Disclaimer : Harry Potter est à JKR, et l'inspiration de cette micro-fiction me vient tout droit des vénérés Signal 911 et Le livre sans nom.
Bonne lecture.
.1.
Harvie Skinner jura. Ce connard de Bill Jefferson, alias son très cher et très adorable voisin, avait encore laissé traîner ses poubelles devant sa porte. Bon, d'accord, ils se détestaient tous les deux le plus cordialement du monde. D'accord, une fois encore, il se souvenait d'avoir jeté à Halloween dernier, sans raison apparente et sans préambule, une corbeille entière d'œufs qu'il avait pris soin de laisser pourrir dans un coin de son jardin pour l'occasion. Et d'accord, pour finir, ce bon vieux Bill ne méritait pas totalement l'attention.
Mais quand même. C'était la troisième fois cette semaine.
Quoique. Il y avait peut-être anguille sous roche. Les deux fois précédentes avaient peut-être été une de ses ruses machiavéliques afin de pourrir la vie de son malheureux voisin qui n'avait absolument pas mérité pareil traitement. Et puis, c'était Halloween. Quel anglais digne de ce nom pouvait oublier ça ?
Peut-être que les poubelles allaient lui exploser à la figure s'il les touchait. Peut-être que le sac allait rester collé à ses doigts.
Ou peut-être que Jefferson était juste un gros porc.
Qu'importe, il n'allait pas se laisser faire. L'affront à peine constaté, il rentrait chez lui en claquant la porte pour enfiler la première paire de gants qui se trouverait à sa portée. Lesdits gants étaient certes rose bonbon avec des fleurettes, servaient peut-être à la lessive et étaient peut-être la propriété de sa femme, il n'en manquait pas moins qu'il allait se faire une joie de rendre à son merveilleux voisin la monnaie de sa pièce.
Il sonna résolument.
Au bout d'une dizaine de coups de poing dans l'interphone et du passage d'une quinzaine de gamins qui ricanèrent en pointant du doigt les sublimes gants, et alors qu'Harvie n'avait plus pour lui que son honneur en miettes et les nerfs en pelote, la porte s'ouvrit sur un Bill Jefferson en pyjama, complètement paumé et parfumé au vinaigre.
Enfin.
Sa vengeance.
Et, victorieusement, Harvie vida le sac poubelle sur le malheureux habitant du 13 square Grimmaurd.
« NON MAIS VOUS ETES COMPLETEMENT MALADE ?! »
Harvie sourit, heureux qu'on mette le sujet sur le tapis. Ah ça oui, il l'était. Malade de joie. Il avait vu sa tête, l'autre porc ? Et son odeur ? Sûr que ça devait mieux lui correspondre que les gousses d'ail qui lui servaient de dentifrice. Gentil voisin, adorable voisin. Joyeux Halloween…
« Ça vous apprendra à vous souvenir où mettre vos déchets » répliqua l'occupant du 11 avec une grande grimace greffée sur ses traits. « Et surveillez votre porte. On ne sait jamais ce qui pourrait arriver un jour d'Halloween. »
- C'est une menace ?
- Où est-ce que vous êtes allés chercher ça ?
- C'est une menace ! »
Harvie secoua la tête, tandis que le teint de son voisin violaçait à vue d'œil. Le pauvre était si stupide… non mais, quelle plaie !
« Vous êtes complètement dingue » lâcha-t-il avec mépris.
Et il se détourna, satisfait, tandis que l'autre s'égosillait dans le vide. Pas fichu de le suivre, puisqu'il était en pantoufles. Pas étonnant que cet imbécile n'ait pas de bonne femme. Qui aurait voulu de lui ? Et d'ailleurs, en parlant de bonne femme, il fallait qu'il se dépêche de remettre les gants à leur place, sans quoi la matrone…
Un hurlement suraigu coupa court à la discussion. Harvie se retourna, étonné que son énorme voisin puisse produire un tel son.
Ce n'était pas lui, vu la tête ébahie qu'il avait.
Et le cri, tout proche, continuait de résonner et de lui percer les tympans. On aurait dit, au choix, un grincement de porte, un crissement de craies, un cochon qu'on égorge, un frottis de métal contre le métal, un appel de mort vivant… un appel de mort vivant ?
« Faites taire votre maîtresse » commanda-t-il à son voisin en se bouchant les oreilles. « Elle a un cri à en réveiller les morts ! »
- Mais.. mais… bégaya l'autre. Ce n'est pas ma maîtresse !
- Comment ça ?
- Ça vient de chez vous. »
L'homme blêmit. Se pouvait-il qu'on assassine sa femme ? Qu'elle se soit aperçue de la disparition de ses gants ? Qu'elle les ait cherchés et… et qu'elle ait eu une vue sur la rue ? Qu'elle sache à quel usage ingrat il les réservait ?
Impossible, se morigéna-t-il. Il n'y avait personne à sa fenêtre.
Et puis, ça venait de chez l'autre.
« Vous avez des problèmes d'audition » ironisa-t-il. « Ça fait longtemps ? »
Devant l'absence de réponse, il frissonna. Le bruit s'était tu. Son très cher voisin avait l'œil vide et le visage blême, si possible il était qu'un visage le fut tout autant après une telle crise de fureur. Ses dents se mirent à claquer, et ses genoux manquèrent de ployer.
Superstitieux, le dédaigna Harvie. Tout ça parce qu'on était à Halloween…
Mais lentement, mu par une force inconnue, le voisin tendit le doigt. Un doigt pâle, tremblant. Et Harvie, pas si stupide, suivit la direction qu'il indiquait, à savoir tout bêtement le mur qui séparait leurs deux propriétés du 11 et du 13.
C'était un mur. Rien de plus fabuleux.
Cet homme était dérangé.
Et puis soudain, Harvie la vit. Sortant comme par magie des vieilles pierres, une silhouette distordue. Le cou brisé, la crinière flamboyante sur des hardes teintées de pourpre, maculée d'une substance poisseuse qui gouttait sur le sol, écarlate. La forme d'un bras tendue vers l'avant, excroissance effilée chargée du même liquide sombre.
La Chose éclata d'un rire hystérique.
Et soudain, les éléments se déchaînèrent.
