Tout un monde de presque rien
I
Avant moi sur les dangers
Note de l'auteur : En parallèle de ma saga Star Trek, j'ai eu envie d'écrire sur Almost Human. Je ne posterai probablement pas au même rythme que mes fics Star Trek (un chapitre/jour) parce qu'il y a déjà des jours où je peine à boucler un chapitre. Je vais essayer de m'en tenir à un chapitre/semaine, même si ça risque de varier selon mon envie.
J'espère que ce début vous plaira, j'essaye de faire au mieux avec le peu que l'on sait de cet univers dans la saison 1.
Bonne lecture et à très vite!
Disclaimer : Almost Human appartient à J. H. Wyman et la Fox. Je ne touche rien pour mes écris.
Je courais dans la nuit. Je sentais le poids de mon arme, froide et meurtrière, sous la pulpe de mes doigts. Il n'y avait que le bruit de mes pas sur le macadam, ma respiration quelque peu saccadée et mon cœur qui battait dans mes tempes. Et Dorian. Sa démarche silencieuse. Dorian qui n'a pas besoin de respirer, mais que je sentais si vivant, à mes côtés dans cette énième enquête. Nous stoppâmes notre course devant l'immeuble où se cachait notre suspect. Il me regarda et ses yeux trop bleus me transpercèrent par leur humanité. Sans un mot, il franchit la porte d'entrée. Il passa avant moi sur les dangers, une fois de plus. Mais je le suivis de près. Dans le hall, nous entamâmes l'ascension d'un escalier qui avait vu des jours meilleurs. La crasse et toutes sortes de détritus jonchaient les marches, des tags obscènes faisaient office de décoration. L'air sentait le renfermé et la mort. La poussière dansait dans un rayon de lumière d'un réverbère, qui filtrait péniblement à travers la fenêtre encrassée d'un palier. Nous passâmes silencieusement le premier, puis le deuxième étage. Notre homme se trouvait au troisième, d'après nos informations. Le poids de mon gilet pare-balle se fit sentir et je peinai à gravir les dernières marches. Dorian se tourna vers moi. Son sourire immense lui bouffant la moitié du visage.
« Tu devrais vraiment songer à faire du sport plus souvent. » Chuchota-t-il dans la pénombre.
Je boudai pour la forme. Je savais qu'il avait raison. Mais je n'aimais pas l'idée d'exhiber ma jambe synthétique dans une salle de sport remplie de testostérone. Je revins dans l'action. Nous étions face à un long couloir des plus lugubres. Le faible éclairage d'une ampoule nue, au plafond, semblait lutter pour ne pas se faire dévorer par l'obscurité. Le son étouffé d'une dispute nous parvint de derrière une porte. L'appartement du suspect. Soit il hurlait sur quelqu'un qui ne lui répondait pas, soit il gueulait dans son téléphone. Je penchai pour la deuxième solution. Son complice était actuellement en garde à vue et il venait probablement d'être mis au courant. La nouvelle n'avait pas l'air de lui plaire. Au moins, nous avions encore l'effet de surprise avec nous, si nous n'attendions pas les renforts. Je regardai Dorian. Il en était arrivé à la même conclusion. D'un coup de pied, je défonçai la porte. J'embrassai la scène du regard. L'homme était sur le point de partir, son arme en main. Il la pointa sur moi avant que j'aie pu lever la mienne. Le coup partit avant que j'ai pu réagir. Je fermai les yeux, attendant la douleur qui ne vint pas. Une deuxième détonation me ramena dans le présent. La silhouette de mon partenaire me bouchait la vue, mais je pus apercevoir le meurtrier que nous pourchassions. Il gisait à terre, une balle entre les deux yeux. Dorian se tourna alors vers moi. Un trou était visible sur son flanc droit. Des éclairs bleus serpentaient sur son torse, jusqu'à son visage. Des grésillements, synonymes de dégâts plus ou moins importants, crépitaient dans l'atmosphère confinée de l'appartement.
« John… »
J'entendis des sirènes au loin. La cavalerie arrivait, tout irait bien. C'est ce que je me dis pour ne pas m'angoisser devant l'état de cet androïde impossiblement émotif qui semblait peiner à rester sur ses jambes.
« Je vais t'aider à sortir de ce trou à rats et Rudy va te remettre à neuf en un rien de temps. »
Et tandis que je passais un de ses bras par-dessus mon épaule pour entamer une pénible descente, j'essayai de ne pas penser au fait qu'il m'avait une fois de plus sauvé la vie.
…
Après avoir écouté, avec une relative patience, le long sermon de Maldonado sur les missions suicide et l'utilité d'attendre les renforts, je rejoignis hâtivement mon DRN personnel dans les entrailles du bâtiment. Le laboratoire de Rudy était toujours un tel chantier. Des pièces mécaniques de toutes sortes, dont certaines appartenaient clairement à différents androïdes, jonchaient les divers plans de travail. Des outils, dont l'utilité, pour certains, échappait totalement à ma compréhension, étaient entassés dans une boîte ou traînaient sur les nombreux bureaux, au gré des travaux du maître des lieux. Dorian était allongé sur la table d'opération, le scientifique à la silhouette filiforme penché sur son torse. Je m'adressai à ce dernier dès qu'il remarqua ma présence.
« Alors ? Comment va-t-il ? »
« Et bien, on peut dire que ce gars ne l'a pas raté. En théorie, il est fonctionnel… »
« Mais ? » Son ton hésitant ne me dit rien qui vaille.
« Mais il y a un risque de dysfonctionnements. Nous serons très vite fixés. »
« Quel genre de dysfonctionnements ? »
« Il est trop tôt pour le dire. »
Je baissai mon regard sur Dorian. Ses yeux bleus, trop expressifs, étaient braqués sur moi. Il avait un sourire timide, comme s'il était déjà désolé pour les désagréments à venir. Comme s'il était responsable de son état actuel. Plus j'apprenais à le connaître et plus je pensais que son âme n'avait finalement rien de synthétique. Quoiqu'en disent les autres. J'eus une pensée pour ce qu'il m'avait dit l'autre jour, quand j'avais tiré dans la tête de ce MX juste parce qu'il avait insulté Dorian. « Tu m'aimes bien. » Oui, je l'aimais bien, même si je ne lui dirai pas. Je me surprenais parfois à être étouffé par la peur qu'on me l'enlève, pour le remplacer par un de ces Ken géants, coquilles vides sans émotion.
« Comment tu te sens ? » Lui demandai-je.
« Parfaitement bien. » Me rassura-t-il.
Il se leva alors d'un bond, comme pour me le prouver et rabaissa son t-shirt sur son ventre, de nouveau lisse de toute blessure.
« J'ai juste besoin de me recharger quelques heures. »
À ces mots, ma propre fatigue retomba comme une chape de plomb, sur mes épaules. J'acquiesçai alors simplement et le laissai dans l'antre de Rudy, sa nouvelle maison pour ne plus qu'il partage son espace avec des MXs flippants. Je leur souhaitai bonne nuit, ou ce qu'il en restait et me mis en route vers mon appartement, résigné à ne profiter que de quelques misérables heures de sommeil avant le levé du jour.
…
Je fus extirpé d'un étrange rêve par mon radio réveil. Je tendis péniblement une main vers celui-ci pour le faire taire. Pour toujours, de préférence. Mais j'eus beau insister, mes assauts répétés n'eurent aucun effet sur cet appareil de malheur. Je pris alors conscience, encore dans les méandres du sommeil, que ce bruit strident venait en fait de mon téléphone. Il me narguait de la table de chevet, me vrillant les tympans alors que j'avais l'impression de m'être endormi cinq minutes auparavant. Je roulai sur le côté pour enfin attraper le communicateur et, résistant vaillamment à l'envie de le balancer contre un mur, je décrochai.
« Kennex. » Annonçai-je en guise de bonjour, d'une voix rendue rauque par la fatigue.
« Désolé, je sais qu'il est tôt, mais on vient de retrouver un corps, dans un entrepôt prétendument désaffecté. Mais il y avait du matériel sur place, qu'on a expédié à Rudy pour analyse. Dorian t'attend sur place. J'ai déjà envoyé l'adresse sur ton GPS.»
La voix de Stahl, de bon matin, était une douce mélodie à côté de celle de Maldonado.
« Je suis en route. » Ajoutai-je simplement, avant de raccrocher.
Je me laissai lourdement retomber sur le dos dans un long soupir et m'accordai une minute pour vraiment émerger. Je repoussai ensuite le drap complètement défait et entortillé autour de mon unique mollet, pour m'asseoir sur le bord du lit. Je me demandai, en fixant le vide sous ma cuisse droite, si l'on s'habituait réellement, un jour, à l'absence d'un membre. Je me levai finalement et me traînai péniblement jusqu'à ma jambe synthétique, qui trônait fièrement sur son socle. Je la mis en place et profitai de retrouver mon statut de bipède pour aller dans la cuisine me faire un café. J'en renversai quelques gouttes sur mon marcel noir en portant la tasse à mes lèvres, distrait par des flashs de mon rêve, me revenant en mémoire et jurai pour la forme. Ce n'est que cinq minutes plus tard, que je me décidai enfin à aller prendre une douche, dans l'espoir d'effacer les dernières bribes de ce songe dérangeant.
…
La bâtisse immense, monstre de métal et de béton, étendait son ombre sur moi dans la clarté de l'aube. Dorian m'attendait devant le trou béant de la porte électrique grande ouverte. Il avait l'air beaucoup plus en forme que moi et m'accueillit avec un de ses sourires tout en dents. Je sentis venir la vanne sur ma tête de déterré.
« Hello, John ! Tu n'as pas l'air d'avoir bien dormi. »
Une de ses tempes se lézarda de bleu électrique, tandis que ses yeux, de cette même couleur improbable, me scannaient. Littéralement.
« Des cauchemars, peut-être ? » Suggéra-t-il.
« Rien qui ne te regarde. » Répliquai-je, en le contournant pour entrer dans le bâtiment.
Il me suivit, nullement vexé, habitué à mon sale caractère. Mes pas résonnèrent dans le vide immense de la pièce, alors que je m'approchais du corps entouré d'experts médicaux-légaux occupés à relever les indices et de deux MX qui me firent frissonner d'horreur, comme à chaque fois. La victime, un homme d'une vingtaine d'années à vue de nez, avait été égorgé. La plaie nette, qui s'étendait d'une oreille à l'autre, suintait de sang coagulé. L'expression d'horreur de son visage, figée par la rigidité cadavérique, était pénible à regarder. Les doigts de Dorian frôlèrent les miens, alors que je détournais les yeux de la dépouille, dégoûté. Son geste me surprit, car je ne crus pas une seule seconde qu'il était involontaire, même s'il se donna du mal pour faire comme si de rien n'était. Je n'étais pas quelqu'un de très tactile et le DRN le savait pertinemment. Qu'est-ce qui avait bien pu le pousser à faire ça ? Une envie soudaine de me soutenir face à cette vision épouvantable, peut-être. Dans tous les cas, ce n'était pas dans ses habitudes et je décidai de lui en toucher un mot, dès que nous serions seuls. En attendant, je demandai que l'on me briefe sur la situation. La cause de la mort étant évidente, je me renseignai sur l'heure du décès et les conclusions des experts. On m'apprit que le meurtre s'était déroulé entre minuit et deux heures du matin, cette nuit. À ce moment-là, Dorian et moi, étions encore à la poursuite de notre suspect. La manière dont il s'était interposé, entre la balle meurtrière et moi, me revint en mémoire et c'est moi, cette fois, qui dus réfréner l'envie de toucher sa main. À la place, je pris des notes, avant de me décider à quitter les lieux, en laissant le légiste s'occuper de transporter le corps. Nous montâmes ensuite dans ma voiture, direction le commissariat.
Sur l'autoroute, j'essayai de trouver les mots pour briser le silence et parler de l'incident qui m'avait interloqué, sans succès. J'abandonnai finalement et emboîtai sur des sujets plus légers. Son rire raisonna dans l'habitacle, me donnant des frissons étranges. Une fois dans le laboratoire de Rudy, pour jeter un œil au fameux matériel retrouvé sur les lieux du crime, je me reconcentrai sur mon travail. Le scientifique, malheureusement, ne l'entendait pas de cette oreille et insista pour que je lui promette de le mettre au courant, au moindre comportement inhabituel de la part de Dorian. Ce que je fis, en ayant la désagréable impression d'être déjà en train de mentir, avant même de commencer. J'insistai ensuite, pour savoir enfin ce qu'ils avaient trouvé, pour cacher mon malaise. Les indices semblaient pointer vers un trafic, dont la nature nous échappait encore. Des faux billets, sûrement oubliés dans l'urgence, des ustensiles servant visiblement à synthétiser une drogue quelconque, abandonnés, probablement parce qu'ils ne nous mèneraient à personne d'autre que le jeune homme mort dans l'entrepôt et une arme, trouvée sur la victime, dont il n'avait pas eu le temps de faire usage. Les ingrédients d'une transaction qui avait mal tourné.
« Peut-être l'ont-il exécuté car ils n'avaient plus besoin de lui, avant d'embarquer les produits et le reste de l'argent. » Avança Dorian.
Cette théorie se tenait, à un détail près, mais très important.
« Ce n'est pas très commun de se débarrasser de quelqu'un de cette manière. Pourquoi pas une balle dans la tête ? Égorger une personne de cette façon demande une certaine force et une grande précision. La plaie est nette, faite avec une lame très affutée et sans accro. Cela ressemble fortement à une signature pour moi. »
Une lézarde bleue serpenta sur la tempe de mon ami, alors qu'il m'écoutait.
« Il y a un mois. » Dit-il, en trouvant certainement ce qu'il cherchait dans sa base de données. « Un meurtre similaire. Même type de lieu, de blessure et d'arme. Sauf que le corps a été retrouvé sans aucun indice autour. Tout était clean. »
« Ils auront sûrement manqué de temps, cette nuit. » Déduis-je. « Et ont été plus négligeant. Tant mieux pour nous. »
« J'étais sur le point d'analyser les résidus que j'ai prélevés dans les tubes à essai. » M'apprit Rudy. « Je vous appellerai, quand j'aurai des résultats. » M'assura-t-il.
J'acquiesçai, avant de le laisser travailler. J'avais urgemment besoin de boire un nouveau café.
