Titre: Imprégnés

Rating: K+

Synopsis: Ils étaient tous les deux imprégnés de solitude et de souffrance. Ils vivaient tous les deux chacun de leur côté, à effectuer des gestes qu'ils leur faisaient penser l'un à l'autre. Et puis, il y a eu cet échange. Échange qui ne l'était pas tant, puisqu'à sens unique. Two-Shot lavilena.

Disclamer : Le manga D Gray Man et ses personnages sont à Katsura Hoshino.

Salut, Lenalee…

Déjà un an que je vous ai tous quittés. Vous me manquez beaucoup, beaucoup, beaucoup. Enfin, vous me manquez très fort.

Je crois que beaucoup d'entre vous m'en veuillent, et c'est normal. Je suis vraiment parti du jour au lendemain. Dis-leur que je n'étais qu'une ombre éphémère, un être voué à disparaitre depuis le début. Ça peut peut-être les aider à avaler la pilule.

Peut-être m'en veux-tu aussi, non ? Après tout, tu m'avais fait promettre de t'écrire, il y a déjà un an… Tu sais pourquoi je n'ai pas honoré cette demande plus tôt ? Et bien, je crois que je n'en avais pas le courage, pas la force. J'avais peur. Je voulais me persuader que ces deux années passées à la Congrégation n'étaient qu'un songe absurde. Et je voulais couper tous les liens avec ce qui pouvait m'y faire penser.

C'est idiot. C'est débile. Tu sais pourquoi ? Parce que ça fait déjà un an que je n'ai plus de nouvelles de toi. A vrai dire, j'ignore si tu es en bonne santé, ou si tu repose au fond d'un gouffre. Oui, voilà. Tu es peut-être morte et je n'en sais rien. Je suis pitoyable en fait, non ?

Lenalee, Lenalee, Lenalee. J'aime bien le crissement de ma plume quand j'écris ton nom. C'est agréable. Tu sais, je t'écris depuis un café italien. Je suis à Rome, tu imagines ? Je suis ici juste pour de la documentation. C'est reposant, parce que les images de guerre me deviennent de plus en plus insupportables. Tu vois, avant mon séjour à l'Ordre Noir, je restais impassible et indifférent face aux peines des soldats. Et maintenant, je ne peux pas m'empêcher de me mettre à leur place… Je sais ce qu'ils ressentent, je l'ai moi-même vécu. Le fracas des armes, les cortèges mortuaires, les odeurs mêlées de terre, de sueur et de sang. Ils connaissent un effroi à faire vomir tripes et boyaux…

D'ailleurs, tu connais sûrement toujours cet effroi. Je m'en veux… Je voudrais te protéger face à tout sa. Enfin, j'imagine que Yûu et Allen le font bien mieux que moi… Je me suis enfui comme un couard, alors je n'ai pas à me plaindre. Cette vie, c'est moi qui l'ai choisie, après tout. Personne ne m'y a forcé.

Mais bon, être Bookman a pas mal de désavantages. Il y a par exemple ce code moral : « Les Boukmens n'ont besoin de cœur ». C'est celui qu'il m'est le plus difficile de ne pas transgresser. Surtout depuis que j'ai fais la connerie de tomber amoureux de toi...

Je pense que ça s'est joué au premier regard. Je venais d'arriver à la Congrégation, quand je t'ai vu de loin. Tu pleurais, ton beau visage encadré de tes sublimes cheveux noirs. Ça m'a touché. Au début, je te détestais pour me faire ressentir de pareils sentiments. Mais ta patience et ta gentillesse ont eu raison de ma réticence.

Au moment où je t'écris, un type qui est assis à côté de moi joue du violon. C'est beau, mais un peu triste aussi. Ça me donnerais presque envie e chanter, Na, na, na na na… J'irais sûrement lui donner un peut d'argent à la fin de sa représentation.

Tu sais, j'ai commandé un fondant au chocolat. Je n'en raffole pas, mais ça me fait penser à toi. Je sais que tu adores ça.

Je sais pleins de choses sur toi. Ta date de naissance est le 20 février, par exemple. Tout ce que tu as pu dire en ma présence est resté gravé dans ma mémoire infaillible. Je suis sûr de ne jamais oublier.

Et tant que j'y pense, je trouve que ma vie est drôle. Pas drôle dans le sens où c'est amusant, drôle dans le sens où c'est bizarre.

Tu vois, moi qui dois justement faire preuve d'impassibilité, et bien, mes sentiments m'obsèdent. C'est ironique, pas vrai ? On dit que ce qui ne tue pas rend plus fort. Alors dans ce cas, je suis déjà mort. Je fais semblant de continuer à vivre et je souris. Sans rire, en ce moment, je suis un vrai zombie. La vie se déroule autour de moi sans que j'y prenne part. C'est ce que mon Grand-père aurait voulu, et ça me console un peut de me dire que je fais honneur à sa mémoire.

Il y a aussi un autre truc qui m'est insupportable. C'est de voyager. Je sais pas ce qui a changé, mais maintenant, quand je monte dans un train, j'ai des sueurs froides et comme une sorte de vide à l'intérieur de moi (je crois que ça ne se dit pas, « à l'intérieur de moi », mais je n'arrive pas à te l'expliquer autrement). Peut-être parce que je suis tout seul. Mon Grand-père n'est plus là pour m'accompagner. Les traqueurs et les exorcistes ne sont plus là pour m'accompagner. Tu n'es plus là pour m'accompagner. L'inconnu me fait peur. Le manque de repères, aussi.

Merde. Voilà que je fais dans le mélodrame. Je suis désolé. Je crois que si je ne vide pas mon sac, je vais vite devenir fou (enfin, encore plus qu'avant).

Je me rappelle d'un soir, tu m'avais dit que j'étais cruel. Une passante venait de mourir devant moi et j'avais préféré la laisser crever en ne lui portant pas secours pour te protéger d'un Akuma. Je me souviens de la colère que tu éprouvais. Je la ressentais jusque dans mon âme. Je t'avoue que sur le coup, je n'avais pas bien compris pourquoi tu avais employé ce mot. « Cruel »…

Une personne cruelle est une personne qui fait preuve de cruauté. La cruauté est elle-même un penchant à faire souffrir. Tu pensais que j'aimais faire souffrir les gens ?

Ce n'est que bien plus tard que j'en ai compris la signification. J'étais cruel, parce que j'avais préféré te sauver toi plutôt que cette femme rien que pour mon petit plaisir. Tu me manquerais, elle, non. Mais ce n'est pas vraiment de la cruauté : c'est plus de l'égoïsme. Enfin, l'égoïsme est peut-être une forme de cruauté, je ne sais pas.

Lenalee. J'ai 19 ans, pas de maison, pas de rêve, pas de nom et plus d'amis. Je ne peux compter que sur moi-même. Ma vie est morne et sans passion. Je n'ai rien à quoi me raccrocher. J'avais fait de vous mon point d'ancrage et maintenant je suis parti à la dérive. C'est pas triste, hein! Ça rentre dans le cours des choses, pas vrai ? C'est juste logique, en fait.

Tu sais pourquoi je te raconte tout ça ?

Parce que je crois que ça m'aide à faire le deuil de mes deux années passées avec vous. Il faut que je m'habitue à l'idée de ne plus jamais te revoir. J'espère seulement que tu es heureuse.

Mon dernier jour à la Congrégation… Je me souviens, je faisais mes valises pour partir. Mon Grand-père venait de mourir, et j'avais seulement dit à Komui que je m'en allais et lui avais fait promettre de ne rien dire à personne. Je ne voulais pas d'adieux déchirants.

Pourtant, tu as fait irruption dans ma chambre sans prévenir, et tu as tout découvert. Tu as alors souri d'un air triste et résigné, l'air infiniment peiné. Tu t'es approché de moi et tu m'as embrassé doucement.

Tu es resté avec moi jusqu'à mon départ, et au moment de se quitter, tu m'as regardé droit dans les yeux et tu m'as fais promettre de t'écrire.

C'est désormais chose faite.

Je ne te laisse pas d'adresse pour me joindre et je quitte l'Italie dès demain.

Je t'aime.

Na, na, na na na.

Merci d'avoir lu.