Bonjour à tous !

Voilà, je publie enfin ce petit bijou créé il y a un an... Fic entièrement dédiée à Temi-chou, fic entièrement inspirée par Temi-chou... Et par mon cerveau un poil tordu.

Les chapitres sont courts (voire très courts...), la fic est terminée, je publierai à intervalle régulier =)

Fic entièrement imaginée sur la musique de Owl City, je vous encourage vivement à écouter ses chansons pendant la lecture ! Chaque chapitre a sa propre chanson, le titre correspondant à chaque début de chapitre.

Alors montez le son,

détendez-vous,

et laissez-vous envahir par la pénombre de Safrania.


Prélude – I'll meet you there


Il y avait des matins où l'on se demandait pourquoi on s'était levé. Pourquoi on allait affronter le monde – qu'on n'avait pas envie de voir –, se rendait à son travail – qu'on n'avait pas envie de faire –, tout ça pour toucher un salaire – qui ne remplissait pas le frigo à la fin du mois. C'était exactement ce que Clarence était en train de se dire à cet instant. Elle n'aurait jamais dû quitter la douce chaleur de sa couette pour affronter le froid mordant de ce matin de janvier. Les rues de Doublonville s'animaient lentement, au fur et à mesure que le soleil se levait, imperturbable.

Elle dégagea sa chevelure auburn de son visage puis souffla sur ses mains dans une vaine tentative pour les réchauffer. Ce matin-là, elle avait eu la merveilleuse idée d'oublier ses gants, rendant ce début de matinée encore plus appréciable qu'il ne pouvait déjà l'être. Ironique. Hésitant entre traîner le pas pour profiter du calme de la ville et du froid mordant, et accélérer pour aller rapidement se réchauffer dans son office glaciale, elle finit par opter la seconde solution. Peut-être qu'en arrivant plus vite, la journée en ferait de même pour se terminer. C'était ce qu'elle espérait sans toutefois y croire trop fort.

Sortant les clés de sa poche, elle s'arrêta devant le rideau de fer qui clôturait l'office où elle travaillait. Elle serait seule ce matin, dans la petite boutique. Son patron l'avait avertie, une affaire urgente l'attendait à et il ne rentrerait pas avant l'après-midi. Au moins, il ne l'avait pas laissée sans la prévenir. Elle leva le rideau de fer et reconsidéra sa situation. Peut-être que de se voir confier les cordons de la bourse ainsi que la boutique entière équivalait à une promotion ? Clarence n'en était pas tout à fait certaine. Elle n'était sûre que de deux choses en pénétrant dans la boutique et en allumant la lumière.

1 : Son patron vérifierait scrupuleusement les comptes à son retour, le moindre centime manquant serait retiré de sa paye.

2 : Il faisait décidément plus froid à l'intérieur que dans la rue.

Sur ce triste constat, elle prépara l'office pour l'arrivée des futurs clients. La boutique marchait, l'usurier voyait son nombre de clients augmenter, et sa transformation récente en banque complètement illégale pour épargner l'argent de nombreux clients très regardants sur la discrétion de leurs affaires était tout bénéfique pour l'homme. Il prêtait avec l'argent de ses épargnants et leur payait les intérêts avec une partie de sa marge acquise par les hauts intérêts qu'il appliquait. Tout bénef. Clarence détestait ce genre de combines. Elle détestait ce quartier qui sentait l'illégalité plein nez. Mais voilà, Clarence avait un loyer à payer et ne trouvait pas meilleur emploi. Alors elle fermait les yeux sur certaines sommes qu'elle voyait transiter entre les mains de son employeur, ainsi que sur les petites enveloppes sous la table qui, elle le devinait, n'allaient sans doute pas dans le fond de commerce. Et ce matin, ce serait à elle de faire prospérer cette amère affaire, encaissant et laissant sortir l'argent, et avec le sourire s'il vous plaît. Quelle joie. Parfois elle se demandait si s'exiler à Clémentiville et élever les Poichigeons ne serait pas une meilleure option. Puis elle se souvenait que la vie de campagne n'était pas pour elle et elle se résignait à retourner à la boutique.

Derrière son comptoir, elle reçut les clients, un par un. Traita leurs cas et encaissa ce qu'elle devait. Elle tenait très précisément ses comptes. Certes ce boulot lui déplaisait mais elle ne l'avait jamais bâclé ou n'avait jamais rechigné à la tâche. En véritable travailleuse, elle mettait toujours un point d'honneur à s'acquitter correctement de ce que l'on lui demandait, pour l'amour du travail bien fait. Elle faisait à peine attention aux clients, et quand la clochette résonna pour la cinquième fois dans la matinée, elle releva à peine ses yeux ambrés du cahier de comptes.

« Bucksiddy et associé, bonjour…

— Buck n'est pas là ? »

La jeune voix d'un homme, ferme mais suave, lui fit relever le nez du livret noirci par les colonnes. Clarence sentit que ses yeux s'écarquillèrent en voyant l'individu encore immobile sur le pas de la porte. Emmitouflé dans un grand manteau marron, il la regardait avec une pointe de curiosité dans ses yeux bleu-verts. Ses cheveux cendrés étaient encore ébouriffés par le vent qui s'était levé à l'extérieur, lui donnant un aspect légèrement sauvage au premier abord, contrastant avec ses traits de jeune premier. D'un léger geste de la main, il replaça vivement ses mèches rebelles pour se redonner contenance, ne se rendant absolument pas compte que la jeune femme le fixait, déglutissait dans le même temps.

« Il… est à Ecorcia pour la matinée. Il sera sans doute de retour pour cet après-midi. »

L'homme lâcha un grognement de mécontentement, leva les yeux au plafond et sembla réfléchir quelques instants. Clarence en profita pour fermer le livre de comptes, reprendre contenance et observer son client. Les trois en même temps. Ce qui, au ressenti des battements erratiques de son cœur, n'était pas évident. Pensant plus fortement à son patron qui serait fort mécontent de la perte d'un client, elle se força à redevenir plus professionnelle. Elle allait inviter l'homme sur la chaise devant le comptoir quand il s'avança vers elle de lui-même.

« Peu importe, ça ne peut pas attendre. »

Puis il s'assit tout en terminant sa phrase. Il défit les boutons de son manteau et se mit à son aise. Le voyant le retirer, Clarence se dit que l'affaire devait être importante. Aussi enclencha-t-elle la fermeture automatique de la boutique, signe qu'elle était avec un client et empêchant tout nouvel arrivant d'interrompre ou de surprendre une affaire.

« Bien, que puis-je pour vous ?

— Je viens effectuer un… « dépôt ». »

La façon dont le mot avait été prononcé ne laissait aucun doute sur la nature du dépôt en question. De l'argent illégal. Clarence réprima une nouvelle fois le soupir blasé qui lui venait en bouche quand une affaire du genre se présentait à elle. Elle n'avait pas à émettre de jugement quand elle était au travail. Elle restait toutefois déçue qu'un homme aussi charmant – pour ne pas dire craquant – était aussi fourvoyé que bien d'autres. D'un autre côté, déçue ou pas, elle ne pouvait pas nier que cet homme lui attirait l'œil. Il était nonchalamment appuyé contre le dossier de sa chaise, un bras sur le montant, dans une position qui trahissait sa confiance en lui et son égo. Mais plutôt que de trouver cela désagréable et pédant de sa part, Clarence se sentait attirée par une telle personnalité. Elle avait bien du mal à détourner son regard du corps de l'individu, prétextant une conscience professionnelle qui l'obligeait à jauger du regard ses clients. Elle regardait son visage, ses yeux encore légèrement contrariés par l'absence de Buck, son cou frissonnant de l'absence d'une écharpe par ce grand froid, ses épaules, jusqu'à son torse qu'on devinait parfait sous le pull uni. Arrivée à ce point, elle s'obligea à revenir à son visage avant de passer pour définitivement voyeuse. Mais l'homme ne semblait pas avoir remarqué le manège de l'employée. Ou tout du moins, rien ne laissait deviner dans sa posture qu'il était conscient de la réaction qu'il provoquait ou qu'il s'en inquiétait. Il était là, attendant qu'on lui propose le service qu'il devenait. Ravalant sa salive et redressant le menton, Clarence se fit cordiale et professionnelle.

« Vous avez déjà fait appel aux services de notre boutique ?

— Une fois.

— Vous êtes enregistré sous quel nom ? lui demanda-t-elle tout en sortant son fichier clients.

— Seth Foehn. »

Seth Foehn… Ainsi la personne qui se trouvait devant elle n'était pas une simple émanation de son imagination. Il existait réellement, et en plus il avait un nom ! Mais quel nom ! Clarence s'autorisa à savourer sa sonorité de son prénom, le répétant à haute voix sous couvert de rechercher son dossier. Après quelques secondes d'une lutte acharnée avec le fichier client pour retrouver le fameux Seth, elle réussit à trouver le numéro de dossier concerné, puis se leva pour aller le sortir d'une armoire encastrée dans le mur. Seth ne la quittait pas des yeux pendant son manège, la faisant se sentir quelque peu mal à l'aise sous ce regard perçant. Elle revint s'asseoir avec son dossier puis l'ouvrit sur le comptoir.

« Bien… Je vois que vous avez déjà un coffre chez nous, approvisionné… Qu'est-ce que vous voulez déposer ? »

En guise de réponse, Seth plongea la main dans la poche intérieur de sa veste et en retira un petit sac. Clarence haussa un sourcil, de plus en plus intriguée par cet homme.

« Trois cent vingt-sept mille neuf cent cinquante-neuf pokédollars et quatorze cents. »

Clarence sentit sa mâchoire s'écarter et ses épaules s'affaisser. Jamais depuis son embauche elle n'avait eu à voir pareille somme. Pire, jamais elle n'aurait pensé qu'un tel magot revienne entre ses mains. Dans le sens littéral du terme. Parce qu'elle allait devoir tout compter. Et surtout ne pas se tromper. Tout recompter précisément pour inscrire dans le dossier de Seth Foehn la somme exacte qu'il avait déposée. Et aucun moyen qu'elle ne le croie sur parole pour une telle somme. Clarence sentait que sa matinée allait être très longue. D'un autre côté… Peut-être que cette somme impromptue allait lui permettre d'observer encore un peu plus longtemps le jeune homme face à elle.

« Cela va me prendre un peu de temps, je vous propose un café ? »

Il eut un moment d'hésitation avant d'acquiescer d'un mouvement de tête. Elle se leva pour leur en préparer un à chacun, puis revint s'asseoir. Elle les posa devant eux puis sortit une calculette. D'un geste vif et expert, elle se mit à trier les billets, à compter, à noter, à calculer…

Seth ne la quittait pas du regard. C'était en tout cas l'impression qu'elle avait, penchée sur le tas de billets et de pièces. Mais il devait sans doute plus surveiller son argent qu'elle et cette pensée la rendit un peu triste. Elle était là, le front plissé sous l'effort et s'appliquait pour ne rien louper, pour ne pas se tromper. Pourtant, elle espérait en son for intérieur que, peut-être un de ces regards attentifs étaient pour elle.

Ce n'est qu'une demi-heure plus tard qu'elle posa enfin son crayon, replaça une mèche rousse derrière son oreille et put se redresser pour regarder son client et annoncer d'une voix fière et assurée :

« Trois cent vingt-sept mille neuf cent soixante-douze pokédollars et quatorze cents. »

Elle s'attendit à ce que son client soit surpris par la somme, différente mais supérieure à celle qu'il avait annoncée. Il allait être ravi.

« Il doit y avoir une erreur, répondit-il en haussant un sourcil. »

Ce fut à son tour d'être surprise. Elle qui pensait que son client allait être ravi d'avoir plus d'argent qu'il n'en avait annoncé au départ, elle ne s'était absolument pas imaginé que l'homme puisse remettre en cause cette nouvelle somme. Surtout pour, au final, revendiquer sa première annonce, inférieure !

« Je peux vous assurer que j'ai bien compté M. Foehn.

- Vous avez du faire une erreur, répliqua-t-il en se penchant à son tour sur l'importante somme qui s'étalait sur le comptoir. »

Troublée par une telle attitude, elle observa un instant son client se remettre à trier et à compter. Piquée au vif, elle ne put s'empêcher de répliquer.

« Je vous annonce une somme supérieure à celle que vous m'avez dite, et vous la contestez ?

— Je la conteste. Vingt, trente… cinquante… »

Clarence fut effarée un instant par une telle logique, puis, elle ne put retenir son rire. Seth s'interrompit dans ses comptes et releva la tête vers la rousse. Elle s'essuya des larmes de rire au coin des yeux et lui sourit.

« D'accord, si vous insistez, vous verrez ! »

Il lui accorda un léger sourire puis se pencha de nouveau sur le comptoir. Clarence en fit de même, amusée par un tel comportement.

Une demi-heure plus tard, le verdict fut sans appel. C'est Seth qui, d'une voix ferme et affirmée, annonça le total.

« Trois cent vingt-sept mille neuf cent trente-deux pokédollars et quatorze cents.

-— Cette fois-ci c'est moins, lâcha Clarence d'un ton presque dépité.

— Nous avons du nous tromper quelque part… »

Elle lui jeta un regard, attendant la suite, s'aperçut que le jeune homme faisait de même en sa direction. Clarence lui accorda un sourire compatissant.

« Je suppose qu'il nous faut tout recommencer.

— Bon sang ! »

Et les deux individus se replongèrent dans leurs calculs. Leur conversation était rare, pourtant, par moments, quelques bribes se construisaient entre eux, s'éloignant du thème de l'argent. Quand Clarence parla des économies qu'elle devait faire pour sa vie de tous les jours et que Seth enchaîna sur ses propres histoires, ils se trompèrent. Quand Seth lui demanda pourquoi elle ne cherchait pas d'autre emploi, ils se trompèrent de nouveau. Quand Clarence lui raconta une anecdote sur une mésaventure avec un Piafabec, ils se trompèrent une fois de plus. Ensemble, comptant encore et encore et encore, ils se parlèrent. Les heures défilaient, sans que l'un ou l'autre ne fasse attention à ce qui se passait ou pouvait bien se passait autour. Comme si le tas d'argent entre eux n'était qu'un prétexte pour relancer un nouveau sujet de conversation.

Enfin, après que l'après-midi fut entamé, Buck toujours absent, ils arrivèrent enfin à un consensus. Ereintée mais ravie d'un tel travail, et surtout d'un tel partenaire, Clarence se laissa retomber sur sa chaise. Faisant de même, Seth s'accorda un soupir de soulagement.

« Nous sommes enfin d'accord.

— Oui, lâcha-t-elle, à la fois contente d'avoir enfin surmonté la somme, mais aussi déçue parce qu'à présent ils n'avaient plus de raison de se parler.

— Trois cent vingt-sept mille neuf cent soixante-quatre pokédollars et quatorze cents.

— Quoi ?! On venait de trouver trois cent vingt-sept mille neuf cent soixante-neuf et quatorze cents ! s'écria-t-elle, médusée que son compagnon n'annonce pas la somme convenue. »

Mais Seth se contenta de lui adresser un sourire, à la fois amusé, plein de malice, et envoutant.

« Moins cinq pokédollars que je vais utiliser pour t'inviter à boire un verre. »

Clarence allait répliquer mais aucun mot ne lui vint. Puis quand elle comprit, elle rougit, sans pouvoir toutefois retenir un sourire appréciateur et enjoué. Finalement, elle avait bien fait de se lever ce matin-là. Tout cela valait bien cinq pokédollars manquants.


La suite dans une semaine... Merci à vous.