Pré-face :

One-Shot, comme ont dit ici.

Un épisode particulièrement marquant pour mon personnage… J'ai tenté de laisser un petit effet de suspens quant à la fin, donc… =3

A partir de combien de meurtres devient-on un monstre ?

Le premier ?


Sanza éternua bruyamment. Peste soit ce pays ! Peste soit des elfes de sang, du Fléau et de la magie, que le chancre les étouffent !

Comme les autres Sentinelles, la présence délétère du Fléau (Maudit Fléau, héritage des hommes et de la Légion Ardente) l'affectait. C'était désagréable à un point qu'elle ne pouvait nommer.

L'elfe de la nuit fit le tour du campement du regard, avec un soupir. Les Terres Fantômes portaient bien leur nom, littéralement ravagées, alors qu'elle pensait n'avoir jamais rien vu d'aussi atroce et désespéré depuis la corruption de Gangrebois. Et encore… Les vestiges d'une civilisation à l'agonie étaient ici bien plus présents, les survivants encore là pour tenter de repousser l'envahisseur mort vivant.

Elle avait aperçue ce qui restait de Quel Thalas lorsqu'ils naviguaient, et il en restait si peu… La flamboyante Lune-Argent, la capitale aux couleurs d'or. La séparation avec les survivants de l'autre continent était consommée, plus jamais, probablement, ils ne porteraient le bleu. Sanza n'avait appris que depuis récemment ce qu'il était advenue de leurs cousins Bien Nés, de ces Quel'Dorei en exil. Ils avaient bien bâtie, même si à présent, il ne restait plus grand-chose.

La Sentinelle n'était pas jeune, même pour les siens, jusqu'alors immortels, mais pas aussi vieille que la Grande Tyrande. Elle n'avait pas connu la Guerre des Anciens, n'avait pas vu leur peuple avant que la Magie ne soit bannie. Elle ne connaissait que les conséquences de l'acte des Biens Nés.

Oh oui, ces monstres avaient bien construit !

La voix de la Prêtresse la tira de ses pensées, malgré un dernier grognement sur la simple idée de la Magie des Arcanes… Et de son utilisation. Ils allaient détruire les Sanctums, c'est pour ça qu'elles étaient là. Détruire les Sanctums, couper les nœuds telluriques de Magie, mais il aurait été sot de songer que les Elfes de Sang ne réagiraient pas lorsqu'on les priverait de leurs ressources. Aussi, devait-elle partir en reconnaissance, et vérifier qu'aucune de ces pâles créatures ne se glissaient jusqu'elles. Il y avait un village détruit non loin, elle devait partir là bas.

La Sentinelle ne dit rien lorsqu'on lui ordonnât cela, se contentant d'un salut militaire avant de partir.

Elle esquive les araignées géantes, les morts vivants, les grands félins que le Fléau avait rendus fous et meurtriers, ainsi que les créatures conjurées par la dangereuse magie des Hauts Elfes. Elle évite de marcher dans les flaques d'un vert fluorescent, de s'approcher des champignons, ou de s'accrocher aux étranges lianes qui pendent des arbres à l'agonie.

Enfin, elle arrive. Du haut de son surplomb, Sanza admire les ruines de la défunte Brume-d'Or. Ce qui reste des bâtiments ressemble à ce qu'elle a aperçue du bateau, plus au nord, mais les pourpres sont encore azur. Elle n'avait jamais vu de Quel'Dorei de près, mais c'est désormais chose faite. Leurs fantômes sans repos hantent le lieu. Leurs cheveux sont aussi blonds que l'éclat du soleil sur la résine, leur peau plus pâle que celle d'un humain –Pour ce qu'elle peut en voir- mais ils lui ressemblent. Ils se meuvent à la façon des Enfants des Etoiles, gracieux, précis, leurs oreilles sont aussi longues bien que plus minces, et elle devine leurs visages aussi fins. Ils sont comme eux, la Sentinelle en est troublée.

Mais si les morts sont si nombreux, images tourmentées d'un si important massacre, alors, combien reste t'il d'elfes dans ce pays ?


Un jour comme les autres comme les Terres Fantômes, si l'on pouvait qualifier de jour cette lumière grisâtre et diffuse, alors qu'aucun rayon n'atteignait le sol. Une journée comme les autres dans cette semi-obscurité, à essayer d'oublier la puanteur continuelle de ce pays détruit, à pourchasser morts vivants et autres créatures corrompues, en se gardant de la corruption pour soi.

Comme si des lambeaux de ce pays pouvaient réellement être sécurisés. Comme si cela en valait la peine. Mais ils le tentaient, avec l'énergie du désespoir, l'énergie de survivants qui veulent retrouver leur monde à eux, avant la catastrophe qui les a anéantis.

La jeune elfe soupire lorsque son familier cogne encore contre ses jambes. Le lynx aurait dû être fou, comme tout les Pattes-Fantômes (et il l'était probablement), de fait, leur rencontre avait été mouvementée, mais il avait choisi de la suivre. Ni les menaces de la jeune, ni ces appétits sanguinaires ne l'avaient détourné de cette décision, mais ils peinaient tout deux à s'habituer à la présence de l'autre.

Et puis, il y avait cette mission qui pesait sur l'âme de l'apprentie chasseresse. Elle avait combattu bien des créatures depuis qu'elle avait renoncé à la maîtrise de la magie (Mais pas de la Soif qui se faisait plus forte à chaque seconde), des animaux du Bois des Chants Eternels, des Tréants, des wyrmelins de mana et les créatures de l'Académie. Elle savait se battre, maintenant.

Mais jamais elle n'avait combattue un être bipède, un de ses semblables. Cette mission lui semblait contre-nature, et elle se répétait, pour se rassurer, que les Kal'Doreis n'étaient que des monstres, de grandes et sombres créatures vampires qui se gaussaient de leur chute, et désiraient abattre ce qui restait d'eux. Elle avait besoin d'y croire.

Ohtar, le lynx, sentait le malaise de sa compagne, sans savoir vraiment comment y réagir. Cette idée de suivre un autre être était toute neuve encore, il se contenta de frotter son museau contre sa main. La jeune elfe lui dédia un pâle sourire.

Les Darnassiens voulaient détruire les Sanctums des Arcanes, ce qui restait de magie en ces terres, alors que les Elfes de Sang peinaient à survivre, vulnérables face à cette formidable voie d'accès qu'est la Malebrêche. Non, ils auraient difficilement pu trouver meilleur moyen de les exterminer.

Narmë et son compagnon enjambèrent le cadavre d'une chauve-souris (A moins que ce ne soit une gargouille), et esquivèrent les tristes Esprits de Brume-d'Or, cherchant le fameux campement des Elfes de la Nuit, sans autres indications que les brefs commentaires des Soldats de Tranquillien. Elle eut pour les morts de ce village, une pensée pleine de tristesse en abordant le surplomb, mais cela fut vite chassé par le sentiment d'une présence.

Quelque chose qui, bien que vivant, n'avait rien à voir avec la faune de ces terres, ou les Sin'Doreis. Elle mit quelques instants à comprendre, mais cette idée était encore étrange. Un de ces elfes de la nuit, si près des ruines ?

Elle avança, hésitante.

La Sentinelle était bien là, son clair regard d'argent posé sur Brume-d'Or, et ses longs cheveux verts se fondant dans l'herbe autour. Elle n'avait pas senti sa présence, et Narmë l'observa. Certes, elle la dépassait de beaucoup (Mais même pour une Sin'Dorei, la chasseresse était de petite taille), sa peau était violette, plutôt que pâle comme la sienne, mais tout cela ne représentaient que des détails. La femme lui ressemblait.

Narmë avait déjà vu une Kal'Dorei déjà, Airgeadach, la druidesse aux cheveux d'argent, mais son air animal ne présentait que peu de semblance avec la Sentinelle qui était là. C'est aux siens que l'étrangère ressemblait, la jeune hésita, encore.

Elle faisait partie de ceux qui désiraient leur extinction, malgré tout… Si elle la laissait, là, maintenant, sans intervenir, cette femme si semblable mais au cœur de démon causerait la perte de plusieurs Sin'Doreis, la mort d'enfants peut être. Elle était donc un danger à éliminer.

Mais c'est plus guidée par des réflexes que l'elfe de sang banda son arc, alors que la partie rationnelle de son esprit tentait de raisonner sur ce chemin. Sa main trembla alors qu'elle libérait la flèche, et le trait ne se planta pas dans le cœur de la monstrueuse Sentinelle, mais dans une bûche un peu plus loin, sans même la frôler.


Sanza contempla avec un léger effarement la pointe encore vibrante, de la flèche qui venait de siffler sous son nez, accusant une légère difficulté à comprendre, puis tournant la tête. Las ! L'ennemi était là, déjà, une elfe de sang la tenait en joue, prêt à tirer encore une fois. Et cette fois, correctement.

Avec un grondement rageur, la Sentinelle se jette à l'assaut, alors que l'Autre se met en garde.

Ce fut un combat d'ombres, un combat silencieux, sans cri rageur ni insultes, uniquement ponctué par le choc métallique d'une lame contre quelque chose. Elles se battaient avec colère, mais c'était une colère froide, dominée par la volonté de survivre, et qu'importe ce qu'il advient de l'adversaire. C'était un combat de silence, alors qu'elles n'entendaient que le son de leur respiration saccadées, et enfin, l'acier qui perce la chair.

Alors les bruits atteignent de nouveau leurs oreilles. Il y a les feulements du félin, qui ne sait comment intervenir, l'eau qui tombe goutte à goutte d'une branche basse, le vent qui souffle, et puis, le sang qui forme peu à peu une flaque à leurs pieds.

Elle observe le visage de son assassin, s'amuse de son expression horrifiée, alors que son regard passe de la lame souillée au corps qui tombe lentement. Elle est mortellement atteinte, mais cette idée ne l'ennui pas tant. La compréhension vient, la haine aussi, si elle n'était pas déjà présente. Peuple de monstres, peuple de meurtrier.

Elle meurt en songeant que son ennemie la suivra. Un jour. Bientôt.

Elle observe le visage de sa victime, s'étonne de son sourire. L'immortalité n'existe plus, mais elle a l'impression d'un sacrilège, en prenant la vie d'une telle créature. La paix s'inscrit sur ses traits fins, et elle a l'impression d'avoir abattue un être qui lui était si infiniment supérieur. Elle se sent souillée, monstrueuse, bien loin de la satisfaction victorieuse qu'on aurait pu attendre.

Elle a commis un crime, l'horreur s'inscrit jusque dans ses traits, alors qu'elle baisse la tête vers ses mains tâchées de sang. Ce n'est pas ce qu'elle avait désiré, ce n'était pas quelque chose de bien. En cet instant, elle ne parvient pas à se dire que c'était quelque chose d'indispensable. Et tout doucement, la jeune elfe de sang se laisse glisser au sol, à genoux auprès de son ennemie vaincue.

La pluie tombe sur les Terres Fantômes, et à la pluie se mêle des larmes d'amertume.


Post Face :

(Voir ci dessous)

Narmë est une elfe de sang durement éprouvée par les derniers événements arrivés à sa race. L'invasion du Fléau, le passage de Haut-Elfe à Elfe de Sang par la Ponction.

Si vous êtes totalement étrangers à cet univers, cela doit être un peu étrange pour vous, mais sachez que je n'hésite pas à répondre aux questions, lorsque j'en connais la réponse.

Narmë donc, a perdu ses parents et son frère aîné, ses croyances, ses convictions, à l'époque de ce combat. C'est quelque chose de difficile pour elle, qui l'a profondément marquée, et qui me trottait dans la tête depuis longtemps. Néanmoins, il y a toujours un petit quelque chose, dans l'ambiance, le ton, qui ne ressort pas exactement comme je le voudrais, et je ne comprends pas d'où est ce que ça vient.

Je prends très bien les critiques constructives, je ne mords presque pas, etc.

Bon séjour. */kiss*