Changement d'univers et petite incursion dans le monde des « Petits Meurtres d'Agatha Christie » avec cette histoire que j'ai écrite il y a un certain temps… Je suis une grande fan de cette série depuis ses débuts avec Larosière et Lampion, et ça continue avec le trio Laurence/Avril/Marlène.

Les personnages ne m'appartiennent pas. Je précise que je ne tire aucun profit de ces publications, destinées uniquement à satisfaire mon plaisir d'écriture.

Chapitre 1

Le commissaire Laurence pénétra dans le petit appartement. Déjà, des policiers s'affairaient dans la pièce principale, cherchant des indices, fouillant les moindres endroits en quête d'informations.

« Où se trouve la victime ? »

« Par ici, commissaire. »

Un jeune policier lui indiqua la salle de bains. Laurence s'engagea dans le couloir où il aperçut immédiatement Alice Avril. Le geste d'agacement qu'il eu n'échappa pas à la jeune journaliste.

« Qu'est-ce que vous faites là ? » Demanda-t-il, de mauvaise humeur.

« Bonjour aussi, Commissaire... On s'est encore levé du pied gauche ce matin ? »

« Fichez-moi le camp d'ici, Avril, ou je vous fais arrêter. »

« Ah oui ? Pour quel motif ? »

« Entraves dans une enquête de police. »

« Pour un suicide ? »

« Qu'est-ce que vous en savez qu'il s'agit d'un suicide ? Vous êtes une spécialiste ? »

Furieux, Laurence passa devant Avril et continua jusqu'au fond du couloir.

« Qui vous a prévenu ? »

« J'ai reçu un appel il y a une demi-heure. Un homme. »

« Qui ? »

« Je ne sais pas. »

« Vous le protégez ? »

« Non, je ne le connais pas, je vous dis, et il ne m'a pas laissé son nom. »

Laurence pénétra dans la salle de bains. Un inconnu en imperméable était accroupi près de la baignoire et observait le corps de la victime immergé dans l'eau, leur tournant le dos. Irrité, Laurence l'apostropha.

« Et vous, qui êtes-vous ? »

L'homme se retourna avec un sourire et Laurence ouvrit de grands yeux en le reconnaissant.

« Félix ? »

« Surpris de me voir, Commissaire ? »

Laurence tourna vivement la tête en direction d'Avril qui observait l'homme en fronçant les sourcils, spéculant évidemment sur son identité.

« Tu ne devrais pas. Regardes qui nous avons là… » Ajouta le dénommé Félix, un sourire aux lèvres.

L'homme s'effaça et Laurence découvrit le corps, puis le visage de la victime. Une expression de surprise se peignit sur ses traits, alors qu'il s'approchait vivement de la baignoire. Le policier se mit à siffler.

« Alors ça, pour une surprise !... » Commença t'il.

« N'est-ce pas… »

« Qui a découvert le corps ? »

« Sa femme de ménage. Ce matin vers huit heures. »

« Et je ne suis prévenu que deux heures plus tard ! »

Laurence fusilla Félix du regard.

« Mon équipe a fait les premières constations. Il semblerait qu'il se soit suicidé. »

« Suicidé ? Lui ! »

« Oui, nous sommes d'accord. »

« Je demande une autopsie tout de suite... » Laurence inspira profondément. « … Tu le surveillais ? »

« Depuis quelques temps, il se faisait remarquer en passant la frontière belge un peu trop souvent. »

« Allons discuter de ça ailleurs. » Dit Laurence en glissant un regard vers Avril.

« On n'est jamais trop prudent, n'est-ce pas ? »

« C'est qui le type dans la baignoire ? » Demanda Avril.

Aucun des deux hommes ne daigna répondre. Ils passèrent devant la journaliste en l'ignorant.

« Et vous, qui êtes-vous ? » Continua Avril, à l'attention de Félix.

« Elle est toujours autant curieuse ? » Demanda Félix à Laurence.

« Oh ça, ce n'est rien… Tu verrais comment elle est bornée ! » Répliqua Laurence.

« Hé, vous deux, j'aimerais bien que vous me répondiez quand je vous pose des questions ! » Cria Avril en les suivant.

« Diantre ! Qu'elle est susceptible… » Continua Félix.

« Ne m'en parles pas, je ne la supporte plus… » Termina Laurence.

« C'est ça, continuez à m'ignorer… »

Avril les regarda disparaître dans le salon en fulminant. Ces machos se croyaient tout permis ! Ils s'étaient réfugiés sur le balcon pour fumer et discuter tranquillement. Elle les observa néanmoins au travers de la porte vitrée.

« Jäger... Le Chasseur… L'un des Quatre. Si je m'attendais à ça… Que faisait-il à Lille ? »

« Impliqué dans une quelconque entreprise criminelle sans doute. »

« Tu n'en sais pas plus ou tu ne veux rien me dire ? »

« Swan, même si tu ne fais plus partie de la Maison, tu es celui qui a le plus côtoyés les Quatre. Si j'en savais plus, je partagerai mes informations avec toi. »

« Qu'est-ce qu'ils deviennent ? »

« Nous les avions perdus de vue depuis deux ans. Avant, de temps en temps, il y en avait un qui réapparaissait au grand jour, et puis plus rien. Nous soupçonnons qu'ils sont derrière certaines machinations internationales sans en avoir la preuve. Ils se vendent aux plus offrants, il semblerait, et aussi aux gouvernements quels qu'ils soient... Je vais avoir besoin de toi, Commissaire. »

« J'ai quitté le Service, tu es au courant ? »

« Bien sûr, tu auras un accès total aux dossiers de ces dix dernières années, tu retrouveras ton grade d'officier… »

« Félix… Je t'ai dit non ! Je ne veux pas me replonger dans toutes ces affaires. »

« Tu y es déjà impliqué, mon ami. C'est l'autre raison pour laquelle je suis là. »

Laurence dévisagea Félix en fronçant les sourcils. Puis son visage s'éclaira.

« Jouve… »

« Toujours aussi perspicace. »

« Qu'est-ce que tu veux savoir ? »

« Que peux-tu me dire à propos de son assassinat ? »

« Rien. Je suis rentré chez moi et j'ai retrouvé cet imbécile mort sur mon tapis. »

« Et c'est tout ? Il a tout de même été tué avec ton arme de service. »

« Ce n'est pas moi… Jouve posait des questions, il cherchait quelque chose… C'était un documentaliste. A-t-il pu avoir accès à mon dossier ? »

« En principe, un archiviste ne détient pas toutes les clés des documents qu'il est sensé classifier. Mais il est possible que, comme tu as quitté l'active, il ait fait des recoupements et qu'il ait découvert de quoi te faire chanter… Ceci par exemple… »

Félix sortit une photographie en noir et blanc et la montra à Laurence. Le commissaire la prit et soupira, le visage sombre, puis la rendit à Félix.

« Je ne sais pas. Il ne m'a rien demandé. Il s'est contenté de fureter. »

« Il rassemblait des informations alors. »

« Pour le compte de qui ? Qui l'a envoyé ? Qui a voulu me mettre son meurtre sur le dos ? »

« Quelqu'un qui a un compte à régler avec toi, ça ne fait aucun doute... Un des Quatre peut-être. Ou quelqu'un d'autre, qui sait ? Difficile à dire, avec un homme qui passe son temps à se faire des ennemis… »

« Félix, tu n'es pas venu jusqu'ici pour me faire la morale… Qu'est-ce que tu cherches ? »

« La même chose que toi. Quand un obscur fonctionnaire s'intéresse à un ancien agent et qu'il est tué, nous voulons en connaître la raison… Si, en plus, on retrouve un des Quatre, décédé dans des conditions mystérieuses, pas loin dudit ancien agent, qui a passé une partie de son existence à les poursuivre, cela fait beaucoup de coïncidences, tu ne trouves pas ? »

« Je n'y suis pour rien, Félix. »

« Je te crois… Pourtant, tu as attiré l'attention de quelqu'un. Tu as d'ailleurs fait l'objet d'une inspection récemment… »

« Pff… Deux crétins qui avaient envie de mettre ma tête au bout d'une pique… »

« Et ça ne te perturbe pas plus que ça ? J'ai demandé à mon contact au Ministère de l'Intérieur qui avait diligenté l'enquête interne. »

« Et ? »

« Pas de retour pour l'instant. »

« D'autres pistes ? »

« Rien de tangible. »

Félix glissa un regard vers Avril au travers de la vitre.

« Ta petite journaliste est prometteuse. »

« Ce n'est pas ma petite journaliste... »

« Tu ne la portes pas dans ton cœur… Pourtant, elle a du potentiel. »

« Avril ? Tu n'es pas sérieux ? »

« Si tu étais objectif, tu t'en rendrais compte. »

« C'est juste une emmerdeuse… »

« Je l'ai observée. C'est une sacrée fureteuse. Elle ferait une excellente recrue. »

« Ne me dis pas que tu es aussi venu pour elle. »

« C'est une possibilité qui n'est pas à exclure. »

« Alors ça, c'est la meilleure !... Tu vieillis, mon pauvre Félix… »

Le sourire affable de Félix disparut et son visage devint plus dur.

« C'est toi qui a vieilli, Swan. Tu n'es plus aux réalités du monde d'aujourd'hui. Cette jeune femme, c'est l'avenir. »

« Si c'est le cas, nous allons droit dans le mur ! Pauvre France ! »

« Tu as toujours été un cynique... Mais bon, qu'est-ce que tu lui reproches ? »

Sans hésitation, le commissaire déversa la liste des critiques qu'il faisait régulièrement à Avril :

« Elle se mêle de tout ce qui ne la regarde pas, sans se soucier des conséquences Elle n'a pas trois sous de jugeote et réfléchit seulement quand il est trop tard. Elle est impulsive, désorganisée, maladroite et ne sait pas se maîtriser. Sa façon de parler et son comportement sont tout, sauf distingués. Sans compter qu'elle ne parle que d'émancipation et d'indépendance. Elle est sexuellement libérée, sans doute communiste… »

« Ok, j'ai compris… Et maintenant, ses qualités ? »

« Je ne lui en connais aucune. »

« Swan, quand même… » Félix secoua la tête. « … C'est de la mauvaise foi ou tu as couché avec elle ? »

Laurence fit une grimace horrifiée.

« Jamais je ne m'abaisserai à coucher avec… avec ça ! »

Félix le considéra un instant en silence, puis soupira.

« Il n'y a rien dans tout ce que tu m'as cité qui ne soit réversible… » Comme Laurence voulut reprendre la parole, Félix leva la main. « Laisse-moi finir s'il-te-plaît… Je vais te dire ce que je vois en elle : elle est intelligente, spontanée et débrouillarde. Elle n'a pas d'attaches. Elle apprend vite et s'adapte rapidement à toutes les situations. Elle veut faire ses preuves et meurt d'envie d'être reconnue pour sa valeur. C'est une vraie battante et elle a des qualités qui me font penser qu'elle est exactement ce dont nous avons besoin : elle est loyale, franche et droite dans ses bottes. Trois points communs qu'elle partage avec toi, ne t'en déplaise… »

Laurence serra les dents et mit les mains dans ses poches.

« Après une année d'entraînement, je te parie que tu ne la reconnaîtras plus. Elle pourra se glisser dans la peau de n'importe quelle bourgeoise cultivée et délurée, séduira les hommes les plus riches et les plus influents de la planète. Elle sera un merveilleux agent de renseignements pour son pays. »

« Moi, je n'oublierai pas d'où elle vient. »

« Mais toi, elle t'oubliera comme ça… » Il claqua des doigts et eut un petit rire. « … Crois-moi... »

Laurence baissa brièvement les yeux.

« Que veux-tu de moi ? »

« Que tu m'assistes comme un consultant de luxe sur la recherche des autres membres des Quatre, jusqu'à ce qu'on mette la main sur eux... Tu devras quitter la police bien sûr. Mais pour mieux y revenir plus tard. Un poste important au Quai des Orfèvres pourrait se libérer. »

« Je ne suis pas en odeur de sainteté en haut-lieu. »

« Ça peut s'arranger… Et puis, j'aurai une autre mission aussi importante à te confier : former Avril. »

« Ah non ! Certainement pas !... Jamais !... Avril, c'est au-dessus de mes forces... »

« Swan, tu es le meilleur... Rappelles-toi Carla. »

Laurence détourna le regard et parut se perdre dans la contemplation de l'immeuble en face.

« Carla s'est avérée être un échec. »

« Parce que tu étais amoureux et qu'elle s'est servie de toi… Tu l'as dit toi-même : Avril ne t'est rien ! Tu la connais bien et tu la détestes. C'est toi qui la manipuleras. Et ne me dis pas que cette idée t'incommode : tu te sers déjà d'elle avec une certaine férocité. »

Laurence secoua la tête.

« J'en ai terminé avec ça, Félix. »

« Et puis, penses-y, si tu ne le fais pas, c'est moi qui vais l'entraîner, Swan. Et tu connais mes méthodes… »

Laurence dévisagea Félix. Oui, il savait comment s'y prenait son interlocuteur. Félix n'avait aucune sympathie pour les agents féminins, les poussant à bout, jusqu'à les faire craquer… Il en tirait alors ce qu'il voulait. Ce n'était qu'un aperçu, disait-il, de ce qu'elles subiraient si elles trahissaient.

« Ce que tu me demandes n'est ni plus, ni moins que ce que tu lui ferais subir. »

« Vraiment ? Et où est donc passé ton charme légendaire ?... » Il donna une petite tape sur l'épaule du policier. « … Tu as vingt quatre heures pour te décider. »

Félix salua Laurence puis rentra dans l'appartement. Le commissaire s'appuya contre le rebord du balcon et considéra la rue en contrebas. Avril le rejoignit.

« C'était qui ? »

« Personne… ou plutôt, quelqu'un que je vous conseille d'éviter. »

Ce commentaire éveilla l'intérêt d'Avril alors que Laurence tournait les talons et rentrait à son tour.

« Mais… »

Le dos raide de Laurence qui s'éloignait, la dissuada de se lancer à la poursuite du policier. Il était clairement en colère.

A suivre…