Bonjour ! Je me lance dans cette première FF concernant Esprits Criminels, et plus particulièrement Emily Prentiss et Jennifer Jarreau !

J'espère que vous apprécierez ! Bonne lecture !


Le marionnettiste

Les bras croisées sur ma poitrine, je regarde distraitement les minutes défiler sur l'horloge monstrueusement grande. Assis devant moi, lunettes vissées sur le nez, le psychiatre chargé par le BAU de nous évaluer me fixe sans sourciller. Je sais qu'il veut qu'on parle, qu'on lui révèle nos plus sombres secrets, nos plus grandes peurs. Il aimerait que je lui avoue tous les sentiments qui m'ont traversé ce jour-là. Mais je garde les lèvres closes. Car me confier est une chose qui m'est trop difficile. Et sous ses yeux inquisiteurs, attentif à mon moindre changement d'attitude, le temps défile.

- Écoutez agent Prentiss, finit-il par dire d'une voix compatissante. J'imagine bien que parler à un inconnu n'est pas chose aisée mais je suis avant tout ici pour vous aider.

- Je n'ai pas besoin d'aide.

Mon ton est sec mais je n'en ai que faire. Je n'ai pas envie de lui adresser le moindre mot. Tout ce que je veux c'est que cette heure stupide soit enfin terminée pour pouvoir rentrer chez moi et m'écrouler, un verre à la main.

- Pourquoi cela ? Tous vos camarades se sont peu à peu ouverts. Vous êtes la seule à ne rien vouloir dire.

Devant mon silence obstiné, il retire ses lunettes et soupire.

- Je suis forcé de rendre un rapport à vous supérieurs, agent Prentiss, me déclare-t-il. Et si vous refusez de me parler, je vais être obligé de vous déclarez inapte à reprendre du service. Tout ce que je vous demande, c'est d'évoquer ce jour-là.

Je vais devoir parler. Si je veux reprendre mon travail, je sais que je vais devoir abdiquer.

Battue sur mon propre terrain, j'acquiesce lentement la tête et ouvre la bouche pour déverser ce flot de parole qu'il souhaite tant.

Mais une sonnerie retentit soudain et le psychiatre se lève, manifestement déçu qu'une nouvelle séance se soit écouler sans échange, sans aucune volonté de ma part.

- Je suis désolé mais je ne peux pas vous laisser reprendre tant que mon rapport sur vous ne sera pas fait. Je vous propose de nous voir la semaine prochaine. Même jour, même heure. J'espère que vous aurez compris les bienfaits que cette évaluation pourrait avoir sur vous.

Il s'approche pour me serrer la main mais je me détourne de lui sans même le regarder et me précipite vers la sortie. J'ai l'impression d'étouffer et ne rêve que d'une bouffée d'air. Comme si cette heure dans ce bureau sombre m'avait vidé de mon énergie. Je suis faible et tremblante, parcourue de sueurs froides. Et le regard que me lancent mes collègues lorsqu'ils m'aperçoivent accoudée à la rambarde n'améliore pas mon état. Ils sont là, tous à travailler comme si de rien n'était. Mais moi je n'arrive pas à feindre. Je n'arrive pas à faire semblant.

Hotchner est le premier à reprendre ses activités et referme la porte de son bureau. On dirait qu'il est déçu par mon comportement. Derek est le suivant et je me doute de ce qu'il pense. Que je devrais arrêter de faire l'enfant et parler à ce psychiatre, ne serait-ce que parce que sans lui je ne peux pas reprendre mon job. Un sourire de Reid me réchauffe le cœur, suivit par celui de Garcia et de Rossi. Ils me comprennent, me soutiennent. Et je leur en suis reconnaissante.

Inconsciemment, mon regard la cherche. Elle qui m'a fait basculer dans cet enfer mais pour qui je revivrai ces moments encore et encore. Je supporterai la douleur pour elle. Et quand enfin je la vois à travers la vitre de son bureau, la tête plongée dans ses dossiers, j'ai l'impression que mon cœur s'arrête. Oui, pour elle je sombrerai de nouveau dans ce cauchemar qui me hante chaque nuit.

Elle ne lève pas les yeux. Je ne suis même pas sûr qu'elle sente mon regard fixé sur elle.

Après quelques secondes à la contempler, je me redresse et passe mon manteau sous mon bras avant de me diriger vers la sortie. Je n'ai rien à faire dans ces bureaux si ma plaque n'est pas à mes côtés. Et je ne supporte plus l'air compatissant de mes collègues qui me faisait tant de bien à peine quelques minutes plus tôt.

Dehors, l'air froid emplit violemment mes poumons et je frissonne, bras nus. Ma peau brûlante est immédiatement agressée mais je n'en ai que faire. Paupières closes, je prends de profondes respirations. J'ai besoin de me calmer. Calmer cette colère qui m'anime lorsque je vois mes collègues mener leur petite vie tranquille, me calmer contre cette rage que j'éprouve envers J.J, mais à laquelle se mêlent ces sentiments si purs et si destructeurs. Ils m'emplissent entièrement et mon esprit se tord de douleur, incapable de décider si l'amour est plus fort que la haine.

J'essaie de ne pas penser à elle et me décide enfin à prendre le chemin de mon appartement. Ma béquille dans une main, j'avance lentement. Chaque pas m'arrache une grimace de douleur. Mon genou me semble sur le point de se déchirer et cette souffrance me fait du bien. Elle me rappelle que je suis encore là, que je suis encore debout et que rien de ce que ce cinglé ne m'a fait subir ne m'a mise à terre.

Mais mon sourire victorieux n'a pas le temps de se dessiner sur mon visage.

Non à la place de violentes images se bousculent dans ma mémoire. Les hurlements de J.J, mes propres cris. La souffrance et cette haine quand je vois ce que ce taré ose lui faire subir. Je revois encore le sang qui s'écoule de son corps, ces questions qu'il nous pose. Un jeu pervers que nous n'avons pas eu le choix d'éviter. Forcées d'y jouer contre notre envie.

Un crissement de pneu, un klaxon strident. Je reprend mes esprits et me découvre recroquevillée par terre, terrifiée au milieu de la route. Comment je suis arrivée là ?

- Tu peux pas faire attention quand tu traverses !

L'homme au volant de sa voiture fait ronfler bruyamment son moteur. Mais je suis incapable de bouger. Je suis tétanisée.

Il paraît qu'on appelle ça un stress post-traumatique.

- Dégage de la route !

Nouveau ronflement.

Ma main se porte automatiquement à ma ceinture, là où aurait dû se trouver mon arme de service. Mais sous le vide je retiens un hurlement de rage. Ce mec se la serait vite fermé si je l'avais eu sur moi. Une balle entre les deux yeux pour faire taire cette mine suffisante.

Mon cœur s'emballe et je sens la colère s'emparer de mon corps. Il continue à hurler et je m'imagine en train de lui planter la tête dans le volant.

Mais son klaxon s'arrête soudainement. Une main se pose sur mon épaule et ma réaction ne se fait pas attendre. J'aggripe le poignet inconnu et le tire vers moi, prête à le briser à la moindre pression.

- Emily arrête ! C'est moi ! C'est Jennifer !

Des cheveux d'or, des yeux dans lesquels je pourrai me perdre.

Je lâche brusquement la main de J.J. Elle me regarde, choquée et inquiète. Je tente de m'excuser mais je balbutie des paroles incompréhensibles. J'ai failli faire lui faire du mal.

Je n'arrive plus à me contrôler.

Sa plaque brille entre ses doigts et je comprend que c'est sans doute ce qui a fait taire l'autre type.

- J.J, je...Je suis désolée...

- Ce n'est pas grave, me répond-t-elle de sa voix douce. Viens, je te ramène chez toi.

Elle récupère ma béquille et me la tend avant de m'aider à me relever. Mon genou m'arrache une nouvelle grimace mais je sens J.J passer son bras autours de ma taille. Et ce simple contact suffit.

Elle fait un signe à la voiture au conducteur si impatient et m'éloigne de la route sans prononcer une parole. Quant à moi, les yeux dans le vague, j'essaie de répondre à mes propres questions. Pourquoi est-elle ici avec moi alors que je l'ai quitté à son bureau ? Et pourquoi je me suis retrouvée par terre sans en avoir même conscience ?

- Elle t'a fais peur.

Je tourne la tête vers Jennifer.

Elle lit en moi si facilement.

- La voiture, reprend-t-elle. Tu étais perdue dans tes pensées et tu as traversé sans te méfier . Le conducteur a pu freiner mais son klaxon t'a effrayé. C'est pour ça que tu t'es retrouvée par terre.

- Je ne m'en suis pas rendue compte...

Je dois passer pour une idiote. La honte enflamme mes joues et je me tais, incapable de dire quoi que ce soit. N'importe qui aurait tenté de me faire parler, de me faire me confier sur les raisons de cette absence. N'importe qui. Sauf Jennifer. Elle se contente de me soutenir sans échanger un mot.

Je me demande si elle fait les mêmes cauchemars que moi. Est-ce que chaque nuit avant de s'endormir elle repense à ce que Conelly nous a fais subir à toutes les deux ? Est-ce que ses blessures la font autant souffrir que les miennes ? Repense-t-elle à ces confessions que ce malade nous a forcé à faire ?

Un violent mal de tête me fait fermer les yeux et je sens l'inquiétude de J.J à mes côtés.

- Courage, me souffle-t-elle. On est presque arrivée.

Sa force m'encourage à continuer et nous parvenons finalement au pied de mon immeuble.

Son regard croise le mien et une peur inconnue s'empare de moi. J'ai envie de lui dire que je veux qu'elle reste, que je suis terrifiée à l'idée qu'elle soit loin d'ici, mais une main chaude se pose sur ma joue et anéantit toutes mes frayeurs.

- Ne t'en fais pas, je reste auprès de toi.

Mon cœur se gonfle mais je ne parviens qu'à lui offrir un sourire de gratitude. Si éloigné de ce que je ressens à ce moment-là. La colère que j'éprouvais à son égard au bureau a totalement disparu et le contact suffit à calmer la frayeur que je ressens.

Elle sait l'effet qu'elle a sur moi. Et pourtant elle n'en abuse jamais. N'en a jamais abusé. C'est au moins une chose que j'ai apprise grâce à Conelly.

Sa main quitte ma joue à mon grand regret mais ses doigts se nouent aux miens et nous montons à mon appartement.

Pourtant, quand je pénètre à l'intérieur, je ne ressens que du vide. C'était autrefois mon chez-moi. Aujourd'hui ce n'est rien. Comme si j'avais laissé une partie de moi dans cette cave où nous étions enfermées. Mes petites habitudes ont disparus, le bien-être que j'éprouvais en passant ce palier n'existe plus. Ce n'est plus qu'un salon, qu'une chambre. Les meubles ne sont plus les miens, les photos semblent appartenir à une personne différente. Et pourtant c'est à moi.

Je m'avance, entraînant J.J dans mon sillage. Sa main dans la mienne, j'ai peur de la lâcher. Mais je suis terrifiée à l'idée de perdre mon contrôle et de laisser ma colère prendre le dessus.

- Tu devrais te reposer, Emily. Tu as l'air épuisée.

Sans doute.

Je sais qu'elle a raison.

Tendrement impérieuse, Jennifer me conduit jusqu'au canapé et me force à m'allonger. Je suis éreintée, à bout de force.

- Tu vas restée ici ?

Ma propre voix me semble celle d'une enfant.

J.J se mord la lèvre, le regard fuyant. Elle est incertaine quant à l'attitude à adopter avec moi et je le vois bien.

- Je dois rentrer au bureau, murmure-t-elle en passant une main sur mon front brûlant. Hotch veut que je récupère mes affaires.

- Pourquoi ça ?

- Ne t'en fais pas Emily...

- Non ! Dis-moi pourquoi !

Je cherche à me redresser mais son regard me force à me tenir tranquille. Elle me cache quelque chose.

- J'ai refusé de parler au psychiatre, finit-elle par m'avouer.

- Quoi ? Mais...Mais tu as été réintégré au bureau...

- Parce que j'ai dis ce qu'il voulait entendre. Mais...Will est allé avouer à Hotchner que je faisais régulièrement des crises d'angoisses, des cauchemars. Il m'a ordonné d'aller le consulter mais j'ai refusé. Alors il m'a suspendu .

- C'est injuste !

La colère enflamme mes sens. De quel droit Hotchner peut-il la suspendre uniquement parce qu'elle n'a pas envie de raconter ce qui lui est arrivée ? Et ce Will qui se mêle de sa vie comme si le fait d'être encore son mari lui en donnait le droit !

- J'irais voir Hotch demain et s'il refuse de te reprendre je te jure que...

- Emily calme-toi.

Sa voix est douce mais l'ordre agit immédiatement sur moi. Mes muscles se décontractent et le voile noir qui venait de tomber devant mes yeux se lève aussitôt.

- Tu devrais dormir un peu maintenant. Je reviendrai te voir en fin d'après-midi.

Elle me regarde, comme si ses lèvres souhaitent à cet instant m'avouer quelque chose qu'elle retient à contrecoeur. Et mon souffle se bloque dans mes poumons. J'espère entendre sa voix, connaître ce qu'elle tient à me dire, mais la blonde finit par refermer la bouche et n'esquisse qu'un unique sourire avant de se redresser. Je l'observe récupérer ses affaires, remettant de temps à autre une mèche derrière ses oreilles. Mèche qui était tachée de sang il y en encore quelques semaines.

La vision me fait fermer les yeux et Jennifer doit supposer que je suis en train de m'endormir car je l'entends ouvrir la porte et sortir de l'appartement.

Je n'arrive pas à chasser ses souvenirs de mon esprit. Ils me torturent, me rongent. Et ce sont eux qui m'entraînent dans un nouveau sommeil agité.

Une cave. Je suppose que c'est là que Conelly m'a entraîné. Il fait noir, humide et je n'aperçois aucune fenêtre au travers de mes paupières à demi-collées par le sang qui coule de mon arcade. Une lumière verdâtre illumine la pièce et j'arrive à apercevoir une silhouette. Sûrement ligotée à sa chaise, comme moi.

Je l'appelle. Plusieurs fois. Mais elle ne répond pas. Elle est sans doute inconsciente.

Ses cheveux blonds sont rouges de sang et je plains la pauvre fille. Ce tarée n'a pas du y aller de main morte avec elle.

Je tortille mes poignets mais les liens sont trop serrés et me dévorent la peau à chaque mouvement.

J'aurai dû me douter que cet appel était un piège. Et me voilà ici, aux mains du tueur que je traquais.

Un mouvement attire mon attention et je vois la fille remuer lentement. Trop faible pour se redresser sans doute.

Je prend le temps d'observer autour de moi, le cœur battant. J'aperçois des outils de toutes formes et de toutes tailles accrochés au mur suintant d'humidité. Des chaînes pendent du plafond et certaines sont encore pleines du sang de ses anciennes victimes. Les crochets qu'il a utilisé pour ses tortures sont soigneusement rangés au fond de la pièce, à côté de l'inconnue. Quant au sol, il est noir de crasse et seules des traces rougeâtres autour d'une bouche d'égout rappelle le nombre de femmes qui sont passé par là.

La porte s'ouvre violemment. C'est mon tour.

Le réveil est brutal et mon premier réflexe est d'attraper le revolver que j'ai glissé sous mon oreiller. Brandit devant moi, il vise le vide. Le vide. La cave a disparu, il ne reste plus que les contours de mes meubles. Les miens. Ceux de mon appartement.

Ce n'était qu'un cauchemar. Un de plus.

Le cœur battant, en sueur, je met encore quelques secondes avant de baisser mon arme. Je n'ai plus confiance en rien. Chaque bruit me rappelle les pleurs et les hurlements, chaque odeur me remémore celle putride de ma prison.

C'est décidé. Comme un déclic. Il faut que je parle à ce psychiatre, qu'il me laisse reprendre mon travail et qu'enfin mes journées soient occupées à autre chose qu'à remuer encore et encore ces instants que j'aimerai enfermer au fond de ma mémoire.

Je me lève rapidement, attrape ma veste et ma béquille et sors aussitôt de l'appartement. La route me semble longue jusqu'au bureau et plusieurs fois l'envie de faire demi-tour s'impose en moi. Mais je n'ai pas le choix. Je dois donné ce que mes supérieurs attendent de moi pour espérer retrouver ma vie d'avant.

Morgan et Reid semblent étonnés de me voir de nouveau passer la porte. Il faut dire qu'avec ma peau livide et mes cernes je dois faire peur. Mais je m'en fiche. Lorsque ma plaque et mon arme de service seront de nouveaux accrochés à ma ceinture, tout ira bien.

Enfin...

Mon regard se porte malgré moi au bureau de J.J, en haut des escaliers. Elle ignore que je suis là et reste concentrée pour terminer d'emballer ses affaires. Dire que toute cette situation est de ma faute...

- Emily ?

Je me retourne pour faire face à Garcia. Elle me regarde, à mi-chemin entre l'étonnement et la compassion.

- Je me doutais que tu reviendrais dès que tu apprendrais, murmure l'informaticienne.

- Que j'apprendrai quoi ?

Garcia balbutie quelques secondes et me montre Jennifer du doigt.

- Et bien que J.J...Et bien...

- Quoi Garcia ?

Ma voix prend ce ton pressant tandis que l'angoisse commence à s'emparer de moi.

- J.J a démissionné, avoue enfin la rousse. Elle part pour le Pentagone dans une semaine.

Mon sang ne fait qu'un tour. Je ne prend pas la peine de remercier Garcia pour cette information et monte aussi vite que possible les escaliers pour atteindre enfin le bureau de J.J dont j'ouvre violemment la porte.

- Tu comptais me l'annoncer ou attendre d'être arrivée au Pentagone pour le faire ?

Jennifer, surprise et déconcertée par mon entrée, reste muette quelques secondes, la main toujours levée comme elle emballait ses affaires.

Qu'est-ce que j'ai pu être naïve de croire que toute cette histoire n'aurait aucune conséquences !

- Emily écoute...

- Non ! Tu m'as menti J.J. Tu m'as dis que tu étais suspendue alors qu'en réalité tu as préféré démissionner !

- Je n'avais pas d'autre choix ! rétorque-t-elle en se redressant. Qu'est-ce que j'aurais dû faire selon toi ? Rester ici, reprendre mon travail comme si de rien n'était et oublier ce qu'il s'est passé ? Ou bien admettre la vérité et te voir renvoyer par ma faute ? C'était hors de question !

- Me faire renvoyer par sa faute ? Mais de quoi parle-t-elle ?

Admettre quelle vérité ?

J.J balance le dossier qu'elle tenait à la main dans un des cartons et s'appuie contre le bureau. Elle semble si épuisée, à bout de force.

Ses yeux bleus fixent le vide. Sans doute cherche-t-elle à m'expliquer.

J'aimerai tellement lui venir en aide à cet instant, la prendre dans mes bras, mais je suis forcée de me retenir et attend patiemment qu'elle trouve ses mots.

- Strauss a reçu anonymement un enregistrement de ce jour-là, m'annonce-t-elle d'une voix brisée.

- Ca ne prouve rien Jennifer...

- Au contraire !

Elle se redresse, l'air furieuse, et moi je suis anéantie. Je sais qu'elle a raison et que cette vidéo a le pouvoir de détruire nos deux carrières si des explications étaient demandées. Mais je suis tellement en colère contre J.J pour avoir décidé seule...Pour avoir pris la décision de sacrifier sa place au sein de l'équipe pour que je conserve la mienne. J'ai été à l'origine des atrocités qu'elle a subit et me revoilà à nouveau dans le mauvais rôle pour l'avoir forcé à quitter le F.B.I.

Elle s'aperçoit de mon soudain état de détresse que je tente tant bien que mal de cacher car son visage s'apaise aussitôt. Lentement, elle s'approche de moi, jusqu'à prendre ma main dans la sienne et me force gentiment à relever les yeux vers elle.

- C'était mon choix, Emily, me dit-elle à voix basse. Et si je devais le refaire, je déciderai la même chose. Parce que ce qu'il y a sur cet enregistrement...

Un sourire nerveux passe furtivement sur ses lèvres.

- Parce que c'est vrai. J'en pense chacun des mots.

- Si tu pars c'est à cause de moi.

Et voilà. J'aurais dû être heureuse d'entendre ces mots mais je me renferme une fois encore dans ma coquille pour ne rien laisser paraître. Je dresse un mur entre elle et moi, n'ayant plus la place que pour la colère. Envers elle, envers moi. Envers ma supérieure, Strauss, et surtout envers Conelly. C'est à cause de lui que tout arrive.

Et c'est à moi de mettre les choses au clair une fois pour toute.

Jennifer ne sera pas la seule à se sacrifier.

D'un pas décidé, sans même lui adresser une parole ou un regard, je me détourne d'elle et sors de son bureau pour me diriger vers un autre.

- Hotch ! Il faut que je vous parle.

Mon chef est surpris et je ne lui laisse pas le temps de répliquer. Je claque la porte avec force et me plante devant lui.

- J.J n'est pas la seule fautive dans cette histoire. Et je vais prendre mes responsabilités. Je vais tout vous dire. Je vais vous raconter tout ce qu'il s'est passé avec Conelly.

Hotchner hoche la tête. Il comprend que je n'accepterais de parler qu'à lui, et que je vais assumer les conséquences de mes actes.

D'un signe de la main il m'invite à m'asseoir devant lui.

- Emily, tu es consciente que même si tu fais partie de mon équipe, le fait de me raconter ce qu'il t'ais arrivé sans même passer par un psychiatre me forcera à prendre des décisions définitives ?

- J'en suis consciente. Et je suis là pour ça.

Il baisse le regard un instant, comme pour me laisser le temps de m'échapper, mais décision est prise.

- Très bien, reprend-t-il en relevant les yeux. Alors je t'écoute.