PROLOGUE

L'immense ville était à sa portée. Enfin. Cas touchait son rêve du bout des doigts. Il avait enfin été accepté dans l'école de son choix. Il avait obtenu son diplôme de fin d'année avec succès, et pouvait finalement partir.

Oui. Partir de chez lui. Évidemment, ce ne fut pas facile de quitter la maison, ses parents et ses frères. Mais il y était résolu. Il n'allait pas abandonner, surtout pas maintenant. Déterminé comme jamais à mordre la vie à pleine dent, il avait prit une décision. Poursuivre ses études à l'étranger. Et étant bilingue en français, il s'avérait alors évident d'aller à Paris, réputée pour ses prestigieuses écoles de cinéma et d'art. Le must de la culture.

Combien de fois avait-il songé être là, à pique-niquer sur la pelouse du Champ de Mars, à contempler la dame de fer d'en-bas, admiratif comme jamais ?

« La vie peut enfin commencer. » se dit-il, tout en sirotant son café du matin.

Les matins parisiens sont plutôt grisonnants, rien à voir avec Boston. Cependant, il appréciait le temps comme il était, s'estimant assez chanceux jusqu'ici.

Certes, la rentrée du lendemain le stresse un tantinet. Sur ce, il tente de ne pas trop y penser et sort quelques affaires de son sac : un petit sketchbook ainsi que son Ipod.

« Un peu d'Elvis ne me ferai pas de mal. » pensa-t-il. Et c'est au son mélodieux de la voix du King que celui commença à esquisser une ébauche de ce qui sera sans doute un futur tatouage.


Vers midi, Cas sentit son ventre gargouiller, et décida de se rendre dans un café typique de la capitale. S'installant à une table, il sortit son notebook et commença à pianoter frénétiquement sur le clavier. Les e-mails de sa famille étaient déjà abondants, si bien qu'il crut que la boîte de réception exploserait.

De :

A :

Hey frérot !

C'est l'anarchie ici depuis que tu es parti (autrement dit, seulement un jour) !

Sache que Papa & Maman ne font que de passer leurs nerfs sur nous tous, par ta faute.

J'espère au moins que tu te marres bien chez les Frenchies.

Fais-toi plaiz', tu me l'as promis.

Alcool, petites françaises et accordéon, qu'est-ce-que je n'donnerai pas pour être à ta place, p'tit frère !

Enfin bon, profites-bien et fais-toi des amis. Ou … du moins … essayes, monsieur-l'asocial.

Tu as mon soutien, alors t'as intérêt à t'E-CLA-TER.

Tchaaoo ~

De la part de Gabe, à qui tu ne manques pas du tout.

P-S : Au fait, merci. Depuis que tu es parti, j'ai une nouvelle chambre. La tienne.

Dis-donc, j'ai trouvé des trucs bizarres. Apprends à faire du tri dans tes pornos. Je ne vois aucun magazine incluant des filles.

Cas rougit automatiquement, et jeta automatiquement un coup d'œil autour de lui.

Gabriel savait. Il était d'ailleurs le seul à savoir.

Il aimait juste faire quelques petites blagues équivoques sur le sujet sensible, afin de dédramatiser le fait que Cas préférait les garçons.

Il était définitivement le plus curieux, mais aussi le plus tolérant et déjanté de tous ses frères.

Après celui-ci, Cas lut les autres messages : Balthazar et compagnie lui avaient tous fait part de leur impressions sur son départ. Mais c'est en lisant l'e-mail de son père qu'il ressentit un soupçon de culpabilité. Il n'avait pas pensé qu'il était le plus calme, le plus sage et réservé de tous ses frères qu'il était le petit dernier, le préféré et que il ne pensait pas que ces parents se morfondreraient autant lorsqu'il partirait.

« Je suis vraiment trop égoïste. » se dit-il, tout en refermant le laptop. Soudainement déprimé, son appétit fut coupé, et il repartit aussi vite qu'il était venu.


Son petit appartement était son dernier refuge. Pour se consoler, il se regarda une série américaine, avec un arrière-goût de nostalgie. Heureusement pour lui, il avait déjà fini la décoration de la pièce. Il faut dire que 17m carrés, ce n'est pas une grande surface à décorer. Alors, quelques posters par-ci, par-là furent l'affaire.

Il observa furtivement par la fenêtre, et l'après-midi lui parut filer si vite. Les dernières journées d'été firent leurs adieux pour laisser place à Septembre et ses promesses d'un futur incertain.

« Mais - - dans quoi j'me lance ? » se demanda alors Cas, prenant violemment conscience de la situation. « Que vais-je faire de ma vie ?! »

En position fœtale, il serre ses poings contre sa poitrine, comme il fait lors de telles crises existentielles. « J'ai peur de demain. » gémit-il. Et c'est là qu'il se mit à pleurer.


Aujourd'hui, nous sommes jeudi.

Cette nuit, le pauvre Cas a dormi à peine deux heures. Trop excité, ou peut-être trop stressé.

« Et si j'avais fait le mauvais choix ? »

Horrifié à cette pensée, il se lève brusquement et jette un coup d'œil à l'heure : 6h00.

Cas n'était définitivement pas du matin.

Mais aujourd'hui, c'était différent.

Il ne fit que deux pas pour se rendre dans sa minuscule salle de bains. Tout de même très soigneux, il se distinguait de la plupart des garçons.

Castiel fait attention à ce qu'il porte, aime l'eye-liner et se coiffe longuement devant le miroir, en tentant de déterminer quelle paire de Vans conviendrait à sa tenue. Après une bonne demi-heure, il se décide et opte pour un t-shirt bordeaux, en-dessous d'une chemise à carreaux ainsi qu'un slim au ton clair. En accessoire, il opte pour une cravate bleue, portée lâche et non pas serrée. Quant aux Vans, il opta pour ses préférées : celles qu'il a lui-même peintes aux couleurs de l'univers étoilé.

Autant bien commencer l'année, en affirmant son style. « J'espère qu'il ont l'esprit plus ouvert que les Américains … » songe Cas, en repensant aux critiques qu'il avait subi des années durant.

« C'est une école d'art, Castiel. Avec des artistes. Ils seront comme toi. » tente-t-il de se rassurer.

En vain.

Le stress monte à son insu. Sur ce à quoi il essaye de remédier en se faisant un petit déj' plutôt copieux : Bacon, œufs au plat et haricots rouges. Et le plus important, son café. Avec deux sucres. Sans ça, Castiel ne peut carburer. C'était sa drogue, il lui fallait absolument sa dose quotidienne de caféine.

Ensuite, le temps semble filer comme l'éclair : « Déjà 7h15 » s'exclame-t-il, offusqué. Il se presse et attrape au passage son sac fétiche « Tardis », dérivé de la série DoctorWho. Son sac favori, car plus grand à l'intérieur.

Après avoir galéré à refermer sa porte d'appartement, celui-ci sprinte jusqu'au Métro et arrive à se faufiler une place au beau milieu d'inconnus. Très à l'étroit, Cas se sent oppressé et a la vague impression de suffoquer. « Quelle horreur ce métro ! » A son arrêt, la foule le submerge, l'éjectant hors du wagon. « Je peux enfin respirer ! » fit-il avec soulagement. Prenant une bonne bouffée d'air, il court jusqu'à l'escalator qu'il monte quatre à quatre.

Après être sorti, Cas sourie, fier de l'exploit. Il a triomphé : 7h45 !

C'était une manie chez Castiel : toujours arriver un quart d'heure avant. C'est tout comme son code d'honneur. C'est pathologique.

S'il pouvait être sur les lieux 30 min à l'avance, c'était toujours mieux. Il s'auto-félicita tout de même d'être là aussi tôt, tout en ayant bravé la foule grincheuse du métro.

Il avance doucement, anxieux, jusqu'aux portes de l'établissement au style moderne. Une multitude d'élèves sont déjà sur les lieux. Cas avait bien raison : Ils sont tous différents, comme lui. Des artistes.

Et il ne contrastait pas tellement. Cela le fait sourire. Aussitôt, il les observe tous. Ça aussi, c'était un de ses péchés mignons : observer les gens. C'est tout ce qu'il pouvait faire, la timidité étant un de ses plus grands handicaps.

Des groupes se formaient déjà, comme d'habitude. Les populaires semblent se rassembler au niveau du parking à motos. Quant aux autres, eh bien … tout le monde reste dans son coin, trop tétanisés pour faire le premier pas. Les artistes sont souvent ainsi.

Et pourtant, c'est là que Cas se trompe.