abandonner sans un dernier regard. Dans ses rêves, ou plutôt dans ses cauchemars, la révélation de ses pouvoirs magiques se passait toujours mal. Comment aurait-elle put se passer autrement ? Le futur roi n'accepterait jamais d'avoir été trahi et trompé pendant si longtemps.

Bien qu'il ait redouté de nombreuses fois de se trouver dans cette situation, Merlin n'avait jamais pensé que le simple regard d'Arthur le ferait autant souffrir. Il n'avait pas crié, il n'avait rien dit. Il s'était contenté de regarder Merlin sans même une once d'étonnement dans les yeux. Jamais le jeune magicien n'avait songé qu'un simple regard le bouleverserait à ce point, dans son imaginations au moins il pouvait se défendre. Dans son imagination, il pouvait crier qu'il avait sauvé les fesses du Prince plus d'une fois grâce à la magie. Mais là, Merlin était tout bonnement incapable de dire quoi que ce soit.

Ils étaient allés visiter un des villages non loin de Camelot afin de parler aux citoyens et de vérifier que la loi était respectée. Mais sur le chemin du retour, ils s'étaient fait attaquer par deux brigands qui s'étaient jetés sur eux avec la claire intention de les tuer.

Durant la bataille, Arthur l'avait vu éjecter un des deux hommes contre un arbre à l'aide de ses pouvoirs alors que Merlin était persuadé qu'il était toujours assommé. Mais le futur roi avait la tête dure, il avait transpercé de son épée le brigand qui l'avait frappé à la tête et avait rejoins Merlin juste à temps pour assister à la scène.

Il n'avait toujours pas bougé, incapable de dire le moindre mot. Arthur ne bougeait pas non plus, il regardait son serviteur du regard le plus neutre qui ait jamais existé. Merlin ne pouvait déceler aucune émotion sur son visage, rien.

Soudain, Arthur brandit son épée au-dessus de sa tête et se précipita sur le jeune sorcier, ce dernier, n'envisageant même pas de se défendre, ferma les yeux en attendant sa sentence. Arthur le bouscula, il y eut un bruit de ferraille mais la douleur ne vint pas. Ce n'est qu'en se retournant qu'il vit le prince transpercer le bandit qu'il croyait avoir tué en l'éjectant. Il venait de lui sauver la vie, Merlin était sous le choc.

Le jeune prince retira son épée et l'homme tomba sur le sol toujours agrippé à son petit poignard gravé rougit par le sang. Merlin était toujours incapable de bouger. Arthur lui tournait le dos, il ne pouvait plus voir son regard. Il prit alors son courage à deux mains :

- Arthur, murmura-t-il.

Mais ce dernier vacilla et ses jambes ne semblèrent plus capables de porter son corps. Merlin se précipita vers lui et l'attrapa par le bras. Il l'aida à s'asseoir et puis à s'allonger quand il se rendit compte que même la position assise n'était pas envisageable. C'est alors qu'il vit la tache rouge qui grandissait sur la tunique du Prince. Le cœur de Merlin manqua un battement.

- Pourquoi avez-vous fait ça ? Demanda-t-il d'un ton presque implorant.

- Je t'en prie, répondit simplement Arthur, c'était un plaisir.

- Vous êtes vraiment trop stupide, souffla Merlin pendant qu'il enlevait son foulard afin de l'appuyer contre les côtes de son ami.

- Tu sais que je suis le prince, dit Arthur qui ne semblait faire aucun cas de sa situation. Tu n'es pas sensé m'insulter sans arrêt.

- Et vous, vous n'êtes pas sensé mourir pour sauver un serviteur, Sire.

Arthur ferma les yeux, le sang coulait trop vite, trop fort…

Après quelques secondes, et sans rouvrir les yeux, il dit :

- J'ai eu beaucoup de serviteurs... plusieurs nourrices et mes chevaliers sont prêts à mourir pour moi et pour Camelot... la douleur semblait prendre possession d'Arthur. Mais je n'ai jamais eu d'ami…

- Je suis votre ami, répondit Merlin, qui faisait son possible pour ralentir le flux.

- Je ne crois pas être ton ami Merlin. Arthur ouvrit les yeux. Je le pensais sincèrement, mais… je pense que les amis se font confiance et… tu ne me…

Arthur ne finit pas sa phrase, à la place il émit un gémissement. Les mains de Merlin étaient trempées par le sang.

- C'est à cause de votre père… répondit Merlin, qui n'arrivait pas à regarder Arthur dans les yeux. Je ne voulais pas vous mettre dans une situation compliquée.

- Je sais… J'ai toujours cru que tu étais un garçon maladroit. Mais en y repensant, j'ai du m'attribuer beaucoup de tes victoires.

- Je ne dirais pas ça, Sire. C'était un travail d'équipe, sauf que vous ne saviez pas que j'étais dans l'équipe. Disons que je vous ai donné quelques coups de pouces.

Arthur palissait à vue d'œil, ses lèvres avaient perdu toute coloration alors que de grandes marques violacées apparaissaient sous ses yeux. Merlin profita des quelques moments où Arthur fermait les yeux pour tenter une ou deux formule de guérison. Bien que son ami soit désormais au courant, le jeune magicien n'était pas très à l'aise à l'idée d'utiliser ses pouvoirs devant lui, c'était trop tôt. Mais les formules ne marchèrent pas.

- Que fais-tu ? demanda le jeune homme.

- J'essaie de vous sauver par la magie… Finalement, Merlin préférait être honnête. Il avait menti durant tellement d'années.

- Et ça fonctionne ? Souffla-t-il.

- Non, j'ai bien peur que non.

- C'est bien ma chance. Mon serviteur est un magicien, mais un mauvais magicien.

Merlin sentit un sourire se former sur son visage.

- Détrompez-vous, majesté, je suis très puissant.

- Très puissant, dis-tu, et tu n'arrive pas à venir à bout d'une petite blessure mortelle de rien du tout ?

- Comment savez-vous qu'elle est mortelle ?

- Parce que je suis en train de mourir… répondit calmement le prince sans regarder Merlin.

Le magicien sentit un frisson le parcourir, la légère vague de chaleur qu'il avait ressentit quelques secondes plus tôt en plaisantant de ses pouvoir avait maintenant fais place à la peur.

- Ne vous inquiétez pas, Arthur, je vais m'occupez de vous. Vous n'allez pas mourir.

- Tu m'en vois ravi.

Merlin allait ajouter quelque chose, mais son ami venait de sombrer dans l'inconscience.

Pourquoi cela ne marchait-il pas ? Merlin était un magicien puissant, il avait essayé 4 formules différentes et aucunes ne semblaient avoir d'effet. Ce n'était pourtant qu'un simple poignard, certes il était joli mais… soudain le jeune homme s'arrêta. Il se leva d'un bon et se dirigea vers l'homme qui avait blessé Arthur. Il tenait toujours son poignard mais Merlin n'eut aucune peine à le dégager de sa main. Il posa ses yeux sur la lame et ses doutes se confirmèrent, elle était gravée, pleins de minuscules symboles de l'ancienne religion, c'était une dague ensorcelée.

Arthur allait mourir. Ils étaient à au moins un jour de marche de Camelot, les cheveux s'étaient enfuis durant la bataille et ils n'avaient rien pris avec eux. De plus, la nuit allait bientôt tomber, réduisant à zéro les chances de croiser quelqu'un dans cette forêt.

Arthur allait mourir, il n'avait aucun moyen de trouver une formule qui pourrait guérir son ami sans l'aide de son grimoire. Alors Merlin sentit des larmes couler le long de ses joues, mais il refusa d'abandonner. Il essuya l'eau salée du revers de sa main et arracha sa cape au mort. Il alla chercher la cape de l'homme qu'Arthur avait tué un peu plus loin, ramassa un peu de bois et revint auprès du prince.

- Ce n'est pas grave, si je ne peux vous sauver par la magie, je vous sauverai à la manière traditionnelle, murmura-t-il à Arthur.

Il posa une couverture près d'un gros rocher et alluma un feu juste à coté. Puis il entreprit de tirer le jeune homme jusque là. Il s'assit enfin sur la couverture et attira le prince contre lui. Alors Arthur sembla reprendre conscience.

- Que fais-tu ? demanda Arthur qui, malgré la douleur et la faiblesse semblait quelque peu mal à l'aise de se retrouver ainsi dans les bras de Merlin.

- J'applique les enseignements de Gauis, répondit Merlin. Séparer le blessé du sol par une couverture, faire un feu pour éviter l'humidité et enfin faire profiter le blessé de notre chaleur corporelle afin qu'il puisse se réchauffer et qu'il ne succombe pas à cause de l'hypothermie.

- Hum… Arthur tremblait.

- Il faut que vous restiez conscient Arthur, dit le jeune magicien en le recouvrant de la deuxième cape. Racontez-moi quelque chose.

- Que veux-tu que je te raconte ? demanda Arthur d'une voix qui n'était plus qu'un murmure.

- Je ne sais pas, quelque chose de votre vie, votre enfance.

- Tu la connais déjà, répondit-il. Si tu me racontais plutôt la tienne. Comment devient-on magicien ?

Merlin était choqué et agréablement surpris en même temps. Arthur était au plus mal et pourtant il arrivait encore à l'étonner.

Alors qu'il maintenait sa main pressée sur sa blessure, le jeune magicien lui raconta son village, ses amis et toutes les fois où il avait secrètement aidé les autres. Il lui raconta la peur de se faire prendre quand on était magicien et l'incompréhension qu'il avait ressentie lorsque sa mère lui avait comté l'histoire de la grande purge. Il sentit Arthur se détendre dans ses bras et pria pour qu'il ne pleuve pas cette nuit.

Alors que l'aube venait de pointer, Merlin fut réveillé en sursaut par les tremblements d'Arthur. Ce dernier avait perdu toute coloration, il était glacé et ne répondit pas aux appels de son ami.

Il allait mourir. Merlin ne savait plus quoi faire, Arthur avait perdu trop de sang, il faisait trop humide, il allait succomber. Alors le jeune magicien, qui était toujours assis derrière le prince, l'étreignit de ses deux bras. Il ne mourrait pas seul. Merlin posa sa tête sur les cheveux d'Arthur et se mit à pleurer.

- Pitié Arthur, ne mourez pas. Vous ne pouvez pas mourir, vous devez vivre et devenir le roi de Camelot. C'est ma destinée de vous y aider, ne mourez pas…

Et pendant que Merlin répétait cette litanie, il ne se rendit pas compte que ses yeux avait prit la couleur du feu.

Alors que Merlin avait cessé de parler, les tremblements d'Arthur s'estompèrent et il sentit le jeune prince se détendre complètement dans ses bras. Il ne put réprimer un sanglot, et qui l'entendrait de toute façon, il était désormais seul dans cette forêt, seul avec le corps de son ami. Mais alors qu'il relâchait son étreinte, Merlin sentit Arthur bouger. Et pour cause, le jeune prince se releva en position assise.

A présent libéré du poids du corps du prince, Merlin fit un bon afin de se retrouver face à Arthur auprès duquel il s'agenouilla.

- Arthur, cria-t-il sans même s'en rendre compte, vous êtes vivant !

- Je suis vivant, répéta le prince, complètement désorienté. Que s'est-il passé ? demanda-t-il, alors que Merlin soulevait sa tunique afin de voir sa blessure qui semblait avoir rétrécit de moitié.

- Vous… vous ne vous souvenez de rien ? demanda Merlin, sentant son cœur se serrer à l'idée qu'Arthur pourrait avoir tout oublié.

- De rien, répéta encore une fois le prince d'un air lointain. Sauf que j'ai failli y rester en voulant sauver tes petites fesses de magicien insolant, reprit-il regardant Merlin droit dans les yeux avec un grand sourire.

Le jeune magicien sentit son cœur battre la chamade et, sans plus de retenue, étreignit son ami. Ce dernier fit une grimace de douleur mais rendit son étreinte à Merlin et souffla dans son oreille :

- Merci.