AUTEUR: Nat
EMAIL: andromiahotmail.com
RATING: PG 13
RESUME: Suite de Souvenirs d'Enfance et de Longue sera la Route. Deux semaines après la bataille de Geonosis, Obi-Wan Kenobi et Anakin Skywalker sont entraînés dans une terrible guerre qui pourrait bien forcer l'un ou l'autre – voire les deux – à quitter l'Ordre Jedi.
ARCHIVE: Pas sans mon autorisation, mais il suffit de demander.
DISCLAIMER: L'univers de Star Wars et tous ses personnages sont la propriété de M. Lucas uniquement, je ne fais que les emprunter dans le but de divertir (les autres fans, et moi aussi par la même occasion), et ne m'en sers en aucun cas dans un but lucratif. Toutefois, certains autres personnages sortis de mon imagination ne sont qu'à moi et je demanderais qu'ils ne soient pas utilisés sans mon autorisation.
NOTE DE L'AUTEUR: Encore plus AU que le reste, il vaut mieux savoir ce qui s'est passé au moins dans l'histoire précédente. La surprise provoquée par certains événements pourrait s'avérer fatale…
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"La chute était inexorable.
Oracle du désastre enfanté par d'habiles simulacres, la haine a germé ; elle a pris racine et se gonfle de graines vénéneuses, proliférant sur chaque parcelle de terre.
Son essence s'est faite air, sa force un torrent ravageur, son venin le sang dans les veines.
Chaque âme n'est que pantin de ses obscurs desseins, toute volonté étouffée par son écrasante insistance, et elle s'étend, implacable.
Un âge nouveau va éclore, en un violent éclat de turpitude triomphante, ne laissant qu'un spectre discordant, reflet d'une harmonie éteinte.
La lumière est à son déclin, le néant crépusculaire à sa porte.
La déchéance prophétique est là, et dans ce canevas du destin étroitement lié, les rôles sont déjà définis.
Instruments de ruine, hérauts de la folie, rois iniques et coupables mignons paradent gaiement, drapés de leur belle infamie, sur la scène diaphane de l'histoire alors remaniée selon leur bon plaisir.
Se pourrait-il que dans l'obscurantisme latent, quelque part sous les décombres fumants de la conscience malmenée, une faible lueur puisse survivre ?
Et si cette lueur parvenait à se dresser dans l'ombre, et à se répandre ?
Quelle serait l'issue d'un éventuel affrontement entre la lumière et les ténèbres ?
Deux éléments opposés, condamnés à s'annuler…"
PREMIERE PARTIE
CORUSCANT, G.16
Cela faisait des heures qu'il attendait dans cette chambre sombre et glauque, sans que rien ne se passe. Quand il était revenu à lui il se trouvait déjà dans cette position, et même s'il se doutait de l'endroit où il était séquestré, il était surpris de voir qu'on ne lui avait rien dit, ni posé de questions. Il haussa un sourcil. Cela ne pouvait vouloir dire qu'une chose : ceux qui le retenaient prisonnier ne s'intéressaient pas à ce qu'il savait car ils n'avaient tout simplement aucune intention de le laisser repartir vivant.
Une nouvelle décharge parcourut son torse et il se crispa. Son corps entier commençait à s'engourdir, non seulement parce que tout mouvement lui était impossible, mais aussi à cause du courant électrique qui le maintenait à plusieurs dizaines de centimètres du sol. Le seul avantage à cet instant était que la douleur s'estompait légèrement et qu'il n'avait à se soucier que de la nausée qu'il ressentait à tourner sans arrêt sur lui-même.
"Si encore le décor était intéressant…" se dit-il.
Il s'interrompit au milieu d'un soupir en entendant la porte de sa cellule s'ouvrir. La grande silhouette capée au maintien altier était celle qu'il s'attendait à voir, et il ne put s'empêcher de la toiser d'un regard méprisant.
-Traître.
Pas démonté le moins du monde, son ravisseur s'approcha de lui.
-Bonjour mon ami, le salua-t-il. C'est une erreur, une épouvantable erreur. Ils sont allés trop loin, c'est de la folie.
Etrangement, Obi-Wan Kenobi n'eut plus envie de rire ; cette mauvaise foi l'écoeurait. Mais il décida de conserver une apparence détendue. Après tout il avait en face de lui un ex-Jedi, et il n'allait pas fléchir devant lui.
-N'est-ce pas vous qui donnez les ordres ici ? lança-t-il afin de montrer qu'il voyait parfaitement clair dans les faux-semblants de Dooku.
Se sachant découvert, le comte entra pourtant lui aussi dans le jeu du chevalier et persista :
-Je n'y suis pour rien je vous assure. Je vais tout de suite réclamer qu'on vous relâche.
-J'espère que ça ne demandera pas trop longtemps, fit Kenobi, sarcastique. Je suis en pleine mission.
Dooku s'était mis à tourner autour de lui, rendant l'entretien extrêmement désagréable et déstabilisant, du moins pour le captif.
-Puis-je vous demander pour quelle raison un chevalier Jedi a fait tout ce périple jusqu'à Geonosis ?
-J'ai suivi la piste d'un certain Jango Fett, chasseur de prime, vous le connaissez ? demanda le jeune homme d'un ton innocent, tout en essayant de rester maître de sa voix malgré les décharges qui le zébraient sans cesse.
-Pour autant que je le sache il n'y a pas de chasseur de prime ici, les Geonosiens n'ont pas confiance en eux.
Kenobi dut se rendre à l'évidence : Dooku était aussi obstiné que lui et leur joute verbale ne les mènerait sans doute nulle part.
-On les comprend. Pourtant il est ici, je peux vous l'assurer, insista-t-il au cas où.
Le comte s'était arrêté et se mit à le considérer d'un regard qui aurait presque pu se faire passer pour paternel.
-Quel dommage que nos chemins ne se soient pas croisés plus tôt, Obi-Wan. Qui-Gon ne tarissait pas d'éloges sur vous.
Le jeune chevalier se tendit et serra les dents. Il n'aurait pas pensé que Dooku s'abaisserait à utiliser des moyens de pression de ce genre.
-Après tout, continua-t-il. Les Séparatistes ont besoin d'hommes de qualité comme lui… Comme vous et moi.
Cette fois c'en était trop. Obi-Wan pinça les lèvres et le regarda d'une moue haineuse.
-Qui-Gon Jinn ne se joindrait jamais à vous, lâcha-t-il avec plus de dédain qu'il n'avait jamais ressenti.
Son ancien maître avait peut-être quitté les Jedi, mais il n'allait pas laisser Dooku parler en son nom. Le chevalier était sur le point de prendre encore la parole quand une voix, tellement familière, porteuse de tant de souvenirs, intervint.
-N'en sois pas si sûr, Obi-Wan.
Une autre personne sortit de l'ombre au seuil de la porte et avança dans la lumière. Kenobi manqua de s'étouffer sur une exclamation de révolte qu'il se força à ravaler, son cœur cognant contre ses côtes.
"Non… par la Force, non…"
Il baissa la tête, abattu, cherchant à nier la terrible vérité. C'était impossible, non… Non…
NON !
Obi-Wan se réveilla en sursaut, la gorge nouée. Relevé sur un coude, tremblant et ses vêtements collés à sa peau par la sueur, il ne parvenait pas à effacer l'image de Qui-Gon à côté de Dooku, face à lui, leur prisonnier. Il se laissa retomber sur son lit, partagé entre la confusion provoquée par son réveil subit, et le terrible sentiment de trahison qu'il éprouvait. Jinn et lui n'avaient pas toujours été d'accord au fil des missions, mais… Comment l'homme qui l'avait accompagné pendant douze ans, avait été à ses côtés lors des plus grandes étapes de sa vie, avait partagé ses hauts et ses bas, ri et pleuré avec lui, comment cet homme avait-il pu se tenir devant lui tout en sachant qu'il allait se faire exécuter le lendemain ?
Il secoua la tête en s'asseyant. Peu importait, il ne voulait pas y penser. En fait, il voulait bien penser à n'importe quoi sauf à ça. Il se rendit compte que son chrono était encore en train de biper, et il l'éteignit d'un geste maladroit, sachant qu'il était temps de se lever. Il balança sa jambe droite par-dessus les draps et posa son pied nu sur la moquette de sa chambre, puis se prépara à faire de même avec la gauche. Il s'aida en passant une main sous son genou afin de ne pas forcer sur les muscles, et il la glissa hors des draps, attentif au pincement qu'il ressentait. Puis il prit appui sur ses bras et se leva, pour lâcher malgré lui un gémissement de douleur quand sa jambe se tendit. C'était toujours pire le matin. Au fil de la journée, il s'y habituait et n'y pensait presque pas, mais le réveil était toujours extrêmement pénible.
Il boita vers sa salle de bains en se demandant combien de temps il faudrait encore pour que sa blessure guérisse enfin. Son bras n'avait pas posé le moindre problème puisque la brûlure, bien qu'atroce, n'avait été que superficielle. Quelques bandages bien imprégnés de bacta et très vite il n'en était resté qu'une marque rose claire sur sa peau. Sa jambe était une toute autre histoire. La lame du sabre avait carbonisé la chair, les tendons, les muscles, et même une portion d'os. Le manque de temps pour de vraies séances de physiothérapie n'arrangeait rien, évidemment.
Après un rapide passage sous la douche il s'habilla avec mille précautions, puis se dirigea directement vers la sortie de ses appartements, sans prendre le temps d'avaler son petit déjeuner habituel. Il y avait bien plus urgent. Arrivé dans le hall clair, il inspira profondément et bloqua autant qu'il put les élancements dans sa cuisse afin de pouvoir avancer sans boiter. Inutile d'avoir l'air d'un infirme. Il referma les pans de sa bure et arpenta les couloirs d'un air sombre, incapable d'ignorer la tension qui s'était soudain abattue sur le temple, comme un voile de plomb jeté par la bataille de Geonosis. Disparus, les rires discrets dans les galeries, envolée, la quiétude générale. Ils avaient été remplacés par le deuil de la centaine de Jedi disparus dans la bataille, la plus grosse hécatombe depuis des siècles, et la peur latente née de l'incertitude concernant l'avenir proche. Lui, il essayait surtout de ne pas se noyer dans l'angoisse et la culpabilité qu'il ne pouvait s'empêcher de ressentir.
Il ralentit ses grandes enjambées en percevant soudain une présence dans un coin de son esprit. Elle n'était plus aussi chaleureuse et ouverte qu'autrefois, de solides boucliers mentaux empêchant la moindre émotion de filtrer, mais elle n'en était pas moins là. Il s'arrêta devant la porte du turbolift à sa gauche qui s'ouvrit presque immédiatement, révélant la personne qui venait d'arriver.
-Bonjour, Anakin, dit-il d'une voix qui avait perdu de sa vitalité depuis quelques jours. Je ne savais pas que tu devais revenir aujourd'hui.
Le jeune homme sortit du lift et emboîta le pas de son maître.
-Il m'avait pourtant paru clair que je devais rentrer aussi vite que possible, lui répondit-il sur le même ton singulièrement détaché. Quand j'ai atterri tout à l'heure on m'a dit qu'il y avait une réunion. Je suppose que c'est là où vous allez.
-Oui.
Quelques instants s'écoulèrent en silence, et s'ils avaient pris le temps de sortir de leurs pensées confuses, ils auraient sans doute constaté à quel point le fossé qui s'était créé entre eux depuis leur retour d'Ansion s'était agrandi. Tout était devenu si chaotique partout autour que le malaise croissant dans leur relation passait inaperçu, ou comme une conséquence immédiate de l'humeur actuelle, et non pas un problème venant réellement d'eux-mêmes.
-Comment te sens-tu ? demanda l'aîné au bout d'un moment.
-Bien.
La réponse trop rapide laissait pourtant entendre le contraire, mais le dialogue avec l'apprenti devenait de plus en plus dur, et le chevalier ne savait plus comment lui parler.
-Je sais que ces dernières semaines ont été éprouvantes, dit-il tout de même en s'arrêtant. Pour le moment nous ne pouvons pas nous permettre de discuter, mais il faudra quand même que nous en prenions le temps. Il s'est passé quelque chose avec toi, et je ne sais pas quoi. Mais sache que je suis là en cas de besoin.
Anakin s'arrêta à son tour, l'air impatient, et rejeta la perche tendue par Kenobi.
-Je sais, mais il n'y a rien à dire, je vais bien. Nous avons autre chose à faire que bavarder.
-Et ta prothèse ? Tu t'y habitues bien ?
Le jeune homme baissa les yeux sur le gant noir qui dissimulait à présent sa nouvelle main artificielle et en fit bouger les articulations, sentant les vibrations désagréables de la mécanique jusque dans son épaule. S'y habituait-il ? Il haïssait ce corps étranger qui lui avait été greffé au bout de ce qui restait de son bras. Il ne supportait pas la machine squelettique qui faisait maintenant partie de lui. Pourtant les prothèses de ce type étaient très répandues, et beaucoup de monde en portait, mais ça ne voulait pas dire qu'il les aimait. Il avait toujours vu ces gens comme des bizarreries, des êtres anormaux, et voilà qu'il en était devenu un. Qui pouvait aimer ces choses froides et impersonnelles ? Mais Padmé… Padmé n'avait pas eu peur de lui. Elle l'avait touché sans hésitation, et le contact de ces horribles doigts métalliques ne l'avait pas dégoûtée. C'était bien le principal. Il pouvait tout tolérer, tant qu'elle restait auprès de lui… à lui.
-Oui, ça ne pose pas de problème avec le sabre, répondit-il enfin. Ca devrait aller.
-Bien, sourit Obi-Wan en posant brièvement un bras autour des épaules de son élève. Alors allons-y.
Ils reprirent leur marche vers la salle où avait lieu la réunion, et le silence s'installa de nouveau entre eux. Des voix leurs parvinrent au moment où ils tournèrent au coin du vaste corridor qu'ils longeaient, mais la réunion n'avait pas encore commencé. Ils entrèrent ensemble dans la grande salle aux hautes fenêtres, aux murs clairs et au sol de marbre gris strié de blanc. Six Jedi étaient présents : Shaak Ti se tenait bien droite et silencieuse auprès de Luminara Unduli, toujours aussi posée malgré ce qu'elle avait vécu sur Geonosis. Joclad Danva, qui avait été blessé pendant la bataille et avait failli ne pas survivre, se reposait dans l'un des nombreux fauteuils stylisés, échangeant quelques mots avec Kit Fisto.
-Obi-Wan !
Les yeux du chevalier s'éclairèrent en se posant sur la personne qui venait de l'interpeller et se dirigeait vers lui à grands pas.
-Garen, lança-t-il en prenant son ami dans une brève accolade. Ca fait quoi… un an ?
-Oui, sourit Muln. Bonjour Anakin.
-Tu es seul ? demanda Kenobi.
-Oui, je l'ai laissé dormir. On vient juste de rentrer de mission. C'est pour ça que… que je n'ai pas pu venir sur Geonosis. Je suis désolé de ne pas avoir été là pour toi.
Obi-Wan ne le laissa pas continuer.
-Arrête. Au contraire. Je suis content que tu n'y sois pas allé.
Une voix féminine intervint alors d'un ton volontairement effronté :
-C'est bientôt fini ces messes basses ?
Les Jedi se tournèrent vers leur droite, où était assise une jeune femme aux cheveux blonds et courts, ses yeux bleus fixés sur eux.
-Siri, salua Obi-Wan. Excuse-nous. Comment vas-tu ?
Elle décroisa ses longues jambes élancées et se leva. Il ne l'avait pas vue depuis longtemps, mais il n'était pas surpris de voir que les années n'avaient fait que renforcer encore sa beauté naturelle. Grande, mince, le visage harmonieux, Siri Tachi était éblouissante. Cependant elle n'avait jamais voulu mettre son physique en avant, et avait toujours mis un point d'honneur à porter des tuniques strictes et à couper ses cheveux à la garçonne, sans se rendre compte que ça ne la rendait que plus séduisante encore. Mais comme tous ses amis d'enfance – dont Obi-Wan et Garen faisaient partie – le répétaient sans cesse, son caractère impossible était largement suffisant pour faire oublier tout le reste.
-Plutôt bien, merci, fit-elle en avançant vers eux. Tu as failli être en retard, ce n'est pas sérieux.
-Tout le monde n'est pas encore là, le défendit immédiatement Garen d'un ton exaspéré. Viens donc t'asseoir.
-Quand j'aurai envie d'entendre ton opinion, je te ferai signe, Muln, rétorqua-t-elle.
-Je me prive de ta permission, renvoya-t-il en la poussant vers un siège sous les yeux amusés de Kenobi.
Ces deux-là s'étaient toujours entendus comme rancor et shaak, mais leurs petites chamailleries étaient une distraction opportune. Le sourire d'Obi-Wan s'effaça quand il remarqua qu'Anakin s'était isolé près d'un autre fauteuil plus loin et n'avait pas prêté attention à leurs échanges. Il était clair que les événements de Geonosis l'avaient choqué, mais ce ne devait pas être la seule raison de son comportement renfermé. Il y avait forcément autre chose… Mais quoi ? Cela avait-il un lien avec son passage sur Tatooine ? Que s'était-il passé ?
-Je suis en retard ?
L'attention de Kenobi fut détournée par l'arrivée de la Twi'lek Aayla Secura, qui avança dans la salle d'un pas leste et assuré. Kit Fisto se leva alors pour lui offrir son siège, avant d'aller se tenir en face des autres Jedi présents.
-De toute façon il est temps de commencer, dit-il en croisant les bras sur sa poitrine musclée. Tant pis pour les retardataires.
Les chevaliers se turent progressivement pour l'écouter.
-En tant que membre du conseil, j'ai été désigné pour vous rapporter ce qui a été dit lors de la réunion avec le chancelier suprême hier soir. La guerre a été officiellement déclarée contre les Séparatistes menés par le comte Dooku.
Il y eut un murmure de consternation dans l'assemblée.
-La République ? En guerre ? répéta Joclad Danva, atterré.
-Et de ce fait, nous le sommes aussi, précisa Fisto.
Siri bondit hors de son fauteuil.
-Mais c'est impossible ! Nous sommes les protecteurs de la paix, on ne peut pas s'engager dans une guerre !
-Calmez-vous, chevalier Tachi, intervint Shaak Ti d'une voix neutre. Ce n'est pas aussi simple.
La jeune femme referma la bouche, observa ses compagnons un instant, puis se laissa retomber dans son siège avec contrariété.
-Non ce n'est pas simple, acquiesça Kit Fisto quand le silence fut revenu. Nous n'avons pas réellement eu le choix. Non seulement l'Ordre défend depuis des siècles les principes établis par la loi républicaine, mais il ne faut pas oublier que cette guerre a été provoquée par une bataille dont nous sommes à l'origine.
A ces mots, Obi-Wan se retint de détourner le regard, pourtant conscient de son implication dans les événements. Il ne se passerait sans doute pas un jour sans qu'il ne se demande ce qu'il aurait pu faire de différent pour éviter ce drame, comment il aurait dû agir pour ne pas se faire capturer et entraîner autant de Jedi dans la mort, voire à présent, toute une galaxie…
-Il est vrai que depuis sa création, la République n'a jamais vraiment connu de guerre, et c'est justement là son plus grand problème. Nous avons évidemment découvert depuis peu l'existence d'une gigantesque armée, qui est à notre disposition contre les Séparatistes. Des hommes entraînés, doués d'intelligence – contrairement aux droïdes de la Fédération du Commerce – ce qui est un avantage non négligeable. Ils sont déjà équipés, et prêts à partir. Mais il y a une chose qui n'avait pas été prévue…
Obi-Wan secoua la tête d'un air sombre, comprenant où le maître voulait en venir.
-Cette armée n'a pas de chefs, déclara-t-il. Ne me dites pas que vous songez vraiment à ça…
-A quoi ? fit Garen en fronçant les sourcils.
-Je crains que si, chevalier Kenobi, reprit Fisto. Nous sommes en état d'urgence, et le temps que des spécialistes militaires soient regroupés, différents Jedi ont été nommés à la tête de plusieurs groupes. Je peux déjà énumérer rapidement le grade de ceux d'entre vous qui ont été choisis. Maître Shaak Ti sera commandant d'une section qui partira ce soir sur Kamino avec maître Unduli. Chevalier Danva, vous êtes dès à présent lieutenant et vous rendrez sur Geonosis afin de vérifier la destruction totale des usines séparatistes.
Le jeune Jedi hocha la tête, mais la perspective de retourner sur les lieux de la bataille était loin de l'enchanter.
-Chevalier Kenobi, vous avez été nommé capitaine. Votre première mission vous sera expliquée plus tard dans la matinée. Chevalier Muln, vous êtes vous aussi capitaine, en raison de vos talents de pilote. Vous connaîtrez également votre affectation plus tard. La liste du reste des gradés vous sera communiquée dans les plus brefs délais.
Kit Fisto prit une brève inspiration, apparemment tout autant effaré par la soudaineté de ces décisions, avant de continuer.
-Pour des raisons pratiques évidentes, un point de repère temporel a été décidé, à partir duquel seront élaborées toutes les dates qui vous seront données. Ce point de repère est la bataille de Geonosis. La date d'aujourd'hui est donc G plus seize jours.
Il se tut et baissa ses grands yeux noirs et ovales un instant.
-Nous comprenons parfaitement ce que vous devez ressentir, assura-t-il presque à voix basse. Mais le temps de la neutralité pacifique est révolu. Le moment est venu, pour nous Jedi, de prendre les armes comme autrefois, et d'affirmer notre position.
-Tout est allé si vite…
Obi-Wan sursauta presque en entendant Anakin intervenir, lui qui s'était montré si détaché jusque là. Le jeune homme se tenait bien droit à côté d'une colonne, son visage pourtant encore si jeune marqué par déjà trop de sévérité, et son regard sombre fixé sur le sol.
-Ces décisions sont bien soudaines, continua-t-il. Comment le conseil peut-il être sûr d'avoir raison ?
-Nous ne voulons pas de cette guerre, padawan Skywalker, répondit sévèrement le maître, irrité malgré lui par la critique. Mais nous n'y pouvons rien. C'est tout ce que je peux vous dire, nous sommes encore en train de nous organiser. Des questions ?
Certains secouèrent la tête, d'autres détournèrent le regard, résignés, mais personne ne prit la parole. Fisto se retira donc, l'air grave, conscient du choc auquel ses jeunes confrères devaient faire face. L'histoire de l'Ordre Jedi avait pris un nouveau tournant, et il savait bien que ce n'était pas pour le meilleur. La guerre était l'exact opposé de ce en quoi il croyait, et il ne s'agissait même pas d'un combat pour le bien, le seul acceptable, car l'existence du Sith et de la menace qu'il était sensé représenter étaient encore très discutables. A ses yeux, tout cela n'était que querelles entre puissances économiques dont la cupidité était en train de plonger toute la galaxie dans le chaos. Les Jedi n'auraient jamais dû être impliqués dans ce conflit. Mais il était trop tard.
Cependant, il reconnaissait être trop pessimiste, et maintenant qu'ils étaient officiellement autorisés à intervenir, ils arriveraient rapidement à enrayer cet engrenage. D'ici peu de temps, tout serait sans doute réglé.
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-C'est désert. En trente-quatre ans je n'avais jamais vu ça.
Garen Muln attrapa son plateau et rejoignit Obi-Wan Kenobi qui se tenait en bout de chaîne dans le réfectoire du temple et contemplait la salle, gigantesque, mais presque totalement vide. Les plus jeunes initiés avaient déjà pris leur repas une heure plus tôt, et les autres résidents étaient soit passés en coup de vent, soit trop occupés à préparer leurs affaires, soit déjà partis. Seule une dizaine de tables était utilisée par quelques chevaliers isolés et les conversations, certes toujours très posées, ne se faisaient que par chuchotements soucieux, amplifiant les bruits désagréables des couverts et des machines.
-Allons nous asseoir, suggéra Muln en avançant vers un coin de la salle.
Kenobi s'installa à côté de lui, suivi par Siri Tachi qui n'avait pas dit un mot depuis la réunion quelques heures plus tôt.
-Reeft et Bant ne devraient pas tarder, dit Garen pour rompre le silence en prenant sa fourchette. Où est passé Anakin ?
-Je ne sais pas, répondit Obi-Wan. Il est devenu… très secret. Plus j'essaie de me rapprocher de lui, plus il s'éloigne.
Il poussa un soupir las en touillant sa nourriture sans conviction.
-Je suppose qu'on doit tous passer par là, tenta de le rassurer son ami.
C'est alors qu'une grosse voix grave résonna à l'entrée du réfectoire avant que le chevalier ne puisse continuer.
-Ah ! Les voilà !
Un grand Dresselien au visage étonnamment ridé malgré son jeune âge venait de faire irruption, une Mon Calamari sur ses talons. Obi-Wan releva la tête et attendit qu'ils arrivent à lui avant de les saluer chaleureusement.
-D'habitude c'est toi le premier ici, Reeft, sourit-il. Serait-il possible que tu aies perdu ton appétit ?
-Tu plaisantes ? Je vais de ce pas attraper un plateau et dévaliser le cuistot !
-Ca fait trente ans qu'il te connaît, il a appris à prendre les devants, rit Bant en s'asseyant avec ses amis. Comment vas-tu, Obi-Wan ? Tu te fais encore plus rare qu'avant, je n'aurais pas cru ça possible.
-Que veux-tu, nous sommes très demandés.
L'expression de Bant Eerin devint soudain plus sombre.
-Ta jambe te fait souffrir, tu devrais aller à l'infirmerie.
-Je vais bien, la coupa-t-il en élevant des boucliers mentaux afin d'empêcher toute autre intrusion, sentant déjà sur lui les regards inquiets de ses compagnons. Il y a plus important à l'ordre du jour.
-Pas pour moi.
-Qu'est-ce que tu veux dire ? s'étonna Garen avant d'avaler une gorgée d'eau.
-Je vais devoir rester au temple, leur révéla-t-elle en masquant difficilement sa frustration. Maître Fisto s'est arrangé pour me garder ici.
Obi-Wan prit la main de la Mon Calamari dans la sienne avec une tendresse qui avait toujours réussi à l'apaiser au fil du temps.
-C'est normal, Bant. Tu as été son élève pendant de nombreuses années, il se fait du souci pour toi.
-Et ça justifierait un traitement de faveur alors que vous partez à la guerre ? Ce n'est pas vraiment digne d'un Jedi… Je ne veux pas rester à l'écart pendant que vous risquerez vos vies à l'extérieur !
-Et pourtant nous aurons besoin de toi ici, insista doucement le chevalier. Tu nous seras d'une grande aide en restant au temple, ne serait-ce que pour les renseignements. Et… personnellement, je partirai l'esprit plus tranquille en sachant qu'au moins l'un d'entre nous sera à l'abri.
-Obi-Wan a raison, Bant, intervint Siri, l'air grave. Ne sois pas pressée de partir. Ton tour viendra bien assez tôt.
Reeft revint alors à table, un plateau plus que surchargé entre les mains.
-Au fait, vous savez où vous avez été affectés ?
-On l'a appris à l'instant, confirma Garen Muln, qui eut soudain du mal à avaler sa bouchée de terratta.
-Je n'en reviens toujours pas qu'ils t'envoient là-bas, lâcha Siri en s'accoudant nonchalamment sur le dossier de sa chaise, ses sourcils fins froncés.
-Pourquoi ? Où vas-tu ? s'enquit Reeft, la bouche pleine.
-Rhommamool.
-Ce ne serait pas la planète voisine d'Osarian ?
-Voisine et rivale, compléta Muln d'un ton de plus en plus sérieux.
Reeft enfourna une nouvelle tranche de xermaaue qu'il avala presque immédiatement.
-Pourquoi ? Quelle est la nature de leurs relations ?
-Eh bien c'est simple : quand l'une des deux décide d'une chose, même si c'est complètement sans importance, l'autre décidera automatiquement l'inverse. Leur histoire se résume à une succession de guerres puériles.
-Mais pourquoi t'envoyer toi ? demanda Bant, ses grands yeux argentés le dévisageant avec appréhension.
-Ce n'est pas le conseil qui m'a choisi, mais le chancelier suprême. Il a dû apprendre que j'ai de la famille sur Osarian et suppose sans doute que je ferai tout mon possible pour éviter un affrontement.
Le jeune chevalier se tut et pinça les lèvres avec contrariété, les yeux fixés sur une tache au bord de son assiette.
-Apparemment, recommença-t-il lentement. D'après des informateurs, Rhommamool envisagerait déjà de s'allier à la République. Et dès que ça se saura, Osarian voudra se joindre aux Séparatistes. Mon rôle dans tout ça est d'essayer de les convaincre toutes les deux de rester dans notre camp.
-Autant dire que cette mission relève du domaine de l'infaisable, constata avec peine Obi-Wan.
-Et pourtant… Il va falloir que j'y parvienne.
Garen croisa les mains nerveusement, hésitant à exprimer sa peur à voix haute devant d'autres Jedi. Mais il s'agissait de ses amis, ils n'étaient pas là pour le juger, aussi se décida-t-il à reprendre la parole d'un ton néanmoins incertain.
-Je… je ne veux pas risquer de perdre ma famille.
Reeft allait passer un bras autour des épaules de son camarade quand Siri laissa échapper malgré elle un son désapprobateur.
-Mêler devoir et sentiments est dangereux. Ca ne t'amènera rien de bon.
Obi-Wan fut soulagé de voir Garen se contenter de hausser un sourcil agacé.
-Et depuis quand te prends-tu pour maître Yoda ?
-Depuis que tu as arrêté de te servir de ta tête, Muln.
-Tu sais que tu es vraiment…
Il s'arrêta brusquement, le regard fixe. Puis un sourire se dessina progressivement sur son visage.
-Il arrive, dit-il à Obi-Wan. Ca fait longtemps qu'il ne t'a pas vu, il sera fou de joie.
Kenobi, comprenant de qui il voulait parler, se leva immédiatement et commença déjà à avancer vers la grande double porte de la salle restée ouverte. Quelques secondes plus tard, un adolescent apparut au coin du couloir en face de lui. Ses cheveux noirs étaient coupés courts et une natte tombait négligemment sur son épaule. Il avait énormément grandi, mais son visage angélique et joyeux était le même. A l'instant même où il aperçut le chevalier, il poussa une petite exclamation et se rua dans sa direction.
-Obi-Wan !
-Calen, rit le Jedi en posant ses mains sur les épaules du garçon.
Celui-ci se redressa et essaya en vain de dissimuler son sourire extatique.
-Enfin… pardonnez-moi, chevalier Kenobi.
-Obi-Wan, ça ira. C'est incroyable, fit son aîné en le guidant vers la table où étaient assis les autres Jedi. Quel âge as-tu, maintenant ?
-Quatorze ans.
-Déjà… Et comment te traite ton maître ? Tu arrives à le supporter ?
-Hé ! protesta Muln. Ne sabote pas mon travail, toi ! Je tiens à mon image de mentor tout-puissant.
Calen Bakiro gloussa gaiement avant d'aller prendre place de l'autre côté de Garen. A voir tant d'innocence et d'affection, il aurait presque été possible de croire que cette horrible guerre n'existait pas, qu'ils n'allaient pas partir au front sans savoir s'ils allaient en revenir, que la galaxie n'était pas rongée par un mal qui ne cessait de croître.
Mais l'expression figée de Bant, l'absence d'énergie dans les réparties cassantes de Siri, ou encore le manque de sincérité dans l'entrain de Garen ne laissaient pas le moindre doute : tous étaient conscients, sans vouloir encore se l'avouer, que leurs vies allaient changer.
-Vous partez aussi ? demanda le jeune Bakiro en se tournant vers Obi-Wan.
-Oui, répondit sobrement celui-ci. Demain matin, avec Anakin. Nous devons nous rendre sur Zephrá, près de Jabiim.
-Et que s'y passe-t-il ?
-Pour l'instant, rien d'alarmant. Nous allons devoir faire en sorte qu'il en reste ainsi.
Soudain Siri Tachi se leva de sa chaise.
-Ca me rend malade, fit-elle.
La jeune femme roula sa serviette en boule et la jeta sur son plateau, puis quitta la salle à grandes enjambées sans se retourner. Muln la regarda s'éloigner d'un air inquiet et fit mine de vouloir la suivre, quand Reeft le retint par le bras.
-Laisse-la, dit-il après avoir avalé sa dernière bouchée. Tu la connais, elle s'énerve sur le coup, mais ça lui passera, comme d'habitude.
-Sauf que la situation n'a rien d'habituel, répliqua Bant Eerin avec désarroi. Force, nous sommes en guerre…
Obi-Wan baissa les yeux en serrant les dents.
-Ca ne devrait pas arriver. Tout semble aller… de travers.
Il releva la tête et poursuivit en regardant chacun de ses compagnons, qui étaient aussi ses amis les plus chers.
-Mais le choix ne nous appartient pas. Il s'agit pour nous de faire ce pourquoi nous sommes nés : empêcher la guerre de se propager et ramener la paix. Nous devons accomplir la tâche qui vient de nous être donnée. Maintenant, plus que jamais, on a besoin de nous.
-Oui, c'est vrai, concéda Calen Bakiro. Mais est-ce que ça veut dire qu'on ne peut pas donner notre avis ?
Kenobi adressa un coup d'œil amusé à Muln. A leur époque, jamais ils n'auraient osé contester l'avis de chevaliers lors d'une discussion. L'intervention sérieuse et sincèrement préoccupée de l'adolescent était néanmoins une preuve de réel intérêt qu'il ne pouvait qu'approuver.
-Non, évidemment, s'expliqua-t-il. Nous sommes liés au Sénat Galactique… un peu trop, même, mais en aucun cas nous ne devons aller à l'encontre de notre propre philosophie. Personne ne te le demandera. Mais pour le moment, nous n'avons pas le temps de faire autre chose qu'obéir aux ordres, et observer.
Garen posa une main sur l'épaule de son apprenti et lui sourit.
-Ce qu'Obi-Wan essaie de te dire, padawan, est que nous aurons ces messieurs les politiciens à l'œil. Du moins autant que nous le pourrons. Je ne devrais peut-être pas te l'apprendre, mais nous n'avons jamais été du genre à exécuter les ordres sans réfléchir.
-Il faudra rester en contact étroit, déduisit Calen avec toujours autant de flegme.
Ses aînés échangèrent quelques rires.
-Nous le ferons, maître Bakiro, conclut Obi-Wan. Nous le ferons.
-Bien, finit par soupirer Muln au bout d'un certain temps. Ca va bientôt être l'heure d'y aller, padawan. On ferait mieux de préparer le vaisseau.
-Oui maître, approuva Calen en se levant, pour ensuite saluer respectueusement les chevaliers attablés.
Reeft, qui venait tout juste de finir d'avaler son deuxième dessert, regarda Garen repousser sa chaise avec une touche d'appréhension grandissante. Même si la bande d'amis qu'il avait était très soudée, il avait toujours eu plus d'affinités avec Garen, sans doute parce qu'ils partageaient le même sens de l'humour et qu'Obi-Wan avait été moins présent dans sa vie depuis que Qui-Gon Jinn avait entrepris de le former. Reeft savait bien que Garen ne percevait pas les choses de la même façon, il avait depuis toujours une facilité déconcertante à se faire des amis, contrairement au jeune Dresselien, et ne devait pas se sentir autant lié à lui. Mais pour Reeft, Garen Muln représentait réellement le frère de sang qu'il n'avait jamais eu, et le savoir sur le point de se plonger dans une guerre intergalactique l'effrayait plus qu'il ne voulait l'admettre.
Ce fut quand Bant prit la parole, des larmes brillant dans ses yeux argentés, qu'il se rendit compte à quel point les autres aussi étaient déstabilisés.
-Soyez prudents, tous les deux, ordonna presque la Mon Calamari.
-Pas de souci, Bant, la réconforta Garen avec son légendaire sourire qui ne parvint pas à dissimuler complètement son manque d'assurance. Que la Force soit avec nous tous.
Obi-Wan, connaissant la révulsion de Garen pour les adieux, préféra ne pas se lever.
-On se reverra bientôt ici, dit-il avec une conviction qui l'étonna lui-même. Ne tardez pas trop.
-Et toi, renvoya Muln, une étincelle d'énergie dans ses yeux noisettes. Tu as intérêt à être là à mon retour.
Sur ces dernières paroles, Garen posa une main sur l'épaule de son apprenti, et ils quittèrent la salle côte à côte.
[A suivre…]
