« Bienvenue au lycée Sweet Amoris » dit mon dépliant. Comment peut on se sentir la bienvenue à 7h du matin, sous un ciel gris et pluvieux, et sans un seul élève ou professeur pour vous accueillir ?
La journée promet d'être longue, voir interminable.
Je lis mon emplois du temps et le plan du lycée, m'efforçant au passage de le retenir, histoire d'éviter d'attirer l'attention sur moi, avec mon papier rouge, typique des nouveaux élèves. J'ai l'impression qu'une pancarte à petites lumières clignotantes, comme sur les enseignes de Las Vegas, brille au dessus de moi. « Je suis nouvelle ! Regardez moi ! Regardez moi ! » scande le panneau imaginaire. Hors, la seule chose que je désire aujourd'hui, encore plus ardemment que retrouver mon piano, mon seul échappatoire, est de me fondre dans la masse des élèves.
Je me suis habillée en noir, même si cela ne me ressemble pas. Je suis en deuil. En deuil du soleil. Ici, il pleut. Chez moi, le soleil brille toujours, haut dans le ciel.
Je sors de ma torpeur lorsque je me fais violemment bousculer. Je ne réagis pas tout de suite.
-Oh ! Désolée mademoiselle. En fait j'ai moi même été poussé... Les élèves ici sont vraiment mal élevés.
-Ce n'est rien. Je ne peux prononcer une phrase plus complète, tant la personne qui me regarde me bouleverse. Je le dévisage avec hébétude. C'est sans doute le plus bel homme que j'ai jamais vu, encore plus que Damian Seeley, le chanteur-lover de l'époque. Toutes les filles craquent pour son joli minois.
Sa peau est absolument parfaite, et rien qu'en l'observant, on devine qu'elle était d'une infini douceur.
Ses traits sont fins, et un mannequin masculin aurait certainement vendu son âme pour un visage semblable.
Ses cheveux brillent, comme si les rares rayons de soleil qui parvenaient à filtrer à travers les épais nuages gris venaient se poser tout droit sur sa chevelure blanche, aux pointes de jais.
Ses yeux vairons, l'un turquoise comme la mer des Caraïbes, et l'autre d'un or incandescent, me regardent, sans indiscrétion cependant, ce que j'apprécie. J'ai déjà changé de lycée trois fois, et j'ai jusqu'alors toujours le droit à un océan de personnes qui me dévisagent. J'ai cependant fini par me faire à cette idée.
L'ange semble déçu de ma réaction, comme s'il s'attendait à faire la rencontre d'une personne intéressante.
-Bien... déclare t-il de sa voix douce, presque monotone, en s'éloignant.
-Attendez !
-...Oui ? Dit l'inconnu en tournant la tête dans ma direction.
J'aurais juré que ses prunelles avaient prix un éclat nouveau, une lueur que je n'avais pas constaté jusqu'alors.
-Je suis désolée, c'est que je n'ai pas l'habitude que l'on me parle, les premiers jours. Enchantée, je suis ElweenMara, dis-je, un sourire sincère aux lèvres.
-Lysandre, tout le plaisir est pour moi, dit-il en s'inclinant un peu, respectueusement.
Je ne suis pas choquée par ce comportement, que n'importe quelle autre fille aurait sûrement trouvé dépassé au 21e siècle. C'est alors que je m'aperçois que... Lysandre; Lysandre est habillé à la façon de l'époque victorienne. Il est à lui seul une contradiction parfaite avec l'environnement qui l'entoure : élégant et rayonnant.
-On se reverra j'espère, Lysandre, dis-je en lui adressant un clin d'œil et en partant sans me retourner.
Je sentais que je pouvais recommencer à être moi-même, et que la période de deuil n'allait pas durer. J'entame déjà mon programme de séduction.
Phase 1 : Jouer à la fille sympa et un peu inaccessible. Fait !
La sonnerie de l'établissement me fait sursauter. J'enlève mon pull noir et dévoile un T-shirt rouge, et défait ma queue de cheval. Mes cheveux tombent en cascades douces, jusqu'en dessous de ma poitrine. Je me sens déjà mieux !
Alors, je me dirige vers ma classe.
L'endroit me parait chaleureux, la pièce est claire et lumineuse, et le brouhaha des élèves m'apaise.
Je m'assis à l'une des seules places encore libres, au fond de la classe.
-Hé, c'est ma place, miss.
Je relève la tête, surprise.
