Je marche. Je marche doucement, au milieu d'une mer de cadavres. Je suis seul, si seul. Partout autour de moi, des enfants gisent, oui, des enfants. Ils sont tous enfants dans la mort, malgré leurs visage pétrifiés, horribles, chargés de rictus de haine ou de souffrance. Sur leurs joues, du sang, des larmes à peine sèches. Des larmes. Moi aussi je pleure, moi aussi je suis mort.
Tout est fini. J'ai tué celui qui se dressait contre moi, un enfant comme tous les autres. Puis j'ai marché, cherchant quelqu'un encore en vie. Mais tout le monde était mort. Même ceux qui gémissaient encore devant moi sont morts maintenant.
Pourquoi ai-je fait tout ça ? Pourquoi je me battais ?
Je pleure tous ceux que je vois, car personne ne saura les pleurer comme il le faut. Car ceux qui pourraient les pleurer sont ceux qui se sont dérobé à la guerre.
Pourquoi je me battais ?
Pour une utopie ?
Finalement tu avais raison, Harry. Ce n'était que du vent.
Tu avais raison quand tu t'es dressé devant moi, les bras écartés, un sourire triste sur ton visage d'enfant.
Tu avais compris, toi.
Je continue à marcher, en pleurant pour les mangemorts, en pleurant pour l'ordre du Phénix.
Je regarde les visages de mes amis que je n'ai jamais su apprécier, ces amis qui n'aimaient qu'une image en moi. Tu avais raison, Harry, nous nous ressemblons...
Lucius, même dans la mort tu sembles arrogant, mais tu sers contre lui ta femme et ton fils, et sur tes joues le sang rougit les larmes.
Narcissa, Draco... Je savais que vous ne vouliez pas être à mes bottes. Moi non plus, je ne le voulais pas. J'avais espéré que vous sauveriez votre mari, votre père. Juste avant de mourir. Juste avant de tuer le Survivant.
Je me souviens du visage de sa mère. J'avais été heureux pour son fils qu'elle ait un tel courage. Je n'ai jamais réussi à me souvenir de son nom.
Non loin le rouquin et la brune, fidèles admirateurs du miroir Potter, enlacés, semblent encore vivants, en train de s'embrasser. Mais le Weasley a une baguette plantée dans la gorge et Granger est déchiquetée.
Si je me souvenais de leurs prénoms, je m'en servirais... La mort rapproche tout le monde.
Bella. La seule qui lisait en moi. Ta folie était la seule chose qui me permettait de tenir. Tu étais Seigneur des Ténèbres à ma place.
Harry avait tout compris...
Tous les autres Weasley sont là, tous morts, mais dans leurs visages souriants, on lit une implaçable réalité. On a l'impression d'être au milieu d'une scène de famille, si réelle, si simple et joyeuse... Je n'ai jamais connu ça. Je m'allonge auprès d'eux. J'ai l'impression pendant un moment d'être avec eux, et j'entends leurs rires. Je ne pleure pas. Ce n'est pas la première famille que je vois morte.
Ils sont éloignés de leur dernier fils, comme si ils lui laissaient une certaine intimité avec sa petite amie.
Tant d'autres encore devant lesquels je passe. Je ne compte pas. Tant d'ennemis, tant d'alliés... Qui ne sont plus maintenant que des enfants unis tous ensembles.
Je m'arrête devant Severus Rogue. Je l'aimais bien. J'avais bien compris son rôle. Mais cette recherche de l'immortalité m'avait conduit à la mort.
Bella s'est suicidée après avoir tué le fils Londubat.
Je dégage de sous le corps froid de l'ancien maître de potions Nagini.
Elle est aussi froide que les autres.
Je la prend et retourne près de Potter. J'échange nos baguettes.
Puis je glisse Nagini sur mes épaules et me rallonge pour ne plus me relever.
Qu'il est bon de se reposer...
