Auteur : kitsu34
Origine : Saint Seiya
Genre : Yaoi
Couple : Aiolia x Milo et Milo x Camus (c'est un couple demandé par ma rewieweuse préférée et numéro 1 : Shunelodie, voici ton oneshot promis… Je ne sais pas vraiment si tu vas être contente du résultat…)
Disclaimer : rien à moua dans l'univers de Saint Seiya, même si ça fait trèèès longtemps que je réclame.
Réminiscence
Le crissement énervant des cigales que l'on ne parvient jamais à voir et l'aridité nue et aveuglante des contreforts rocheux escarpés.
C'était ce qui l'avait immédiatement frappé quand il était arrivé au sanctuaire. Cette masse gigantesque de rochers qui écrasait le malheureux nouvel arrivant et ce bruit répétitif et usant qui donnait l'impression de présences invisibles tapies dans les frondaisons chétives.
Et il l'avait détesté, cet endroit étrange et inhospitalier.
Il avait eu peur de ces murailles qui se refermaient sur lui et sur son frère. Trop hautes. Trop désertes et pelées. Sans pitié, comme ces innombrables yeux invisibles dont on devinait seulement la présence à travers le bruit.
Aujourd'hui encore, bien des années plus tard, son chemin achevé, il s'en rappelait. Et le même sentiment amer et fascinant lui étreignait la gorge tandis que son regard fauve errait sur l'échine aiguë des montagnes.
Pourtant tout avait changé. Il n'était plus cet enfant apeuré, blotti contre son grand frère qui tentait de le rassurer.
Il était un guerrier puissant, à présent, un chevalier. Un de ceux que l'or habillait. Un des douze.
Aiolia du Lion.
Et le Sanctuaire, qui lui avait fait si peur, n'avait plus rien d'inquiétant maintenant que la présence divine restaurée lui avait ramené la paix.
Il avait retrouvé son frère et son honneur bafoué, ainsi que tous ses anciens compagnons d'armes. Il avait même gagné de nouveaux amis.
Alors pourquoi ce matin, alors que le soleil se levait et nimbait les contreforts d'une lumière vibrante, lui semblait-il redevenir ce petit garçon effrayé et malheureux de son arrivée ?
Un long soupir se perdit dans la brise matinale.
Il l'avait su immédiatement. Le Sanctuaire serait un lieu maudit pour lui. Un calvaire.
La radiance blanche s'accentua sur la roche et devint aveuglante.
OoOoOo
« Pourquoi tu pleures ? Faut pas pleurer ! Ca sert à rien, tu sais. Tiens, tu veux qu'on soit amis ? Allez, arrête de pleurer ! Comment tu t'appelles ? Moi, c'est Milo ! »
OoOoOo
Un grésillement s'éleva d'un olivier voisin. Puis un autre, et encore un autre, et bientôt le chœur des cigales salua le retour de la lumière.
OoOoOo
« Aiolia ! Viens ! Je veux te présenter quelqu'un de super important pour moi !
-Plus important que moi ?
-Mais non ! T'as rien à craindre, je t'assure. T'es mon meilleur pote ! Et c'est pas prêt de changer, crois-moi. Mais lui… C'est différent.
-Pourquoi ?
-C'est mon amoureux ! Il s'appelle Camus. »
OoOoOo
Curieux comme les souvenirs s'ancrent irréductiblement, parfois. Et font mal tout aussi invinciblement, même des années plus tard.
Il l'avait su immédiatement. Un lieu de souffrances, mais le calvaire touchait à sa fin…
OoOoOo
La lumière invincible du petit matin montait triomphalement dans le ciel clair du Sanctuaire. Les bruits du retour à la vie se multipliaient à mesure que l'activité reprenait.
Un bruit de pas retentit sur les dalles usées et luisantes. La garde venait prendre la relève des surveillants de la nuit. Puis une volée de sons s'envola brusquement, comme une nuée d'oiseaux babillards : cris, rires et course effrénée. Les apprentis gagnaient leur point d'entraînement, où leurs maitres les attendaient déjà.
La lumière blanche devint plus dure et crue, plus violente. L'impitoyable soleil grec dépassa les arêtes rocheuses et vint frapper le sol du sanctuaire. Plus de recoins ni de caches pour lui échapper ; chacun se retrouva en pleine lumière, brutalement révélé.
Un des apprentis, moins enthousiaste que les autres à l'idée de s'entrainer, se retourna lentement pour défier le soleil du regard. Mais au moment où ses yeux sombres se plissaient déjà pour affronter la lumière, ils ne rencontrèrent que l'ombre.
Une silhouette s'interposait entre l'astre et lui. Une forme noire se découpait sur l'azur nimbé d'or du ciel. Une silhouette hardie, harmonieuse. Et puissante.
L'apprenti s'arrêta fasciné par ce que révélait cette ombre capturée par la lumière. La noblesse et la force sans doute. La maitrise et la concentration en soi de l'énergie vitale. Mais ce qui l'intrigua surtout, bien plus que l'évident rayonnement de l'homme, ce fut cette nuance indéfinissable de souffrance et de tristesse au milieu de l'émanation parfaite de son énergie. Ce fut une révélation soudaine, reçue de plein fouet comme une évidence, sans fondement autre que l'intuition.
Sans savoir comment il le savait, le jeune garçon le sut.
Le sanctuaire était un lieu dur et cruel pour tous, pas seulement pour les apprentis. Les règles n'écrasaient pas que les débutants. Les chevaliers aussi pouvaient souffrir. Même les chevaliers d'or.
Même ce chevalier d'or-là.
Soudain la lumière triompha du corps qui le masquait aux regards du jeune apprenti et celui-ci dut fermer brusquement les yeux, aveuglé par la radiance blanche.
Lorsqu'il les rouvrit, la silhouette noire avait disparu. L'enfant resta immobile un instant, à cligner des yeux comme s'il avait rêvé. Cette capacité des chevaliers à apparaître et disparaître l'étonnait toujours, comme l'auraient fait des pouvoirs magiques de super-héros.
Un éclat de rire le fit se retourner brusquement. Les gardes avaient assisté à la scène et se moquaient gentiment de lui.
« - Alors gamin, t'aimerais bien être aussi fort que lui, hein ? Ca fait rêver des capacités pareilles, n'est-ce pas ? T'es pas le seul mon gars, crois-moi ! Et c'est pas demain la veille que tu réussiras à l'égaler. Aiolia du Lion, c'est l'incarnation du chevalier idéal pour tout le monde, ici. Y'en a pas un qui ne l'admire pas. Et c'est justice d'ailleurs, car son chemin à lui a été sacrément dur. Alors c'est bien qu'à présent il ait la gloire et la puissance. Il en a bien bavé pour arriver au niveau où il est, il a le droit d'être comblé ! »
L'enfant leva à nouveau la tête vers la crête nue et affronta la brûlure du soleil d'un air perplexe.
« - Comblé ? Vous pensez que c'est le cas ? Je n'en suis pas sûr, moi. Ce n'est pas ce qui émanait de son cosmos, en tout cas.
-Tu racontes n'importe quoi, le gosse ! Pourquoi un chevalier d'or ne serait-il pas heureux ? Ils ont tout ce qu'on peut rêver de posséder un jour, ces gars-là : rapidité, force, puissance et pour la quasi totalité d'entre eux, même la beauté !
-C'est vrai, ils ont vraiment tout : c'est injuste d'ailleurs ! Que reste-t-il pour les autres comme nous ? »
Les gardes se mirent à rire avec une bonne humeur contagieuse qui fit sourire puis rire le jeune apprenti. Cependant, il tressaillit soudain en entendant la voix colérique dès le matin de son maître qui l'appelait. Aux aguets, comme un jeune chien, l'enfant détala à toute vitesse. L'hilarité des gardes redoubla devant sa vélocité et sa crainte.
En courant, le jeune garçon ne put s'empêcher de se dire que pourtant, il avait bien senti une vibration de tristesse et de souffrance émaner de la puissance écrasante du chevalier d'or. Une sensation bien connue de lui, qui le hantait depuis son arrivée au sanctuaire.
La solitude.
OoOoOo
L'arène était déserte, à cette heure-là. Les chevaliers pour la plupart n'étaient pas encore à l'entraînement.
Les maîtres s'occupaient de leurs élèves, tandis que les autres s'affairaient à préparer et à assouplir leur corps en vue des efforts qu'ils auraient à supporter.
Les plus rapides n'arriveraient que dans une heure, au moins.
Il avait le temps, encore, d'être seul avec lui-même.
Il s'assit lourdement sur la dalle chauffée par le soleil matinal. Son dos se courba, comme fatigué déjà. Un soupir lui échappa.
S'il en avait eu le pouvoir, il aurait suspendu le temps, pour échapper à l'inexorable réalité. Mais c'était trop tard, il le savait. La vérité était en marche, il allait devoir l'affronter aujourd'hui.
Et elle était au-dessus de ses forces.
Il tressaillit en entendant des pas se rapprocher. La crispation qui l'avait saisi se relâcha lorsqu'il identifia l'arrivant. Il n'eut cependant pas le courage de souhaiter la bienvenue.
Ce fut l'autre, qui le salua, de sa voix toujours douce et apaisante comme une source fraiche.
« -Bonjour Aiolia. Tu es bien matinal, aujourd'hui. As-tu eu du mal à dormir ? Ce serait naturel, vu les circonstances. »
Le regard vert se leva stupéfait sur le chevalier qui venait de le rejoindre. L'énergie puissante et bienfaisante qu'il dégageait les nimbait tous deux et Aiolia n'y lut pourtant rien en rapport avec ce qui le préoccupait. Alors, pourquoi avait-il dit cela ?
« -Comment cela, compréhensible, vu les circonstances ? Que s'est-il passé pour je ne dorme pas bien ? Explique-toi, Mû ! »
Sous la véhémence des paroles du Lion, les yeux du Bélier s'agrandirent légèrement. Ce fut pourtant d'une voix calme que Mû reprit la parole.
« -Mais n'est-ce pas naturel que la résurrection de nos compagnons ait perturbé ton sommeil ?
-Et pourquoi cela ? Qu'insinues-tu, je te prie ! Je ne vois pas par quoi ou par le retour de qui je pourrais être perturbé !
-Je n'insinue rien, je pensais juste que l'émotion de retrouver ton frère mort depuis toutes ces années te ferait passer une nuit douloureuse… de joie. »
Aiolia se mordit les lèvres de dépit et de colère contre lui-même. Le ton du Bélier s'était fait plus ferme sur la dernière phrase indiquant que Mû commençait à trouver son agressivité pour le moins étrange. Allait-il lui demander des comptes ? Que lui dirait-il sans avoir à mentir ?
Mais Mû ne lui posa aucune question. Il passa simplement son chemin, poursuivant calmement sa route vers le village.
Aiolia laissa tomber à nouveau sa tête dans ses mains avec lassitude. Quel serait son comportement face à lui, s'il n'était pas capable de se maîtriser face à Mû ?
Un rire sans joie lui échappa. Un puissant chevalier d'or, modèle de comportement pour beaucoup d'apprentis et de chevaliers inférieurs, incapable de maîtriser le cours de ses émotions…
Décidément, il n'avait pas tant changé que cela, en fin de compte. Il restait bien ce petit garçon douloureux et pleurant du début. Si les larmes et les souffrances restaient à présent bien cachées au fond de lui, elles étaient toujours là à le torturer.
Un nouveau soupir lui échappa. Quand le verrait-il ? Le verrait-il seulement aujourd'hui ? Après tout, ils étaient tous revenus à la vie.
Lui aussi.
Pourquoi avait-il fallu que cela arrive ?
OoOoOo
Le Sanctuaire était dévasté…
Les colonnes écroulées des maisons du zodiaque, les marches brisées de l'escalier monumental des douze maisons et l'horloge éteinte témoignaient de la violence des combats.
Le Sanctuaire était meurtri, et comme un animal blessé, recroquevillé au fond de son terrier, il léchait ses plaies et tentait de les panser.
Les gardes organisaient avec lassitude les secours aux blessés et la reconstruction des édifices éventrés par la lutte fratricide.
Les habitants du village rouvraient craintivement les fenêtres claquemurées de leurs habitations mais n'osaient encore se risquer à l'extérieur, trop épouvantés par le fracas des batailles qui avaient résonné tout le jour.
Une journée terrible et sanglante. Douze maisons. Douze heures. Et autant de combats sans merci.
Un seul jour pour une honte sans fin. Celle d'avoir failli et d'avoir dû laver cette défaillance dans le sang doré.
Parmi des siècles d'existence sans failles, une journée rouge avait suffi à jeter l'opprobre, à ternir l'éclat d'or des armures et le rayonnement du cosmos que le Sanctuaire répandait sur le monde.
Oui, le Sanctuaire était dévasté.
Et les survivants de ces terribles luttes, hébétés au milieu des décombres de leur maison et de leurs armures, pleuraient les disparus.
Pourtant, à l'aube livide de ce lendemain sans gloire, Aiolia n'avait pas senti l'étreinte du désespoir. Au contraire. Au milieu des regards choqués, mornes, qui contemplaient, sans pouvoir le croire, les dégâts irréparables, il s'était tenu droit, fier, le sourire aux lèvres.
Ce jour-là, les suivants, il avait fait face, puissant d'une force sereine, enfin apaisée. Son front pur ne se courbait plus vers le sol, écrasé de honte et l'eau verte de son regard ne brillait plus de rancœur et de souffrance.
Tous savaient à présent.
Son frère n'était plus un traître. Il pouvait chérir son souvenir la tête haute. Le pleurer à présent en pleine lumière, sans avoir à cacher ses larmes.
Son frère, sa seule famille, son horizon lui avait été rendu.
Et la joie puissante et tranquille, au cours aussi irrésistible que celui d'un fleuve, l'entraînait à présent.
Pour tous les habitants de ce Sanctuaire blessé, Aiolia était apparu alors comme un refuge, un protecteur. D'une force tranquille et généreuse, d'une infinie patience, il avait dirigé la reconstruction, tandis que Mû s'attelait à la réorganisation des ordres et des corps. A eux deux, ils avaient lentement reconstruit le Sanctuaire.
Pourtant, une ombre obscurcissait le ciel presque sans nuages d'Aiolia.
Quand il rentrait le soir, harassé mais si heureux à présent qu'il avait envie à nouveau de rire et de crier, il entendait toujours la même plainte incessante. Elle ne s'arrêtait ni le jour ni la nuit. Les autres survivants de la guerre honteuse aussi devaient l'entendre depuis leurs maisons, il le savait. C'était le terrible cri de souffrance d'un cosmos blessé à mort, dans ce qu'il avait de plus cher.
Et, tandis qu'il se laissait tomber dans un siège, las de sa journée longue et épuisante, Aiolia sentait la honte d'être si pleinement reconstitué l'étreindre. Son front couronné de boucles blondes se courbait vers le sol et son regard étincelait douloureusement.
Et la plainte lancinante ne cessait pas. Les sanglots douloureux résonnaient depuis la huitième maison. Et Aiolia ne quittait pas sa demeure pour monter l'escalier éventré. Il ne tentait pas de consoler son ami, son précieux Milo, premier compagnon de douleur et d'infortune à son arrivée au Sanctuaire.
Il savait qu'il ne parviendrait pas à calmer cette immense douleur inconsolable qui l'avait tellement surpris et peiné. Cette souffrance insupportable pour le Scorpion, qui dérivait à présent lentement vers la folie.
Une peine sans mesure, causée par sa mort à lui.
Le regard vert se teinta d'amertume et de rancœur.
Il n'aurait jamais cru que Milo aimait à ce point Camus. Personne d'ailleurs n'avait décelé la profondeur des sentiments que ces deux-là s'étaient voué avant la disparition du Verseau. Depuis ce moment, Milo n'était plus que l'ombre de lui-même. Et le bonheur retrouvé d'Aiolia se teintait de tristesse et de désespoir.
