La souffrance est pire dans le noir on ne peut poser les yeux sur rien. ▬

Les hommes ont peur du noir, paraît-il. Parce qu'ils y voient ce qui dort au fond de leurs pensées et qui n'existe qu'à l'intérieur d'eux-mêmes.

Malcolm Baddock souffrait de cette phobie, une peur irrationnelle. Seize ans, et incapable de rester dans le noir sans paniquer. L'obsurité totale qui pour beaucoup pouvait paraître reposante, calme, prenait pour lui, des tournures de torture. Impossible de contrôler son environnement, démuni face à ce néant sans fond. Le silence pesant, ou au contraire, les bruits angoissants. Pourtant, Malcolm n'était pas du genre peureux, il n'avait pas peur du froid, des dragons, de la forêt interdite, de soutenir le regard assassin du professeur Rogue. Quand il était petit, il pouvait réveiller sa mère, lui dire qu'il avait peur, être réconforter. Mais aujourd'hui, cette peur s'était transformé en honte, et accompagnait ses nuits comme la plus fidèle des maîtresses.

Elle se faufilait lorsque tout le monde dormait. Lorsqu'il enfin était seul. Elle le guettait et le rejoignait dans son lit, se collait contre sa peau. Elle l'embrassait de toute son horreur, et lui, faible, frissonnait. Les frissons courraient sur son corps. Et les battement des son coeur s'accéléraient, sa respiration se saccadait. Et soir après soir, elle revenait avec la même fascination perverse. Elle n'écoutait qu'elle, à croire qu'il n'y avait que Malcolm dans sa vie. Mais elle n'écoutait pas ses suppliques. Elle se refusait de l'abandonner lorsqu'il l'en suppliait. Elle était insensible à ses crises de larmes, à ses cris à s'en déchirer la gorge. Elle lui chuchotait des choses horribles qu'il écoutait sans pouvoir la faire taire. Il savait. Il savait qu'il était aliéné à cette phobie ignoble. Il en était malade. Malade à en crever. Des nuits sans dormir, juste à trembler. Elle était la cause de sa dégénérescence.

Malcolm Baddock en avait encore plus conscience à cet instant alors qu'il venait de se reveiller. Le noir etouffant autour de lui, les respirations lentes et régulières de ses camarades raisonnant dans le dortoir de Serpentard. Le noir, surtout le noir. Qui avait fermé les rideaux ? Il s'extirpa de ses draps qui semblaient vouloir l'emprisonner. Où était-il ? Ses pieds, nus, touchèrent le sol glacial. Qui avait éteint la lumière ?Sa main chercha sa baguette à taton. Chaque objet qu'il touchait lui semblait tranchant, dangereux. Son coeur résonnait dans ses oreilles. Où était passer cette fichue baguette ?! Ses gestes devenaient peu à peu fébriles, violents. Il renversa quelque chose dans un bruit infernal. Affolé, le boucan avait reveillé, quelqu'un à sa droite, Drago ? Non, Vincent ?

- Mais qu'est ce que tu fous bordel !

Sous l'effet de la panique, il oublia de reconnaître la voix. Il oublia aussi de répondre, marmonnant quelque chose d'incompréhensible. Il lui était impossible de rester ici. Malcolm contourna son lit à baldaquin, laissant ses mains glissées sur le bois vernis afin de se guider. Sa poitrine se soulevait déjà à un rythme effréné. Elle arrivait, il le sentait. Son monde autour de lui commençait déjà à tanguer.

Elle revenait, elle était là. Il pouvait la sentir, elle enserrait ses chevilles de ses mains repoussantes, glaciales. Elle remontait le long de ses jambes, se faufilait sur ses hanches. C'était trop tard. Il entendait déjà sa voix perfide qui sifflait. Elle le retenait. Il la sentait sur sa peau, tel un serpent. Le noir s'infiltrait en lui. Par sa bouche, non, il se mordait les lèvres jusqu'au sang. Par les oreilles, ses narines. Il ne fallait pas. Il ne voulait pas d'elle ! Mais c'était trop tard.