Préambule

Ici commence ma première fic sur SNK, il s'agit d'un récit (poétique) que je rêve de faire depuis un petit bout de temps et qui est loin d'être quelque chose de facile. Mais cependant, en prenant le temps, vous fondant dans le rythme et l'écriture, je suis persuadé que la magie peut opérer. C'est ce que j'espère, comme Armin dans l'histoire, que vous soyez transportés.

Je publierai avec le plus de régularité possible, en rappelant que c'est un UA (légèrement, au niveau background) et que la fic passera sans doute en M bientôt.

Chaque chapitre contient de la poésie libre ainsi que de vrais poèmes en italiques et centrés.

Et au passage, j'indique comme d'habitude les noms de musiques à écouter par moments...

Je n'attend que vous maintenant,

Allez, laissez-vous donc porter...


AIDONS L'HYDRE A VIDER SON BROUILLARD


1 : L'EAU ET LES REVES

- ...Et ?

- Et c'est tout, je ne vois pas ce que je peux rajouter pour te convaincre, la femme se mets à rire nerveusement.

- Et j'enverrais une expédition entière là-dessus ? Demande Erwin, perplexe.

- ...Oh, vous n'avez pas idée à quelle point cette découverte pourrait changer le cours des choses... Pas idée !

- Mais justement, prendre également des jeunes recrues comme Eren, Mikasa, ou le jeune Armin me semble dénué de sens...

- Mais Eren doit venir. Et il ne viendra qu'avec ses deux meilleurs amis, la femme laissa un sourire mystérieux envahir son visage. C'est impératif. C'est même la condition sinequanon...

- ... Je te fais confiance...

- J'espère bien, et tu as bien raison. Dans peu de temps, nous découvrirons sans doute quel est l'avenir que les Titans et les humains partageront sur la Terre...


Ecouter Mihaly Vig - Harang

Eren retire le bouchon de sa gourde et laisse l'eau couler.

L'aurore est silencieuse. Elle écoule les farandoles de la nuit dans une dernière vague bleutée pour les fondre dans les peupliers du chemin. Emporte sans doute avec elle les derniers mythes des étoiles. Porte les cœurs à l'ascèse. Charge l'air de l'humide affluant en grappes et en tourments les herbes hautes. Elle passe les frontières en s'y collant et fait glisser les graviers entre eux – toujours en silence.

Les gaz célestes se mélangent à ceux des rivières, des lacs dorés et des forêts dans les courants réguliers.

Atrophié en minuscules perles écarlates, les rares gouttes que la rosée a expédiée sur les tiges se fondent avec celle de la bruine matinale – il ferait froid et venteux aujourd'hui – dans un premier mouvement de fonte puis à l'union parfaite de deux corps autrefois trop éloignés.

L'eau s'attache et respire sur chaque parcelle de feuille, à son autonomie s'ajoute celle des insectes diurnes qui commencent leurs mouvements soûls au travers des branches.

Tout juste sortie de sa source claire, l'eau cristal se déverse joyeusement sur les lèvres gercées d'un jeune garçon et déborde sur son menton blanc avec une facilité déconcertante.

A quelques mètres, le regard embué d'Armin qui cherche un contact depuis longtemps avec l'autre garçon.

- Eren…

Il répète plusieurs fois son nom, sans succès, avant de faire demi-tour et de lui aussi sortir une gourde de son sac. A ses côtés, Jean dépose son attirail de voyage un instant et profite du soleil sur son visage en plissant les yeux.

La journée sera belle cependant. Aucun nuages à l'horizon.

- Prenez de quoi tenir pendant plusieurs jours ! On aura peut-être pas autant d'eau potable là-bas !

- Déjà que cette eau est limite en bordure de la ville…

Un autre homme plus loin, posé royalement sur son cheval gris, ses petits yeux noirs rivés sur la gourde qu'Eren porte à la bouche, vient de parler lascivement.

- Tu as quelque chose à dire sur l'eau que les paysans puisent ici, Lévi ? S'impatiente Jean.

Pour toute réponse, le brun lui renvois un grondement rauque et baisse la tête pour passer sa main sur la crinière sombre de son cheval avec ennui.

La gorge remplie par la fraicheur de la source, Eren essuies son visage lentement, sentant approcher les frêles mains d'Armin venir cueillir des gouttes d'eau en perdition juste à côté de lui.

- Jean a raison, il faut prendre un maximum d'eau maintenant… Dit le jeune blond timidement.

Eren porte son regard sur son ami, observant son anxiété.

- Armin, tout va bien ?

L'autre secoue la tête lentement, baissant les yeux et marmonnant :

- Oui, ça va pour l'instant…

Puis il tire tout peureux sur petit tissu qui dépasse de sa manche.

Eren, observant l'étoffe s'effriter en petits bouts jaunis sous les doigts de son ami, se mets à voir une sorte d'étrange cascade de ouate se déverser sur la terre boueuse.

- Tu l'as emporté...

Armin, surpris, se rapproche un peu, le regard ailleurs, puis finis par fermer les yeux, mine déconfite :

- Oui, je ne pouvais pas le laisser… Désolé…

Et le pauvre garçon tremblait doucement, serrant plus fort le bout de tissu.

Eren, sentant quelque chose se refroidir en lui, vint poser sa main sur les épaules d'Armin, parlant calmement :

- Eh ! Ce n'est pas grave si tu l'as pris. Je comprends Armin…

La gourde du blond flotte au grès des faibles ondes de la source.

Il verse quelques larmes qu'il sèche aussitôt d'un revers de manche, faisant tout pour que personne autour d'eux ne s'aperçoive qu'il pleure.

- Tu n'as pas à avoir honte de prendre ton… doudou…

Armin sent la rage monter en lui. Pourquoi ce nom précisément l'émeut, le révulse, et le réchauffe, tout cela en même temps ? Il se retient, là, en ce moment même. Le visage d'Eren, si calme et attentionné, les yeux sombres portés sur les siens. Il voudrait le faire taire, arrêter de pleurer, se donner mille gifles, mais il n'arrive pas à faire taire ses sanglots.

- Merde ! gémit-il.

Eren, imaginant que certains membre du bataillon les observent prend Armin dans ses bras et frappe légèrement son dos pour éviter tout malentendu.

- Dur de quitter les murs aussi vite ? Demande Berthold au loin.

Eren et Armin ne répondent rien.

Dans un coin, Mikasa regarde les deux garçons.


Armin pleure.. Il pleure souvent.

Mais il n'a pas besoin de pleurer pour si peu.

Personne ne se moquera de lui s'il sort sa peluche pour se rassurer.

Personne.

Ou alors il faudra que Mikasa de soit plus là.

Mais elle veille sur lui, infiniment.

Du jour à la nuit.

Elle tourne son regard vers Eren qui la rassure elle aussi, un petit sourire confiant aux lèvres. Son frère adoptif a quelque chose d'inné pour calmer les gens. Mais l'ironie, l'étrange ironie, c'est que lui-même est très impulsif, et parfois impossible à apaiser. Sanguin au plus profond de son âme et de sa chair, d'un troublant réconfort avec son entourage.

Puis, faisans le tour de la vallée qu'ils s'apprêtent à traverser, Mikasa se rapproche en pas silencieux de ses deux comparses.

Entourant les courtes pierres basaltiques d'un autre âge, les figuiers montent en guirlandes de grands drapés de couleurs variées et de langages que seuls les fleurs ou les sages peuvent encore comprendre.

Les couches fusiformes des végétaux s'entrecroisent et les ombres furtives de ce début de matinée (est-il six heures, sept heures du matin, Eren n'en sait rien) peuvent presque se fondre pour laisser une colossale masse épineuse laisser sa sombre emprunte aux roches encaissantes.

Par delà les touffes épaisses, brunies par le soleil levant, le sol s'écarte en larges pans de falaises et des buttes. Et de buttes en petits monts ou en versants, les chaleureuses taches de couleur se trempent dans un ruisseau chargé de senteur d'hiver. Les faibles rayons font miroiter les gouttes de brumes qui émanent et surplombent les eaux claires.

Oui, les sons, les odeurs, les senteurs à leurs côtés gauches rejoignent l'autre rive d'un matin de départ. Lentement, les feuilles rêches portent avec elle des relents amers d'un automne trop rapide et trop vite oublié.

Oui, le calme, les pins au loin, le bois aux grandes marges de pensées sauvages, tout cela c'est l'hiver et c'est le froid qui parcourt les cœurs.

Mikasa n'a plus qu'à contempler par delà la tête mordorée d'Armin, pour voir au loin les montagnes d'un autre pays affleurer.

- Armin, tu devrais être heureux... Je n'ai jamais vu quelque chose d'aussi beau. Dit-elle doucement.


Armin, comme piqué par la véracité de son amie, a lâché les épaules d'Eren et regarde avec tristesse les alentours, passe rapidement son regard sur les arbres et les feuilles en lévitation dans ce paysage fantomatique.

Oui, il en pleurerait même. Il en pleurerait de ce paysage grandiose. Lui qui rêve de parcourir le monde et surtout…

Son regard s'arrête enfin sur quelque chose qui a capté tout en lui, depuis son regard, jusqu'à tout son corps ; chacun de ses cheveux ou de ses poils et tourné vers le petit trajet impassible que l'eau effectue non loin.

Les voiles de toutes tailles et de toute vitesse se jouent des réminiscences du soleil tout juste né, et semblent emporter monde béant d'une seule pièce avec eux.

Si seulement Armin pouvait se changer en feuille, se laisser porter par le courant, lui aussi.

Il le sait.

Il l'a lu.

Au-delà de ce petit ruisseau, il y a une montagne, en cherchant bien loin il l'a trouverait (il paraît qu'elles sont toutes blanches à leur sommet).

Et de la montagne, en redescendant, de l'amont donc, il parcourrait des kilomètres entre les sables et les argiles pour trouver des pentes plus douces, et puis l'eau deviendra moins profonde, il y aura d'autres embranchements sans doute, un petit lac pourquoi pas, et un jour, par accident, par mégarde, par pur effet des circonstances, une ouverture, la brèche se fera et les eaux descendront plus bas encore, et traverseront les territoires des Titans, divagueront encore plus loin qu'il ne peut l'imaginer et il l'espère, un beau soir sans nuages, le mèneront à l'aval suprême : à une mer.

Que dire d'autre ? Une mer ? Sinon, LA mer ? Une, plusieurs, ou quelques mers qui n'en forment qu'une en symbiose vivante ? Que dire sinon que ce petit pan d'eau devenant toute une terreur d'eau de ténèbres, c'était son rêve, son rêve le plus fou.

S'il le fallait, toute sa vie, il continuerait de chercher la mer. Inlassablement.

Dans les livres, parmi toutes les illustrations possibles, il a tenté de puiser plus que le nécessaire. Il a tenté d'imaginer, de voir, de sentir encore les courants en lui, autour de lui, de nouveau en lui.

Depuis les surfaces claires ou les poissons règnent jusqu'aux abysses.

C'est ce qu'il a lu.

Et puis il ira au delà de tous les manuels comme de tous les romans.

Il n'y a pas d'autre expérience que la sienne. Ça c'était sûr. Sûr et certain, qu'il faudrait à tout prix un jour chercher et se baigner dans sa mer.

C'était ça : explorer, chercher, encore attendre avec l'impatience et le plaisir de parcourir le monde en quête de son ultime but.


- Armin, tu vas mieux ? Demanda Eren.

- Je ne peux pas aller mieux… Dit finalement le blond, essuyant au mieux ses tempes et ses joues rougies.

Autour d'eux, les divers membres de l'escadrille s'étaient désintéressés de leur sort et passaient tour à tour remplir leurs gourdes d'eau (sauf Lévi, et Annie toujours en retrait).

Berthold, chargé de plus ou moins commander le petit groupe d'exploration, lança un petit appel général, coupant son petit discours par d'incessants passages à vide où il parcourait ses cheveux sombres de sa main tremblante :

- Jean, Lévi, Annie, Mikasa… Berthold, Connie, Sasha… Armin, Eren et... Nous sommes dix en me comptant et nous voilà partis pour au moins une semaine. Vous n'avez pas intérêt à vous séparer ! Nous sommes dix et nous resterons dix, c'est tout ce que je veux. Vous avez entendu tout à l'heure ? …Je n'ai pas besoin de vous répéter ce que nous allons faire aux terres de l'est. Cependant, je voudrais juste vous rappeler quelque chose… Je ne peux pas… vraiment savoir… tout comme vous si nous serons à même de battre des Titans… Malgré l'entraînement, mêmes les plus petits sont à craindre… Nos…

- Écrase un peu, tu veux bien ? On sait très bien ce qu'on a à faire, non ? Demanda Annie, soudain alerte de ce qui se passait autour d'elle.

Connie et Sasha qui discutaient alors dans un coin, lui jetèrent des regards plein de reproches.

- On n'a pas besoin de tes remarques Annie, laisse-le continuer ! Intervint Jean.

- Je suis d'accord avec Annie. Partons maintenant. Dit Lévi, faisant avancer son cheval.

Lévi part seul devant, empoignant avec tranquillité la bride de son cheval.

C'est vrai.

Après tout, il faut partir au plus vite.

Les titans sont plus nombreux autour des murs que dans les terres lointaines.

Et tant qu'il fait encore froid et que le soleil n'est pas trop haut, les Titans se font très rares.

Eux et leurs corps bouillants...

Lévi les écraserait, tout simplement...

Le petit groupe, après un moment d'hésitation, finit par le suivre, chacun à son rythme.

Armin, Connie, Mikasa, Eren et Sasha qui n'avaient pas droit à des chevaux pour des questions de hiérarchies et par manque de montures disponibles avancèrent lentement derrière les puissantes bêtes (quelles belles robes d'ailleurs...)


Eren marchait près de ses deux amis d'enfance, tenant fermement une de ses épées dans sa main.

Le temps avancerait.

Oui, il avancerait et il grandirait, deviendrait plus fort.

En attendant, il doit se contenter de suivre les chevaux.

Qu'importe.

Puisque tout autour de lui, il voit tout un monde nouveau à contempler.

A droite, Mikasa souris légèrement – ce qui est très rare – et semble prendre en note dans son esprit peu éveillé tous les détails possibles. De l'autre côté, Armin est toujours absorbé par le courant du ruisseau non loin, mais par moment, il prend le temps de le regarder, lui souriant légèrement.

Armin ne tient plus son doudou.

Son regard, Eren, voudrait voir ce regard plus souvent encore. Il a quelque chose de terriblement beau. Oui, Armin semble absorbé, dans le présent comme dans toutes les autres temporalités que le paysage offre.

Les eaux en éveil, les eaux, lourdes, les eaux des tourbillons du matin ont emporté son attention.

Après tout.

C'est justement Armin, passionné de lecture qui a fait lire à Eren, une fois, un étrange livre, qui parmi tous les autres que le blond avait pu consulté, l'avait transcendé, troublé et profondément changé. Après en avoir lu quelques pages, il ne parlait plus que de cela, sans arrêt.

Il en parlait comme d'une révélation, profondément intime, d'une sorte d'explosion.

Il avait dit "Eren, Eren, regarde, c'est le meilleur livre que j'ai pu lire jusqu'à ce jour. Il t'explique comment atteindre une sorte de transe… Rien qu'en laissant aller tes émotions et tes songes…"

Eren, jusqu'alors, n'avait fait que brièvement s'intéresser au livre. (Armin a parfois des lectures étranges, expliquait-il à son père au sujet de son ami)

Mais peut-être que maintenant, avec le recul, il pourrait y repenser, il pourrait même trouver l'idée plus qu'intrigante.

Oui, il s'y intéresse grandement même, de plus en plus.

D'autant plus que les voilà maintenant dans un décor à la fois magnifique et mystérieux.

Lui, eux, qui ne sont jamais sortis ou presque des grandes murailles Maria… Depuis 5 ans en tout cas ils n'ont plus mis les pieds en dehors des remparts.

Mais ils n'allaient pas seulement traverser Maria. Ils continueraient et sortiraient sans doute des anciens murs.

Regardant le soleil qui allait enfin percer les premiers nuages et se relever pleinement, Eren soupira longuement, frissonnant sous le petit air frigorifiant et les étranges pensées qui lui venaient.

Quel était ce poème sur la couverture du livre ?

Ou du moins… quel mots y apparaissaient.

Hydre, sans doute ?

Et de l'eau, il y était question de l'eau.

L'eau était apparu a ses yeux, comme un petit mirage.

Oui, de l'eau et des hydres…

Et beaucoup de rêve.

Armin revoyait les images de son livre défiler et il s'en gorge à nouveau.

Tout ce que le cœur pouvait bien envisager ou désirer pourrait se résumer à la puissance évocatrice des larmes d'une eau. Depuis ses lames froides jusqu'à son cœur mouvant et chaud.

L'eau volcanique, l'eau des glaciers.

Le fond de l'air est rouge, sans doute.

Mais le fond de l'eau, lui, est bien bleu.

Il est bleu et il abrite un mystère qu'il devra percer, ou du moins approcher.

Sinon nous sommes perdus.


FIN DU PREMIER CHAPITRE