Après une bien longue absence me revoilà! :)

Avec la formule « Et si? », il y a un monde de possibilités. J'ai décidé de me pencher sur la question « Et s'ils ne s'étaient pas rencontré de la façon que l'on connait? ». Auraient-ils seulement pu se connaître en d'autres circonstances? Un tas d'idées m'est venue en tête, dont deux plus imposantes que les autres. J'ai décidé de les coucher toutes deux sur papier pour me les sortir de la tête. Comme je trouvais qu'un One-Shot se valait autant que l'autre, j'ai aussi choisie de poster les deux.

* Prendre note que les 2 fanfictions ne se suivent pas et n'ont aucun rapport, aucun lien entre elles.

Bonne lecture! :)


One day someone is going to hug you
so tight that all your broken pieces
will stick back together.

Un ciel sans nuage affichait un soleil haut et éclatant, et une température douce et chaude laissait présager, ou à tout le moins espérer, un printemps hâtif. L'ambiance de la ville était effervescente, comme si les New-Yorkais se réveillaient après un long engourdissement. Les gens étaient allègres, souriants, certains avaient délaissé leurs épais manteaux, d'autres se prélassaient sur les bancs de parc, le visage offert aux vifs rayons. L'humeur joyeuse des passants contrastait atrocement avec celle de Kate Beckett.

Tête baissée, emmitouflée dans un long manteau, la chaleur semblait avoir oublié de l'atteindre ou était-ce l'affliction qui l'habitait depuis peu qui créait ce bouclier invisible. Depuis 2 mois, cette tristesse mêlée à une implacable douleur ne la quittait plus, faisant corps avec tous les pores de sa peau, envahissant sa tête, ravageant son cœur et la laissant trop souvent le souffle court.

L'assassinat de sa mère, cette soirée du 9 janvier, avait marqué sa vie entière, la changeant à jamais et transformant du même coup sa personnalité et tout son être. Elle se retrouvait plongée dans un abîme sans fond et sans lumière, une tempête oppressante qui lui avait fait perdre ses repères. L'esprit de Kate était devenu comme un tourbillon, tournoyant sans fin pour émerger de la noirceur, remonté du néant vers la conscience, mais un instinct le refoulait et, glissant et dérapant, il retombait dans l'obscurité, loin de l'intolérable vérité. Cette lutte qu'elle menait indéfiniment entre le déni et l'absence manifeste de sa mère épuisait ses forces, la rendant chaque jour toujours un peu plus pâle, de larges cernes foncés marquant sa peau sous ses yeux.

En l'espace d'une nuit, elle s'était retrouvée désemparée, hagarde et orpheline. Non seulement elle devait maintenant apprendre à vivre sans mère, mais au cours des mois suivants, elle constata qu'elle avait également perdu son père. Petit à petit, elle le voyait s'enfoncer dans un abysse d'alcool, d'incompréhension et de profonde douleur. Ils étaient deux naufragés partis à la dérive apprenant, chacun à leur façon, à nager et à respirer.

Ils étaient ensemble, mais seuls. Père et fille tentant de survivre à ce deuil, en parallèle.

Kate devait admettre que son comportement l'inquiétait, se demandant si l'alcool allait prendre toute la place, si dans quelques mois la situation n'aurait pas empiré, creusant d'avantage ce fossé entre eux.

Pour le moment, la jeune femme savait qu'il n'y avait qu'elle sur qui elle pouvait compter. Sa souffrance n'avait pas de répit et elle-même ne croyait pas encore au fait que Johanna Beckett ne serait désormais plus de ce monde, mais tôt ou tard elle savait qu'elle devrait faire quelque chose pour son père, elle ne pouvait décemment pas le laisser se détruire à petit feu. Mais elle avait sa propre tourmente, son immense chagrin, et c'était bien assez pour elle.

Elle avait abandonné l'université sachant que d'étudier à Stanford loin de la maison, alors que les policiers procédaient à une enquête pour trouver le meurtrier de sa mère, elle ne serait jamais parvenue à terminer son semestre. Kate devait être chez elle, près de son père, à espérer que le coupable soit mis derrière les barreaux. Mais l'enquête piétinait et tout ce que les policiers pouvaient confirmer pour le moment était que sa mère s'était retrouvée au mauvais endroit, au mauvais moment et que cela avait tout l'air d'un meurtre commis par un gang de rue. Une initiation d'un membre ou tout simplement un crime gratuit et spontané.

Alors que la jeune femme devait composer avec la perte de sa mère, l'enquête qui n'avançait pas et ne donnait aucun résultat devenait un poids supplémentaire sur ses frêles épaules. Elle ne parvenait pas à croire que les enquêteurs se satisfaisaient de cette réponse alors qu'elle savait parfaitement que c'était impossible.
Jamais Johanna Beckett ne se serait retrouvée seule dans une ruelle mal famée. Ils devaient d'avantage fouillé, chercher, interroger, si ce n'était pour sa mère, alors pour eux, pour ceux qui restaient. Elle ne comprenait pas comment ces officiers de police réussissaient à vivre en sachant qu'un meurtrier courait toujours et que la famille de la victime en souffrait.

En deux mois, elle était donc revenue dans la maison familiale avec son avenir d'avocate mis sur la glace. Son père n'avait jamais protesté à ce propos, pourtant si fier que sa fille choisisse et soit acceptée à Stanford et son école de droit. Sans avenir, sans parents, elle savait qu'elle se tenait à la croisée des chemins, la mort de sa mère changeant tout, mais souhaitait que ce changement ne soit pas vain.

Depuis ces deux derniers mois, chaque fois qu'elle se retrouvait en public, Kate s'étonnait que les autres puissent continuer à être heureux. Que pour eux, leur vie se poursuivait alors qu'elle percevait la sienne comme mise en attente. Elle avait cet impression de retourner parmi les vivants ces fois comme aujourd'hui où elle était entourée de gens.

Le nez enfouit dans le col de son manteau, elle dépassa trois femmes qui papotaient joyeusement. Son père ne remarquerait probablement son absence que lorsqu'elle reviendrait à la maison. Il s'était barricadé dans sa chambre avec ses souvenirs et tous les effets personnels de sa femme qu'il n'avait pu encore jeter.

C'était la première fois que la jeune femme sortait depuis une semaine et elle y tenait. Depuis quelques années, elle était fan d'un auteur de romans policier, Richard Castle. Il avait fait sa marque avec une série de livres sur les aventures de Derrick Storm et Kate avait rapidement accroché sur son style d'écriture, les histoires rocambolesques et les détails impressionnants concernant les scènes de crime.

Jusqu'à tout récemment, ses romans n'étaient que pur divertissement pour elle, mais avec ce qui lui était arrivé, elle avait repassé toutes ses histoires en revue, annotant dans la marge des pages les indices que l'auteur laissait en cours de route, décrivant comment les inspecteurs menaient leur enquête. Ce personnage était devenu comme un alter-ego, haut en couleur, intelligent, tenace et débrouillard.
En parcourant de nouveau ses livres, Kate ressentait une forme de sérénité inexplicable, sorte d'accalmie dans cette tempête harassante. Elle retrouvait une certaine tranquillité dans sa relecture et ce besoin de trouver tous les indices menant au tueur, auxquels elle n'avait accordé que peu d'importance à la première lecture. Avec la sortie d'un nouveau roman qu'elle pourrait se mettre sous la dent et la venue de cet écrivain dans une librairie de son quartier pour une séance de dédicace, Kate avait toutes les raisons de vouloir sortir et s'approprier les nouvelles aventure de Derrick Storm.

Bien qu'elle appréciait le talent de Richard Castle, elle n'avait aucune intention de le rencontrer pour qu'il signe son exemplaire. Il y aurait probablement une horde de gens, des heures d'attente et elle n'était pas intéressée à se mêler à des fans prêts à tout, surexcités et expansifs.
La librairie, orientée face à un parc d'amusement pour enfants et entourée de cafés bohèmes et d'antiquaires, était la favorite de Kate de toute la ville. Elle y avait passé durant toute son adolescence un nombre incalculable d'heures à parcourir tous ses rayons, se retrouvant très souvent assise dans un coin, plongée dans quelconque bouquin.

Le soleil continuait de plomber et elle prenait son temps.
Les passants qui la croisaient évitaient soigneusement de la regarder. Elle savait ce qu'ils pensaient et ce qu'ils voyaient. Elle connaissait leur expression de surprise, leur regard inquiet face à cette fille décharnée, des cernes foncés sous les yeux, les joues creuses et surtout, ce regard hanté et lointain. Si de prime abord son allure ne les déconcertaient pas trop, certains tentaient d'engager la conversation, mais ils étaient vite éloignés par cette froideur et cette dureté qu'elle trainait avec elle. Mais Kate ne s'en rendait tout simplement pas compte, ce n'était pas des airs qu'elle voulait se donner, elle était devenue ainsi, point.

La jeune femme tourna le coin de la rue et se retrouva devant une file de gens. Même si elle avait vu juste, elle eut un mouvement de surprise et étira le cou pour évaluer la longueur de la procession. Si autant de fans étaient au dehors, la librairie devait être alors plus que bondée. Elle estima le temps d'attente d'au moins deux heures, mais se faufila tout près de la lignée de fans patients, remontant ainsi jusqu'aux portes de la boutique et entra.
Les lieux bourdonnaient d'activités et de conversations et comme elle l'avait prédit, il y avait foule. Elle parcourut la pièce des yeux et entr'aperçut Richard Castle tout au fond, signant inlassablement. Elle s'avança jusqu'à un énorme étal qui exposait le nouveau roman de l'heure. Elle admira un moment la couverture, puis se saisit d'un exemplaire, parcourut rapidement le résumé, feuilleta le livre en humant l'odeur des pages neuves, l'ombre d'un sourire dansant sur ses lèvres.

Richard Castle croyait aux pressentiments. Il était de ceux qui évoluaient d'après leur instinct, accordant avec respect une attention à ce que son intuition pouvait lui souffler. Ce matin, il s'était réveillé avec l'impression que cette journée allait être décisive, comme une étape déterminante pour la suite. La suite de sa carrière ou de sa vie, il n'était pas arrivé à définir ou préciser ce sentiment. En signant une copie de son livre pour une jolie blonde pulpeuse, l'écrivain se disait pourtant que cette séance de dédicace avait toutes les chances d'être le lieu idéal pour qu'arrive ce moment crucial.

Il aimait ces après-midi passées à rencontrer ses lecteurs, savourer leurs compliments et connaître leurs commentaires variés. Il devait bien admettre que le plus souvent c'était des jeunes femmes séduisantes qui se présentaient, davantage intéressées d'obtenir son numéro de téléphone plutôt qu'un autographe. Ce n'était pas pour lui déplaire, au contraire il avait fréquemment bénéficié de leurs avances à peine voilées. Il avait pour leitmotiv de profiter de la vie et de tous ses plaisirs et il ne s'en privait pas.
Cependant, cet univers de faste, ces rencontres momentanées, ces soirées de luxe arrivaient parfois à le lasser. Il aimait les avantages sociaux que son statut d'écrivain célèbre lui procurait; les meilleures sièges à un concert, une table dans les restaurants les plus courus, avoir pour partenaires de poker les auteurs de best-sellers les plus reconnus, mais il en avait assez quelquefois de cette futilité et se demandait si ce qu'il faisait comme métier avait réellement un sens, une utilité quelconque.

Richard retint un soupir et avisa la file devant lui qui ne semblait discontinuée. Parmi cette marée de filles au décolleté plongeant et au sourire immaculé, il remarqua une jeune fille au loin, face à un étalage de son livre, qui détonait des autres. Engoncée dans un long manteau de laine, de longs cheveux sombres retombaient sur ses épaules, il pouvait voir sur son visage blafard un mince sourire courir sur ses lèvres. Il ne put poursuivre son examen, une brunette hystérique venait de lui mettre une petite culotte rose sous le nez lui demandant de la signer. Richard eut un grand éclat de rire et s'exécuta. Puis vint une autre, et encore une autre, certaines avec une copie de son roman, d'autres pas.

Plus tard il la revit, cette fille hâve à la crinière sombre, errer dans les rayons de la librairie, nullement pressée semblait-il à venir faire autographier l'exemplaire qu'elle tenait serrer contre son cœur.

Le nouveau best-seller à la main, Kate s'attarda dans son endroit préféré. Elle arpenta un moment les rayons qu'elle connaissait par cœur puis, sans qu'elle ne s'y attende, les souvenirs la percutèrent de plein fouet. Ceux d'un temps révolu, l'adolescence, mais surtout ceux de l'insouciance. Cet état qu'elle avait perdu la nuit du 9 janvier en même temps que sa mère et qu'elle ne retrouverait jamais plus. Ce temps où la vie était facile, où elle ne se doutait pas que l'existence pouvait être si cruelle. Toute naïveté ou candeur s'étaient éteintes en elle, de même que l'étincelle de fougue dans ses yeux. Plus rien de tout cela ne reviendrait et cette constatation lui coupa le souffle, fit se dérober ses jambes sous elle. Elle se retint à une étagère, mais aucune force ou résistance ne pouvait la maintenant debout et elle glissa contre le meuble.

Assise au sol, le dos appuyé aux livres, elle ne put contenir ses larmes et c'est le visage enfoui dans ses bras qu'elle pleura la perte de sa jeunesse et son début de vie de femme entamé brutalement. Le deuil de tout ce que contenait sa vie d'avant. Elle pleura son père qui ne semblait plus voir qu'elle existait, qui avait oublié d'être un père et d'agir comme tel. Et puis, à travers ses sanglots, pointa une solution. L'idée lui semblait si claire qu'elle se demanda pourquoi elle n'y avait pas songé plus tôt. Cette évidence lui fit sécher ses larmes et relever la tête, analysant cette perspective sous toutes ses coutures.
Mais sa décision était prise et elle avait maintenant un avenir, du moins un but. Elle passa une main sur son visage pour effacer toute trace de larmes et se remit sur ses pieds.

Étonnamment, la file de fans avait considérablement diminuée et seulement une vingtaine de personnes attendait leur tour. Elle avait constaté pendant l'après-midi que la plupart des lecteurs étaient des femmes enthousiasmées de présenter leur décolleté à l'écrivain.

Elle était maintenant assez près de la table de signature et pouvait voir Richard Castle et ses réactions face à leurs attitudes si peu dissimulées. C'était la première fois qu'elle voyait son auteur favori et elle le trouva charmant. Il semblait affable avec tout le monde et riait lorsqu'on lui demandait de signer un buste ou tout autre bout de peau, mais se prêtait de bonne grâce aux exigences de ses lectrices. Elle étudia son visage, ses perçants yeux bleus, son sourire mutin et ne pouvait s'empêcher de le trouver beau.

Richard s'était aperçu qu'elle l'observait. Du coin de l'œil, il l'avait vu s'arrêter près de la table, mais demeurer en retrait, le dos appuyé contre une colonne de brique, les mains fourrées dans les poches de son manteau, son livre coincé sous le bras. Il lui jetait fréquemment de furtifs coups d'œil, la révélant plongé dans de profondes réflexions. Il ne savait s'il en était l'objet, mais son regard grave et pénétrant le déstabilisait. Il se dégageait d'elle une impression de tristesse, accentuée par son visage soucieux. Cette frêle jeune femme le désarmait et l'émouvait tout à la fois et il ne put s'empêcher de tourner la tête dans sa direction et d'accrocher son regard pour la première fois. Il vit chez elle un imperceptible mouvement de recul, et lui sourit pour la rassurer.

Il avait perdu le rythme dans ses dédicaces et une rousse s'impatientait devant lui. Il retourna à ses fans, la lignée ne consistant plus qu'à une demie douzaine de personnes. La librairie demeurait cependant comble et vint un moment où il la perdit de vue.

Kate ne savait pas pourquoi elle restait. Elle avait l'envie et le besoin de se retrouver seule, mais quelque chose la retenait. Elle avait été surprise, plus tôt, de croiser le regard de Richard Castle. Ses yeux bienveillants l'avaient décontenancé un moment et lorsqu'il lui avait adressé un sourire franc, elle avait deviné un côté de lui masqué sous son vernis de grande confiance. Elle avait senti ce sourire sincère et révélant une facette sensible de sa personnalité qu'elle n'aurait pu soupçonner.
Peut-être était-ce tout ce dont elle avait besoin. Quelqu'un qui la regarde véritablement dans les yeux alors que tous les autres l'évitaient consciencieusement.

Et quand elle se rendit compte que plus personne n'attendait en file, Richard Castle apparut devant elle. Sa stature était imposante, des épaules larges et un corps athlétique. Un air de totale assurance était toutefois dilué par un sourire apaisant. Kate se sentit tout à coup paralysée.

« Bonjour! »

Kate cligna des yeux à plusieurs reprises, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Richard ne sembla pas s'en formaliser et continuait de lui sourire.

« Tu attendais jusqu'à la toute fin pour que je signe ton exemplaire? »

Il pointa de son index le livre qu'elle tenait entre ses mains. Elle contempla la couverture et secoua la tête.

« Non… souffla-t-elle, inaudible. »

Ses yeux toujours rivés au roman, Kate ne savait quoi répondre. Qu'elle aimait ce qu'il faisait, mais ne se voyait pas comme ces centaines de femmes surexcitées et sans orgueil. Qu'elle n'avait pu quitter la librairie avant de considérer son auteur favori en action et connaître son attitude face à cette popularité toute féminine. Qu'en la regardant droit dans les yeux, qu'en lui accordant un sourire honnête, elle avait ressenti un réconfort provisoire, mais salutaire.
Elle releva la tête, se mordilla la lèvre inférieure, hésitante.

Richard la voyait tergiverser, froncer les sourcils, cherchant une réponse valable. Il pouvait maintenant mieux détaillé son visage levé vers lui. Malgré qu'ils soient émaciés, ses traits tout en angles affichaient une beauté certaine. Elle n'avait assurément pas plus de vingt ans et il fut étonné que son regard porte la marque d'une blessure à un si jeune âge. Ce malheur semblait si vif, si présent, qu'il ne pouvait qu'être récent. Et alors qu'il se disait en toute humilité qu'il devait parler, la toucher ou simplement la prendre dans ses bras afin de lénifier un peu cette déchirure, on lui saisit le coude dans un geste de possession, s'y accrocha et une voix haut perchée cassa l'air suspendu.

« Rick, je te cherchais partout ! »

Grande, une silhouette sculpturale, de longs cheveux blonds platine lui cascadant dans le dos, Madison, sa nouvelle conquête des deux dernières semaines, se tenait à ses côtés, le visage aux allures vexés.

Il lui adressa un sourire indulgent, néanmoins légèrement agacé.

« Je discutais avec cette jeune personne, répondit-il se tournant vers Kate, ses lèvres s'étirant en un sourire davantage chaleureux. »

La jeune femme demeurait stoïque. Madison dirigea son regard vers elle, la dévisagea de haut en bas, un sourcil levé. Kate ressentit toute la condescendance possible dans cet examen, la séduisante blonde évaluant si elle était une menace potentielle. Celle-ci dégageait tant d'arrogance et d'avidité que cela la vieillissait prématurément, alourdissant ses traits. Elle reporta rapidement son attention vers son partenaire, s'écriant, excédée;

« Allez, on part d'ici au plus vite ! C'est d'un ennui mortel ! »

La remarque figea un instant Richard, puis il pivota vers Madison;

« Je t'ai dit que j'étais en conversation avec quelqu'un, chuchota-t-il. »

Kate trouvait inopportun d'assister à une conversation qui ne la concernait pas et dont elle n'avait, de toute façon, aucun intérêt. Elle quitta donc la librairie sans demander son reste.

« Oui, mais tu sais qu'avec moi, tu auras quelque chose de beaucoup plus agréable qu'une conversation, murmura sa compagne, aguicheuse, s'approchant d'avantage de lui, le frôlant. »

En d'autres circonstances, Richard n'aurait pas protesté, aurait quitté prestement les lieux, envisageant les heures de plaisir qui s'offraient à lui. Pourtant, il trouvait inconvenant cette attitude provocante, et puis il tenait à discuter avec cette jeune fille qu'il venait de rencontrer et qui l'avait troublé sans qu'il ne sache trop comment. L'insistance de Madison commençait à l'irriter sérieusement.

« Écoute, si tu tiens tellement à partir, tu n'as … »

Sa main pointait la sortie, mais il venait tout juste de constater que la belle brunette n'était plus près d'eux, et sa phrase resta en suspens.

« Oh, super ! s'exclama-t-elle, joyeuse. Maintenant, tu n'as plus aucune raison de vouloir rester ici! »

Elle lui saisit la main et l'entraîna vers les portes de la sortie. Le jeune écrivain promena une dernière fois son regard dans la pièce et il dût admettre qu'elle les avait quittés sans aucune parole à son égard. « Je suis bête ou alors totalement égocentrique, se dit-il. Après tout, elle n'était pas venue pour me rencontrer, elle a refusé ma dédicace. »
Il suivit Madison sur le trottoir et il allait monter dans le taxi que la jolie blonde venait de héler lorsqu'il l'aperçut. Assise sur une balançoire dans le parc d'amusement en face, elle regardait au loin, une poignée d'enfants hurlants et courant tout près. Personne ne semblait vouloir l'approcher. Il eu un pincement au cœur devant cette image. Sans osciller d'avantage, il poussa Madison dans le taxi et lui assura qu'il avait complètement oublié, mais il avait promit au propriétaire de la librairie de partager un verre et un cigare avec lui.

« Quoi?! protesta-t-elle, ahurie. Rick, c'est une blague, non? »

Elle voulut sortir du véhicule, mais il ferma la portière avant qu'elle ne put faire quoi que ce soit. Son ton plaintif lui rappelait un enfant boudeur qui faisait un caprice.

« Non, je ne plaisante pas, affirma-t-il en tapant trois fois du plat de la main le toit de la voiture, signifiant au chauffeur qu'il pouvait partir. »

Reculant prestement sur le trottoir afin qu'elle ne puisse le retenir, il s'entendit dire qu'il allait lui passer un coup de fil en soirée. Il attendit que le taxi ait tourné le coin de la rue avant de se diriger vers les balançoires. À l'entrée du parc, il marqua une pause, prenant un moment pour comprendre ce qu'il faisait là. Pourquoi il y tenait tant ? Mais aucune réponse rationnelle ne lui vint.
Il dut se résoudre à accepter cet attrait illogique.

Rick passa derrière la jeune femme et prit la place libre à ses côtés. Kate pencha légèrement la tête vers l'écrivain et ne put contenir une expression d'étonnement.

« Je suis vraiment désolé de ce qui s'est produit tout à l'heure, s'empressa-t-il de s'excuser. »

Ses yeux interrogateurs visés aux siens, elle haussa une épaule.

« Ça va, répondit-elle, stupéfaite qu'il soit là pour s'excuser. Je n'avais pas à assister à cette conversation de toute façon. »

Il fut ravi d'entendre sa voix pour la première fois, un ton doux, calme et profond, un brin éraillé.

« Madison peut être très envahissante parfois, constata-t-il sans donné plus d'explication. »

Rick laissa son regard errer sur le parc et les enfants chahuteurs. La jeune femme continuait de le contempler à loisir, sa remarque ayant éveillé sa curiosité. Elle demeura cependant muette sur ses interrogations.

« Tu viens souvent dans ce parc? »

L'auteur redirigea son attention vers elle. Celle-ci l'observait intensément et il nota qu'au-delà de tout, elle avait des yeux magnifiques. Magnétiques. La question sembla la désarçonnée et elle tourna vivement la tête dans la direction opposée. Kate ne saisissait pas pourquoi il devait s'attarder, faire semblant de s'intéresser. Il s'était déjà excusé, pourquoi cette attention vers elle? Elle se résolut néanmoins à répondre.

« J'ai passé presque toute mon adolescence dans cette librairie. C'est ma préférée de tout New-York. J'habite le quartier, alors je connais les environs comme le fond de ma poche. Le parc, j'y viens quand je veux réfléchir. »

Elle avait bredouillé ces paroles, tripotant son roman pour se donner une contenance. Rick accueillit ce flot d'informations avec joie, bien qu'il la sentait sur ses gardes.

« Réfléchir. C'est ce que tu faisais avant que j'arrive? »

Kate fit volte-face vers lui, troublée. Il avait visé juste. En quittant la librairie, elle n'avait pas trouvé la force de retourner chez elle, dans son monde saccagé. Comme elle avait pu le faire depuis deux mois, elle avait ressentit comme une nécessité de se retrouver seule avec ses pensées. Quand elle se trouvait en présence de son père, elle n'avait de cesse de s'inquiéter pour lui. Le parc lui donnait une tranquillité d'esprit dans ce vacarme dissipé enfantin.

Rick comprenait qu'il venait de toucher un point sensible, s'apercevant que les yeux de la belle brune s'emplissaient de désarroi et qu'il la voyait tenter de masquer sa confusion. Malgré un air de solitude et d'indépendance, une intense vulnérabilité émanait d'elle. Elle semblait lutter continuellement entre sa force et sa fragilité. On la dirait profondément meurtrie, intensément habitée, vibrante, comme si toute la tristesse possible s'était réfugiée en elle. Il y avait en cette jeune femme une densité qu'il n'avait jamais perçue, jamais reconnu en aucune autre personne. Tous ses gestes, chaque respiration, le moindre frémissement témoignaient de sa douleur dans sa plus forte acuité. Il ne connaissait pas l'origine de cette peine, mails il avait littéralement vu qu'avec sa question, il avait effleuré une partie de la pointe de l'iceberg. Il décida donc de dévier la conversation dans une autre direction.

« Mis à part que tu passes tout ton temps libre dans cette librairie, que fais-tu quand tu es occupée? Tu fais des études dans quel domaine? »

Encore, la question sembla la dérouté, mais un éclair d'opiniâtreté traversa ses yeux. L'idée que Kate avait eue entre deux rayons de la boutique cet après-midi lui revint à l'esprit. Ce but bienfaiteur l'emplissait soudainement de détermination.

« Je vais déposer ma candidature pour entrer à l'académie de police. »

Mettre des mots sur son projet le rendait encore plus tangible, possible. Rick la regarda avec un étonnement certain, mais elle voyait dans le regard qu'il lui portait une fascination mêlée de curiosité.

« S'il y a une seule chose dont je suis certaine aujourd'hui, poursuivit-elle, est que je veux devenir détective et, un jour, travaillé dans la brigade des Homicides. »

Le jeune écrivain garda le silence une poignée de secondes afin de savourer et d'admirer la volonté de cette écorchée vive. Puis, il lui sourit et hocha la tête.

« Je n'ai aucun mal à imaginer que tu y parviendras. »

Pour la première fois, il la vit sourire. Un vrai sourire, franc, et à défaut d'être joyeux, c'était ce qui s'en rapprochait le plus. Et comme si la réalité la rattrapa d'un coup, Kate perdit son sourire et jeta un coup d'œil à sa montre. Elle devait rentrer. Il se faisait tard et elle ne voulait jamais s'éloigner trop longtemps de son père.

« Je dois y aller, déclara-t-elle en se levant. »

Richard quitta la balançoire à son tour et, avec beaucoup de modestie, il osa demander;

« Je sais que tu n'es pas venue pour avoir une dédicace, mais j'aimerais bien écrire quelque chose. J'y tiens. »

Prise de court, elle acquiesça.

« Oui, bien sûr! »

Elle lui tendit son livre et Richard en fut ravi. Il griffonna une note et, satisfait, le lui rendit.

« Ça été un plaisir de vous rencontrer, affirma Kate.

- Oui, un vrai bonheur pour moi aussi. Il s'arrêta une seconde. Tu dois bien avoir un prénom, ajouta-t-il, badin. »

Elle eut un sourire en coin.

« Katherine »

Il hocha la tête, répéta le prénom doucement. La brunette lui tendit la main et l'écrivain, dans un élan spontané mais, lui semblait-il, juste, il s'avança et la prit dans ses bras. Kate se pétrifia un instant, mais le contact était si chaleureux qu'elle y répondit et se laissa aller à resserrer leur étreinte.

Il lui semblait que personne ne l'avait serré depuis une éternité.

Rick fut heureux qu'elle ne se soit pas cabré et l'enlaça avec toute l'affection possible. Ils finirent par se séparer et c'est sur un simple sourire qu'ils se laissèrent.

Elle le quittait. Déjà existante ailleurs, hors de portée.
En la regardant s'éloigner, il se rappela le pressentiment qu'il avait eu au réveil. Encore une fois, son intuition ne l'avait pas trompé.

Kate marcha d'un bon pas jusqu'à la maison. Elle avait eu une conversation avec son auteur préféré et il s'était avéré réellement intéressé à elle d'une façon qu'elle ne pouvait toujours pas s'expliquer. Soudainement, elle stoppa net et ouvrit le livre de Richard Castle. D'une écriture fluide, il avait écrit une dédicace qui la laissa interdite.

« Even on the worst days, there is a possibility for joy »

Elle rentra chez elle, la phrase tournant et retournant dans sa tête. En l'espace d'un après-midi, cet homme qui ne la connaissait pas avait su, bien inconsciemment, lui insuffler une force nécessaire et un but qui, elle en était certaine, changerait tout.

Un peu plus d'un an plus tard…

Kate Beckett marcha d'un pas rapide vers son appartement. Le froid était cinglant et les nuages bas couvraient tout. Elle avait hâte que le soleil et le printemps pointent enfin le bout de leur nez. La journée avait été éprouvante, mais elle voyait enfin une lumière au bout de ce long tunnel. Elle avait terminé première à l'académie de police, ses résultats irréprochables avaient impressionnés ses professeurs et collègues.

Et aujourd'hui avait été sa toute première journée à l'entraînement du NYPD. On la prédisait déjà à une bonne carrière d'officier. Kate acceptait volontiers leurs compliments, mais ne perdait jamais de vue son objectif de devenir détective aux Homicides.

Avant de rentrer, elle s'arrêta dans sa librairie.
Richard Castle avait tout récemment sortit un nouveau roman. Il avait déclaré dans une entrevue télévisée qu'il mettait en veilleuse les aventures de Derrick Storm pour un moment afin de se consacrer à une nouvelle série de livres abordant de nouveaux personnages. Il n'en avait pas dit d'avantage, voulant laisser le soin à ses lecteurs de découvrir eux-mêmes ces nouvelles aventures.

Elle s'empara du roman et lu le résumé, qui la saisît. Puis elle éclata de rire, mi-émue mi-amusée. On décrivait l'histoire comme celle de Kate, une jeune femme de 20 ans, recrue au NYPD qui, pleine de ténacité et d'entêtement, voulait gravir les échelons le plus rapidement possible pour pouvoir enfin mettre tous ses talents à profit au service de la brigade des Homicides.

Elle ouvrit le livre et sur la page de garde, la dédicace, qui lui était adressée, finit de l'émouvoir.

« À celle qui m'a inspiré ce livre.
Cet après-midi là, tout a changé. »


Alors, est-ce que ça vous semble possible, plausible?

J'ai presque terminé le deuxième OS, je le peaufine et fais la dernière correction et devrais le poster dans quelques jours. :)
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