Bonjour !

Je reposte cette histoire, après l'avoir retirée de Chronicles, pour la simple et bonne raison qu'elle n'a rien à y faire.

Dans Chronicles, je parle d'AU, Univers Alternatifs en french, et ceci, Awakening, n'en est pas un. Enfin si, vu que logiquement Piers est mort, mais... Vous m'avez compris.

Je fais ça maintenant car je suis en trai d'écrire le chapitre six en ce moment même (je suis en vacances au même endroit que quand j'ai commencé cette histoire ça doit être ça qui m'inspire x)), et en même temps, je pense à la suite et fin de mon two-shots de Chronicles.

En gros, vous devreiz avoir quelque chose à vous mettre sous la dent bientôt !

Ah aussi, je vous encourage a relire Awakening. J'ai fait quelques changements mineurs, mais qui auront leur importance (de mémoire, dans le chapitre deux et le chapitre trois), mais bref. Syouplé. Faites-ça pour moi ?

En tous les cas (re) bonne lecture ^^


Il n'y avait rien dans ma tête depuis un moment.

Rien.

Rien, excepté le bruit des vagues.

Elles partent, elles viennent, fouettant mon corps inerte.

Je ne sus pourquoi mon cerveau repartit à ce moment donné.

Il me manque quelque chose. Je le sens. Je le sais. Mais je n'ai aucune idée de ce que c'est.

Je n'ose pas ouvrir les yeux, étant face contre terre, et je n'ai ni l'envie ni la force de bouger ne serait-ce qu'un membre.

Comment étais-je arrivé là ? Je n'en savais rien. Je savais juste que quelque chose était arrivé. Quelque chose d'important. Aucun moyen de m'en souvenir, cependant.

Les vagues se sont arrêtées, à un moment. Je me demandais ce que ça signifiait.

Soudain, une voix venant de nulle part.

-Hé. Viens voir.

Je ne savais pas à qui cet appel était adressé. Sans doute pas à moi, qui n'était pas en état de voir quoi que ce soit.

Plus rien pendant quelques secondes, avant qu'une deuxième voix n'intervienne.

-C'est un gros calamar que tu as trouvé là, frangine.

-On dirait un homme, plutôt. Mais il n'est pas en bon état. Regarde tout ce sang. Sans parler de cette espèce de… substance.

-Ouais, c'est glauque.

Je sentis quelque chose toucher mon bras droit, mais je ne bougeais toujours pas.

-Il est habillé en kaki. Je pense qu'il était dans l'armée.

-Ca, ou c'était un cosplayeur qui est trèèès loin de sa convention.

-Tu n'es pas drôle, Jonah.

A l'opposé de la précédente déclaration, j'entendis un rire, ainsi qu'un soupir.

-Il a l'air vraiment mal en point. Tu penses qu'on devrait le ramener à maman ?

-On ne peut pas le laisser comme ça. Surtout pas si c'est vraiment un militaire.

-Où veux-tu en venir ?

-Si ça se trouve, c'est quelqu'un qui a disparu, et on aura du pognon si on le ramène vivant. Si on peut appeler ça vivant. C'est une raison de plus pour que maman essaye de le retaper.

-Tu ne t'arrêtes jamais de penser au pognon ?

-Rarement. Allez, aide-moi à le porter. Fais gaffe à ce truc gluant, on ne sait pas ce que c'est.

-Oh. Moi qui commençais à avoir faim.

Ma tête décolla du sol, ainsi que le reste de mon corps. Je pouvais tourner la tête, mais toujours pas ouvrir les yeux. Les deux personnes qui me portaient, qui qu'elles étaient, ne firent pas de commentaire lorsque je bougeai ma tête de droite à gauche, comme les regardant avec les yeux encore clos. Peut-être ne me voyaient-ils pas, eux non plus ? Ils regardaient devant eux en marchant ? Je n'en étais pas sûr.

Mes pieds traînaient nonchalamment par terre, j'en déduisis donc que les personnes qui me portaient étaient au moins aussi grande que moi. Si c'étaient des enfants, comme j'avais cru le comprendre pendant leur dialogue au-dessus de mon cadavre, ils devaient être plus proches de mon âge que de celui d'adolescents. Pas vraiment des enfants, donc. Ou des enfants très grands, ce qui ne serait pas impossible.

Les bruits de la mer, qui s'éloignaient à mesure que je me laissais traîner, furent bientôt remplacés par d'autres, bien plus urbains. Je m'étonnais un peu que personne ne fasse de commentaire sur mes mystérieux 'sauveurs' qui trimballaient un type blessé couvert d'une substance suspecte, mais c'était sans doute pour le mieux.

Alors que l'un des deux individus me tenait dans un équilibre précaire en me tenant par mon bras droit, l'autre ouvrait une porte, avant de remettre mon bras gauche sur ses épaules.

-On est bientôt arrivés.

Effectivement, peu de temps après, je fus posé sur une surface plate, assez confortable, avant d'être brutalement redressé à la verticale, les bras attachés à mon support. Cela me fit ouvrir les yeux d'un seul coup, c'était assez désagréable.

Je regardai rapidement et nerveusement autour de moi. J'étais dans une sorte de cocon transparent, le dos appuyé contre un matelas, et j'étais maintenu par des sangles, accrochées à mes poignets. J'éprouvai une surprise non dissimulée en voyant mon bras droit, énorme et sombre, mais surtout vibrant et dégoulinant. Je ne manquai pas non plus les petites étincelles qui circulaient à intervalle irrégulier entre les grosses griffes qui avaient remplacé mes doigts. Mon bras gauche, lui, était amoché mais intact. Toujours humain, du moins.

Une fois un peu calmé, j'ai recommencé à analyser mon environnement. J'avais déjà vu que j'étais dans une espèce de cocon de protection – savoir si c'était moi ou les autres qu'on protégeait était une autre question – et, dans la salle, il y avait un petit bureau avec un ordinateur, dont les fils partaient dans tous les sens autour de moi. C'était sans doute le contrôle de toute la pièce. Il y avait deux autres cocons, mais j'étais le seul patient dans les alentours.

Soudain, dans le cadre de la porte, j'entrevis un visage, entouré par de longues boucles blondes désordonnées et une barbiche de la même couleur, dont les yeux bleu ciel me regardaient avec curiosité. Voyant que je lui rendais son regard, il entra dans la pièce, et se planta juste en face du cocon dans lequel j'étais.

-Salut, me dit-il

Je reconnus la vois d'un de mes deux transporteurs. Je n'avais aucune idée de qui ça pouvait être, mais je n'avais aucune raison d'être désagréable, non plus. Alors je jouai la politesse.

-Salut, dis-je

J'avais entendu la réplique sortir de ma bouche avec une voix déformée qui me parut presque monstrueuse. Vraiment rien à voir avec la voix que j'entendais dans ma tête. C'était assez troublant. Mais mon interlocuteur ne se démonta pas.

Le type se planta devant moi, mais il était beaucoup plus bas. Comme je n'étais pas bien grand, je partis plutôt du principe que le cocon dans lequel j'étais était surélevé.

-Est-ce que vous êtes un genre d'alien qui aurait foiré son déguisement ? me demanda-t-il

-Mon esprit n'est pas encore bien clair, admis-je. Mais je ne crois pas.

-Bien ce que j'avais diagnostiqué. Un vilain choc post-traumatique. Vous souvenez-vous de votre nom ?

Alors que je remarquai seulement à ce moment-là la blouse de scientifique que portait le blondinet, je réfléchis ardemment pour répondre à sa question. Seulement deux noms me vinrent dans la tête, pour le coup, et je choisis, un peu arbitrairement, celui qui éveillait le plus d'émotions en moi.

-Je m'appelle Chris, avisai-je

-Pas de nom de famille ? demanda le type en prenant des notes

-Non. Mais j'ai aussi le prénom Piers qui me trotte dans la tête. J'ai dit Chris en premier parce que c'est celui qui me parlait le plus.

-Donc vous vous appelez Piers, conclut mon médecin par défaut

Je fronçai les sourcils, et le jeune homme – il ne paraissait pas bien vieux en tous cas – se mit à rire. C'était le même rire que celui que je pensais avoir entendu plus tôt, donc ça me confirmait que c'était l'une des deux personnes qui m'avaient transporté depuis la plage.

-Je vous explique, commença-t-il. Quand quelqu'un subit un choc, il garde une mémoire résiduelle des derniers mots qu'il a entendus avant le dit choc. Cela inclut les pensées et les contacts extérieurs. Evidemment, ce sont les pensées qu'on entend le plus fort, de manière générale, alors ce sont les informations qui reviennent le plus vite.

-Et ? dis-je, en ne voyant pas vraiment où il voulait en venir

-Personne ne pense en permanence à son propre prénom, c'est illogique. C'est pourquoi je pense que le prénom qui est le plus fort dans votre crâne – dit-il en montrant ma tête avec son stylo – est celui de la dernière personne à qui vous avez adressé la parole avant votre traumatisme.

-Chris, répétai-je

Lorsque je dis ce nom pour la deuxième fois, ce fut différent. Je sentis clairement une émotion, une émotion assez forte. C'était sans doute parce que mon esprit embrumé n'avait pas tout de suite compris que ce n'était pas moi. Il me paraissait évident, maintenant, que je devais avoir des sentiments forts pour cette personne, qui qu'elle soit.

-Mais alors pourquoi je pense aussi à mon propre prénom ? relevai-je

-J'ai dit que c'était rare, pas que c'était impossible. Et comme je vous le disais, il y a les pensées, mais aussi les dernières choses qu'on entend. Mon hypothèse est donc que votre Chris a répété votre prénom avant que vous ne perdiez conscience.

-Effectivement, ça se tient, dis-je, une fois les infos enregistrées

-Evidemment que ça se tient. Je suis médecin, dit-il avec un franc sourire. Au fait, je ne me suis pas présenté. Je m'appelle Jonah. Ma sœur Anna et moi vous avons trouvé sur la plage il y a quatre jours.

-Quatre jours ? répétai-je, abasourdi

-Le temps passe vite, hein ? Surtout quand on est dans les vapes, dit Jonah avec un rire sans joie. Pendant un moment, on a eu peur que vous ne vous réveilliez jamais. Mais comme vous bougiez, on s'est assis et on a attendu.

-Je suppose que je dois vous remercier, dis-je, pas du tout sûr de moi

-Non. Vous me remercierez lorsque vous irez mieux et que vous serez de nouveau chez vous. Ma mère et moi devons encore analyser ça, dit-il en montrant mon bras monstrueux. On s'occupera de vous en attendant.

-Je n'ai pas vraiment le choix, compris-je

-En effet. Vous n'iriez pas bien loin, de toute façon. Je reviendrai vous voir dans une demi-heure, bonne marinade !

Jonah me fit un clin d'œil, et sortit de la pièce en trombe, un peu comme il était entré. Je me surpris à sourire un petit peu devant l'enthousiasme de mon médecin traitant, qui, de toute évidence, adorait son travail. Et, sous ses airs fanfarons, il avait de réelles compétences. Je l'avais compris pendant son paragraphe sur le choc post-traumatique. C'était bien d'ailleurs le seul moment où son expression était sérieuse. Quant à moi, eh bien… si ma voix déformée m'avait choquée, au début, au final, je m'y étais fait.

Pendant la demi-heure précédant ma piqûre de rappel, j'eus tout le temps de penser à des détails. Par exemple, qui est Chris ? Son nom résonnait encore plus dans ma tête depuis que Jonah avait suggéré qu'il avait répété mon nom avant que je ne perde conscience.

Je l'aimais, et il – ce nom sonnait plus masculin dans ma tête – m'aimait aussi.

C'était lui qui répétait mon nom.

Encore et encore. De plus en plus fort.

Les mots me revenaient de plus en plus clairement.

« Gardez le contrôle, Piers. »

« Vous pouvez vous en sortir, Piers. »

« Piers ! On peut encore vous sauver ! »

« Piers, qu'est-ce que vous faites ? »

« Bordel, Piers ! »

« PIERS ! »

Le dernier cri de Chris me déchira en deux dans le sens de la longueur. Je n'avais toujours pas d'images, mais le son, lui, était éloquent. Tellement éloquent qu'une larme solitaire coula sur ma joue gauche.

-Chris, répétai-je d'un ton las

Mon œil droit me faisait mal, mais aucune larme ne coulait. Je ne ressentais rien, même pas l'envie de larmoyer. Serait-il possible que… Que ma joue droite soit dans le même était que mon bras droit ? Ce serait plausible, surtout selon les informations que j'avais en plus, maintenant.

« Gardez le contrôle », « Vous pouvez vous en sortir », « On peut encore vous sauver ». La voix de Chris m'avait fait comprendre que mon état actuel n'était pas normal. C'était sans doute une vilaine infection, une TRES vilaine infection, mais quel genre de virus pouvait faire ce genre de dégâts ?

Virus. Ce mot-là aussi était lié à des souvenirs. Mais des souvenirs bien plus désagréables. Là encore ce n'était pas clair, quasiment sans images, mais c'était assez pour me faire comprendre que c'était bien pire que le sens communément admis du terme.

Toutes ces pensées firent que je ne vis quasiment pas arriver Jonah, qui revenait pour la suite des hostilités. Cette fois-ci, il amenait un plateau avec de la nourriture, dessus. Enfin, je supposai que c'était de la nourriture. C'était sous des cloches.

-Me revoilà, Piers, déclara-t-il. Je vais vous faire sortir de votre bulle pour essayer de vous faire bouffer quelque chose. Et au cas où vous vous le demandez, je ne fais pas partie du menu, ajouta-t-il en ricanant. Pigé ?

-Pigé, répétai-je, encore un peu amusé

Jonah se tourna pour tapoter sur l'ordinateur, et mes lien se desserrèrent, me laissant tomber debout dans la bulle, qui s'entrouvrit juste au niveau de mon visage. Je pus bouger mon bras droit, mais cela faisait vraiment bizarre, alors je me contentai de bouger la gauche. Je me déverrouillai les épaules, ou plutôt l'épaule, et je me mis à gesticuler sur place, en gros, pour réveiller mes muscles, sans doute endormis par mon absence d'activité depuis mon coma théorique.

Jonah poussa un tabouret, caché en dessous du petit bureau avec l'ordinateur, pour le mettre devant ma protection, entrouverte. Ensuite, il ramena le chariot avec la nourriture près de lui, et monta sur le tabouret. Cela fit qu'il juste en face de moi, à une vingtaine de centimètres, et j'eus la confirmation, une fois qu'il fut à ma hauteur, qu'il était effectivement légèrement plus grand que moi.

-Enfin face à face, me dit-il avec un petit sourire, en plantant son regard azuré dans le mien. Alors, comment vous sentez-vous ?

-Pas trop mal, au vu des circonstances, admis-je

-Vous aimez la viande ?

-J'aime les steaks, dis-je comme par réflexe

-Légumes ?

-Haricots verts.

-Féculents ?

-Pâtes.

-Produits laitiers ?

-Fromage blanc.

-Dessert ?

-Poire.

-De l'eau ?

-Evidemment.

-Jus de fruits ?

-Parfois.

-Sodas ?

-Non.

-Alcool ?

-Rarement.

-Bien, dit Jonah en redescendant du tabouret. Comme prévu, vos goûts alimentaires sont revenus assez vite. C'est dans le langage élémentaire du corps, après tout. Ça garantit en partie notre survie.

Il alla attraper son bloc-notes, et griffonna dessus, avant de se retourner vers moi.

-Et je suis content de constater que vous n'aimez pas la chair humaine, reprit-il

-Vous ne m'en avez pas proposé, dis-je, ironique

-Non, effectivement. Mais votre regard à mon égard est neutre. Un prédateur a cette petite lueur, vous savez ? dit-il en montrant ses yeux. Et oui, je sais lire ça, aussi, ajouta-t-il en bombant métaphoriquement le torse

-Vous avez plusieurs cordes à votre arc, déduisis-je

-Ouaip. J'ai un diplôme en médecine élémentaire, en littérature, en psychologie, en langage corporel et en pharmaceutique. Ça permet d'avancer dans plusieurs directions dans la vie.

Jonah reposa son calepin, et revint vers moi, sur le tabouret. Plus je le regardais dans les yeux, et plus j'entrevoyais un souvenir. Ou une impression de déjà-vu. Je n'en étais pas sûr.

-Vous êtes une sorte de génie ? demandai-je

-Non. Quand vous rencontrerez ma mère, vous verrez un génie. Je fais bien pâle figure, à côté d'elle. Enfin bref, assez parlé de moi, concentrons-nous sur vous, hein ?

-Oui. Faisons ça.

Jonah souleva une cloche, et en dessous était une assiette avec des pâtes et des haricots verts. Il saisit une fourchette, qu'il approcha de mon visage une fois qu'elle fut remplie.

-Comment saviez-vous ? dis-je

-J'ai préparé des plats bateau. La base, quoi. J'ai de la chance que vous ayez des goûts assez communs. Bon, assez discuté. Ouvrez grand ou prenez la fourchette.

-Vous me faites confiance à ce point-là ?

-Oui.

Sa réponse rapide, nette et concise me déconcerta un peu. Je ne savais pas trop comment le prendre. Je me dis juste qu'il avait dû analyser mon comportement, ou quelque chose dans le genre, et qu'il en avait déduit que je n'avais aucune intention hostile à son égard. C'était quand même assez impressionnant, si c'était le cas.

Je levai lentement le bras gauche, passant ma main dans la fenêtre de ma bulle, et ma main frôla celle de Jonah lorsque je pris la fourchette. Je ne sus trop pourquoi ça me fit autant d'effet. Peut-être que je n'étais plus habitué aux contacts de ce genre.

Je mis la fourchette dans ma bouche, en me rendant bien compte que la partie droite de mon visage ne bougeait pas de la même manière, et, une fois ma nourriture consciencieusement mastiquée, je rendis la fourchette à Jonah, qui le remplit de nouveau avant de me la tendre. Cela prit du temps, mais j'arrivai au bout de l'assiette.

Après, nous sommes passés à la viande. La satisfaction que j'éprouvais à chaque bouchée, ainsi que la réaction que j'avais eue lorsque Jonah m'a demandé quelle viande je mangeais, me confirmèrent que j'aimais vraiment ça. Peut-être Jonah l'avait-il compris, aussi, et m'avait fait manger mes légumes et mes pâtes avant, pour garder le meilleur pour la fin ? Ce n'était pas impossible. Les capacités de perception de mon sauveur étaient évidentes, maintenant.

Le steak fut suivi d'assez près par un dessert au choix, et j'optai pour la tarte aux poires. C'était le premier fruit qui m'était venu en tête, et, tout comme pour le steak, j'avais eu raison de me fier à mon intuition. Le plus drôle, dans le sens le plus étrange, c'est que, à aucun moment, je ne me suis rendu compte que j'avais faim. J'ai fait ce constat seulement lorsque je me suis senti comme rassasié une fois mon repas consommé.

-Très bien, déclara Jonah en redescendant du tabouret avec ma dernière assiette. Vous sentez-vous un peu mieux ?

-Physiquement, ce n'est toujours pas ça, mais mentalement, oui. Au fait, pourrais-je voir à quoi je ressemble ?

-Oui, bien sûr. Si vous pensez être prêt à voir votre tronche, je peux vous amener un miroir.

-Je ne sais pas si je suis prêt, mais je dois savoir.

-Logique. Je reviens tout de suite.

Jonah repartit avec le plateau repas, et je poussai un soupir. Donc il y avait bien un truc avec mon visage. Maintenant que j'avais les mains libres, ou plutôt la main libre, je touchai ma joue droite du bout des doigts. Même si j'avais des gants, je sentais clairement qu'il y avait quelque chose que je ne sentais pas sur ma joue gauche. Une espèce de paroi cutanée supplémentaire, rugueuse et un peu flasque, qui allait de ma mâchoire à mon sourcil, en traversant mon œil. Si ça ressemblait ne serait-ce qu'un peu à ce que je voyais sur mon bras droit, je comprenais pourquoi Jonah m'avait pris pour un alien, et pourquoi il m'a demandé si j'étais sur de vouloir voir mon visage. Mais il fallait que je sache.

Jonah quelques minutes plus tard avec un grand miroir, qu'il plaça devant moi. Cela fit que je pus constater les dégâts.

La substance grisâtre qui avait englouti mon bras était non seulement sur mon visage, comme je l'avais entrevu plus tôt, mais aussi sur tout le reste de mon côté gauche. Je n'avais pas pu le voir à cause de mon bras monstrueux, qui prenait une bonne partie de mon champ de vision. Mon visage était donc à moitié grisâtre à moitié pâle, et mon œil droit était décoloré, contrairement à son jumeau, qui était d'une couleur noisette timide mais vivante. La peau grise que je croyais s'arrêter à ma mâchoire continuait en réalité dans mon cou, sur le côté droit de ma gorge, avant d'aller rejoindre mon épaule absente et mon bras purulent. Il manquait une bonne partie de mon vêtement, alors je pus voir que la peau nécrosée prenait toute la partie droite de mon torse, quasiment jusqu'au sternum, et continuait à longer mes côtes jusqu'à ma taille. Mes jambes étaient, pour une raison inconnue, épargnées. Cela me fit me demander de plus en plus comment c'était arrivé.

-Alors ? Le verdict ? me demanda Jonah alors que je me regardais de haut en bas pour la troisième fois

-Je n'avais aucune image de moi-même, et maintenant j'en ai une, dis-je d'un ton neutre. Je voudrais quand même savoir ce qui m'est arrivé.

-Le virus C.

Jonah et moi regardâmes en même temps vers la porte, où une jeune femme avec de longs cheveux noirs venait d'apparaître. J'avais reconnu la voix de la deuxième personne qui m'avait sauvé, et elle avait les mêmes yeux que Jonah, donc je devinai que c'était sa sœur. Celle-ci s'approcha de son frère, un dossier à la main.

-Salut frangine, dit Jonah. C'est bien ce qu'on pensait ?

-C'est bien ce qu'on pensait, confirma Anna.

-Vous êtes un sacré veinard, Piers, dit Jonah en me regardant. D'habitude, les gens perdent leur conscience après très peu de temps.

-Ce n'est pas de la chance, Jonah, dit sa sœur. Regarde les relevés.

Elle lui tendit le dossier, et il le prit avec un regard intrigué. Je fronçai les sourcils, alors qu'Anna s'approchait de mon cocon, dont la fenêtre était encore ouverte. Elle me fixait, silencieuse, et moi-même, je ne savais pas quoi dire. Elle redescendit du tabouret lorsque son frère poussa une manifestation éloquente de surprise.

-Comment est-ce possible ? s'exclama-t-il. Je pensais que les variables…

-Les variables ne sont pas infaillibles, le coupa Anna. La preuve. Nous partons. Maintenant.

-Je vais préparer nos affaires, opina Jonah avant de partir

-Qu'est-ce qui se passe ? demandai-je

-Pas le temps de vous expliquer. On lève le camp, je vous dirai tout une fois que ça se sera tassé. Je vous le promets.

J'acquiesçai très vaguement, et Anna se mit à taper très vite sur le clavier de l'ordinateur, faisant mon cocon s'ouvrir en entier. Je réussis à mettre un pied devant l'autre, mais un côté de mon corps était nettement plus lourd que l'autre, je gardais un équilibre précaire. Anna était là pour m'attraper, au cas où. Alors que j'arrivai finalement à quitter la pièce, Jonah reparut avec une valise noire, comme un attaché case, qu'il tendit à Anna, avant d'échanger de place avec elle.

-Où va-t-on ? demandai-je

-Ailleurs, me répondit Jonah. L'important, c'est de ne pas rester ici.

-Vous ne pouvez vraiment pas m'expliquer ? insistai-je

-Courir avant. Parler ensuite, articula-t-il

Je finis par céder, et je me mis à détaler dans la maison, précédé par Anna et suivi par Jonah, à la vitesse maximum que je pouvais atteindre. Plus rapidement que je ne le pensais, nous fûmes arrivés à l'entrée, et, devant, une camionnette nous attendait. Je fus invité à monter à l'arrière, pour des raisons évidentes. Il y avait une petite vitre sur la porte arrière de la camionnette, alors je regardai négligemment dehors. Dès que le moteur se mit en route, je vis la maison brûler rapidement et d'un coup d'un seul, comme une énorme réaction chimique. Mes chauffeurs m'invitèrent à prendre mes aises, car la route serait longue, alors je me laissai tomber en arrière, regardant le plafond sombre de la camionnette.

Je ne savais pas où j'allais, mais au moins, j'allais quelque part. C'était mieux que rien.