Synopsis : juste un petit oneshot (et ma première tentative de yuri). Se situe juste après l'arc sur les Bounts.
Disclaimer : Bleach appartient à Tite Kubo. Même chose pour tous ses personnages. Je ne tire absolument aucun profit financier de cette fiction.
Interlude
Je rentre chez moi après avoir fait le tour de ma division et dit à mes hommes que j'étais contente d'eux. Enfin, contente… Il y a quelques petites choses qui clochent mais après tout le bazar qu'on avait eu avec les Bounts, on peut difficilement le leur reprocher. Ils ont l'air soulagé, d'ailleurs. Je me demande pourquoi les gens me trouvent si souvent trop exigeante.
Une belle surprise m'attend chez moi. Enfin, belle, le mot est faible… Elle s'est glissée par ma fenêtre pendant que j'étais encore à l'infirmerie et se sert dans mon garde-manger. En me voyant entrer, elle va vers moi avec son sourire merveilleux.
- Salut. J'espère que tu ne m'en voudras pas. Je tenais à te voir avant de partir, je t'ai attendue pendant un moment et il se trouve que j'avais faim…
- Vous vous en allez ? ne puis-je m'empêcher de demander.
- Je peux difficilement faire autrement. Dis-moi, c'est vrai, ce qu'on m'a raconté sur toi ?
- Qu'est-ce qu'on vous a raconté sur moi ? demandé-je, méfiante. Quand Maîtresse Yoruichi prend son air malicieux, cela peut annoncer n'importe quoi.
- On m'a dit que tu as réglé son compte à un Bount à toi toute seule et avec une bonne dose de poison dans le sang.
Il y a une pointe d'admiration dans sa voix. Je ressens une poussée d'orgueil incroyable mais je m'efforce de garder l'air indifférent. Le devoir passe avant tout. Je dois remplir mon rôle de capitaine et veiller sur les miens sans faillir et sans jamais m'en vanter.
- Il fallait que quelqu'un le fasse, réponds-je le plus calmement possible. Je l'ai fait, c'est tout.
- J'ai toujours su que tu avais du potentiel.
Il y a de la malice dans son regard. Je me sens comme coupée en deux : c'est bien agréable de savoir qu'elle m'apprécie, mais si elle a vraiment une bonne opinion de moi, pourquoi m'a-t-elle fuie et ignorée pendant plus de cent ans ? Vraiment, je n'arriverai jamais à me faire à elle.
- J'ai besoin de m'asseoir, dis-je pour changer le sujet.
A une époque, je n'aurais jamais osé m'asseoir avant elle mais aujourd'hui, les choses ont changé. Je m'attends à ce qu'elle m'imite mais au lieu de ça, elle se tourne vers le garde-manger et s'écrie :
- Tu as raison. Après tout ce qui s'est passé, tu dois être morte de fatigue ! Je vais nous faire à manger.
- Nous faire à manger ?
- Oh, je suis désolée. Tu attends quelqu'un ?
Je n'attends personne mais qu'est-ce qui lui prends de se montrer aussi gentille, je veux dire encore plus gentille que d'habitude, tout d'un coup ? J'aimerais savoir ce qu'elle cache derrière son demi-sourire taquin mais je n'ai jamais été très douée pour déchiffrer les expressions, et avec elle, c'est carrément mission impossible. A tous les coups, je finis par penser 'mais qu'est-ce qu'elle est belle' et ça me déconcentre.
Le dîner est bientôt prêt. On mange en parlant travail : elle me raconte comment ça se passe dans le monde réel et je lui explique ce qui s'est passé ici. Par moments, je ressens une pointe de jalousie en pensant aux gens qu'elle côtoie là-bas mais je me répète que je n'y peux rien. Il faut que je me fasse une raison : elle ne ressent pas pour moi ce que je ressens pour elle. Elle ressemble vraiment à un chat, indépendante et cruelle sans même s'en rendre compte, et je n'y peux rien. La seule chose que je peux faire, c'est profiter de ces quelques instants et m'en souvenir plus tard.
La dernière bouchée avalée, nous mettons les couverts dans un coin et je m'attends à ce qu'elle me dise au revoir. Au lieu de cela, elle m'annonce qu'elle se sent pleine de poussière après avoir passé la journée dehors et qu'elle aurait bien besoin d'une douche. Je lui indique où est la salle de bains, tant mieux si elle reste un peu plus longtemps.
- Tu viens la prendre avec moi ?
Je réponds oui sans réfléchir avant de répéter la question dans ma tête et de comprendre vraiment ce qu'elle vient de me proposer. Houlà, dans quoi me suis-je embarquée ? Mais il n'est pas question de reculer : elle risquerait de croire que j'ai peur et je dois lui montrer que je suis devenue assez forte pour ne plus avoir peur de rien.
Ma douche est rudimentaire : un baquet, du savon et des seaux d'eau. Nos vêtements tombent un à un et je m'efforce de garder l'air indifférent, de lui montrer que la nudité non plus ne me fait pas peur. Après tout, les gens qui craignent de se montrer nus la font rire et il n'est pas question qu'elle se joue de moi à ce niveau. Mon corps est moins beau que le sien, quand même… Oh, c'est juste une douche, je ne vais tout de même pas en faire une montagne !
Nous n'avons plus rien sur nous. Elle me regarde dans les yeux, balaie son regard de haut en bas et lance : 'mmm, joli, c'est pas croyable ce que tu as grandi !' Mon cœur bat la chamade mais je fais comme si je n'avais rien entendu et je lui fais signe de prendre place dans le baquet. Après tout, ce n'est pas la première fois que je la vois nue et je me suis toujours efforcée de trouver ça normal. Enfin, la première fois, je me suis sentie vraiment gênée. Elle, ça l'a fait rire. Il faut que je lui montre que j'ai grandi, que je ne suis plus embarrassée par ce genre de choses.
On se savonne. J'ose à peine bouger les coudes parce qu'on n'a pas beaucoup de place. Je suis sur le point de me contorsionner pour me laver le dos quand elle m'attrape les mains :
- Laisse. Je vais le faire.
Je tressaille. Elle veut me savonner le dos ? Je cherche en vain quoi répondre et au bout d'un moment, elle hausse les épaules.
- Tu veux que je passe la première ? suggère-t-elle. Comme tu veux, mais après, je te rends la pareille.
Et elle me présente sa nuque. Difficile de refuser. Je lui frotte les épaules puis descend plus bas tout en ayant presque l'impression de commettre un sacrilège. Elle a un bien beau dos, mince et musclé. J'avoue qu'il serait bien agréable de le savonner encore et encore, et ensuite de glisser mes mains sur… Non, je ne dois pas penser à ce genre de choses !
- Ton tour ! me lance-t-elle quand j'ai terminé. Ses mains glissent sur mes épaules, me chatouillent la nuque puis descendent plus bas, le bout de ses doigts effleure légèrement le côté de mes seins puis vont s'attarder dans le creux de mes reins… J'ai l'impression d'avoir le sang en feu. De l'eau froide, vite ! Je vais exploser si elle continue comme ça !
Ses mains quittent enfin (ou trop tôt ?) mon dos. Je me force à me tourner vers elle pour qu'elle voie que je n'ai pas peur de son regard. Impossible de déchiffrer son regard taquin. Elle est peut-être en train de me lancer un défi, mais lequel ? Je ne la comprendrai jamais.
On se rince, on se sèche, on se rhabille et elle m'annonce négligemment qu'elle aimerait bien passer la nuit ici, si ça ne me dérange pas. Non, bien sûr que non, comment cela pourrait-il me déranger ? Et nous voilà toutes deux assises sur le plancher, à regarder le clair de lune par la fenêtre. La lune est vraiment belle ce soir.
Je ne me méfie pas et voilà qu'elle m'attrape par les épaules, me fait basculer, et je me retrouve allongée par terre, la tête sur ses genoux. Elle pouffe de rire et je repense à cette journée qu'on a passée toutes les deux avant son départ. Ce jour-là, c'est elle qui s'était endormie avec la tête sur mes genoux. J'étais tellement heureuse… et ça n'a pas duré.
- Tu as l'air triste, me dit-elle soudain. Il y a quelque chose qui ne va pas ?
Je ferme les yeux. Il faut qu'elle croie que je dors. Que veut-elle que je lui réponde ? Que je vais bien ? Non, je ne me sens pas parfaitement bien parce que je n'ai qu'une nuit pour être près d'elle, que je préfèrerais l'éternité et que je sais que je ne peux pas l'obliger à rester près de moi. Dans un sens, je l'aime parce qu'elle est insaisissable, parce que je n'arriverai jamais à la posséder tandis que moi, je lui appartiens corps et âme. Je l'ai toujours su. Alors pourquoi me sens-je si triste, tout d'un coup ?
- Allons, murmure-t-elle en me caressant les cheveux. Allons, petite abeille…
Ses doigts quittent mes cheveux, glissent le long de mes joues, effleurent mes lèvres puis mon cou. Ce contact me donne le frisson et je commence à réaliser ce qui se passe. Ce ne sont pas les gestes d'une bonne camarade, mais plutôt ceux d'une… Non !
Je me redresse avant qu'elle n'aille plus loin et je lui fais face, furieuse et toute tremblante. Elle a l'air un peu étonné.
- Eh bien ! Qu'est-ce qu'il y a ? s'enquit-elle.
- Tu veux bien me dire à quoi tu joues ?
- Tu n'aimes pas ça ?
La question m'a prise de cours et j'ai bafouillé :
- Je… si, mais la question n'est pas là ! D'abord tu me demandes de ne jamais te quitter, ensuite tu fuis et tu m'ignores pendant plus de cent ans, ensuite tu reviens et tu veux qu'on fasse comme si rien ne s'était passé, et maintenant tu essaies de m'allumer ! Qu'est-ce qui ne va pas chez toi ?
Je reste bouche bée, effarée par ma propre audace. Jamais je n'aurais cru qu'un jour, je lui parlerais sur ce ton ! Elle a l'air sincèrement triste et je me sens soudain toute troublée. Je ne sais pas quoi dire et le pire, c'est que je n'ai aucune idée de ce que je ressens en ce moment.
- Ecoute, dit-elle au bout d'un long moment, tu as toutes les raisons du monde de m'en vouloir. A l'époque, j'ai réagi comme j'ai pu. Je n'avais pas l'intention de jouer avec tes sentiments.
Donc, elle savait quels sentiments j'avais pour elle ? Je me demande si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle. Il n'y a plus aucune lueur de malice dans ses yeux dorés et je la sens démunie, ce qui arrive rarement. J'ai l'impression d'être à égalité avec elle et c'est peut-être la situation la plus déroutante que j'ai jamais connue. Que puis-je faire ? Oh, peut-être lui dire ce que j'aurais dû lui avouer plus tôt :
- J'aurais préféré pouvoir vous dire au revoir, vous savez.
- Eh bien, murmure-t-elle, c'est que je fais maintenant. Je pensais qu'on pourrait passer une bonne nuit toutes les deux, se créer de bons souvenirs pour plus tard…
Encore une de ses déclarations ambigües dont elle a le secret ! Une bonne nuit ? Me voilà poussée dans mes retranchements. Je reste muette et elle finit par se lever et par marcher vers la porte de sortie.
- Ce n'est pas grave, dit-elle. Si tu ne te sens pas prête pour cela…
- Attendez !
Je me lève et je me dépêche de lui barrer le passage. Tant pis si ce que je fais est totalement insensé. Pendant toute ma vie, j'ai obéi à ceux qui se trouvaient plus haut que moi dans la hiérarchie, j'ai respecté les règles et les conventions et j'ai tout fait pour que tout le monde les observe. Si je dois agir comme une dingue une fois dans ma vie, cela doit se passer maintenant.
- Ne t'en va pas… Yoruichi.
J'ai réussi à prononcer son nom en entier, sans préfixe, ni suffixe, ni titre honorifique. Elle a l'air impressionné. Je prends mon courage à deux mains et je l'embrasse, un petit baiser chaste qui dure à peine une seconde. Je me recule pour la regarder, ses yeux m'interrogent, j'ai le cœur qui bat, j'arrive à peine à hocher la tête pour lui dire que je suis prête pour la suite. Elle prend mon visage dans ses mains et ce contact me donne le frisson. Le baiser qui s'ensuit dure une éternité et me semble tout de même trop court, je me noie dans ce baiser et je voudrais qu'il ne finisse jamais…
C'est moi qui me suis réveillée la première. Nous sommes dans mon lit, blotties l'une contre l'autre et je me souviens de tout ce qu'on a fait cette nuit. Ça me donne envie de rougir ! Mais en même temps, c'était tellement bon. Je la regarde, elle dort encore, ses cheveux étalés sur l'oreiller. Tellement belle et tellement insaisissable…
Je sais que je n'arriverai pas à la garder près de moi mais maintenant, ça m'est égal. J'ai assez de bons souvenirs pour toute une vie. Je me sens calme et sereine, comme si son calme et sa beauté avaient déteint sur moi pendant qu'on faisait l'amour. Je n'ai plus besoin de rien. Une seule nuit m'a rendu heureuse pour l'éternité.
La fin…
