Bonjour!

Ce jour, le début d'une fic... dont je ne sais combien elle aura de chapitres.

Un épisode de Castle m'a inspirée ainsi qu'un détail du film 2... puis ma petite tête qui fait le reste, tant bien que mal.

Je tente une approche différente des personnages avec un point de vue plutôt Holmes que Watson pour changer mais je ne voulais pas en faire non plus un POV. J'espère juste que ça restera crédible.

Bonne lecture!


La mort vous va si bien 1

Holmes tirait sur sa pipe devant la cheminée du 221 B Baker Street. La maison était calme, silencieuse, personne ne s'y trouvait. Il entendit alors la porte du rez-de-chaussée s'ouvrir, se refermer, le bruit d'une canne qui martèle le parquet, des pas claudicants monter l'escalier, plus hachés qu'auparavant... plus heurtés qu'il y a trois ans. Des pas de griffes, subtils, qui griffaient le plancher.

Il attendait, un peu anxieux, beaucoup impatient de cette rencontre. Il se sentait aussi idiot qu'un collégien avant un premier rendez-vous, du moins, il se supposait, vu qu'il n'en avait jamais eu. N'en avait jamais ressenti le besoin ni l'envie.

La porte s'ouvrit sur un bulldog qui tira aussitôt sur sa laisse et se précipita vers le détective qui s'accroupit pour lui donner quelques caresses.

« Gladstone! Je t'ai manqué mon chien? »

Il n'eut pour seule réponse qu'une léchouille baveuse sur le visage qu'il essuya d'un revers de manche puis se redressa. Et enfin, il le vit. Watson, son chapeau haut de forme, sa canne-épée, son manteau humide, sa moustache, ses yeux bleus. Sa bouche souriait mais son regard n'était pas contaminé, semblant de la glace pure.

« Ainsi c'était vrai, vous êtes en vie.

- Indubitablement. »

Holmes souriait, jaugeait son adversaire car là, il l'était plus qu'un ami, il le devinait à sa stature raide. Le médecin se mordit la lèvre inférieure, apparemment nerveux mais tentant de le cacher.

« Trois ans, Holmes?

- Plaît-il?

- Il vous a fallu trois ans pour me le faire savoir?! Bon sang, vous êtes une infâme crapule! »

Et là, la glace s'effritait pour ne laisser place qu'à la colère et la rancune. Holmes s'y était attendu, il ne serait pas simple de faire comprendre à son ami qu'il avait agi ainsi avec les meilleures intentions ainsi qu'une logique sans faille.

« Le temps passe si vite quand on s'amuse...

- NON! Ne dîtes pas ça! Cessez votre ironie, vos sarcasmes car là, je vous jure que ce n'est pas le moment!

- Auriez-vous perdu le sens de l'humour mon vieux? »

Watson ricana, seulement sa bouche, toujours pas ses yeux.

« J'ai perdu bien plus que ça encore mais vous, vous qui vous fichez de tout, des autres, de moi, comment pourriez-vous comprendre?

- Je ne me fiche pas de vous, jamais.

- Vous avez changé Holmes. Je vous savais manipulateur, mais jamais je ne vous aurais cru menteur en un pareil moment.

- Je ne mens pas! Essayez de vous calmer, que je vous explique calmement.

- Alors là, n'y comptez pas! Il est fini le temps où je buvais vos paroles, d'ailleurs, je vous ai rapporté ceci. Bonne lecture et bon vent! Je ne veux plus jamais vous revoir! »

Il jeta au sol un paquet, attrapa la laisse et tira le chien derrière lui, claquant la porte en partant. Le détective mit quelques secondes à réagir, se parlant à lui-même à voix haute.

« Bon, ça ne s'est pas si mal passé, il ne m'a même pas frappé. »

Il se baissa pour ramasser le paquet de papier kraft, le posa sur la table et l'ouvrit. À l'intérieur, des dizaines de carnets noirs. Il n'avait pas besoin de les ouvrir pour savoir ce qu'ils contenaient: leurs vies à tous deux, leurs enquêtes, tous ces détails notés de peur de les oublier avant de griffonner des pages que le détective trouvait bien trop romancées.

Il resta interdit un instant devant ce spectacle. Watson venait de lui jeter aux pieds dix ans d'amitié indéfectible, les trois suivantes, il ne savait trop comment les qualifier. Pourquoi? Comment? Ça n'avait aucune logique, ils étaient amis, voilà tout. Et lui avait passé trois ans au loin, au nom de cette amitié, de cette affection sans borne qu'il portait au médecin, le seul qu'il estimait dans le monde entier.

Holmes s'assit dans son fauteuil, tirant sur sa pipe, les yeux dans le vague. Indubitablement, c'était un message. Mais lequel? Il était fâché, c'est un fait, il n'en attendait pas moins. Ne pas avoir donné signe de vie, et le jeu de mot était par là-même absolument réaliste, et ceci pendant trois ans, était une bonne raison de lui en vouloir. Être revenu depuis une semaine sans le prévenir aussi. Seul Mycroft était au courant, Madame Hudson était chez sa sœur, elle ne savait rien.

Holmes soupira. Il n'y comprendrait jamais rien à ces sentiments humains. Lui avait été heureux de le revoir, il l'avait noté un peu changé, un peu amaigri. Un pli amer au coin de sa bouche aussi. Quelque chose de différent mais quoi? Peut-être... il ne l'avait pas frappé, était resté devant la porte ouverte comme prêt à fuir. Sa jambe semblait plus le tirailler qu'auparavant. Il n'était pas attaquant mais bien sur la défensive. Mais se défendre de quoi? De lui? Ça n'avait aucun sens.

Watson avait toujours été celui qui avait besoin de mots pour exprimer les choses, les garder, s'en souvenir. Là, ces mots, il les lui avait balancés sur le sol, les anciens, ceux d'avant. Et il lui avait dit qu'il ne voulait plus jamais le voir. Le regard froid, ce n'était alors plus de la colère. Il disait donc vrai.

Et pour la première fois depuis la Suisse, il regrettait sa décision de s'être fait passer pour mort. Il n'avait pas eu d'autre choix, le temps avait passé pour détruire le réseau de Moriarty. Trop de temps...

OOOOooooOOOOooooOOOO

Quelques jours passèrent, vides, lents, comme toujours pour le détective. Il était allé à Scotland Yard histoire de glaner une nouvelle enquête, Lestrade avait failli s'évanouir en le voyant entrer dans son bureau, sans frapper bien sûr. Il était resté la bouche ouverte, prêt à invectiver le malpoli mais aucun son n'était sorti. Holmes lui avait lancé son sourire en coin.

« Eh bien Lestrade, toujours à bailler aux corneilles plutôt que faire régner l'ordre? »

L'inspecteur avait juste réussi à bredouiller.

« Vous? Mais vous n'êtes pas...

- Mort? Il semblerait que non.

- Espèce de crapule! »

Et contre toute attente, il s'était précipité vers lui et avait serré sa main avec ferveur entre les deux siennes, un sourire niais sur le visage.

« Lestrade, je préférerais que nous n'ayons pas de contact physique.

- Soyez heureux de ne pas avoir pris mon poing dans la figure Holmes. »

Le détective se fit la réflexion qu'il aurait préféré mais n'osa rien dire. Et ils avaient parlé un peu mais comme aucune affaire en cours n'avait l'air intéressante, le logicien était reparti rapidement.

Alors qu'il arrivait devant chez lui, il remarqua de loin une femme qui faisait les cent pas devant sa porte close. Il n'eut aucun mal à la reconnaître. Il hésita une fraction de seconde, prêt à s'en retourner pour l'éviter car des deux Watson, ce n'était certainement pas elle qu'il espérait. Pourtant, il s'avança à sa rencontre.

« Bonjour Mary. Vous m'attendiez? »

Elle semblait nerveuse, comme si elle n'avait pas plus envie de se trouver là que lui. Pourtant, elle sourit en lui rendant son salut.

« Monsieur Holmes. Quand John m'a appris la nouvelle, j'ai cru qu'il délirait mais vous êtes bien là.

- Certes. Il semblerait que ça en épate plus d'un. Vous êtes donc venue pour vérifier les dires de votre époux?

- Non. Je dois... vous parler, c'est important.

- Important comment?

- C'est au sujet de John. »

Son air abattu et le sujet suffirent à Holmes pour lui ouvrir et la laisser passer. Ils s'installèrent dans le salon. Mary laissait courir son regard sur le chaos indescriptible des lieux.

« La pièce est restée en l'état, John n'a pas voulu que quiconque y touche.

- Il a très bien fait. Si la Nounou avait pu penser pareil et ne rien nettoyer, ça m'aurait arrangé mais bon... Alors, de quoi vouliez-vous m'entretenir? »

La jeune femme se tordait les doigts. Elle avait l'air fatiguée et manifestait son désir de se trouver ailleurs sans parvenir à le cacher. Derrière ses sourires de façade, Holmes sentait une antipathie bien ancrée mais ça n'avait jamais été facile entre eux, elle lui avait pris son meilleur ami mais elle n'avait pas réussi totalement à les séparer. Elle inspira une grande bouffée d'air comme avant de se jeter à l'eau.

« Vous devez me promettre que vous ne lui direz rien de ma venue.

- Non.

- Pardon?

- Je ne vous promettrai pas une telle chose sans savoir de quoi il retourne. S'il doit savoir, je le lui dirai alors autant vous décider quelle attitude adopter. Si je le revois, bien sûr.

- Il ne passe pas du temps avec vous?

- Non. Nous ne nous sommes vus que la fois qu'il vous a contée. Il m'en veut apparemment.

- On dirait que ça vous étonne.

- Pas vraiment, c'est une vrai tête de mule quand il veut. Mais trois semaines, ça commence à faire long, surtout pour lui. Bref. Alors, dîtes-moi le but de votre visite. »

Mary le regarda droit dans les yeux, puis se décida.

« Je voudrais que vous considériez ceci comme si je vous engageais. Je n'ai pas d'argent mais je trouverai un moyen.

- Pas de ça entre nous, je ne veux pas de votre argent. Mais venez-en au fait.

- Bien. Hier, j'ai reçu la visite très discourtoise d'un usurier. John s'est remis à jouer et il a perdu.

- Beaucoup?

- Trop. Toutes nos économies, nous risquons de perdre la maison comme il a perdu le cabinet, c'est pourquoi il travaille à l'hôpital. Il y fait des heures supplémentaires pour payer ses nouvelles dettes. Il n'est presque jamais à la maison. Il faut que vous le raisonniez. »

Holmes était sidéré mais le cachait très bien. Il savait que Watson avait un poste à l'hôpital mais il avait vu ça comme un besoin de changement et pas une obligation. Depuis son retour, il ne s'était pas interrogé, partait du principe qu'ils reprendraient leurs vies comme avant, sans chercher à en savoir plus. Étonnant de sa part mais vraiment, il avait tellement confiance dans le médecin que 'il ne s'était posé aucune question sur sa vie. Il aurait dû.

« Ma chère, je ne suis pas sûr d'être le mieux pressenti pour ça, je ne suis pas dans ses petits papiers en ce moment.

- Il n'est pas rentré depuis plus de deux jours, je ne sais pas où il est. Retrouvez-le Monsieur Holmes, je vous en prie.

- Deux jours?

- Ce n'est pas ce qui m'inquiète, ça lui arrive souvent. Mais s'il perd encore plus, nous allons finir à la rue.

- Quel est le nom de l'usurier?

- Monsieur Craven.

- Je le connais. Rentrez chez vous. Je vous ramène votre mari ce soir.

- Sauf s'il est ivre. Une nuit de plus ne changera rien à l'affaire. Laissez-le décuver, le spectacle, je le connais par cœur. »

L'amertume pointait dans sa voix, une sorte de dégoût aussi. Holmes la raccompagna à la porte mais sur le palier, elle se retourna.

« Monsieur Holmes, je tente seulement de sauver le peu qu'il nous reste. Ne lui dîtes pas que vous m'avez vue.

- Je pourrais y être contraint.

- Non car tout est de votre faute! Depuis le lendemain de votre enterrement... fictif, à ce que je peux en juger, il a changé, est devenu un autre. C'est vous qui l'avez mis dans cette situation, débrouillez-vous pour l'en faire sortir sans m'impliquer. Vous nous devez bien ça. »

Elle partit, le pas vif. Holmes la regarda un instant. Sa disparition avait causé des dégâts inimaginables, auxquels il n'avait pas pensé une seule seconde. Et il lui tardait d'en savoir plus. Il attrapa manteau et chapeau et se lança aussitôt dans les rues londoniennes, l'enquête était ouverte.

OOOOooooOOOOooooOOOO

C'était le troisième tripot qu'il visitait ce soir, la soirée était déjà bien avancée. Un simple coup d'œil dans la salle et il le vit. Watson était à une table de jeu, visiblement ivre et l'humeur sombre. Rien qu'à regarder ses adversaires qui se souriaient en coin, il savait qu'il était en train de perdre. Sans hésiter, il s'avança et se planta à ses côtés.

« Watson, nous partons. »

Le médecin le regarda, surpris de le voir ici mais aussitôt, son attention revint à son jeu.

« Je suis occupé Holmes. Et le temps où je me comportais comme votre toutou obéissant est révolu. Foutez le camps!

- Je ne partirai pas sans vous. Ne m'obligez pas à employer la force.

- Holmes, ces gentlemen et moi sommes au milieu d'une partie, je ne peux pas arrêter maintenant. Alors, attendez quelques minutes et je vous casserai la gueule après cette main.

- Le temps de perdre un peu plus? Ces... gentlemen comme vous dîtes, sont de mèche et trichent pour vous plumer et vous êtes un peu trop saoul pour vous en apercevoir. »

Ces dernières paroles eurent le bon ton d'attirer l'attention de Watson et des autres. Un simple échange de regards et la table fut renversée. Holmes envoya un direct à l'homme le plus près de lui et il s'en suivit une pluie de coups, Holmes et Watson contre quatre gaillards tout droit sortis des bas-fonds.

Le médecin reçut un coup dans la mâchoire qui faillit l'envoyer au tapis si Holmes ne l'avait pas réceptionné.

« Watson, il serait temps de vous réveiller.

- Je le suis Holmes, je le suis. »

Et alors que les quatre affreux fonçaient sur eux, le détective attrapa la cordelette d'une tenture, Watson en prit un bout et fonçant sur leurs agresseurs, ils s'écartèrent au dernier moment et les fauchèrent d'un seul coup, les laissant sur le plancher.

Watson essuya le coin de sa bouche qui saignait d'un revers de main et ramassa l'argent tombé au sol.

« Je me rembourse Messieurs, bonne soirée. »

Quelques instants plus tard, ils étaient dehors sous la pluie. Le froid contribua à faire reprendre ses esprits au médecin. Ce genre de soirée était tellement habituel qu'il n'y prêtait même plus attention. Il buvait, jouait, perdait... pas étonnant qu'il devienne la cible de malfaiteurs associés, il était une proie idéale. Pathétique.

« Holmes, je dois sans doute vous remercier. Mais comment m'avez-vous retrouvé?

- Craven m'a indiqué vos habitudes.

- Craven? Mais...

- Oui, celui à qui vous deviez de l'argent. J'ai réglé la somme.

- Quoi?! Mais de quel droit?

- Du droit d'un ami à un autre. Et nous n'allons pas avoir ce genre de discussion, vous n'êtes pas réellement en état.

- Ben voyons! Déjà que d'habitude, je suis trop stupide, là, …

- Exactement. »

Holmes avait tranché d'un ton sec. Mais il se reprit.

« Watson, allons à Baker Street, vous avez besoin d'un café. Nous en reparlerons une fois au sec. »

Le médecin se contenta de suivre sans rien rajouter. Un café serré et il réfléchirait ensuite.

OOOOooooOOOOooooOOOO

Ils étaient assis chacun dans leurs fauteuils respectifs, comme au bon vieux temps. Holmes avait ravivé le feu dans la cheminée pour les réchauffer et le café brûlant et odorant donnait à l'ambiance une quiétude agréable.

« Une bonne bagarre, rien de tel pour ce remettre en forme, pas vrai Watson?

- Je dois bien reconnaître que oui, répondit-il en souriant. Et on a vite retrouvé nos vieux réflexes.

- En effet. Et si vous n'aviez pas été ivre, vous n'auriez même pas été touché. Tenez, vous saignez. »

Watson s'empara du mouchoir que Holmes lui tendait et l'appuya contre sa lèvre tuméfiée.

« Comment avez-vous su pour Craven? Ça vient de Mary, n'est-ce pas? »

Holmes prit le temps d'allumer sa pipe avant de répondre. Il détestait lui mentir, la dernière fois avait causé des dégâts inattendus mais il se rappelait aussi des accusations de la jeune femme. Sa faute.

« Je ne vous ai pas revu. J'ai voulu passer à votre cabinet mais les lieux sont à louer. Alors j'ai... enquêté.

- Auprès de Mary, donc.

- Non. Vous avez tellement de dettes que vraiment, je n'ai eu aucun mal à remonter la piste, c'est presque vexant que vous n'y pensiez pas vous-même. Votre premier vice est le jeu, tout était alors évident.

- Je ne jouais plus avant que vous ne... partiez.

- En effet. Qu'est-ce qu'il s'est passé? Comment en êtes-vous arrivé là? »

Pour la première fois, Watson osa le regarder droit dans les yeux. Des yeux de glace, inexpressifs. Et l'alcool aidant, les mots s'écoulèrent, trop longtemps retenus.

« Que la question vienne de vous est assez troublant Holmes. Vous ne comprenez rien, n'est-ce pas?

- Je vous avoue que non. Alors expliquez-moi.

- C'est pourtant simple, je suis devenu Vous. Sauf que je n'avais personne pour me retenir, m'empêcher de tomber, me rattraper. Comme je le faisais avec vous. Comme je n'ai pas vous empêcher de le faire dans la chute.

- Vous voulez dire... c'est de la culpabilité? »

Le médecin démentit de la tête.

« Holmes, je n'aurai jamais assez de mots pour vous expliquer ce que vous ne pouvez comprendre. Vous ne ressentez rien qui soit étranger à votre personne. Et... je suis devenu comme vous, ne plus sentir pour ne plus souffrir, c'est bien plus simple comme ça.

- L'argent ne veut rien dire pour moi mais je me suis toujours débrouillé pour ne pas dépendre du manque.

- Ce n'est pas une question d'argent! Comment vous dire... je vais à l'hôpital comme j'irais à l'usine, je mets des pièces, je fabrique, je répare, c'est tout. Je joue car je m'ennuie. Je perds car je m'en fous. Je ne ressens... rien. Et c'est très bien ainsi, vous n'avez pas à vous en mêler. Je vous rembourserai.

- Ce n'est pas la peine.

- Suffit! Je le ferai car je ne veux rien vous devoir. Ni à vous ni personne. Sur ce, permettez que je dorme dans mon ancienne chambre, je veux juste m'écrouler et ne plus jamais parler de ça.

- Vous êtes ici chez vous, vous le savez bien.

- Non, je ne le suis pas mais peu importe. Bonne nuit Holmes.

- Bonne nuit mon vieux. »

Holmes resta seul, tirant sur sa pipe. Watson était bien plus différent qu'il ne l'avait imaginé. Lui qui lisait autrefois comme dans un livre ouvert, il ne parvenait plus à le décrypter. Il n'avait pas de petits gestes, pas de tics nerveux. Sa vois était atone, sans émotion. Et ses yeux... juste deux orbes, toujours aussi bleus mais sans étincelle, sans âme, sans vie.

Il était devenu lui... phrase bien énigmatique. Jamais il n'aurait son intelligence, ce n'était pas une critique, c'était un fait. Il le trouvait bien moins stupide que la plupart de l'humanité mais il ne serait jamais lui... ou alors, dans cette façon détachée de prendre les choses? Difficile à expliquer, il était comme ça depuis toujours, seuls les autres lui faisaient remarquer qu'il était différent. Sociopathe, ce mot avait été cité par divers charlatans qui se targuaient de pouvoir analyser le cerveau d'un autre. Cela aurait été possible si le leur était fonctionnel.

Il avait cherché la définition et avait été très amusé de sa signification.

- Troubles des relations humaines et ressenti. (Pour quoi faire? C'est une perte de temps, les gens m'ennuient, il sont trop lents. Watson aussi mais au moins lui, il tente de suivre.)

- Aucune crainte de la douleur physique et psychologique (Utile dans le métier de détective et puis j'ai un médecin comme ami, je ne risque rien.)

- Pas de culpabilité. (Coupable de quoi? D'être génial, d'avoir un but et m'y tenir, jusqu'à me faire passer pour mort? Watson m'en remerciera un jour, c'est pour lui que je l'ai fait.)

- Faible seuil de décharge d'agressivité. (Quand on m'attaque, je réponds, il n'y a que les grenouilles de bénitier qui tendent l'autre joue. Les combats illégaux sont une formidable façon de se maintenir en forme.)

- Aucun signe d'empathie envers autrui. (Faux! Il y a Watson, je m'inquiète pour lui.)

- Irrespect des règles et normes sociales. (Si elles étaient bonnes et logiques, je les respecterais. Et puis Watson le fait pour moi... ou le faisait, du moins.)

- Dédain quasi systématique de la responsabilité d'une faute commise, rejetant celle-ci sur un tiers, ou tentant de la rationaliser par des excuses plausibles. (Ma mort était obligatoire. Moriarty m'y a obligé. Évidemment que c'est de sa faute. Trois années, c'est peut-être un peu long mais il le fallait. Watson comprendra.)

Et Watson était le contraire de ça. Il aimait son métier car il aimait les gens, il prenait soin des autres en général, de son ami en particulier, il s'était marié comme tout bon anglais qui se respecte. Devenu lui, c'était aussi inconcevable qu'impensable.

Le détective posa sa pipe et alla se coucher. Sociopathe, elle était bien bonne celle-là!

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Le lendemain matin, Holmes ne trouva qu'une lettre sur la table, une reconnaissance de dettes, le médecin était parti. Il se contenta de la déchirer et de la jeter au feu.

OOOOooooOOOOooooOOOO

Deux jours plus tard, Holmes s'approchait d'un incendie. Plusieurs s'étaient déclarés dans la ville mais les lieux, les cheminées, les maisons faites de bois, ce n'était pas rare en ce début de printemps 1895 qui tardait à s'installer. Cette fois, l'incident avait été vite maîtrisé, les pompiers ayant fait diligence pour une fois. Mais dans ce genre de quartier huppé, le contraire aurait été étonnant. C'était étrange comme la bonne société agrippait à elle les privilèges et les miettes pour les autres. Dans certains quartiers plus mal famés, personne ne se serait déplacé avant que le feu ne menace un monument ou un palais par simple contagion des flammes, des dizaines d'habitations sinistrées avant cela.

Il allait s'éloigner quand il remarqua plusieurs policiers et fut aussitôt intrigué. Aussi, il pénétra dans la maison encore fumante. Le feu avait vraiment été partiel. Il pénétra dans l'ancienne salle à manger, relativement intacte.

« Bonjour Lestrade. Qu'est-ce que vous faites ici? »

L'inspecteur se retourna vivement. Il était pâle, le visage figé. Et totalement ahuri de le voir ici. Holmes mit ses mains dans ses poches, peu désireux de bénéficier d'une autre marque d'affection comme à son bureau.

« Holmes? Qu'est-ce que vous faites ici?

- Pur hasard, j'ai vu de la lumière, je suis entré. Je ne pense pas qu'on appelle Scotland Yard pour une cheminée mal ramonée.

- En effet... mais sortons, nous en discuterons calmement dehors. »

Il lui empoignait déjà le bras et le tirait vers la sortie, un peu trop zélé dans ce cas. Holmes s'arracha à l'étreinte et fila à l'intérieur.

« Holmes! N'y allez pas! »

Le détective n'en eut cure et il déboucha dans la partie de la pièce qu'il n'avait pas encore vue. Et là, accroché à une poutre, un pendu encore au bout de la corde dont il ne voyait que le dos. Les policiers le regardaient arriver, surpris de le voir en ces lieux. Cette fois, ce fut Clarkie qui s'interposa.

« Monsieur Holmes, il vaut mieux pour vous que vous ne voyiez pas ça. »

Cette mine défaite, Holmes en fut aussi surpris et son corps mis en alerte. Un regard. Sur une chaise, un chapeau, une canne posée contre le mur. Pendu. Homme blond. Cheveux courts.

Le détective repoussa violemment le Bobby et contourna le cadavre. Il leva les yeux et là, son cœur loupa un battement. Une moustache, des yeux bleus voilés par la mort...

Watson.

C'était lui, aucun doute, il le reconnaîtrait n'importe où. C'était lui mais il se refusait d'y croire. Son esprit cherchait une explication, n'importe laquelle, ne trouvait rien. C'était impossible! Un cauchemar, il devait rêver éveillé. Mais non, il était là, les pieds dans le vide, la lividité cadavérique imprimée sur sa peau.

Holmes crut qu'il allait tomber, cette sensation de vertige, comme lorsqu'il avait plongé dans la chute. Pourtant, non, il était parfaitement immobile, le nez en l'air, les yeux fixés sur ce visage.

Sa cage thoracique semblait le comprimer, il manquait d'air, il sentait ses viscères tenter de s'échapper. C'était douloureux au possible, une vrai douleur physique, comme il n'en avait jamais ressentie. L'air se faisait rare, il s'asphyxiait. Il brûlait de l'intérieur, son sang devenait lave, le consumait et pourtant, il avait froid. Horriblement froid. Bien plus que quand il s'était retrouvé dans l'eau glacée de Reichenbach.

Un mouvement le tira de sa vision d'horreur, un uniforme se rapprochait de lui.

« Sa femme a été prévenue Monsieur Holmes. »

Clarkie posa une main compatissante sur son bras. Holmes sursauta et recula.

« Ne me touchez pas! »

Et il le bouscula pour s'enfuir sans un mot ni un regard. Si on avait demandé à Lestrade ce qu'il pensait à cet instant, il aurait répondu qu'il partait pour assassiner quelqu'un.

(à suivre)


Et voilà!

Bon, avant de me maudire et souhaiter m'assassiner, faîtes preuve d'esprit de déduction. XD

Par contre, une review fait toujours plaisir.

A tantôt!