Kuroko no basket est la propriété de Fujimaki Tadatoshi Avertissement : relations entre hommes. Si vous n'aimez pas, ne lisez pas.

Prière à un ange

La pièce était plongée dans l'obscurité. Le soleil déclinant arrosait les murs blancs de teintes mordorées et éclaboussait de rouge et d'orange les posters de joueurs de basket célèbres disséminés un peu partout. La chambre typique d'un adolescent à ceci près que tout était bien rangé à sa place : le lit était fait au carré, rien ne trainait nulle part, pas même sur le bureau où trônait quelques stylos méticuleusement posés à côté d'un cahier centré au millimètre près sur le plateau du meuble.

De nombreux livres, impeccablement rangés sur les deux premières étagères d'une bibliothèque, attestaient du goût du maître des lieux pour la lecture. Quelques revues de basket-ball ornaient la tablette du bas et un gros ballon orange attendait au sol que quelqu'un le fasse rebondir sur le parquet d'un gymnase. Sur une étagère fixée au mur, une photographie montrait six jeunes d'une quinzaine d'années en tenue de basket-ball brandissant une coupe au-dessus de leur tête. L'attitude hautaine des adolescents sur l'image n'indiquait pas une grosse cohésion au sein de l'équipe. Une légende ornait le bas de l'image : La génération Miracle. Collège Teiko – 2011. Un autre cadre identique posé juste à côté du premier représentait une autre équipe et reflétait une tout autre ambiance. Une jeune fille aux cheveux courts faisait le signe de la victoire tandis que, derrière elle, dix jeunes de dix-sept, dix-huit ans se chamaillaient pour la coupe qu'un grand brun à lunettes portait dans ses bras comme une mère son nouveau-né. Un chiot husky affublé d'un maillot portant le numéro seize était sagement assis devant la joyeuse clique. La légende portait mention : Les copains de Seirin – Winter Cup - 2013

Un silence pesant régnait dans la pièce qu'on eut pu croire inhabitée sans la petite silhouette debout devant le miroir apposé au dos de sa porte.

Le jeune homme, un damoiseau d'environ dix-huit ans, entièrement nu à l'exception d'une serviette autour de sa taille, essuyait ses cheveux anormalement bleu layette. Couleur improbable et pourtant bel et bien naturelle comme en témoignaient ses sourcils assortis. Enfant, il avait souffert de cette différence et s'était attaché à se faire le plus discret possible pour éviter les brimades. Il avait tant et si bien réussi que c'était devenu une seconde nature chez lui : les gens ne le remarquaient jamais à moins qu'il ne se manifeste. Cette capacité avait des avantages mais aussi des inconvénients : s'il appréciait cet atout sur un terrain de sport où ses adversaires ne le remarquaient que trop tard, il était fatigué de devoir signaler sa présence à tout moment de la journée. Il avait ainsi traversé les années, invisible, sans amis jusqu'à ce qu'il découvre ce sport qui le faisait vibrer : le basket-ball.

En première année au collège Teiko, il s'était inscrit au club. Loin de jouer dans l'équipe principale, il s'était retrouvé dans l'équipe troisième, celle des nuls et même là, on lui avait fait comprendre qu'il ferait mieux d'abandonner. Mais il s'était accroché et avait développé un talent certain pour les passes qui lui avait valu son ticket pour intégrer le cinq majeur de cette équipe malgré sa faible endurance et son incapacité chronique à mettre le ballon dans l'arceau. Certes cela ne s'était pas fait sans mal, et il n'avait dû sa chance qu'à l'entêtement du capitaine, Akashi et au soutien de son ace : Aomine. Il avait su s'imposer comme meneur de jeu et avait gagné sa place comme titulaire. Il était devenu l'ombre d'Aomine, permettant à celui-ci de donner toute la mesure de son talent. Peu à peu, les autres joueurs de la Génération Miracle avaient admis sa valeur et l'avaient reconnu comme l'un des leurs. Ce furent ses premiers amis. Auprès d'eux, il s'était épanoui et leur avait sauvé les fesses plus d'une fois. Mais le rêve n'avait pas duré. Le talent de ses camarades n'avait cessé de progresser et peu à peu, ils s'étaient éloignés les uns des autres, le laissant, lui, sur le bord de la route, seul, abandonné. Trahi. Une Ombre sans Lumière.

À ce moment, il avait haï le basket, vraiment haï. Il s'était même promis de ne plus jamais retoucher à un ballon de toute sa vie. Il était entré au lycée Seirin et sans vraiment savoir pourquoi, il s'était inscrit au tout récent club de basket fondé l'année précédente. Ce fut la meilleure décision de sa vie.

Il y avait rencontré sa nouvelle lumière, Kagami et avait mis tout son talent à son service. Grâce aux joueurs de Seirin et leur amitié, il avait repris plaisir à jouer. Mais voilà : depuis quelques temps, il avait l'impression de ne plus progresser, d'avoir atteint la limite de son talent et il craignait de devenir un fardeau pour ses coéquipiers. Bien qu'il ait appris à shooter, ses statistiques n'affichaient que soixante-dix pour cent de réussite. Honorable mais pas exceptionnel, si on les comparait aux quatre-vingt-dix-huit pour cent de réussite de Junpei Hyuga avant qu'il quitte l'équipe pour l'université.

Il se dirigea vers la photo de Seirin et l'éleva au niveau de son visage. Il eut un sourire nostalgique en repensant aux évènements qui avaient précédé cette victoire surprenante à plus d'un titre.

Éliminés aux play-offs sur un score humiliant, les joueurs de Seirin avaient décidés de prendre leur revanche à la Winter Cup. Après un entrainement plus qu'intensif, leur équipe s'était imposée cette année-là comme l'une des meilleures du pays. Très fier des résultats de ses poulains, le père de Riko, leur coach, avait immortalisé l'instant.

Garder leur place cependant ne fut pas de tout repos, surtout quand les terminales avaient achevé leur cursus scolaire. Amputée d'une bonne moitié de ses effectifs, Seirin avait peiné à se retrouver, malgré la présence du duo magique de Seirin et l'apport d'éléments de valeur parmi les rookies. Cette année-là, ils avaient perdu la finale de l'inter-lycée et avaient dû se contenter du titre de vice-champion. Kuroko avait été nommé capitaine et, sans difficulté, s'était imposé comme tel. Cette année, la troisième pour Kagami et lui, la Winter Cup avait été la dernière occasion de porter haut les couleurs de Seirin. Dans quelques semaines, ils prendraient chacun un chemin différent, et se perdraient de vue. Peut-être se retrouveraient-ils à l'occasion, sur un terrain de basket mais ce ne serait plus pareil. Alors, ils voulaient la gagner cette coupe et haut la main encore !

Leur entraineur, monsieur Aida, père de leur précédente coach actuellement en médecine, leur avait concocté un programme d'entrainement individuel plus proche de la torture que du sport. Et comme lui, Kuroko, était le joueur le plus frêle et le moins endurant, il avait écopé du programme le plus corsé. Ses camarades avaient d'ailleurs frémi quand Aida lui avait énuméré les exercices qu'il devait faire deux fois par jour pour améliorer son endurance et développer sa masse musculaire. Dieu, même Kagami avait blêmi !

Conscient de ses failles, il avait suivi consciencieusement toutes les directives de Aida et avait recraché ensuite ses tripes sur le bas-côté. Mais ça avait valu le coup. La preuve en était cette coupe qui trônait sur les étagères du club de Seirin. La deuxième. La dernière, pour lui et Kagami.

Dans quelques semaines, il allait entrer à la fac' de Tokyo pour devenir professeur et Kagami partirait pour les Etats-Unis intégrer l'équipe de basket de l'université de Los Angeles qui l'avait recruté. Leur chemin allait se séparer pour de bon. Et Kagami ne se souviendrait plus de lui que comme ce coéquipier chétif et malingre accro aux milk-shakes vanille.

Dubitatif, il laissa choir sa serviette pour se détailler dans le miroir. Certes, il avait un peu forci mais il était loin d'égaler la silhouette de Kagami, qu'il enviait un peu.

Il soupira : si seulement il pouvait grandir encore un peu, juste assez pour que Kagami arrête de lui attraper la tête à tout bout de champ. C'est que ça faisait mal, mine de rien. Et aussi gagner un peu de muscles, juste assez pour pouvoir bloquer efficacement un adversaire. Et puis, il en avait assez qu'on le compare à un enfant. Ok, ça faisait maintenant trois ans qu'il n'avait pas pris un centimètre, et il y avait peu d'espoir que ça arrive maintenant mais on pouvait toujours rêver non ?

Haussant les épaules, il passa un boxer puis, torse nu, s'accouda à sa fenêtre : ce soir, il y aurait des étoiles filantes. Sa mère, quand elle était encore en vie, lui racontait souvent une légende occidentale, sa préférée : Chacune de ces étoiles étaient en fait un ange gardien qui descendait du Ciel pour exaucer le vœu le plus cher de son protégé. Il suffisait juste de fermer les yeux et de faire un souhait. Si une étoile filante passait juste à ce moment-là, celui-ci serait exaucé.

Se trouvant lui-même ridicule mais prêt à tout pour chasser son mal-être, il ferma les yeux et prononça la formule consacrée1 :

« Mon ange chéri, mon ange joli,

Exauce mon vœu. Viens, je t'en supplie »

Une lumière traversa le ciel mais, derrière ses paupières closes, il ne la vit pas.

Un sourire de dérision aux lèvres, il alla se coucher sans remarquer l'être surnaturel qui attendait tranquillement qu'il s'endorme.

Cette nuit-là, le jeune homme rêva de sa mère. Il aurait même pu jurer avoir senti une caresse sur la joue et un baiser sur le front.

Un chuchotement se fit entendre dans la chambre : « Tetsuya. »

.

1 Ritournelle totalement inventée. Admirez la rime et le rythme ! lol.