Ce jour-là, Kagami s'ennuyait comme un rat mort. Tout seul dans son grand appartement, il tournait en rond. La coach leur avait accordé un jour de repos parce qu'elle avait décidé d'aller observer son père qui entrainait une nouvelle équipe de joueurs professionnels. Tous s'étaient réjouis d'avoir enfin un peu de repos mais la coach leur avait alors fait un sourire angélique et leur avait dit aimablement : « On rattrapera tout notre retard lundi. ». A ces mots, tout le monde s'était figé et avait compris. On va tous mourir.
Bref, Kagami aurait dû profiter de ce repos avant que la coach ne se déchaîne sur lui mais c'était plus fort que lui, il s'ennuyait. Le basket était son seul centre d'intérêt si l'on mettait de côté la nourriture, qui ne comptait pas vraiment. La plupart de son temps libre, il le passait à regarder des matchs ou à cuisiner. Mais il avait déjà vu tous les matchs intéressants et surtout il n'arrivait pas à penser à quoi que ce soit d'autre que la génération miracle. Rien que l'idée qu'il allait bientôt les affronter le faisait trembler d'excitation. C'est pourquoi son regard ne cessait de s'attarder sur le ballon dans le coin de sa chambre. Il avait vraiment très envie d'aller jouer un peu tout seul mais si la coach découvrait qu'il s'était entraîné alors qu'il était supposé reposer son corps, il allait passer un mauvais quart d'heure. Un très mauvais quart d'heure. Son regard alla de nouveau traîner vers le ballon.
« Aaaah ! » finit-il par exploser en se relevant de son lit d'un bond. « De tout façon si je joue en faisant attention, elle ne s'en rendra même pas compte. »
Il attrapa le ballon qui le narguait depuis un bout de temps ainsi que son sac de sport. Pas longtemps, se promit-il, se sentant légèrement coupable avant de tendre la main pour s'emparer de ses clés. Il était en train de fermer son appartement à clé lorsqu'une voix retentit.
« Si la coach découvre que tu as joué alors qu'elle l'avait interdit, Kagami-kun, elle t'interdira de t'entrainer lundi. »
Il y eu un moment de silence avant que le cri de Kagami ne déchire l'atmosphère.
« Kuroko… » La voix de Kagami craqua et il empoigna sans ménagement la tête de Kuroko tout en criant « Toi ! Tu ne peux pas arriver normalement comme tout le monde ! »
« Ça fait mal, Kagami-kun. » répondit Kuroko, le visage toujours aussi neutre malgré le fait que Kagami le ballotait sans ménagement. « Et tu devrais baisser ta voix, tu vas déranger les voisins. »
« Tch. » fit Kagami en lâchant Kuroko et en détournant le regard. « Qu'est-ce que tu viens faire là de toute façon ? »
« Je n'arrivais pas à me concentrer » dit Kuroko en regardant Kagami droit les yeux. Toute l'attention de ce dernier fut de nouveau focalisée sur le joueur. Un sourire carnassier étira ses lèvres.
« Toi aussi, hein ? »
« Oui » fut la seule réponse de Kuroko.
« On va jouer ? » suggéra Kagami en mettant en évidence le ballon qu'il portait sous son bras.
« Si la coach le découvre, elle sera en colère. » Mais le sourire qu'arborait le joueur fantôme arborait démentait ses paroles.
« Tu dis ça alors que tu as pris ton sac de sport, qui est-ce que tu crois tromper ? » ricana le plus grand tout en lui donnant une grande tape dans le dos. « Allons-y ! »
Ils descendirent l'immeuble, non sans qu'auparavant Kuroko est donné un coup dans les côtes de Kagami.
« Eh ! Pour quoi c'était ça ? »
Kagami n'avait pas été très honnête. Il avait dit qu'il ne jouerait pas longtemps mais ça faisait bien trois heures que lui et Kuroko s'entraînaient sur un petit terrain. Si lui était à peine essoufflé, Kuroko semblait sur le point de s'évanouir. Malgré son manque de capacités évident, il n'abandonnait pas et essayait de vaincre Kagami et pour ça ce dernier le respectait énormément même si initialement c'était un trait de caractère qui l'avait plutôt agacé. Il sourit en repensant à la première fois où il avait affronté son coéquipier. Vu le niveau pour le moins lamentable de ce dernier, il était loin de se douter de ses capacités insoupçonnées.
« Qu'est-ce qui te fait sourire Kagami-kun ? » haleta Kuroko. Il peinait à reprendre son souffle et ses mains étaient serrées presque compulsivement sur le ballon, comme s'il redoutait de ne plus arriver à le tenir.
« Je me rappelai juste de la première fois où tu m'as défié sur ce terrain. Je ne savais pas encore à quel point tu étais formidable à ce moment-là. »
Kagami prononça ces mots en regardant bien en face Kuroko. Ce dernier écarquilla les yeux, comme s'il ne revenait pas de ce qu'il entendait. Il y eu un moment de silence. Puis Kuroko entrouvrit la bouche, fit un pas vers Kagami et… Il s'évanouit.
Le grand joueur réagit avec une seconde de retard, il se précipita pour rattraper le joueur fantôme mais il ne put l'empêcher de tomber. Un peu paniqué, il vérifia que l'autre ne s'était pas blessé à la tête en tombant. Voyant qu'il avait l'air de ne rien avoir, il laissa échapper un soupir de soulagement. Il porta l'autre jusqu'à un banc sur lequel il allongea son corps puis il alla chercher le ballon laissé à l'abandon avant de retourner s'asseoir à côté de Kuroko. Il commença à jouer négligemment avec la balle, tout en jetant de temps de temps des coups d'œil inquiets vers le garçon. Il ne savait pas s'il devait l'amener à l'hôpital ou juste le laisser se reposer un peu.
« Sérieusement, tu ne fais que me poser des problèmes. » murmura-t-il.
Il souffla et s'apprêta à appeler une ambulance lorsqu'une voix faible retentit.
« Je suis désolé. J'ai dû un peu trop pousser mes limites. »
Kagami sursauta en entendant la voix de son ami.
« Tu m'as fait peur ! Tu devrais mieux connaître tes limites avec le temps, si tu n'en peux plus, dis-le, idiot ! »
« Je préférais quand Kagami-kun me faisait des compliments. » fit Kuroko de sa voix monocorde derrière laquelle perçait un peu de taquinerie mais tellement subtile qu'on aurait presque pu ne pas la remarquer.
Kagami rougi légèrement d'embarras et frappa légèrement le front du joueur fantôme.
« Tais-toi idiot. Plus jamais je ne te ferai de compliments ! »
« Est-ce que tu pourrais arrêter de m'appeler idiot s'il te plait ? » demanda ce dernier.
« Idiot. » répliqua Kagami.
Après ça aucun des deux ne parla plus, laissant un silence confortable s'installer. Kuroko regardait les nuages passer. Kagami faisait tournoyer le ballon sur un doigt. Les minutes s'écoulèrent simplement comme ça, dans cette tranquillité.
Une fois n'est pas coutume se fut Kuroko qui brisa le silence, en tendant son bras vers le ciel.
« Est-ce que je peux avoir le ballon ? »
Kagami lui posa distraitement la balle sur la paume de la main mais Kuroko n'esquissa aucun geste pour la prendre. Au bout de quelque seconde, le grand joueur se demandant pourquoi l'autre ne la prenait pas tourna la tête, croisa son regard et commença :
« Si tu ne veux pas la prendre, pas la peine de… »
« Kagami-kun est aussi formidable. » le coupa le joueur fantôme.
Kagami resta interloqué quelques secondes, sans rompre le contact visuel de l'autre qui le regardait franchement, dans les yeux. Puis il détourna la tête, faisant tomber par le même coup le ballon:
« Qu'est-ce que tu as à dire des choses gênantes comme ça, tout d'un coup ? » marmonna-t-il, une rougeur nettement visible au niveau des joues.
« C'est Kagami-kun qui a commencé. »
Ce dernier se mit sur ses jambes d'un coup pour tenter de dissimuler son embarras et mit sur son épaule son sac de sport.
« On devrait y aller, on a déjà beaucoup traîné, et il va bientôt faire nuit de toute façon ! »
Kuroko se leva à son tour, plus lentement, et acquiesça avant de se pencher pour ramasser le ballon et son sac de sport. Ils commencèrent à marcher côte à côte en silence.
« Kagami-kun est mignon quand il est embarrassé. » La voix de Kuroko vint remplir le silence.
« Je te jure que je vais te tuer si tu ne la ferme pas. » grogna Kagami, en commençant à frapper l'autre sur le sommet du crâne.
« A mon avis la coach nous tuera avant que tu en ai l'occasion. » fit remarquer Kuroko
Ah….
C'est vrai…. Se rappela Kagami.
Ils allaient mourir.
