Bonjour à tous ! Ça y est, me voilà embarquée dans une nouvelle histoire alors que je n'ai terminé ni "Tokyo Ghost Stories" ni "La Déchéance d'un homme"... honte à moi ! Mais il se trouve que cette fiction est une traduction ! C'est la première fois que je me lance dans une traduction aussi longue, mais je dois avouer que l'exercice me plaît bien. J'ai choisi cette histoire en particulier parce qu'elle nous propose une vision assez originale de ce cher Dazai et de son passé. J'ai trouvé que les rapports entre les personnages y étaient très justes, bien dosés et finalement assez subtiles. Je précise encore une fois que cette histoire n'est pas de moi. Je la publie juste pour le plaisir de la traduction, et après plusieurs échanges avec son auteur :)
Pour ceux qui me suivent, ne vous inquiétez pas, je poursuivrai mes propres fictions, en particulier "La Déchéance d'un homme" à laquelle j'ai pas mal réfléchi ces derniers temps ;)
Par rapport aux choix de traduction, n'étant pas une grande spécialiste en la matière, j'ai tenu à garder le sens général des phrases, mais sans m'attacher à certaines subtilités que je n'arrivais parfois pas à rendre. J'ai aussi étoffé certaines phrases, mais sans jamais m'éloigner du travail d'origine. J'espère en tout cas que le tout sera le plus fluide possible. Dites-moi ce que vous en pensez ! Voilà, là-dessus, très bonne lecture à tous !
CHAPITRE 1.
Liverpool,
Un dimanche,
Pas une voiture,
Sur l'avenue.
La lumière est pâle et fine,
Comme toi.
Aucun bruit ne résonne
Dans cette partie de la ville,
Excepté le garçon sur le clocher - il est fou
Il s'est jeté du haut de la tour.
Comme un bossu au paradis, il fait sonner les cloches dans l'église pour la dernière demi-heure
Cela résonne comme s'il manquait de quelque chose - ou de quelqu'un - et la certitude pourtant qu'il ne pourra jamais le trouver.
Et si ce n'est pas son cas,
C'est le mien.
Encerclé par une mare de sang, il y avait un corps, étendu sur la chaussée d'ordinaire bruissante de monde. C'était du moins le cas lorsque le soleil brillait. Mais dès que la nuit tombait, seule une âme imprudente se risquait à arpenter les alentours de cette vieille église qui se tenait solitaire dans les ténèbres. Émergeant de la brume comme un navire solitaire et à la lumière incertaine des lampadaires cerclés d'ombres, elle avait l'air d'un monstre fantastique, et terriblement menaçant. Si l'on osait malgré tout s'en approcher, le malaise ne pouvait qu'être entériné par sa façade grise, craquelée par le temps et malade d'oubli.
Il s'écoula plusieurs heures avant que le corps sur la chaussée ne soit découvert par un passant qui se rendait au travail. Le sang, qui avait déjà séché sur les pavés, les avait teintés de rouge sombre. Le corps fut pris en charge par une équipe d'ambulanciers, dix minutes après sa découverte, et transporté à l'hôpital.
À l'Agence des Détectives armés, le portable de Kunikida se mit à sonner, dérangeant l'ancien professeur dans la rédaction quotidienne de son rapport.
« Doppo Kunikida », répondit-il d'une voix contrariée. Il n'aimait pas qu'un événement inattendu vienne perturber sa routine matinale. Après quelques secondes de silence, pendant lesquelles il écouta simplement ce qu'on lui disait à l'autre bout du fil, son visage se décomposa, lui attirant un regard curieux de la part de ses collègues.
« Quel est le pronostic ? (…) Je vois. J'arrive tout de suite », dit-il en raccrochant.
« Quelque chose ne va pas ? » demanda Atsushi depuis son bureau.
Kunikida afficha un air grave et ferma les yeux quelques instants avant de croiser les bras et de se racler la gorge pour attirer l'attention générale.
« Écoutez, je viens de recevoir un appel de l'hôpital. Dazai a été trouvé ce matin près de l'église de Shinja. Il aurait sauté du clocher », annonça-t-il. « Ce crétin est en réanimation, ils ne savent pas encore s'il va s'en sortir. »
Un frémissement d'horreur et de surprise parcourut simultanément les membres de l'Agence.
« Je pars à l'hôpital, quelqu'un veut m'accompagner ? » demanda-t-il, avant que tout le monde ne se lève d'un seul et même mouvement.
« Très bien, allons-y. »
Il n'y avait rien d'inhabituel à ce que Dazai n'arrive pas à l'heure au travail. Il n'y avait rien d'inhabituel à ce qu'il disparaisse pendant plusieurs jours et réapparaisse, soudain, sans dire à personne les raisons de son absence. Parfois, il revenait sain et sauf, d'autres fois, il ramenait un bras en écharpe ou une paire de béquilles. Ce qui ne changeait jamais en revanche, c'était cette façon d'agir comme si de rien n'était, et qui les avait très vite poussés à cesser de le questionner.
Kunikida n'avait aucune raison de penser que ce lundi serait en quoi que ce soit différent.
Cinquante minutes après l'appel, tout le monde était rassemblé dans la salle d'attente de l'hôpital. Kunikida n'avait pas décroisé les bras depuis le coup de fil, maudissant son idiot de partenaire et son obsession pour la mort. Il savait que les jours étaient comptés avant qu'il ne trouve la manière la plus adéquate de s'en aller, mais ce n'était pas le moment. Il leur restait encore tellement à faire…
Ils attendirent en silence. Même le président Fukuzawa était présent. Les tendances suicidaires de Dazai n'étaient un secret pour personne, mais restait à savoir si tout le monde les prenait au sérieux. Les doutes que Kunikida nourrissait à leur encontre avaient quant à eux disparu, petit à petit, à mesure que les révélations tombaient sur le passé de Dazai.
Dazai voulait vraiment mourir et cette fois, cette fois pour de bon, il semblait qu'il y soit parvenu.
Après plusieurs heures d'attente, un docteur vint enfin à leur rencontre. Il expliqua avec un visage sinistre que Dazai avait sombré dans le coma et qu'il ignorait quand il en sortirait. Ses blessures étaient graves, comptant plusieurs os brisés, des lésions internes et un sévère traumatisme crânien. Ce fut cependant là tout ce que Kunikida réussit à comprendre tandis que le médecin utilisait des termes qu'il ne comprenait pas, à propos du cœur et des poumons de son collègue. Il avait de toute façon entendu ce qu'il avait besoin d'entendre. Dazai était vivant, et le resterait pour l'instant.
« Kunikida-san ? » demanda prudemment Atsushi, brisant le silence qui s'était installé dans la voiture. Lui et Kyouka étaient assis sur la banquette arrière pendant que Kunikida conduisait. Pour toute réponse, l'Agent grogna quelque chose d'incompréhensible, sans détacher les yeux de la route.
« Vous… vous pensez qu'il a fait ça de lui-même ? » demanda le jeune homme d'une voix tremblante.
« Bien sûr qu'il l'a fait, ce crétin », répondit Kunikida d'un ton ferme.
Une grimace vint déformer le visage d'Atsushi, et Kyouka posa une main réconfortante sur son épaule.
« Je suis sûre qu'il s'en sortira », dit-elle avec un petit sourire, mais sa voix haut-perchée, et rendue faible par l'anxiété, ne put rendre ses paroles convaincantes.
« J'espère que tu as raison », marmonna Atsushi, le regard perdu dans le paysage qui défilait derrière la vitre, tandis que la voiture entrait dans le quartier où s'élevait l'église de Shinja. Le secteur avait déjà été nettoyé. Seule la longue trainée de sang qui couvrait le trottoir, et qui résistait toujours à la pression des karshers, évoquait encore les événements de la nuit passée.
Kunikida se gara au bord de la chaussée.
« Vous pouvez rester ici, mais j'aimerais jeter un œil », dit-il d'une voix plus grave et plus énergique que d'ordinaire.
En baissant la vitre, Atsushi découvrit soudain le sol tâché d'écarlate, à quelques mètres à peine de la voiture. Sa réaction fut instantanée et l'assujettit à un violent frisson qui l'obligea à secouer la tête pour reprendre ses esprits. Kyouka, elle, était déjà sortie de la voiture. Il la suivit.
Les mains dans les poches, Kunikida inspecta la zone et Kyouka les alentours de l'église abandonnée. Atsushi resta quant à lui en retrait et croisa nerveusement les bras en espérant qu'ils terminent le plus rapidement possible.
Après quelques instants, les deux agents s'en retournèrent. Il n'y avait de toute façon plus rien, et la police avait fait nettoyer tous les signes (enfin presque tous) de la tentative ratée de suicide.
En dépit de tout, Dazai se réveilla cinq jours plus tard. Encore une fois, l'hôpital appela d'Agence en demandant à ce qu'on vienne immédiatement. Les Détectives armés, alors malades d'inquiétude, s'étaient rués à l'hôpital à peine l'appel passé. Le docteur vint à leur rencontre et il leur fit son exposé, avec cette petite touche de « ça arrive tous les jours » propre au corps médical, sur l'état de santé de Dazai.
Son dos, sa jambe droite ainsi que plusieurs côtes étaient cassés. Son crâne avait été fracturé et son corps souffrait de plusieurs lésions. Le médecin évoqua par ailleurs, comme circonstance atténuante, ses nombreuses blessures mal soignées, et qui lui avaient laissé de vilaines cicatrices. Il les informa, enfin, que Dazai était surveillé en raison de ses tendances suicidaires, ce à quoi Kunikida savait son coéquipier habitué.
Après son rapport, il leur fit savoir qu'ils pouvaient voir le blessé, mais pas plus de deux à la fois, car il avait besoin de repos. Kunikida et Atsushi furent naturellement les premiers.
Lorsqu'ils pénétrèrent dans la chambre, Kunikida fut frappé par la gravité de la situation. Un moniteur cardiaque bippait, à intervalles réguliers, à côté du corps inerte de Dazai, étendu dans son lit d'hôpital. Autour de lui, un amas de fils et de machines s'assuraient que, malgré tous ses efforts, il ne meurt pas tout de suite. Son corps semblait encore plus momifié qu'il ne l'était d'ordinaire avec ses bras et sa tête entourés de bandages. Le reste était couvert d'une fine couverture, à l'exception de sa jambe élevée dans une gouttière en acier, et dont les épaisses bandes laissaient dépasser des vis qui témoignaient de ses récentes opérations. Le docteur avait confié à Kunikida qu'il n'était pas sûr que Dazai puisse remarcher normalement à cause de la gravité de ses blessures. Dans le meilleur des cas, il souffrirait de boitements toute sa vie.
« Comment tu te sens ? » demanda Atsushi en se précipitant au chevet de Dazai.
« Je vais bien », répondit Dazai avec son sourire habituel, totalement indifférent à la gravité de son état.
« Je pensais que tu en aurais assez de sauter du haut des immeubles après la dernière fois… mais bon. J'imagine qu'une église sonne plus romantique qu'un centre commercial », dit Kunikida d'un ton catégorique.
« Hein ?! » s'exclama Atsushi, qui n'était visiblement pas au courant des précédentes tentatives de Dazai.
« Tu avais brisé la quasi totalité de tes os », poursuivit Kunikida « mais pas plus qu'aujourd'hui finalement. »
« Ah oui », se souvint Dazai. « Ce n'était pas drôle. Il y a décidément de meilleures et de plus inventives manières de terminer sa vie » répondit-il en tentant de dissimuler la douleur qui transparaissait dans sa voix éraillée.
« Arrête avec cette merde. Tu y es presque arrivé cette fois. »
« Ouais, ça craint », se renfrogna le blessé. « … Sauf que je n'ai pas sauté. »
« Sauté, glissé, peu importe », rétorqua Kunikida en croisant les bras.
« Non. »
La voix de Dazai n'était rien de plus qu'un murmure.
« Je n'ai pas sauté. »
Cette fois, ce fut au tour de Kunikida d'être surpris. Personne n'avait envisagé, à un seul moment, que l'accident soit autre chose qu'une tentative de suicide ratée. Machinalement, Kunikida saisit son carnet, prêt à noter tout ce dont Dazai pourrait se souvenir.
« Que s'est-il passé ? » demanda-t-il en tirant jusqu'à lui l'une des chaises qui avaient été placées au chevet de Dazai. Atsushi l'imita, s'asseyant en face de lui, les bras ballants.
« Je n'ai pas sauté. J'ai reçu une lettre qui me donnait rendez-vous en haut du clocher. Donc j'y suis allé, par curiosité », expliqua Dazai d'une voix aussi neutre que s'il racontait ce qu'il avait mangé la veille.
« Qui ? » demanda Kunikida tout en prenant des notes dans son carnet.
« Aucune idée. J'y suis allé, j'ai attendu, et la dernière chose dont je me souviens, c'est que quelqu'un m'a frappé derrière la tête et que je suis tombé. » Il haussa les épaules. « Ensuite je me suis réveillé ici. »
« Qui voudrait bien faire une chose pareille ? » protesta Atsushi d'un air profondément outré.
« Qui ne voudrait pas ? » répliquèrent en même temps Dazai et Kunikida.
Kunikida se renfrogna tandis que son coéquipier affichait un sourire amusé.
« J'ai beaucoup d'ennemis », expliqua ce dernier d'un air faussement penaud. Ce n'était pas une surprise pour Kunikida, mais Atsushi semblait plus troublé.
« Tu aurais pu mourir Dazai-san ! »
« Ouais », appuya le concerné en fixant pensivement le plafond.
« Que s'est-il passé bon sang ?! » s'impatienta Kunikida en élevant la voix alors que son poing s'abattait de colère contre le matelas où reposait Dazai.
Ce dernier tressaillit mais tenta de ne pas le montrer. Il savait que ni Kunikida, ni personne à l'Agence, ne comprendrait jamais son envie d'en finir. Peut-être serait-ce le cas s'ils éprouvaient, tout comme lui, l'incapacité de ressentir la moindre émotion.
Son goût de vivre lui avait été retiré il y avait de cela bien longtemps. La mafia avait fait de lui une arme humaine, incapable de ressentir, indifférente aux émotions, si bien que la dernière chose qui lui restait n'était que sa fascination pour la mort. Fascination qui le portait, à vrai dire, plus que la perspective de continuer à vivre. Son cœur était si vide, si creux, peu importe ce avec quoi il tentait de le remplir, que ce soit l'amour ou la douleur, qu'il semblait avoir été totalement dévoré par les ténèbres de son passé. C'était là ce qui l'avait poussé à quitter la mafia pour rejoindre l'Agence. L'espoir de ressentir enfin quelque chose.
Ça, et bien sûr Oda.
Peu importe la gravité des blessures et la souffrance. Il avait déjà enduré pire. Il n'aimait pas la douleur mais quelque part, il s'en moquait aussi. Arrivés à ce point, son corps et son âme étaient totalement engourdis. Tout ce qu'il souhaitait, c'était protéger ceux qui lui étaient proches, et de s'assurer qu'ils ne souffriraient jamais comme lui avait souffert. Ses amis de l'Agence mais les quelques personnes de la Mafia aussi qui comptaient encore pour lui. Bien que ces mêmes personnes l'aient blessé par le passé, il savait qu'elles avaient leurs raisons. Il n'avait juste pas envie de s'en souvenir.
En d'autres termes, la raison pour laquelle l'individu du clocher l'avait poussé lui importait peu. Quel que soit le motif, il était sûr qu'il était justifié.
Puisqu'il n'était, après tout, qu'un monstre.
