Ils se frôlent, s'observent, se touchent, leurs lèvres bougent sans bruit lorsqu'ils sont l'un tout contre l'autre. Le sourire de Georg grandit, imperceptiblement, et la main de Gustav effleure comme par hasard celle du bassiste, entre deux mots muets.
Bill les regarde, et il a compris depuis longtemps.
Il les envie. Il envie Gustav.
Il se prend à espérer d'être à la place du batteur, aux côtés de Georg, caché dans l'ombre. Il se prend à vouloir entendre leurs paroles, comprendre leurs sourires et leurs regards.
Il envie Gustav d'avoir ce certain genre de petit ami, d'avoir le droit de sentir l'odeur forte et musquée de Georg, de passer ses doigts dans ses cheveux, d'embrasser sa peau et même plus encore –il réprime avec un frisson les images qui lui viennent, et le désir qui affleure dans le creux de son ventre.
Bill n'est pas jaloux. Après tant d'années à les côtoyer, il ne pourrait pas l'être, même s'il le voulait. C'est juste une envie dérangeante, un peu obsédante, et sûrement passagère.
Il ne peut pas en être autrement.
Il se rend compte au fond de lui-même qu'il est ridicule.
Ce qu'il envie c'est leur complicité, leur relation, la sorte d'amour qu'ils partagent.
Il envie Gustav d'être amoureux et de pouvoir obtenir quelque chose en retour.
Il les envie de pouvoir mettre un nom sur ce qu'ils sont, sur ce qu'ils ressentent.
Bill les regarde et ses yeux ne glissent pas vers Tom.
Jamais.
Il se retient de le voir et de le détailler.
A quoi bon après tout observer un corps et un visage qui sont vivants en
permanence dans sa tête ?
Il n'aurait qu'à fermer les yeux et chaque parcelle de son jumeau se déploierait sur ses paupières. Ses mains, en pensée, caresseraient sa peau et ses dreadlocks, sa voix muette murmurerait son nom.
Mais jamais.
Dans sa tête il se force à remplacer l'image de Tom par celle de Georg, et se convainc d'une attirance quelconque pour le bassiste. Il arrive même à se sentir désolé envers Gustav et à désirer le corps musclé de son ami.
Il envie Gustav d'avoir quelqu'un qui réchauffe son corps et son cœur, l'envie d'avoir Georg, même s'il sait que ce dernier ne pourrait jamais lui amener de la chaleur.
Mais il se concentre sur les mains calleuses du bassiste et les fond avec celles de Tom.
Bill regarde ses deux amis, si normaux, si simples.
Il se force à ne pas regarder Tom, à parcourir Georg du regard.
Ce n'est qu'une question de temps. Bientôt, un jour, il aura réussi à oublier son jumeau et l'amour qu'il lui porte, l'amour qui le dérange.
Et il ne peut s'empêcher de redouter le moment où ce jour arrivera.
