Le beau-père
Prologue
La guerre faisait rage. Un soldat étendu sur le sol agonisait. Un chevalier. Un époux. Un père de famille. La main sur la blessure ensanglantée, il repensait à sa femme et à son fils. Sa femme, de nature si craintive et fragile, elle s'appelait Anna. Dès qu'il partait en guerre, elle le suppliait de renoncer même si il serait pris pour un déserteur. Cette fois-ci, elle lui présentait l'enfant. N'était-ce pas une bonne raison de rester auprès des êtres qu'il aimait ? L'honneur et la fierté lui dictaient de se ruer sur le champ de bataille, ce qu'il fit. Son fils, âgé de quelques mois, un nourrisson curieux, bruyant et joueur, il se nommait Gauvain, un beau bébé, déjà très fort. Il serait sûrement chevalier, comme son père. Un sourire s'esquissa sur les lèvres du mourant.
Bientôt, les images s'arrêtèrent de défiler dans son esprit. Un vent glacé l'enrobait. Un vent de mort. Son souffle faiblissait. Il ne respirait plus. La dernière chose qu'il vit était les corps inertes de ses camarades et ennemis embués par les larmes de remords qui perlaient au creux de ses yeux. Il se noyait dans son sang, ce sang si rouge qui l'enveloppait. Il était mort. Son ultime pensée allait vers sa famille : qu'allaient-ils faire sans lui, sans l'homme de la maison ? Il n'y avait jamais songé, car trop fier, il ne pensait jamais perdre cette bataille. Mort.
Son corps pourrirait le temps que les autres chevaliers de l'armée de Carléon restituent les cadavres des morts au combat. Des hommes annonceraient la mauvaise nouvelle au proche des victimes. Celles-ci se morfondraient jusqu'à hurler de douleur. Ils brûleraient les cadavres pour libérer les âmes. Et là, ces morts trouveraient le repos.
Pourtant, lorsqu'on lui annonça le triste événement, elle ne fit que nier. Elle ne le croyait pas. Pour elle, son époux reviendrait comme à chaque fois. Il ne pouvait pas lui faire ça, la laisser seule avec l'enfant. Il y avait bien les domestiques, mais avec quoi les paierait-elle ? Elle en deviendrait folle. Peut être tuerait-elle le nourrisson ? Qu'adviendrait-il d'eux ?
Les hommes portaient sur la charrette le corps sans vie du chevalier. Ils la menèrent en cette direction, et lui montrèrent la tête défraîchie du mort. Quelques tâches de sang séchées se remarquaient. Non, il était bien mort. Non. L'enfant dans ses mains, elle manqua de le faire tomber à terre, elle le confia à une domestique. Elle s'appuya contre la charrette, détourna son regard du cadavre. Elle reprenait son souffle qui se faisait de plus en plus difficile. La jeune veuve éplorée rendit son repas ainsi que sa bile. Les hommes s'éloignèrent d'elle pour éviter de salir leurs vêtements. Ils se saisirent du corps et tentèrent de le déposer. La femme refusa catégoriquement, elle ne voulait plus le voir. Ils réinstallèrent le cadavre dans la charrette et partirent sans un mot, telle une faucheuse.
Elle explosa d'une rage et pénétra dans la bâtisse, détruisant les souvenirs de son époux. Elle s'arrêta un instant, ordonna à tous ses serviteurs de partir et de la laisser seule avec l'enfant. De l'espace. De l'espace pour respirer, Anna avait le sang chaud, elle suait malgré le froid. Le bébé pleurait, elle le réconforta un instant puis vit dans les yeux innocents de son fils le reflet de son défunt mari. Elle le laissa là dans son petit berceau. Les cris de l'enfant se firent de plus en plus imposants, elle cria d'une traite « Assez ! » et le petit s'arrêta, jetant des regards d'incompréhension. Il était mort.
À suivre
...
Chapitre 1, presque fini. Je voudrai connaître votre avis ^^ (constructif si possible). J'ai trouvé assez intéressant de développer le passé des chevaliers, j'en ai écrit une sur Perceval, peut-être la publierai-je un jour...
