Disclamer : Rien à moi, tout à JKR

Bêta : Mirabelle31, ma carte maman adorée qui m'a bien aidée sur ce TS, parce que le sujet n'est pas si évident à traiter.

Note : C'est un Two-shot. Une suite d'OS ou TS est envisageable. C'est à voir.

Pour les besoins de la fiction, Luna Lovegood a un an de plus, soit l'âge d'Harry.


Dans les Ténèbres

Partie 1

Harry Potter était considéré dans le monde magique comme étant le Survivant, celui qui avait défait Voldemort à quinze mois à peine et le seul qui avait réussi à se remettre d'un Avada Kedavra, le sort de mort auquel il était impossible de survivre.

Dans le monde moldu, en revanche, il n'était rien d'autre qu'un poids pour sa famille. Son oncle et sa tante – Vernon et Pétunia Dursley – en avaient hérité à la mort des Potter. Il avait été déposé sur le pas de leur porte au beau milieu de la nuit, peu après la chute de Voldemort, puis abandonné à son triste sort.

Durant dix ans, il avait grandi dans l'ombre. Personne en dehors du quartier de Privet Drive ne le connaissait. Les voisins savaient qu'il était le neveu orphelin des Dursley, mais qu'il ne valait mieux pas le fréquenter parce qu'il était... anormal.

Durant les six premières années après la mort de ses parents, il n'avait jamais regardé les gens dans les yeux et, la plupart du temps, il gardait ses paupières closes. Beaucoup estimaient que c'était un manque cruel d'éducation, mais aucun n'osait remettre en question celle que les Dursley avaient donnée à l'enfant. Ensuite, sa tante avait demandé à son époux d'acheter des lunettes de soleil afin de ne pas faire jaser.

Le bébé de quinze mois avait bien grandi mais il restait assez petit et fin pour son âge. Cela n'avait rien de très surprenant, il mangeait peu contrairement à son cousin Dudley qui devait faire le triple de son poids, semblait prêt à devenir aussi large que haut et pour qui, le passe-temps favori, était de jouer les durs.

Le gamin Dursley était une petite frappe qui s'amusait à terroriser les enfants du quartier. Il n'aimait pas Harry et adorait lui jouer des tours, tous plus vicieux et méchants les uns que les autres. Malheureusement pour lui, son cousin avait comme un sixième sens pour les déjouer.

Harry n'était pas turbulent. De toute manière, il n'avait pas le droit. Son oncle et sa tante estimaient qu'ils le gardaient par charité, il était donc interdit de se plaindre. Ce serait mal venu et, si d'aventure cela lui prenait, il recevait une correction.

L'enfant était ainsi devenu la bonne à tout faire de sa famille. Il n'allait pas à l'école et passait son temps à la maison à faire des tâches ménagères. Il aurait pu se rendre à celle du quartier, mais voilà, il avait quelque chose qui le différenciait des autres enfants de son âge.

Harry Potter était aveugle. Cette cécité était due au sort de mort qu'il avait reçu étant bébé.

Ses tuteurs savaient qu'en l'envoyant dans une école normale, le directeur leur aurait spécifié qu'il n'avait pas sa place et qu'il fallait le mettre dans une institution spécialisée et donc onéreuse. Or, les Dursley n'étaient pas prêts à dépenser le moindre penny pour lui. Ils l'avaient donc gardé chez eux.

Même s'il était aveugle, il n'était pas impotent. Pétunia l'avait mis au travail vers ses sept ans en lui apprenant quelques rudiments, des moyens de se repérer dans son espace, de savoir ce qu'il utilisait et de reconnaître certaines choses par leur odeur ou leur toucher. On avait dû mettre des protections pour les coins afin qu'il ne se blesse pas et, après avoir tenté une fois, il était hors de question de déplacer les meubles, car il y avait un risque qu'il se cogne contre l'un d'eux et qu'il se blesse assez sérieusement pour que son oncle et sa tante soient obligés de l'envoyer aux Urgences, ce qu'ils refusaient, car les médecins pourraient se rendre compte de son « anormalité ».

Ainsi, Harrry était capable de ranger les courses pour tout ce qui allait dans le réfrigérateur, retirer les mauvaises herbes des plates-bandes, remplir, vider et ranger le lave-vaisselle seul. Il était également capable de cuisiner, même si parfois ses plats étaient soit trop cuits, soit pas assez. Il se servait de ses quatre autres sens, bien plus aiguisés que la moyenne. Bon nombre de repas avaient été gâchés avant qu'il ne parvienne à réussir la cuisson d'une simple viande sans la faire brûler. Son nez et ses doigts lui servaient à reconnaître certains ingrédients.

S'il pouvait s'en sortir, sa tante n'était jamais loin et pouvait veiller et sauver les aliments en cas de problèmes. Néanmoins, Harry restait tout de même plus à l'aise avec les mets qui devaient mijoter et la sœur de sa défunte mère était plus rassurée de lui confier la préparation d'un ragoût que la cuisson de frites par exemple – elle n'avait aucune envie d'avoir à justifier de brûlures graves si d'aventure son neveu venait à faire une bêtise.

Harry était aussi capable de faire la lessive. Pétunia lui avait appris à reconnaître les différents bidons. Elle achetait toujours les mêmes de tailles distinctes et les bouteilles étaient placées à un endroit spécifique de la buanderie. Des marqueurs avaient été apposés sur la machine afin que le brun puisse reconnaître les bacs et ne pas les confondre, de même que sur les différents programmes.

Mais ce n'était pas tout, depuis qu'il avait neuf ans, Harry était apte à faire les courses tout seul. Mais il fallait une légère organisation, notamment le comptage des pas entre la maison et l'épicerie la plus proche et le pliage des billets pour les reconnaître. Pétunia devait également lui faire une liste de courses qu'il donnait à l'épicier.

Lui apprendre cela avait été assez aisé, Harry assimilait rapidement. Il ne savait pas lire mais en revanche, il savait compter, ce qui lui était indispensable. Tout était une question de nombre. Sa vie entière était régentée par les chiffres. Ainsi, pour aller du 4, Privet Drive jusqu'à l'épicerie dans Flowers Drive, une petite rue dans la continuité de Wisteria Walk, il avait mille pas à faire. Il devait être précis dans ses comptes pour tourner au bon endroit. Heureusement pour lui, il fonçait rarement dans les murs. Il employait des moyens pour se repérer.

Le petit brun se servait de l'écholocation. C'était une manière de détecter des objets dans leur environnement au travers d'échos reçus de ces objets. Il émettait des sons en produisant des clics avec sa bouche. Il n'avait pas de canne pour se déplacer ni même de chien, ses mains étaient tout pour lui. Ses mains, son nez, ses oreilles et sa bouche. Ses quatre autres sens s'étaient développés pour pallier sa vue.

Non seulement il comptait, mais il se servait également des odeurs et des bruits qui lui parvenaient sur la route. Il y avait toujours un chien qui aboyait sur Wisteria Walk, au début de la rue. Vers le milieu, une dame était toujours à la barrière et parlait toute seule. Encore un peu plus loin se trouvait un magasin de fleurs qui embaumait dans la rue, au croisement entre Wisteria Walk et Magnolia Road. Il savait qu'il devait continuer tout droit pendant trente pas avant de tomber sur la boulangerie. L'épicerie était juste après.

Tout cela, Harry l'avait intégré lorsqu'il y avait été avec sa tante. Elle l'avait aidé à prendre des points de repère, du moins, ceux qu'elle voyait. L'enfant, lui, en avait pris d'autres.

Les sorties à l'épicerie et la boulangerie étaient les seules qu'Harry faisait. Sinon, il sortait peu. La foule et le bruit ne l'effrayaient pas, ne l'effrayaient plus, mais il était toujours indisposé lorsqu'il y en avait trop, ne pouvant faire le tri. Or, chaque son était important pour lui. Et l'extérieur de la maison était synonyme de raffut.

Harry avait aussi intégré certaines choses. Son handicap faisait de lui une personne anormale pour sa famille. Ils ne cessaient de lui dire qu'il ne servait à rien, que ce n'était qu'un bon à rien, comme ses parents et qu'il n'avait pas sa place dans cette société.

L'enfant n'était pas méchant. Depuis tout petit, il avait appris à être poli, à obéir sans broncher, et à se taire, c'était le plus important. Il héritait tout de son cousin et n'avait le droit qu'aux restes. Il devait accepter sans se plaindre.

Même s'il ne disait rien, il ne cessait de rêver au jour où quelqu'un viendrait le tirer de cet enfer. À dix ans déjà, il savait que rien ne serait facile pour lui. Il n'avait rien et son oncle ne cessait de répéter que le jour de ses dix-huit ans, il avait intérêt à quitter la maison, car il n'était pas question qu'il reste une minute de plus dans cette famille qui l'hébergeait gratuitement. Autant dire que Harry avait hâte de partir.

Pour l'heure, il survivait... comme il pouvait.

0o0

Pour la première fois depuis l'arrivée du jeune Potter au 4, Privet Drive, les Dursley étaient contents qu'il soit aveugle.

En effet, le 24 juillet 1991, une première lettre arriva dans leur boîte aux lettres. Elle était destinée à Monsieur Harry Potter, placard sous l'escalier, au 4, Privet Drive, Little Whinging, Surrey. Comme à son habitude, le jeune garçon remit le courrier à son oncle. Sa tante n'étant pas loin, elle eut un mouvement de recul en apercevant l'enveloppe jaunie, frappée d'un sceau qu'elle n'avait pas vu depuis près de vingt ans. La dernière fois, ce genre de missive avait été adressé à sa petite sœur Lily. Et voilà que l'anormal en avait une, lui aussi alors que les Dursley avaient tout fait pour qu'il n'en reçoive pas. Ils lui avaient caché la vérité sur ses parents mais aussi sur lui, lui répétant sans cesse qu'il n'était qu'un poids pour une famille des plus honorables.

De toute façon, il ne se rendrait jamais compte qu'il avait du courrier, il ne savait pas, lire et surtout, il ne voyait rien. Ce n'était qu'un infirme.

Alors, quand il déposa la lettre devant son oncle, celui-ci s'empressa de la mettre dans sa poche, avec l'accord tacite de son épouse. Ils décideraient de ce qu'ils feraient de ça après.

Malheureusement pour eux, il n'y en avait pas qu'une le lendemain, mais trois. Vernon les récupéra elles aussi et les mit avec la première, dans un broyeur à papier de son bureau à la Grunnings, l'usine de perceuses où il travaillait.

Les jours qui suivirent, Pétunia et Vernon commencèrent à s'inquiéter. Ils recevaient de plus en plus de lettres pour Harry. Ils envisagèrent un instant de le changer de place et de le mettre dans la deuxième chambre de Dudley, à l'étage. Mais le gamin était assez futé pour comprendre qu'il se passait quelque chose d'inhabituel si d'aventure il déménageait.

Alors, ils se résignèrent à ne rien faire et à oublier les courriers. En plus de cela, leur précieux fils ne pourrait jamais se séparer de sa deuxième chambre. Il en avait besoin pour caser la montagne de jouets, cassés pour la plupart.

Ils étaient loin de se douter qu'Harry s'était rendu compte que quelque chose n'allait pas. Il avait surpris les messes basses de son oncle et sa tante et percevait certaines de leurs émotions, notamment la nervosité qu'ils dégageaient en permanence.

Le jour de son anniversaire, Harry était loin de se douter qu'il aurait un cadeau des plus inattendus. Pas de la part des Dursley, ils n'avaient nullement prévu de lui offrir le moindre présent.

Un coup de sonnette retentit aux environs de huit heures du matin. Vernon était parti au travail vers sept heures trente, comme tous les jours, Dudley dormait encore et ne se lèverait pas ce mercredi avant au moins dix heures. Harry et Pétunia, eux, étaient debout depuis deux bonnes heures et s'activaient.

Pendant que la blonde au visage chevalin faisait les poussières, son neveu était dehors et s'occupait des mauvaises herbes sur les plates-bandes.

Le temps était clément. À cette heure matinale, il faisait beau, mais pas encore trop chaud. Mais plus tard, rester dehors à travailler serait pénible, surtout s'il en croyait les prévisions météorologiques qu'il avait entendues en préparant le dîner, la veille.

Tout à son labeur, il ne fit pas attention aux divers bruits qui l'entouraient. Ainsi, il n'entendit pas le portillon s'ouvrir, mais fut surpris quand, juste derrière lui, il perçut des talons marteler l'allée de graviers menant au perron. Il se retourna. Cette démarche ne ressemblait en rien à celles qu'il connaissait. Ce n'était pas sa tante qui se trouvait toujours à l'intérieur, occupée à passer l'aspirateur, ni aucune de ses amies qui venaient parfois lui rendre visite. Ce n'était pas non plus celle d'un homme.

Sachant pertinemment que cette visite ne lui était pas destinée, il retourna à sa tâche sans plus se préoccuper de l'inconnue. L'enfant ne fut pas surpris quand la sonnette retentit, réveillant sans aucun doute le fils Dursley. L'image de son cousin sursautant dans son lit et tombant par terre le fit sourire.

À l'intérieur de la maison, Pétunia faisait le ménage comme à l'accoutumée. Elle n'attendait personne, aussi s'étonna-t-elle d'entendre le son strident de la sonnette. Un boum résonna à l'étage, faisant presque trembler la maison. Ce devait être son Diddy qui était tombé. Elle allait monter voir, faisant attendre l'inconnu qui osait déranger les gens aussi tôt, mais un autre coup de sonnette l'interrompit. Plus insistant que le premier. Ce devait être important.

Elle finit par ouvrir la porte, contrariée et tomba sur une jeune femme élancée, avec des cheveux châtains et des yeux bruns. Cette dernière paraissait assez jeune, peut-être une trentaine d'années, guère plus.

- Madame Dursley ? fit-elle d'une voix douce. Navrée de vous déranger aussi tôt. Je désirerais voir Monsieur Potter.

- Vous êtes ? répliqua la maîtresse des lieux d'une voix polaire.

- Mademoiselle Burbage. J'ai été envoyée pour vous rencontrer afin de parler de l'avenir de votre neveu.

Pétunia serra les dents. Elle qui avait pensé qu'aucun de ces indésirables ne viendrait mettre son nez dans leurs affaires de famille, mais surtout qu'on oublierait Harry, elle s'en trouvait marri. Elle en avait une devant les yeux et s'empressa de la faire rentrer pour éviter que les voisins ne la voient.

Lorsque Burbage prit place dans un des fauteuils du salon, Pétunia l'observa. Pour une fois, l'un de ces anormaux avait mis une tenue appropriée. Elle au moins ne portait pas une de ces robes de carnaval. La blonde se souvenait avec une certaine netteté de cette sorcière qui était venue les voir pour parler à Lily de Poudlard, juste après la réception de sa première lettre. Celle-ci avait été habillée d'une façon si vieillotte que la moldue en avait été plus qu'étonnée. McGolol ? Elle ne savait plus très bien le nom, mais il était ridicule.

- Mon neveu n'ira pas dans cette école, prévint Pétunia en se postant à la fenêtre. Il n'en est pas question ! Il n'en a pas les capacités !

- Mais... commença la jeune femme avant d'être coupée.

- Cet incapable est bon à rien ! Regardez par vous-même ! Il est dans le jardin ! Il est en train de massacrer mes plates-bandes !

L'étrangère se leva et s'approcha de la fenêtre. Elle tomba des nues en voyant un gamin aux cheveux de jais en bataille, agenouillé sur l'herbe, en train de rechercher à tâtons une quelconque mauvaise herbe.

C'était lui ? Harry Potter ? Il semblait maigrichon. Et pourquoi ne regardait-il pas ce qu'il faisait ? Il avait l'air dans la lune.

- Laissez-moi lui parler. Il est inscrit à Poudlard depuis sa naissance et...

- Il n'en est pas question ! Il n'ira pas là-bas. Quand je l'ai pris chez moi, je me suis jurée d'en finir avec tout ça.

- Permettez-moi d'insister Madame. Si je rentre sans bonnes nouvelles, croyez bien que le directeur en personne se déplacera.

Pétunia se figea. Elle se souvenait de l'hurluberlu qui avait célébré le mariage de sa sœur avec ce Potter. Dumbledore si ses souvenirs étaient exacts. Elle avait parfaitement en mémoire la robe rose fushia avec des étoiles rouges et oranges ainsi que des rayures d'un beau vert pomme qu'il avait osée mettre ce jour-là.

Il n'était pas question que les voisins aient un tel spectacle sous les yeux. Elle tenait à sa respectabilité. Si tous les gens bizarres venaient à débarquer chez elle, elle perdrait toute crédibilité et on la prendrait pour une folle.

- Ne bougez pas, la prévint la femme au visage chevalin. Je vais le chercher !

Pétunia se hâta de sortir dans le jardin et de héler le gamin. De son poste d'observation, Burbage n'avait rien manqué de la scène. Voir ce gosse d'à peine onze ans être houspillé de cette manière par sa tante lui fit mal au cœur.

Elle ne tarda pas à le voir débarquer dans le salon, vêtu d'un pantalon trop large maculé de terre, et d'un tee-shirt bien trop grand pour lui.

- Sois sage, garçon, prévint sa tante. Cette femme est venue pour te parler. Tiens-toi comme il faut.

Elle reprit ses activités ménagères, laissant traîner une oreille afin d'entendre la teneur de la conversation.

Burbage s'installa pendant qu'Harry restait debout. Elle lui expliqua qui il était en réalité. Elle lui apprit qu'il était un sorcier, comme ses parents. Autant dire que le gamin fut plus que surpris, mais il n'y croyait pas. Comment cela pouvait-il être possible ?

Il ne se souvenait pas des actes de magie accidentelle qu'il provoquait, tout simplement parce qu'il ne les avait jamais vus. Cependant, il avait parfois ressenti des choses étranges sans pouvoir les nommer, ni même les comprendre.

De son côté, la jeune femme, nouvelle professeure d'Étude des Moldus, s'était rendue compte que Potter se comportait de façon inhabituelle. En effet, il n'avait pas retiré ses lunettes de soleil alors qu'ils étaient en intérieur, et jamais il ne tournait son visage vers elle. Comme s'il était ailleurs. Pourtant, il posait des questions et semblait l'écouter.

Elle ne mit guère de temps avant de comprendre. L'enfant était tout simplement aveugle. Si elle était choquée, elle ne le montra pas. Mais elle se demandait comme il pourrait survivre à Poudlard. Le château avait son lot de pièges et les cours requéraient de voir pour apprendre...Comment allait-il s'en sortir ?

Plus encore, l'enseignante se demandait comment tout cela avait bien pu arriver. Qu'avaient fait ces moldus sur le garçon pour le rendre aveugle ? Et comment réagirait le monde sorcier en le découvrant ? Leur Survivant, leur symbole, l'enfant qui avait défait le Lord Noir, était handicapé.

- Excuse-moi de te poser la question aussi franchement, Harry. Mais... tes yeux... Tu as un problème ?

- Non, Madame, murmura l'enfant d'une petite voix presque rauque à force de garder le silence. J'ai... une conjonctivite.

Burbage pinça les lèvres. Un mensonge, mais elle ne pouvait rien prouver. Pas ici en tout cas.

- Pourrais-tu appeler ta tante, s'il te plaît ? J'ai besoin de lui parler.

Harry sortit du salon sans la moindre hésitation. La professeure nota tout de même qu'il cliquetait de la bouche. Ce devait être un tic et elle n'y prêta pas plus d'attention que cela.

Elle ne se rendit pas compte que lorsqu'il émettait ce son, il parvenait à éviter certains objets posés sur son chemin.

- Tante Pétunia ? appela l'enfant sans élever la voix.

La maîtresse des lieux apparut la seconde d'après, contrariée. Pour arriver aussi rapidement, elle devait être toute proche de la porte. Peut-être même qu'elle écoutait la conversation.

- Madame Dursley, j'aurais besoin de réponses à certaines questions, commença Burbage.

- Retourne dans le jardin, siffla Pétunia à son neveu qui s'empressa d'obéir.

Elle attendit un instant, le temps d'entendre la porte claquer, avant de se tourner vers la femme et s'installer dans un des fauteuils.

- Qu'a-t-il encore fait ? !

- Rien, la rassura Burbage avec un sourire. Mais les questions le concernent. Harry est malade ?

- Il a une santé fragile.

- Et ses yeux ? Il m'a avoué avoir une conjonctivite.

- Oui, c'est le cas, répliqua Pétunia un peu trop rapidement. Il en a souvent. D'où le port de lunettes de soleil. Il a des yeux en mauvais état.

- Oh, fut la seule réponse que l'enseignante put trouver.

Cela ressemblait à une histoire inventée de toute pièce. Comme s'ils le répétaient à chaque fois qu'on leur demandait. Et cela ne rassura pas le moins du monde Charity.

- Est-ce tout ? s'enquit la blonde qui avait hâte de la voir partir.

- Non, Harry Potter se doit d'aller à Poudlard, tenta de nouveau la professeure.

- Il n'en est pas question ! ragea Pétunia en se levant. Il ne sortira pas de cette maison ! Il ne deviendra pas un sorcier ! Il n'en est pas un ! Je refuse qu'il devienne comme ma dégénérée de sœur !

- Votre..., mais elle ne put en dire plus, coupée par sa vis-à-vis.

- Elle est morte parce qu'elle est rentrée dans votre monde ! J'ai perdu ma sœur quand elle est devenue une sorcière ! Lorsque j'ai accepté mon neveu sous ce toit, avec Vernon, nous nous sommes jurés qu'il n'irait pas à Poudlard !

Burbage en vint à se demander comment faire accepter à Madame Dursley l'idée que son neveu puisse la suivre. Sans son autorisation, Potter ne pourrait pas venir avec elle.

Si elle rentrait trop tôt, on allait se poser des questions. Mais Albus interviendrait afin de faire ployer la famille. Cela dit, la professeure préférait tenter une autre approche. Elle avait bien noté en regardant le salon, que le gamin Potter n'était présent nulle part dans la maison. Il n'y avait aucune photo de lui. Seul un cochon rose avec une perruque s'y trouvait. Il prenait diverses poses, comme sur son vélo, avec ses parents ou encore à côté d'une montagne de cadeaux.

L'enfant de Lily et James n'avait pas sa place ici. C'était triste à dire, mais c'était la stricte vérité.

- La scolarité d'Harry est payée en totalité, commença Charity. Vous n'aurez aucun frais à avancer. Il sera également pris en charge par l'infirmière de l'école concernant ses problèmes de santé. Les élèves étant en internat toute l'année, il pourra rester au château, y compris pendant les vacances.

Elle retint un sourire quand Pétunia sembla réfléchir. L'horrible mégère ne cachait même pas le fait qu'elle n'appréciait pas l'enfant plus que cela. Le voir partir devait la soulager.

- Et les vacances d'été ?

- C'est un point à voir avec Monsieur le Directeur.

Burbage éprouva un pincement au cœur pour Harry. Sa seule famille ne l'aimait pas et était prête à le voir partir loin d'elle à tout jamais. Après, il ne fallait pas s'étonner si certains sorciers méprisaient les moldus. Il fallait voir comment certains enfants étaient considérés. Dans le monde magique, ils étaient traités comme des rois.

- Emmenez-le et vite !

La blonde tourna les talons et fila dans le jardin pour ramener dans son sillage quelques instants plus tard un Harry maculé de terre et étonné d'être traîné de force par sa tante.

- Récupère toutes tes affaires ! Tu t'en vas !

Sans un mot de plus ni la moindre embrassade, Pétunia quitta le salon. On entendit ses talons résonner dans l'escalier de bois. Burbage contempla Harry et le vit croiser les bras et voûter le dos, la tête basse. Elle ne tarda pas à apercevoir des larmes rouler le long des joues.

L'enseignante se résigna à ne pas serrer le jeune garçon dans ses bras pour le réconforter. Si elle avait vu juste, il serait surpris et peut-être nerveux à cause du contact. Sa famille n'avait jamais dû l'étreindre.

- Où est ta chambre ? s'enquit-elle.

Malgré ses larmes, le jeune Potter se dirigea vers le placard sous l'escalier. La professeure d'Étude des Moldus en resta sous le choc en voyant le lit installé-là, dans cet espace réduit. Le gamin dormait ici ! Il n'était même pas dans une chambre ! C'était honteux ! Et Dumbledore l'avait laissé là ? Mais qui surveillait ? Qui savait ce qu'il se passait dans cette maison ?

Plongée dans ses pensées et ses malédictions à l'encontre du directeur, elle ne s'aperçut pas que l'enfant avait rassemblé tous ses biens et se tenait devant elle, jusqu'à ce qu'il renifle et attire ainsi son attention.

- On peut y aller, fit la jeune femme avec une boule dans la gorge.

Elle ne tendit pas la main, se contentant de précéder Harry. Il lui suffit de se retourner une fois pour s'apercevoir qu'il la suivait. Sa tête basse, sa démarche lente et peu assurée, et ses multiples trébuchements sur des obstacles imaginaires lui confirmèrent ce qu'elle pensait. Harry Potter était aveugle. Il n'avait nullement une conjonctivite.

Ils traversèrent le jardin dans un silence ponctué par des cliquetis venant de la bouche de Harry, passèrent la barrière et Burbage l'obligea à s'arrêter au milieu de la rue avant de tirer sa baguette de sa poche et la lever en l'air.

Quelques secondes plus tard, une détonation retentit et un bus violet à impérial à trois étages apparut devant eux. Un vieillard aux jambes flageolantes était cramponné à une barre de la porte arrière du véhicule. Il était habillé d'un costume violet.

- Magicobus, transport pour sorciers en perdition. Un signe de baguette et le Magicobus vous emmène où vous voulez. Je suis Titus Dlerad, votre contrôleur. Où voulez-vous aller ?

- Pré-au-Lard, annonça Burbage en aidant Harry à monter à bord. Pour deux.

Elle avait déjà utilisé ce moyen de transport qu'elle jugeait pire que la poudre de cheminette. Mais avec un jeune sorcier comme Harry, c'était la seule façon de se déplacer sans risques Des sièges étaient installés, comme pour les bus moldus. Le chauffeur et le contrôleur avaient eux, des fauteuils de salon.

- Ça vous fera trente mornilles pour vous et quinze pour le gamin. Il a une bonne tête, je le fais à moitié prix, annonça Dlerad. Pour deux mornilles de plus, il peut avoir un chocolat chaud.

- Voilà les quarante-sept mornilles, fit Burbage en tendant la monnaie, pressée de partir d'ici. Harry, viens.

Elle le guida doucement jusqu'à un siège et le fit s'asseoir. Le garçon se laissa faire mais il n'était pas rassuré pour deux sous. Il était dans un monde inconnu. Il avait entendu qu'ils se rendaient à Pré-au-Lard, mais ignorait tout de cet endroit.

Pré-au-Lard. Un nom bien étrange, mais pas autant que Poudlard.

- Voilà le chocolat chaud pour le gamin, annonça la voix de Dlerad. Ernie ! On peut y aller ! Direction Pré-au-Lard !

Harry n'eut pas le temps de prendre la tasse dans sa main que le bus démarrait, plaquant les passagers contre le dossier. L'enfant se cramponna à sa voisine qui n'était pas plus rassurée, comme à chaque fois qu'elle prenait ce moyen de transport. Seul Titus ne semblait pas affecté par la vitesse du véhicule et ses embardées qu'Ernie provoquait. À croire que cela l'amusait de conduire aussi mal.

Burbage se sentit mal durant tout le trajet. On ne pouvait pas dire que le chauffeur du Magicobus soit très à cheval sur les règles du code de la route. La professeure d'Étude des Moldus pouvait presque affirmer qu'Ernie dépassait largement la vitesse autorisée, en plus de slalomer entre les différentes voitures et de griller tous les feux. À chaque fois qu'elle prenait ce moyen de transport, elle en venait à se demander comment le conducteur faisait pour ne pas causer d'accident ni en avoir. Il devait y avoir une bonne dose de magie là-dessous.

Le bus s'arrêta brusquement, envoyant une partie de ses passagers contre le dossier des fauteuils devant eux, une chance qu'il y ait des sortilèges de rembourrage, sinon on ne compterait plus les nez cassés et autres dommages corporels.

- Pré-Au-Lard ! Deux minutes d'arrêt, annonça Dlerad.

- Viens Harry, fit Charity en prenant la main du gamin dans la sienne.

Elle le guida à travers le Magicobus jusqu'à la porte et l'aida à descendre.

- Encore une marche... et la dernière, elle est plus haute... Voilà.

Sans lâcher la main de Harry, Burbage fit un signe au chauffeur et le Magicobus disparut, sans doute déjà à mi-chemin de sa future destination.

- On va où ? souffla l'enfant, d'une voix tremblante bien qu'il sache la réponse.

C'était la première fois qu'il quittait Little Whinging et il était avec une étrangère. Harry ne lui faisait pas vraiment confiance même s'il « sentait » qu'elle n'avait que de bonnes intentions à son égard. Il ne cessait de se rappeler des mises en garde de sa tante Pétunia à Dudley : « ne parle pas aux étrangers et fais attention. » La sœur de sa mère ne lui avait jamais dit cela, à croire qu'elle s'en moquait totalement si Harry venait à se faire enlever.

Le petit garçon avait toujours eu cette capacité à savoir si les gens lui voulaient du bien ou du mal. Il était incapable d'expliquer comment cela se produisait, mais il ressentait toujours quelque chose quand la personne en question était habitée de mauvaises intentions. Il en avait eu la confirmation de nombreuses fois en présence de son oncle et de son cousin. Au moment où ils avaient voulu le frapper ou le bousculer, il avait perçu des picotements le parcourir.

Il ignorait qu'il s'agissait de sa magie, qu'elle l'avertissait.

Il ne ressentait pas cela avec Mademoiselle Burbage, mais il ne pouvait s'empêcher d'être inquiet.

- Nous sommes à Pré-Au-Lard, fit-elle justement en répétant patiemment – elle comprenait parfaitement qu'il puisse être effrayé. Et nous allons à Poudlard.

Malgré son inquiétude, Harry sentit sa curiosité monter.

- C'est une école pour des enfants comme toi, ajouta-t-elle.

Aussitôt, elle sentit la main de Harry s'échapper de la sienne.

- Je... Non !

Des enfants comme lui ? Pas question ! Il ne voulait pas aller là où il n'y avait que des imbéciles, des incapables et des irrécupérables.

- Harry ?

Burbage était manifestement étonnée de ce comportement. Elle voyait l'enfant se tenir là, au milieu d'une rue déserte – il faisait chaud en cette fin juillet, aussi les habitants du village sorcier préféraient rester au frais chez eux – sans bouger, les bras croisés. Ses lunettes noires empêchaient la professeure de voir son regard terrifié.

Qu'avait-elle dit pour qu'il agisse de la sorte ?

- Je ne veux pas y aller ! Je ne suis pas stupide !

- Personne n'a dit une telle chose, mon grand.

- Pourtant vous voulez m'emmener dans une école où il y a des gens comme moi ! Et tout le monde me dit que je suis stupide !

L'enseignante ferma les yeux, essayant de canaliser sa colère exclusivement dirigée vers les Dursley. Elle se doutait qu'ils étaient responsables des pensées négatives du gamin. S'il se pensait bête, c'était que personne n'avait pris la peine de le rassurer.

- Non, Harry, pas ce genre d'école, fit-elle en se rapprochant doucement, faisant en sorte de faire claquer ses talons contre le pavé de la rue pour que l'enfant l'entende bien. Poudlard est un établissement de magie. Les enfants qui y vont sont des sorciers.

- La magie n'existe pas, fusa la réponse.

- Ah bon ?

Burbage ne put empêcher un sourire d'étirer ses lèvres. Elle se revoyait au même âge, à dire que la magie n'existait pas. Ses parents, terre-à-terre et pragmatiques, lui avaient seriné le même refrain toute son enfance. Elle n'avait pas eu le droit de lire des contes de fée ou tout autre livre avec de la magie. Autant dire qu'elle fut surprise quand une certaine Minerva McGonagall débarqua chez elle pour lui annoncer qu'elle était une sorcière, en attestaient les actes de magie incontrôlée qui lui avaient valu bon nombre de punitions.

- Moi aussi, je n'y croyais pas. Pourtant, c'est vrai, elle existe.

- Prouvez-le, murmura le garçon.

Il voulait qu'on lui démontre le contraire. Le problème était qu'il n'y voyait rien, elle pouvait l'attester malgré les affirmations contraires du garçon et de sa tante. Elle soupira en tirant sa baguette et marmonna un sort de refroidissement sur l'enfant qui se mit instantanément à trembler sous l'effet du froid.

Burbage le leva rapidement par crainte qu'il ne tombe malade à cause de la différence de température.

- C'était quoi ? frissonna le petit brun.

Il ne savait pas si c'était de froid ou de peur.

- Je t'ai jeté un sort de refroidissement. C'était le seul moyen pour que tu croies ce que je te dis. La magie existe, Harry.

Mais au lieu de hocher la tête, l'héritier Potter recula, les bras croisés comme s'il cherchait à se prendre dans ses bras. Charity ignorait que ses yeux étaient révulsés de terreur.

La magie n'existait pas ! Elle ne pouvait pas exister, sinon cela voulait dire que son oncle avait eu tort ! Et Oncle Vernon avait toujours raison, n'est-ce pas ?

- Harry ? souffla l'enseignante d'Étude des Moldus en tendant inutilement la main vers l'adolescent qui ne pouvait la voir. Viens. Tu n'as pas à avoir peur de moi ou encore de la magie. Elle fait partie de ta vie.

Elle savait parfaitement ce qu'il pouvait ressentir. Elle avait vécu la même chose. McGonagall lui avait également fait une démonstration, plusieurs même avant que l'enfant qu'elle était ne s'estime convaincue. Ses parents, eux, avaient toujours soutenu mordicus que tout n'était que fumisterie. Avec le temps, ils avaient fini par y croire.

Lentement, Buarbage vit l'enfant décroiser les bras, mais ne bougea pas. C'était à lui faire le premier pas vers elle. Il le fit.

L'instant d'après, la jeune femme avait pris sa main en douceur en lui parlant et il s'était laissé faire.

Ensemble, ils remontèrent tranquillement la rue principale de Pré-au-Lard, village entièrement sorcier. Harry était silencieux mais sa guide s'amusait à lui décrire tout ce qu'elle voyait, même si le jeune garçon ignorait à quoi ressemblait la plupart des choses.

Ils arrivèrent après plusieurs minutes, devant une grille qui semblait infranchissable. Un puissant sortilège avait été apposé et l'air qui l'entourait paraissait grésiller, comme parcouru d'électricité.

Il suffit juste à Burbage de poser la main sur la lourde porte en fer forgé pour que la magie la reconnaisse en tant que professeur – chacun d'eux avait été lié aux barrières du château, ainsi celui-ci pouvait leur obéir, pour peu que leurs exigences soient pour la sécurité des élèves – et ouvre l'huis.

- C'était quoi ? glapit l'enfant alors qu'ils passaient la grille.

Charity sourit. Il l'avait sentie, cette magie pure qui l'avait traversé. Elle aussi. C'était comme des chatouillis légers, une caresse aérienne.

- La magie de Poudlard.

Sans ajouter quoique ce soit, elle l'emmena dans le parc, vérifiant le moindre obstacle après l'avoir vu trébucher plusieurs fois, manquant de tomber rudement si elle ne l'avait pas retenu.

- On va où ?

À la question, Charity faillit répondre qu'ils allaient voir Hagrid, mais après réflexion, elle se dit qu'emmener le gamin chez Rubeus Hagrid, demi-géant de son état, garde-chasse et gardien des clefs de Pouldard, n'était pas une bonne idée. L'homme était adorable, mais il risquait fort d'effrayer Harry et de le mettre devant des créatures dangereuses.

Non, ce n'était définitivement pas une bonne idée. Pourtant, elle devait le confier à quelqu'un le temps de prévenir Albus.

Soudain, la réponse lui apparut et elle se morigéna mentalement de ne pas l'avoir trouvée plus tôt. Poppy Pomfresh était au château. Elle vivait là à plein temps, du moins ses vacances ne duraient que quinze jours qu'elle prenait en juillet, passant le reste du temps dans son antre : l'infirmerie.

- On va voir Poppy.

Burbage fit faire demi-tour à son protégé et ils filèrent aussi rapidement que possible à travers le parc en direction du château qui se dressait, majestueux, à quelques centaines de mètres de là.

Comme bon nombre d'élèves et d'anciens élèves, Charity eut l'impression de rentrer chez elle. Poudlard était sa deuxième maison. Les murs de pierre étaient rassurants, comme s'ils hurlaient qu'ils ne laisseraient rien arriver en leur sein. La professeure s'était toujours sentie en sécurité ici, même pendant la guerre.

Malgré ses années d'enseignement, elle ne pouvait empêcher un sourire d'orner ses lèvres quand elle passait les lourdes portes du Hall. Cette fois encore, cela ne manqua pas.

- Bienvenue à Poudlard, Harry, fit-elle en pénétrant dans l'entrée.

Ses talons claquèrent contre les dalles du sol et sa voix résonna contre les pierres des murs. Elle laissa le temps à sa jeune charge de prendre conscience de l'endroit où il se trouvait avant de l'entraîner à sa suite à travers le château.

Il leur fallut une bonne dizaine de minutes avant d'arriver enfin devant la porte de l'infirmerie. Harry était totalement perdu. Il n'avait pas eu le temps de compter les pas et encore moins de se rappeler s'il avait tourné à gauche ou à droite ni combien de fois. Tout se mélangeait dans sa tête et il espérait qu'on ne lui demanderait pas de retrouver son chemin dans les minutes qui allaient suivre parce qu'il en serait tout bonnement incapable.

Il entendit nettement un grincement de porte et se demanda si quelqu'un huilait les gonds. À l'évidence non, sinon l'huis ne ferait pas ce bruit.

Une odeur forte de désinfectant – la même senteur que lorsque tante Pétunia ouvrait un flacon d'alcool à 90 – qui prenait à la gorge. L'enfant l'associa immédiatement à un hôpital et il recula. Pourquoi l'avait-on envoyé ici ? Il n'était pas malade ! Mais avant qu'il ne puisse faire demi-tour, il fut attrapé par le bras et entraîné à l'intérieur.

- Charity ! s'exclama une voix féminine qui fit sursauter Harry.

Ce dernier se figea, mort d'inquiétude. Il aurait voulu s'enfuir, mais pour aller où ? Le château avait l'air immense et il ne savait pas où se trouvait la sortie, il risquerait à coup sûr de se perdre et personne ne le retrouverait, il mourrait de faim et si quelqu'un mettait un jour la main sur lui, ce serait sur son cadavre.

Non, il préférait attendre de voir à quelle sauce il allait être mangé. Et puis, Burbage était une sorcière, elle le lui avait montré. Ça voulait donc dire qu'elle pouvait l'arrêter. En revanche, il se cacha autant que possible derrière l'enseignante, certain que l'autre ne le verrait pas.

- Je te croyais partie voir le jeune Potter.

Harry sentit son cœur s'arrêter un instant avant de repartir à toute vitesse dans sa poitrine.

- J'y suis passée. Harry ? Sors de là, fit sa protectrice en le tirant légèrement de derrière elle. Poppy ne va pas te manger.

Lentement, sans user de la force, elle parvint à le déloger de sa cachette sous le regard amusé et intrigué de Poppy.

Harry ? Pourquoi l'infirmière avait-elle le sentiment de revoir incessamment sous peu le fils de Lily et James Potter. Sa gorge se serra à cette pensée. La dernière fois qu'elle l'avait vu, il n'était encore qu'un bébé de quelques semaines. Il devait avoir tout juste onze ans maintenant. C'était même son anniversaire.

Elle ouvrit la bouche, les larmes aux yeux, quand se révéla enfin le fameux Harry. Oui, c'était bien l'enfant de Lily et James. Des cheveux en bataille comme ça, c'était la marque de fabrique des Potter. Mais il était petit et maigre pour son âge, et ces lunettes de soleil...

Non, Poppy n'était pas contente du tout. Le revoir lui fit chaud au cœur mais l'état dans lequel il était... elle serra les dents avant de chasser sa colère pour ne pas la montrer au jeune garçon.

- Bonjour Harry, fit-elle en tendant la main.

Le brun ne la prit pas. C'est à peine s'il la regarda. Intriguée, Poppy fixa Charity qui secoua la tête avant de se pencher vers sa jeune charge.

- Harry, je dois aller voir le directeur. Je n'en ai pas pour très longtemps. Je te laisse avec Poppy.

- Non ! s'écria l'enfant en s'agrippant à elle.

Peu importe que cela soit interdit, il ne voulait pas qu'elle le laisse ici, dans cet endroit inconnu. Elle ne pouvait pas l'abandonner. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine tandis qu'il plantait ses ongles dans la robe de sorcier de Burbage.

- Tout va bien, fit Charity, rassurante. Poppy, cela vous gêne-t-il ?

- Mais non.

- S'il vous plaît, sanglota l'enfant sans vouloir la lâcher.

La professeure d'Étude des Moldus savait qu'elle ne devait pas le laisser s'attacher à elle, mais il était terrorisé, elle l'avait propulsé dans un monde totalement inconnu, avec des gens qui ne l'étaient pas davantage et il avait un handicap. Comment pouvait-il être confiant ?

La jeune femme posa ses mains en coupe sur le visage de l'enfant.

- Harry, écoute-moi, dit-elle d'une voix calme et douce. Je reviens dès que j'ai terminé. Poppy va s'occuper de toi. Elle est très gentille.

- Non, s'il vous plaît !

Plus l'éducatrice tentait de se libérer de l'étreinte des doigts de Harry, plus celle-ci semblait se resserrer sur la chemise à manches courtes qu'elle avait revêtue. D'un regard suppliant, elle demanda à Poppy de lui jeter un sortilège de sommeil, ce que l'infirmière fit sans tarder. L'enfant s'écroula dans les bras de sa protectrice qui le porta jusqu'à un lit.

- Merlin, je n'ai jamais vu un élève qui ait peur de moi, s'exclama Pomfresh, secouée par le comportement inexplicable de Harry à son encontre.

- C'est un peu normal, temporisa Charity. Je n'ai pas eu le temps de vous prévenir et je n'avais nul désir de le faire devant lui, mais il se trouve que Harry est aveugle.

- A... Aveugle ? Mais... Comment ?

- Je n'en ai aucune idée. Ça doit faire longtemps.

- Je pense, commença lentement l'infirmière en couvant du regard l'enfant qui dormait allongé sur les draps blancs, que son avenir à Poudlard est compromis.

- Non ! Je ne l'ai pas sorti de chez les Dursley pour rien ! Il n'est pas question que je le ramène là-bas !

- L'ont-ils... ?

Poppy s'interrompit, laissant sa phrase en suspens, mais Charity comprit parfaitement ce qu'elle voulut dire.

- Non, il n'a pas été maltraité. Du moins, pas d'après ce que j'ai pu voir, mais sa famille semblait plutôt ravie de s'en débarrasser. Enfin, sa famille... je n'ai vu que sa tante. Mais je suis certaine qu'il n'était pas choyé.

- Minerva n'a cessé de me le dire, soupira son interlocutrice. Elle me l'avait dit qu'il ne serait pas à sa place dans cette maison. Ces moldus... Mais Albus n'en a fait qu'à sa tête. Comme toujours. Pauvre enfant.

Elle se tut et secoua la tête en soupirant de nouveau. Burbage pinça les lèvres. Si Minerva McGonagall, directrice-adjointe, n'avait pas réussi à faire ployer leur directeur, alors rien n'aurait pu le dissuader de placer Harry chez ses tuteurs actuels.

- Poppy, je dois vous laisser, je dois voir Albus au sujet de Harry. Je reviens aussi vite que possible.

- Allez-y, je vais faire des examens à cet enfant pour voir. Peut-être qu'ils pourront me dire depuis quand il est aveugle. Prenez votre temps, il devrait dormir plusieurs heures. Pauvre garçon.

La professeure n'entendit pas les derniers mots de l'infirmière, elle avait déjà filé.

Le trajet entre l'infirmerie et le bureau directorial fut très court. Après l'annonce du mot de passe à la gargouille qui gardait l'entrée des escaliers, Charity gravit les marches et frappa à la porte. Un instant plus tard, elle reçut la permission de pénétrer dans une grande pièce circulaire.

Albus Dumbledore trônait derrière sa table de travail croulante sous les bibelots magiques divers et variés. Le vénérable directeur de Poudlard dégustait une tasse de thé ainsi que des délicieuses tartelettes. Ses yeux bleus pétillaient derrière ses lunettes en demi-lune.

- Charity ! Je m'étonne de vous voir à Poudlard aussi tôt. Prenez un siège. J'aurais pensé que vous seriez allée accompagner le jeune Potter sur le Chemin de Traverse pour y faire ses courses. D'ailleurs, comment s'est passée l'entrevue avec les Dursley ?

- Expéditive, répondit la jeune femme en se calant confortablement dans le fauteuil médaillon. Pétunia Dursley semblait ravie de me le laisser. Nous n'avons pas fait les courses, il me semblait plus urgent de l'amener ici avant toute chose. Nous avons un souci, Albus.

Le pétillement de son supérieur fut remplacé par une lueur inquiète.

- De quel ordre ? Harry va bien ?

- Oui. Cela le concerne néanmoins.

Le directeur se pencha en avant, ne se rendant pas compte que sa longue barbe avait décidé de faire trempette dans sa tasse. Il était intrigué et angoissé qu'il soit arrivé quelque chose à Harry. Il tenait à cet enfant. Il l'avait vu plusieurs fois à Poudlard quand Lily et James passaient de temps en temps. Et puis, c'était lui qui l'avait déposé chez les Dursley.

- Qui surveille Harry lorsqu'il est chez ses moldus ? s'enquit Charity.

- Arabella.

Arabella Figg était la voisine des Dursley. L'évocation de son nom n'étonna pas la femme. C'était une cracmol chez qui la professeure était passée juste avant de voir Pétunia, afin de collecter de nouveaux objets pour ses cours et pour discuter du changement chez les moldus.

- Ne vous a-t-elle rien dit à propos d'Harry ?

- Si ce n'est qu'elle le voit de temps en temps dans le jardin ou parti faire des courses à l'heure où les enfants de son âge sont à l'école, elle ne m'a rien rapporté qui soit alarmant.

- Donc personne, hormis Arabella qui le voit depuis chez elle, n'est passé voir comment il allait ? Et personne ne s'est posé de questions quant au fait qu'il ne soit pas à l'école ?

C'était choquant. Charity était outrée. Harry avait été abandonné, ni plus ni moins.

- Des barrières sont apposées sur la maison des Dursley pour prévenir toute attaque, répliqua Dumbledore. Comment va Harry ? A-t-il été maltraité ?

- Poppy l'examine. Si quelqu'un avait été le voir, au moins une fois, vous auriez peut-être su qu'il est aveugle !

Personne ne pouvait se targuer d'avoir réussi à réduire au silence le grand Albus Dumbledore, Manipulateur Suprême et Ordre de Merlin Première Classe en dégustations de bonbons au citron, sauf Charity. En cet instant, le directeur était choqué.

- Aveugle ? Mais... Merlin ! En êtes-vous certaine ?

- Bien que sa tante m'ait assurée qu'il n'avait qu'une conjonctivite, oui, je suis certaine qu'il est aveugle !

- Si Pétunia Dursley l'a affirmé, c'est que ça doit être vrai, répliqua Albus.

Harry Potter ne pouvait pas être aveugle ! C'était impossible ! Qu'allait dire le monde sorcier si on venait à découvrir que leur Sauveur était handicapé ?

- Comment... Savez-vous comment cela s'est passé ?

- Non, pas la moindre idée. Mais je suppose que cela date de plusieurs années. Il n'a pas eu de difficultés à se déplacer...

- Voilà qui prouve qu'il n'est sans doute pas aveugle, la coupa Albus.

- Venez à l'infirmerie. Poppy lui fait passer des examens, les résultats confirmeront ou infirmeront ce que j'avance. Si d'aventure, Harry était bien aveugle, que préconisez-vous ?

- Avant de mettre la calèche avant les sombrals, allons voir Poppy, trancha rapidement Dumbledore en se levant de son fauteuil.

Il précéda Charity dans l'escalier ainsi que sur tout le trajet menant à l'infirmerie. En entrant, ils virent immédiatement le regard noir de la médicomage. Albus eut envie de faire demi-tour. La femme avait le même regard quand elle estimait qu'il avait fait une bêtise.

- J'espère que vous avez une excellente explication, Albus, tonna Poppy, les poings sur les hanches.

- À quel propos, très chère ?

L'infirmière se décala, révélant un lit dans lequel un enfant dormait. Le directeur le reconnut aisément. Harry. Pomfresh lui avait mis un pyjama et l'avait installé entre les draps blancs de sa couche. Il semblait si menu, si fragile en cet instant que Dumbledore sentit son cœur se serrer.

- Charity m'a fait part de ses inquiétudes vis-à-vis d'Harry, Albus.

- Est-il aveugle ?

- En effet, les résultats le démontrent.

- Depuis quand ?

- Dix ans.

Le couperet venait de tomber. Harry était bel et bien aveugle. Burbage ne savait pas si elle devait exulter de joie de l'avoir deviné, ou pleurer pour l'enfant. Albus, lui, semblait accuser le coup. Il donna l'impression d'avoir pris près de cinquante ans en quelques secondes.

Dix ans. Cela donc remontait aux premiers mois de Harry chez les Dursley.

- Le sortilège de diagnostic permet-il de dire ce qui a provoqué cette cécité ?

- Oui. C'est à cause du dernier sort offensif qu'il a reçu.

Devant l'air étonné de ses interlocuteurs, Poppy leva les yeux au ciel.

- L'Avada Kedavra lancé par V... Vous savez Qui.

Un silence lourd suivit cet aveu fracassant. Albus avait du mal à se dire que lorsqu'il avait vu l'enfant cette nuit-là, et qu'il était déjà aveugle. Personne n'avait rien remarqué parce que ce n'était encore qu'un bébé.

- On ne peut pas le laisser rentrer chez lui, affirma Charity. Il doit rester à Poudlard.

- Comment ? s'exclama Poppy. Il faut voir pour pouvoir se défendre ou même exécuter un sort. On peut difficilement s'en sortir en étant aveugle !

Dans le monde sorcier, les aveugles étaient très rares, voire inexistants. Toutes les maladies ou presque, étaient guérissables grâce à une potion ou un sort.

- Est-ce curable ? se renseigna Albus.

- Non, malheureusement. J'ai tenté, mais il s'agit de la conséquence d'un sort de Mort. Personne n'a jamais pu lutter contre ce sort. À ma connaissance, à part Harry, personne n'a jamais réussi à survivre à un Avada Kedavra. Il n'est donc guère étonnant que les yeux de cet enfant soient... morts. En revanche, je m'étonne que seuls ses yeux aient été touchés. Je ne me l'explique pas.

- Je me demande comment il va faire pour suivre à Poudlard. Peut-être devrions-nous l'envoyer en institution spécialisée.

- Il en est hors de question ! gronda Charity. Cet enfant n'a pas besoin d'être ballotté à droite et à gauche simplement à cause d'un handicap. Dans le monde moldu, les enfants aveugles s'en tirent bien, pour peu qu'on adapte certaines choses. Les sorciers se sont toujours targués de pouvoir tout faire mieux que les moldus. Il est temps de le montrer. La magie peut aider Harry ! J'en suis certaine ! Il est aveugle, pas stupide !

- Charity, intervint calmement Albus. Ce n'était qu'une simple suggestion. Comprenez que Poudlard n'est pas adapté à des cas comme le sien. Mais, comme vous l'avez aimablement fait remarquer, nous pouvons faire notre maximum pour l'aider. Après tout, il ne serait pas le premier à jouir de ce traitement, n'est-ce pas Poppy ?

Le clin d'œil qu'il adressa à l'infirmière ne passa pas inaperçu. Mais si Pomfresh en comprit la signification, ce ne fut pas le cas pour Burbage qui fronça les sourcils, perdue.

- Qui ?

- Un élève qui avait ce que ses amis appelaient un problème de fourrure. Il faisait partie de la bande des Maraudeurs.

Albus sourit à l'évocation de ce souvenir. Cette fameuse bande avait terrorisé le corps enseignant avec ses blagues douteuses, sans jamais se faire prendre, ou rarement.

Ce petit groupe avait compté quatre garçons, charmants au demeurant, intelligents et talentueux, mais qui préféraient mettre leur cerveau au service de leurs farces. James Potter, le père d'Harry en avait fait parti, ainsi que Sirius Black, le parrain du garçon, aujourd'hui à Azkaban, la prison des sorciers. On l'avait inculpé pour le meurtre de Peter Pettigrow, un autre membre de la bande. Et le dernier, Remus Lupin, jeune homme calme qui cachait un lourd secret : il était un loup-garou. C'était pour lui qu'Albus avait changé certaines choses : s'il y avait un Saule Cogneur dans le parc de Poudlard, c'était pour cette raison. L'arbre violent cachait l'entrée de la Cabane Hurlante où le jeune Remus passait ses nuits lors de la pleine lune lorsqu'il était encore élève.

- Je verrai avec le jeune Harry ce dont il a besoin. Je pense que le garder à Poudlard pour le reste des vacances afin que le château réponde à ses besoins, ne sera pas une mauvaise idée, qu'en dites-vous Charity ?

Dumbledore sourit, laissant Burbage abasourdie. Il avait deviné qu'elle n'avait nullement l'intention de ramener l'enfant chez ses tuteurs, et il l'acceptait. Outre le fait qu'il ait deviné, c'était qu'il ne tente pas d'intervenir et n'oblige pas Charity à ramener Harry à Privet Drive illico presto après les courses sur le Chemin de Traverse. D'ailleurs, maintenant qu'elle y pensait, feraient-ils les achats de rentrée ?

- Cela me convient.

- Je suis certain que vous accepterez de garder ce jeune homme dans vos appartements ici, à Poudlard, jusqu'à la rentrée, afin de l'aider à s'adapter au mieux à son nouvel environnement.

Il l'avait eue ce vieux manipulateur. Il venait ni plus ni moins d'enchaîner le gamin à elle. Burbage l'avait tiré de chez sa famille, à elle de s'en occuper maintenant. Elle retint un soupir et hocha la tête, signe de sa défaite. Albus était incroyable. Maintenant, il n'était pas question de rentrer chez elle comme c'était initialement prévu.

- Parfait. Une fois qu'il sera réveillé, vous serez bien aimable de me l'amener dans mon bureau, je lui expliquerai. À toute à l'heure, s'exclama le directeur d'une voix joyeuse en sortant de l'infirmerie.

- Pourquoi ai-je l'impression de m'être fait avoir dans les grandes largeurs ? demanda l'enseignante à Poppy qui souriait. Bien, me voilà condamnée à attendre qu'il se réveille avant de pouvoir l'amener à Albus.

- Ne vous en faites pas, je suis certaine qu'Harry est un bon garçon.

- Je n'en doute pas.

Mais cela ne l'empêchait pas d'être inquiète. Elle n'avait jamais eu à prendre soin d'un enfant. Elle savait gérer une classe d'élèves, mais pas un gamin terrorisé. Comment apprendre à Harry à se déplacer ? D'autant plus qu'elle n'avait jamais vu d'aveugle de sa vie, elle était incapable de savoir comment faire. Un voyant aurait posé moins de difficultés.

Tant pis, elle allait devoir gérer. Et dire que normalement, après avoir emmené Harry sur le Chemin de Traverse, elle aurait dû repasser à Poudlard pour faire son rapport et serait rentrée chez elle, dans son petit appartement à Liverpool, seule.

Charity n'était pas mariée et n'avait pas d'enfant. Elle n'en avait jamais vraiment voulu. De toute manière les sorciers la trouvaient étrange, tout comme les moldus, alors qui aurait voulu d'elle ? Non, à part son chat, qu'elle devait d'ailleurs penser à aller chercher, tout comme ses affaires, elle finirait sa vie seule.

Deux heures plus tard, Harry, habillé de pied en cape de vêtements fournis par l'école, suivait docilement et en silence sa protectrice. Il ne savait pas où ils allaient mais faisait ce qu'on lui disait. De toute manière, il n'avait pas vraiment le choix, vu ce qui lui était arrivé la dernière fois qu'il avait osé dire qu'il refusait.

Ce n'était pas un coup mais peut-être que le prochain en serait un. Alors, malgré son angoisse, il suivait, tentant de ne pas trébucher à chaque pas qu'il faisait. Des pierres traîtresses dépassaient du sol dans le seul but de le faire tomber.

L'enfant aurait bien voulu prendre le bras de la professeure, mais il n'osait pas demander. Il n'avait jamais eu ce droit avec sa tante alors il devait se débrouiller pour « voir » les obstacles tout seul. En général, il y parvenait sans vraiment de difficultés, mais là, même l'écholocation ne pouvait rien faire puisque le son de ses claquements de langue ne permettait de détecter que les gros objets.

C'était sa tante qui lui avait donné cette astuce. Elle avait appelé ça de l'écholocation sans lui expliquer ce que c'était, juste que le bruit qu'il émettrait rebondirait sur les obstacles.

Ils arrivèrent au pied de la gargouille et Charity énonça le mot de passe à voix haute. La créature de pierre dévoila l'escalier dans lequel l'enseignante s'engagea.

- Harry ? Viens.

Elle le vit tâtonner autour de lui. Retenant un soupir, elle redescendit les marches afin de prendre la main de Harry et le guider, lui indiquant les obstacles.

- Encore une... On y est, fit-elle avant de frapper contre la lourde porte en bois.

L'enfant n'osa pas demander où ils se trouvaient, il jugea que la réponse viendrait bien assez tôt. Un « entrez » lui parvint faiblement.

- Harry, Charity, heureux de vous revoir, fit une voix d'homme quand ils entrèrent.

La professeure d'Étude des Moldus poussa son protégé et le guida vers un fauteuil avant d'en prendre un autre.

- Je suis Albus Dumbledore, déclara l'homme. Directeur de cette école. Mademoiselle Burbage t'a expliqué ce qu'était Poudlard, n'est-ce pas mon garçon.

- Elle m'a dit que c'était une école de Magie.

- C'est tout à fait ça. Poudlard est une école de magie. Elle permet de former de jeunes sorciers comme toi, de les initier à la sorcellerie. Ici, les élèves suivent un cursus en sept ans. Tu rentreras en septembre, avec d'autres, en Première Année. Vous suivrez des cours, comme à l'école moldue. Mais au lieu des mathématiques, de l'anglais ou de l'histoire, vous apprendrez les potions, l'histoire de la magie, la métamorphose, les sortilèges et d'autres matières toutes très intéressantes. Tu suis ?

- Je ne suis jamais allé à l'école, murmura l'enfant, la tête baissée et ses doigts tortillant son pantalon.

- Comment cela ?

Dumbledore regarda son employée, ennuyé. Si Harry n'était jamais allé à l'école, c'était étonnant, mais également assez embêtant.

- Mon oncle et ma tante... disaient que comme j'avais des... problèmes... je ne pouvais pas y aller.

- Des problèmes liés à tes yeux ? intervint Charity.

- Ils ne m'ont jamais dit.

C'était faux, mais qui le saurait ? Les Dursley avaient été clairs, il n'était qu'un monstre, un crétin qui n'apprendrait rien et qu'avec son anormalité, il causerait plus de problèmes que tous les autres enfants réunis. Ils avaient déclaré aussi que jamais ils ne lui paieraient sa scolarité.

- Donc tu as eu des cours particuliers ?

- C'est à dire ? voulut savoir Harry en se grattant nerveusement le cou.

Le col de sa chemise n'était pas agréable et ne cessait de le démanger.

- Ton oncle ou ta tante t'a appris à lire et à écrire ?

- Non. Pourquoi faire ? Tante Pétunia disait que ça ne me servirait à rien parce que je n'étais pas assez intelligent pour apprendre.

L'aveu laissa les deux adultes sans voix. Ils en venaient à se demander ce que l'enfant savait et surtout, comment il avait vécu durant dix ans. Si personne n'avait accepté de lui enseigner la base, que lui avait-on appris ?

Ils remarquèrent aussi qu'il parlait correctement.

- Donc tu faisais quoi ?

- J'aidais ma tante dans la maison.

- Je vois.

- Vous allez faire quoi de moi ? chuchota Harry, persuadé que, maintenant qu'ils savaient qu'il n'était qu'un ignorant débile, ils allaient le renvoyer chez les Dursley.

- Tu vas rester ici. Charity se fera une joie de t'aider à t'adapter au château. Nous allons faire au mieux pour que tu puisses te débrouiller sans danger.

Harry releva la tête, plein d'espoir. On allait l'accepter au sein d'une école ? Même s'il était stupide et aveugle ?

- Nous allons travailler ensemble afin de déterminer tout ce qu'il faut faire pour aménager le château pour toi, continua le directeur.

Pourquoi faire cela pour lui ? Savaient-ils quelque chose ? Harry n'avait rien dit concernant sa cécité, persuadé que cela changerait la donne et qu'on le renverrait aussitôt.

- J'avoue qu'un élève aveugle va bousculer beaucoup de choses, mais ce n'est pas un mal. Cela obligera les élèves à faire attention, répondit justement le directeur.

Il savait, Harry en était persuadé. Restait à savoir comment. Ses lunettes ? Peut-être. Harry était parfaitement conscient qu'elles étaient noires. Sa démarche ? Dumbledore ne l'avait jamais vu marcher. Mais Burbage, oui. Et elle avait eu tout le temps de le mettre au courant entre le moment où elle l'avait abandonné à l'infirmerie et l'instant où il s'était réveillé.

Albus devisa avec Harry et Charity encore un peu avant de les laisser partir, les faisant promettre de venir manger dans la Grande Salle pour le dîner.

Le trajet du bureau jusqu'à leur destination encore inconnue fut épuisante pour le garçon qui ne cessait de se prendre les pieds dans les pierres. Il était également complètement perdu et détestait ce sentiment. Il avait l'impression de progresser dans un labyrinthe, bien qu'il ignorait à quoi cela pouvait bien ressembler.

Quand il trébucha pour ce qui lui semblait être la centième fois, Harry soupira et grogna.

- Tout va bien ? s'enquit immédiatement Charity.

- Oui, fut la réponse.

Ce n'était pas vrai, mais Burbage ne devait pas le savoir. Il se tendit quand une main lui prit le bras et le cala sous un autre.

- Le château est ancien, le sol n'est plus très droit, lui expliqua-t-elle. Je ne m'étais pas rendue compte que c'était à ce point-là.

Sans cesser son babillage rassurant sur l'histoire du château, la professeure guida Harry à travers les dédales de Poudlard, en s'assurant d'éviter tous les obstacles – même si ce fut assez fastidieux par moment car elle en contournait certains inconsciemment, pas sa charge – jusqu'à ses appartements.

- Bien, nous sommes devant mes quartiers que tu partageras avec moi jusqu'à la rentrée. Machine à coudre.

Harry bondit en entendant un léger grincement et en sentant la poigne de sa nouvelle tutrice sur son bras qui le poussait.

- Machine à coudre est le mot de passe de mes appartements. Mémorise-le, mais tant que tu ne seras pas capable de t'orienter tout seul dans Poudlard, tu n'auras pas besoin de t'en servir. Suis-moi.

Le petit brun fronça les sourcils. Il venait de noter une différence subtile d'odeur au moment où il passa la porte.

La senteur des couloirs était celle de la pierre, de la poussière et d'une certaine humidité. La fragrance qu'il perçut, était plus florale, un peu comme celle du jardin de Tante Pétunia. Il y avait également une impression de chaleur. Il entendit aussi un crépitement venant de sa gauche, lointain mais proche.

- Ça sent bon, ne put-il s'empêcher de dire.

- Merci.

Elle ne percevait rien, à part la différence de température, mais ses sens étaient moins développés que ceux de Harry.

- Tu sens quoi ? se renseigna la professeure, curieuse.

Harry prit une profonde inspiration alors qu'il pénétrait sans le savoir dans le salon.

- Roses.

C'était discret et cela venait de la droite. L'odeur était proche. Il se décala légèrement vers l'origine du parfum et sa main percuta légèrement ce qui semblait être un guéridon. Oui, de là venait la fragrance de roses.

Mais il y en avait une autre, plus forte qu'il reconnut aisément. La jacinthe. Elle embaumait littéralement. Burbage devait en avoir plusieurs.

- Jacinthes.

- Exact, acquiesça la propriétaire des lieux, admirative.

Le jeune garçon reconnaissait les plantes, juste grâce à l'odeur. Elle trouvait cela exceptionnel.

- Comment l'as-tu su ?

- Je... j'ai déjà planté des jacinthes dans le jardin de ma tante. Elle aime bien, il y a une plate-bande entièrement faite de cette fleur.

- Mais... je veux dire... comment sais-tu que c'est une jacinthe ?

Elle le savait que le petit garçon jardinait, elle l'avait vu faire en arrivant. Mais il ne voyait rien.

Harry ne répondit rien. Sa tante Pétunia lui disait toujours de faire attention à ses jacinthes quand il sortait. Lorsqu'il en avait écrasé une ou deux, sans le faire exprès, elle lui avait mis une paire de claques. Depuis, il avait mémorisé l'odeur et faisait toujours extrêmement attention où il mettait les pieds, marchant avec précaution dans le jardin.

- On m'a appris à les reconnaître, fit-il enfin dans un murmure.

- Oh.

Charity ne savait pas vraiment quoi dire d'autre que ce simple « oh ». Elle se sentait mal à l'aise, n'ayant aucunement l'impression d'être une bonne tutrice. C'était officiel, elle ne savait pas s'occuper d'enfants. Les plus jeunes dont elle avait eu la charge avaient treize ans. Harry, lui, en avait onze et demandait une autre forme d'attention.

- Tu... tu veux manger quelque chose ? demanda la professeure finalement, quand son estomac lui rappela qu'il devait être l'heure de déjeuner.

Un coup d'œil sur sa montre lui apprit qu'il était en effet temps. Les aiguilles affichaient treize heures. Elle ne s'était pas rendue compte qu'il était si tard.

D'ordinaire, elle mangeait vers quatorze heures pendant les vacances, mais son lever plus matinal et son petit-déjeuner frugal semblaient loin.

- N-non, bégaya l'enfant.

Son estomac prouva le contraire en se manifestant bruyamment. Lui aussi avait faim. Il n'avait rien mangé ce matin, sa tante n'ayant pas jugé nécessaire de le faire petit-déjeuner ou de lui donner quoique ce soit, autre qu'un petit bout de pain rassis.

Charity sourit et prit la main de son protéger.

- J'ai entendu, tu sais.

Elle le guida jusque dans la petite salle à manger meublée en tout et pour tout d'une table et de deux chaises, et le fit s'asseoir.

- Evy ! appela l'enseignante, faisant sursauter Harry.

Un pop résonna dans la pièce et l'enfant en chercha l'origine sans la trouver.

- Professeur Burbage, Madame a appelé Evy ? couina une voix aiguë.

- Peux-tu nous apporter deux repas ?

- Oui, Professeur Burbage, Madame. Tout de suite, Professeur Burbage, Madame.

De nouveau, un pop retentit.

- Evy ? ne put s'empêcher de demander l'enfant, craintivement.

Il se mordit la lèvre. Les questions étaient interdites au sein de sa famille. Pourquoi ce serait différent ici ?

Cela dit, Harry se rappela qu'il n'avait pu empêcher certaines questions de fuser et Burbage avait toujours répondu patiemment, sans lui hurler dessus.

- Un elfe de maison. Poudlard en emploie quelques-uns, dont Evy. Ils s'occupent du château, ce sont eux qui font les repas, le ménage et d'autres tâches.

Harry fronça les sourcils. Quel genre de personne cela pouvait bien être ? À quoi cela ressemblait ?

- Tu sais que tu peux me poser toutes les questions que tu désires. C'est normal que tu ne saches pas tout de ce monde. Et il me paraît évident que je répondrais, dans la mesure où j'ai la réponse.

L'enfant acquiesça. Son cerveau tournait à plein régime et des dizaines de questions attendaient une réponse. Mais, malgré l'invite, il n'arrivait pas à les poser, inquiet.

Un pop résonna pour la troisième fois et il entendit une assiette être posée devant lui, suivi de ce même son particulier.

- C'est quoi ce bruit ? demanda enfin le garçon sans toucher à ses couverts et à son assiette alors que Charity avait commencé à manger.

- Ce bruit ? fit Burbage sans comprendre. Quel bruit ?

- Pop.

- Ah ! C'est le bruit que font les elfes de maison en transplanant.

La jeune femme se mordit la lèvre. À coup sûr, elle venait de perdre Harry. Il était vrai que « transplaner » ne faisait pas parti du dictionnaire moldu.

- Navrée. Transplaner veut dire aller d'un point à un autre directement.

- Comme de la tél... tépo...

Harry cherchait le mot qu'employait son cousin quand il estimait que la distance qui séparait la cuisine du salon était trop grande lorsqu'il fallait passer à table.

- Téléportation ? suggéra sa nouvelle tutrice. Oui, c'est ça. Sauf que pour se téléporter, il faut un mécanisme. Pour transplaner, il ne faut que visualiser la destination et se concentrer. Mange avant que ça ne soit froid.

Charity retint un soupir en le voyant tâtonner pour chercher sa fourchette. Quand il la trouva, il se servit également de sa main libre pour trouver les aliments, non sans en mettre plus de la moitié sur la table.

Ils allaient devoir travailler la propreté à table assez rapidement, bien que l'enseignante n'ait pas la moindre idée de la manière de faire.

Harry picora plus qu'il ne mangea. Sa fourchette n'était jamais vraiment remplie et le contenu avait une nette tendance à prendre la fuite lorsqu'il portait le tout à la bouche.

Une fois le repas pris, et la table nettoyée, Burbage fit visiter le petit appartement à son invité, lentement, au rythme du garçon. Elle ignorait comment l'aider à se repérer, alors elle le laissait agir.

Ils firent ensuite le tour de Poudlard. La jeune femme nota mentalement qu'ils allaient devoir faire exactement les mêmes trajets pour que le futur élève puisse se repérer, voire qu'elle allait devoir lui trouver un moyen pour pouvoir se guider à travers les dédales de couloirs. Le château était grand et rares étaient les nouveaux arrivants qui ne se perdaient pas. Un plan serait inutile vu que le garçon ne pourrait pas le suivre, mais l'enseignante ne voyait pas autre chose. Peut-être qu'en l'enchantant et le liant avec la magie du château... Elle allait se renseigner.

Burbage se dit que dresser une liste, afin de savoir ce qui manquait pour Harry, ne serait pas du luxe.

Elle remarqua cependant aisément que le garçon était tactile, mais cela n'avait rien d'étonnant.

Ils marchèrent longtemps, en silence pour que le jeune garçon puisse se concentrer. Charity parlait peu, uniquement pour lui donner des indications qui lui semblaient indispensables. Dès ce soir, elle dresserait une carte de l'école.

- Voilà la Grande Salle, fit-elle alors qu'ils arrivaient aux abords d'une pièce.

Comme avec les autres, l'enseignante le fit entrer et le laissa déambuler à sa guise en notant qu'il se servait toujours de ses mains pour se diriger et qu'il claquait toujours de la langue à intervalles réguliers.

- C'est... grand, constata l'enfant qui venait d'atteindre le milieu de la salle et s'était arrêté, presque effrayé et un peu perdu par cette grandeur inhabituelle – les autres pièces étant plus petites.

- C'est la Grande Salle. Elle sert pour les repas et les cérémonies importantes. Il y a près de trois cents élèves à Poudlard, il faut bien pouvoir tous les faire entrer.

Harry repartit à la découverte, longeant les murs à son rythme. C'était presque impressionnant de le voir évoluer ainsi sans hésitation, avec juste une main en guise de guide, le bout des doigts frôlant les murs, semblant enregistrer chaque aspérité de la roche.

Le jeune Potter était aveugle, mais Charity gageait qu'il voyait bien mieux que d'aucuns.

Quand il eut fini son tour, sa guide consulta sa montre qu'elle portait en sautoir et écarquilla les yeux lorsqu'elle avisa l'heure. Il était si tard ? Le temps était passé à une vitesse ! Eh dire qu'elle n'avait pas pu montrer au garçon tout ce qu'il y avait à voir.

Mais ils avaient le temps, n'est-ce pas ? Encore un mois.

La professeure d'Études des Moldus sentit son cœur s'arrêter un court instant avant de reprendre lorsqu'elle se rendit compte de la date du jour. C'était le 31 juillet, Harry avait onze ans et personne, pas même elle, ne lui avait fêté son anniversaire. Elle n'avait rien pour lui, pas le moindre cadeau.

- Harry ? On y va ?

Ils avaient encore des choses à faire avant le dîner qui serait servi dans une heure. Ils eurent le temps d'aller jusqu'aux serres. Harry avait humé durant de longues minutes différentes plantes et avait fait la connaissance de Pomona Chourave, qui enseignait la Botanique et résidait au château une bonne partie de l'année pour ne pas abandonner ses chères pousses.

Il était six heures quarante-cinq lorsqu'Harry, Charity et Pomona entrèrent dans la Grande Salle. Dumbledore les attendait avec un sourire resplendissant qui n'augurait rien de bon. Le Directeur était en effet connu par ses employés comme étant étrange.

Le vieil homme était intelligent, il n'y avait aucun doute à cela, mais il avait ses instants de folie.

Il n'était pas le seul à être présent. Avec lui se trouvait Minerva McGonagall, directrice adjointe et professeur de Métamorphose, déjà installée à table à la droite d'Albus.

- Monsieur Potter, fit-elle alors qu'ils arrivaient sur l'estrade.

- Harry ? intervint Charity. Voilà le professeur McGonagall. Elle t'enseignera la Métamorphose. Elle est aussi la directrice de la maison Gryffondor. Tu te rappelles de ce que j'ai dit sur les quatre maisons ?

- Oui, répondit lentement l'enfant d'une voix quelque peu tremblante en essayant de deviner où pouvait se tenir cette fameuse McGonagall qui, à en juger par sa voix, devait être stricte. Il y a Poufsouffle, qui est dirigée par le professeur Chourave, Serdaigle qui a comme directeur le professeur Flitwick, Serpentard avec le professeur Rogue et Gryffondor. Je suis enchanté de faire votre connaissance, Professeur, fit-il en tendant la main dans le vide.

Main que la vieille femme s'empressa de venir serrer dans la sienne. Albus lui avait parlé d'Harry et de son... handicap. Il n'avait pas menti. Le garçon – qui ressemblait beaucoup à James en plus calme – était bel et bien aveugle, vu qu'il avait tendu sa main dans la mauvaise direction.

Savoir que le fils d'un de ses anciens élèves, sans doute l'un des plus farceurs, était dans cet état lui fit... mal.

- Comme je vous l'ai dit, Minerva, reprit Albus le jeune Harry va rester avec nous jusqu'à la rentrée. Certains... aménagements doivent être pris et Harry est meilleur juge pour savoir ce qui est bon pour lui.

La directrice adjointe hocha la tête, non sans cesser de fixer du coin de l'œil son futur élève. Elle espérait l'avoir dans sa maison, mais en doutait fortement. Elle avait un don pour savoir qui serait chez les Gryffondor et ce n'était pas le cas d'Harry.

- Bien, je pense que nous n'attendons plus personne, décréta le directeur d'un ton enjoué.

Charity guida Harry vers une chaise vide et le laissa se débrouiller. Elle prit place à ses côtés. Albus frappa dans ses mains et des plats apparurent sur la table. Le garçon, lorsque les effluves, lui parvinrent, sentit son estomac gronder.

- Je te sers ? proposa sa « tutrice » l'air de rien. Tu as le choix entre poulet, rôti, charcuterie haricots verts, pommes de terre, petits-pois, riz, lentilles et tourte à la viande.

Le garçon hésita. Tout cela ? Il était bien tenté de tout prendre mais devait se raisonner. La tourte à la viande lui plaisait bien.

- La tourte, s'il vous plaît.

- Et comme boisson ? Eau ? Jus de citrouille ?

- Jus de citrouille ? releva le brun.

Il n'en avait jamais entendu parler. Charity s'empressa de remplir son verre et de lui couper une part de tourte.

- Goûte, tu m'en diras des nouvelles.

Harry tendit une main hésitante vers son verre et but une gorgée de jus de citrouille idéalement frais. C'était bon. Ça n'avait pas le même goût que le jus d'orange, mais peu importe. Il reposa son gobelet et prit ses couverts pour commencer à manger.

À tâtons, le futur élève entama sa part de tourte.

Le repas fut relativement calme, chacun conversait aimablement avec ses voisins, sauf Harry qui avait été placé en bout de table – et remerciait Burbage – pour manger en toute tranquillité sans être constamment dérangé par des questions sans le moindre sens.

Les plats furent remplacés par d'autres et par un énorme gâteau qui apparut devant le jeune Potter. Ce dernier se figea lorsqu'il sentit une chaleur sur son visage et qu'il entendit les raclements de chaise.

- Bon anniversaire Harry, murmura Charity.

Le garçon sentit son cœur s'arrêter un instant avant de repartir à tout rompre dans sa poitrine. Son anniversaire ?

C'était la première fois qu'on pensait à lui à cette date-là. Les Dursley faisaient comme si le 31 juillet était un jour comme un autre. Ils ne lui avaient jamais rien offert, alors qu'ils dépensaient tout leur argent pour Dudley.

- Fais un vœu et tu peux souffler tes bougies, souffla Burbage.

Son vœu s'était déjà réalisé. Il faisait le même depuis des années, il voulait qu'on vienne le chercher et ce jour était arrivé.

Sans plus réfléchir, Harry souffla sur les bougies, se fichant comme d'une guigne de savoir si elles étaient ou non éteintes. Tous applaudirent dans son dos et des mains se posèrent sur ses épaules pour le féliciter.

- Ce n'est pas tous les jours qu'un sorcier a onze ans.

Harry ne put répondre sinon il éclatait en sanglots. On lui déposa une part de gâteau dans l'assiette et lorsqu'il en goûta un bout, il sut que c'était le meilleur anniversaire de sa vie. Pas pour les cadeaux – il s'en fichait – mais parce que pour une fois, on pensait à lui.

Il ignora le temps qui passa, mais parut surpris quand Burbage lui toucha le bras et lui apprit qu'il était plus que temps qu'il aille se coucher.

Sitôt sa tête posée sur l'oreiller, Harry s'endormit.


À suivre