Cette histoire a été écrite dans le cadre du Secret Santa du FoF pour Oceanna ! Comme pour tout Secret Santa, il s'agit d'offrir un cadeau – donc ici, une histoire – à une personne qui ignore tout de son bienfaiteur. Dans ce cadre, on sait toutefois qui offre un cadeau à qui lors de l'échange.
Oceanna, je n'ai malheureusement pas ta plume, mais j'espère que ma vision de l'univers de Tales of Symphonia te plaira ! Je te souhaite de très belles fêtes de fin d'année.
C'est la première fois que j'écris une histoire entière sur cet univers, mais je l'apprécie énormément, comme la quasi-totalité des personnages. Je mélange sans doute des terminologies françaises et anglaises, veuillez m'en excuser. Bonne lecture.
Le festival des lumières
Chapitre 1 : Kratos
Les vagues échouaient misérablement contre la coque du bateau, parvenant à peine à le ralentir. Même avec ce fort vent de face, le navire avançait sans peine vers sa destination, se moquant bien des conditions climatiques et bien décidé à respecter les horaires de la nouvelle compagnie de navigation à laquelle il était rattaché.
Ce voyage aurait été impossible il y a quelques mois, dans l'ancienne Sylvarant. Certes, Palmacosta était à l'époque très fière des quelques bateaux à vapeur dont elle disposait, mais cette technologie était réservée à une élite bien minoritaire et paraissait maintenant complètement obsolète comparée à celle des navires construits à Altamira. Depuis que le monde avait été réunifié, les nombreuses différences entre Sylvarant et Tethe'alla se faisaient cruellement ressentir.
Kratos soupira, les yeux rivés sur l'horizon, où sa destination ne daignait toujours pas apparaître. Bien avant la naissance de Lloyd, il avait déjà réfléchi à tous les problèmes que la réunion des deux mondes pourrait engendrer, mais maintenant qu'il y était directement confronté, il remarquait que résoudre les conflits entre les habitants des deux mondes s'avérait bien plus compliqué qu'il ne l'avait escompté. Parfois, il aurait voulu pouvoir observer cette situation de loin pourtant, il s'était retrouvé à ce poste étrange de conciliateur, comme un ambassadeur défendant les intérêts de Sylvarant à Tethe'alla, mais aussi ceux de Tethe'alla à Sylvarant. Un double jeu qui profitait à tous.
Après la réunification des mondes par Lloyd et son équipe, Kratos avait décidé de repartir sur Derris-Kharlan, convaincu que son devoir consistait alors à errer dans l'espace suffisamment longtemps pour décharger toutes les exsphères s'y trouvant dans le vide intersidéral. En les libérant aussi loin que possible de ce monde, il espérait qu'elles puissent enfin reposer en paix. Ce devait être son ultime mission, la seule chose qu'il pouvait faire pour expier – au moins en partie – les péchés qu'il avait commis dans ce monde pendant des siècles et des siècles. Il avait suivi le plan fou de Mithos pendant des milliers d'années et était resté passif, alors que son ami Yuan avait créé une organisation entière dans le plus grand secret pour tenter de contrer les folies du leader du Cruxis. Il avait cru pouvoir vivre autrement après avoir rencontré Anna, mais après sa mort et celle supposée de son fils, il était bêtement retombé dans les pattes d'Yggdrasill. Le demi-elfe tissait tranquillement une toile d'araignée autour de lui, le transformant peu à peu en simple marionnette sous son contrôle absolu. Et si Kratos n'avait pas rencontré Lloyd et l'Élue, il aurait sans doute conservé ce rôle de larbin à jamais, se satisfaisant de transformer tous les êtres humains en exsphères. Bref, errer pour l'éternité sur Derris-Kharlan était un maigre pris à payer pour le génocide perpétré par l'organisation dont il était l'un des généraux… Mais après avoir dit adieu à Lloyd, il fut toutefois pris de remords : il ne pouvait pas quitter ainsi son fils et ce nouveau monde qu'il avait aidé à faire revivre. En partant ainsi, ne faisait-il pas que fuir ses responsabilités ? Il s'inventait de nobles buts, mais qu'allait-il parvenir à faire en partant à l'autre bout de la galaxie avec un vaisseau rempli d'exsphères ? Certes, il voulait éviter qu'elles tombent entre de mauvaises mains, mais Derris-Kharlan s'éloignait de toute façon de ce monde et ne reviendrait sans doute jamais, qu'il soit à bord ou non. La probabilité que quelqu'un d'autre s'en empare était quasiment nulle : les Anges les plus forts avaient péri ou se trouvaient dans le monde réunifié et ceux qui restaient sur la comète n'avaient pas le pouvoir nécessaire pour la contrôler.
Kratos annonça donc à Lloyd et Colette qu'il avait changé d'avis et qu'il resterait finalement avec eux alors que Derris-Kharlan continuerait à errer dans les cieux. Lloyd ne put s'empêcher de pousser un cri de joie en réponse duquel Kratos avait esquissé un rare sourire. En voyant la comète violette s'éloigner petit à petit, jusqu'à ce qu'elle soit trop loin pour qu'il puisse s'y téléporter, il savait qu'il avait pris la bonne décision.
Il avait eu quelques contacts avec la comète depuis. Les plus haut gradés de l'organisation avaient repris le contrôle et rentraient de temps à autre en contact avec Kratos et Yuan. Ils leur avaient expliqué le plan de jeter toutes ces exsphères dans l'espace au fur et à mesure du voyage, mais l'idée de devoir se passer de cette source d'énergie bien pratique ne faisait pas l'unanimité parmi les Anges. Certains estimaient que, quitte à voyager pour l'éternité, autant le faire dans le confort. D'autres restaient fidèles à Mithos même après sa mort et souhaitaient faire demi-tour pour pouvoir achever son œuvre. Mais la plupart d'entre eux semblaient toutefois bien décidés à obéir aux deux Séraphins encore en vie.
Malheureusement, les deux chefs n'avaient aucun moyen de vérifier ce qu'il se passait réellement sur la comète mais comme certains dirigeants leur avaient demandé comment la diriger, il semblait impossible qu'ils trouvent un moyen de revenir ou d'attaquer d'autres mondes. Kratos lui-même n'était d'ailleurs pas convaincu qu'il soit possible de changer la trajectoire de Derris-Kharlan maintenant que l'épée éternelle lui avait en quelque sorte rendu sa liberté. Il espérait que ce soit vraiment impossible, mais après de longues discussions très techniques avec Yuan, ils finirent par se mettre d'accord pour dire qu'ils n'en savaient rien.
Ce dont ils étaient sûrs, c'est que les communications avec leur ancien quartier général diminuaient et que d'ici environ une année, la distance serait trop grande pour pouvoir contacter leurs subalternes. Ils seraient dès lors livrés à eux-mêmes. Que se passerait-il alors ? Pour l'instant, aucun chef ne s'était démarqué parmi les officiers. Fallait-il qu'ils en élisent un ? Quelle était la meilleure solution pour éviter qu'une guerre civile éclate ? Y avait-il un risque que les Anges continuent d'utiliser l'énergie des exsphères au lieu d'obéir aux ordres de Kratos et Yuan ? Après tout, à quoi bon récolter toutes les exsphères dans le monde unifié si c'était pour ignorer qu'un nombre équivalent d'âmes humaines se trouvaient sur Derris-Kharlan où elles subiraient peut-être le sort qu'ils voulaient justement éviter. Mais Kratos était assez confiant : il avait assez de subalternes haut placés qui partageaient ses opinions et qui feraient leur maximum pour que ses ordres soient respectés. Les deux Séraphins ne pourraient bientôt plus interagir avec cet autre monde, mais ils pouvaient au moins tenter de le laisser entre de bonnes mains et en bon état. Kratos avait de nombreuses connaissances parmi l'organisation, et malgré tous les malheurs qu'elle avait engendrés au fil des siècles, il ne pouvait se résoudre à se moquer de leur condition. Il se sentait presque autant responsable de Derris-Kharlan que du monde unifié où il avait décidé de rester. Mais il n'avait aucun remords.
Après avoir décidé de rester sur un coup de tête, Kratos n'avait pas tout de suite réalisé qu'il ne savait que faire dans ce nouveau monde. Il n'avait plus de responsabilité, plus rien à sauver ou à protéger, en dehors de son fils qui se débrouillait très bien tout seul. Il lui avait donc proposé de l'accompagner dans ses péripéties pour collecter les exsphères qui restaient sur la planète, mais Lloyd avait tout simplement refusé. « Colette et moi, on s'en occupe ! Il y a beaucoup d'autres choses que toi seul peux faire, alors laisse-nous cette partie du travail. » Beaucoup d'autres choses que moi seul peux faire, hein ? Certes, Kratos avait vécu une bonne centaine de générations et avait une connaissance très approfondie de ce monde, de sa géographie (bien que celle-ci avait drastiquement changée!), de sa population, de sa technologie… Mais à quoi bon ?
Abandonné de tous, car ne souhaitant se joindre à personne, il reprit une quête en solitaire et voyagea quelques semaines à travers les plaines, en marchant ou en volant en ptéroplan, traçant une carte du nouveau monde et s'apercevant rapidement des différents problèmes que la réunification de Sylvarant et Tethe'alla avait apportés. Le problème majeur était bien sûr la différence de technologie entre les deux nations. Les habitants de Tethe'alla ne pouvaient s'empêcher de voir ceux de Sylvarant comme des mendiants, et bien que le coût de la vie soit similaire pour les biens de base, il n'y avait pas de riche ou noble famille du côté de Sylvarant, si ce n'est quelques rares habitants de Palmacosta. Heureusement, les deux mondes utilisaient la même monnaie, preuve parmi tant d'autres qu'ils étaient bien connectés l'un à l'autre et qu'ils avaient déjà formé un monde unique avant la Guerre de Kharlan, des milliers d'années auparavant.
Les Sylvarantis habitaient principalement dans des petits villages, n'avaient pas de château comme celui de Meltokio, de station balnéaire comme Altamira ou même de cité universitaire comme Sybak. Kratos savait bien que cette énorme différence était due au fait que le mana s'était déversé du côté de Tethe'alla pendant bien trop longtemps, mais il ne pouvait pas magiquement effacer cet écart énorme. Il s'approcha donc du roi de Meltokio et du Gouverneur-Général de Palmacosta, qui étaient en quelque sorte les leaders des deux régions et leur proposa d'agir comme intermédiaire entre les deux anciens mondes. La notoriété de l'ancien mercenaire et l'aide qu'il leur avait fournie les mois précédents les poussèrent à accepter et Kratos devint une sorte d'ambassadeur. Il était entre autres chargé de trouver des solutions pour rassembler le peuple, éviter qu'une guerre n'éclate et discuter avec les dirigeants des différentes cités pour lutter contre toute forme de discrimination (entre Sylvarant et Tethe'alla, mais aussi entre humains, elfes et demi-elfes).
Cela faisait environ six mois qu'il tenait ce poste. Il avait monté une petite équipe d'une vingtaine de membres, composée de chercheurs, de quelques demi-elfes motivés à faire changer les mentalités et d'autres hommes et femmes de terrain. Il envoyait souvent ses équipes pour informer la population et organisait des conférences pour expliquer à tout un chacun pourquoi et comment le monde avait changé. Informer le peuple était important, car trop souvent des nouvelles incomplètes ou erronées atteignaient les oreilles du peuple, qui comprenait même parfois l'inverse du message initial ! Kratos se déplaçait lui-même pour les situations les plus tendues et n'hésitait pas à employer la force pour désamorcer une situation. Si les peuples de Sylvarant et Tethe'alla avaient besoin d'un ennemi commun pour s'accepter, il adosserait ce rôle avec plaisir. Grâce à l'aide de l'ancien compagnon d'armes de Lloyd, Régal Bryant, il put aussi introduire plus facilement de nouvelles technologies dans les villes et villages qui en avaient bien besoin. Régal perdait beaucoup d'argent en vendant tant de matériel à crédit et sans intérêt, mais en bon homme d'affaires qu'il était, il savait qu'il ne faisait que donner un coup de pouce à de futurs clients. En général, Kratos était satisfait, car tout s'améliorait bien plus vite qu'il ne l'avait imaginé, grâce aux efforts communs de nombreuses personnes. Et c'est pour cette raison qu'il se permettait de prendre quelques jours de vacances.
Son bateau arriverait bientôt à Isélia où il allait retrouver son fils Lloyd. Il l'avait revu pour la dernière fois cinq mois plus tôt, vers le grand pont de Tethe'alla, situé près de Meltokio. Ce pont gigantesque était alors alimenté par trois mille exsphères, ce qui permettait principalement au pont-levis de s'ouvrir pour laisser passer les grands cargos. Lloyd s'était retrouvé ici bien décidé à toutes les confisquer et Kratos avait été envoyé pour négocier des termes, l'ouverture du pont s'avérant crucial pour le commerce maritime. Ce n'était pas la situation idéale pour des retrouvailles chaleureuses et Kratos avait argumenté ardemment avec Lloyd et le gouvernement de Meltokio pour arriver à un compromis : la restitution des exsphères attendrait qu'un nouveau mécanisme permettant de récupérer le mana de l'atmosphère soit créé pour remplacer le système actuel. Ce n'était pas juste une idée en l'air, puisque la société Lezareno de Régal travaillait alors sur un prototype de moteur qui était malheureusement encore en phase de test, mais qui ne devrait plus tarder à sortir des usines. Kratos et son fils étaient alors repartis chacun de leur côté, après un au revoir bien trop rapide. L'éternel mercenaire s'en voulait de ne pas avoir repoussé son prochain rendez-vous pour pouvoir profiter d'une vraie conversation avec son fils.
Heureusement, Kratos allait bientôt avoir l'occasion de parler plus longuement avec lui et il s'en réjouissait. À Isélia allait bientôt avoir lieu le festival des lumières, une fête hivernale à laquelle il avait été convié par Raine et Génis. C'était l'occasion pour toute l'équipe du groupe de l'Élue de se retrouver et Kratos ne comptait pas manquer cette rencontre, d'autant plus qu'il n'avait pas vu certains d'entre eux depuis leur séparation après la réunification des mondes. Raine mentionnait tout de même dans sa lettre qu'elle avait besoin de bras pour tout installer et donc même ces vacances ne seraient sans doute pas de tout repos. Mais peu importait. L'idée de revoir ces visages familiers enthousiasmait grandement Kratos, même si son éternelle mine renfrognée ne le montrait pas. Certes, la seule femme qu'il n'ait jamais aimée avait maintenant disparu à jamais, mais la présence de son fils et de ses amis parvenait au moins à dégeler temporairement son cœur meurtri.
