L'aimer à jamais
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Dumbledore m'a demandé de lui parler, il pense qu'il en a besoin et que cela me soulagerait de partager mes souvenirs avec ce mioche. Je ne me suis pas abaissé à répondre. Je me serais emporté et je sais que c'est ainsi qu'il arrive le mieux à me manipuler.
Comment peut-il suggérer cela? Juste l'imaginer? Mes souvenirs ne sont pas à partager. Ce sont les seules choses qu'il me reste d'Elle, la seule lumière qu'Elle m'a laissée. Offrir mes souvenirs, ces doux moments qui ont illuminés ma vie, qui lui ont donné son unique justification, ce serait m'ôter le sang des veines et l'air de mes poumons. Mes souvenirs sont l'essence même de mon être, ils sont les témoins de ma création et mon chemin. Sans eux, je ne suis qu'un corps affreux, sans vie, sans raison d'être. L'oubliette est ma pire crainte.
Le petit Potter n'a pas besoin de ses images d'Elle, il a des amis lui, une fiancée, un avenir sûrement glorieux. Alors que moi, je suis un volcan mort dont la seule lave est refroidie et étouffée dans les tréfonds de mon âme. Ce sont juste ces souvenirs, la seule flamme qui me reste.
Avant, j'avais de l'espoir en l'avenir, je rêvais qu'un jour, même lointain, elle me revienne. Parfois plus humblement, j'espérais que tel jour je pourrais l'apercevoir dans une rue, et que peut-être, si le vent m'était favorable, j'entendrais son rire. Oui, avant je connaissais l'espoir.
Mais en la perdant cette nuit si cruelle, j'ai renoncé à l'avenir. Je n'attends plus que le moment où je la rejoindrai. Chaque jour, je m'éveille avec cette silencieuse prière, ce minuscule rêve, que ce jour le maudit gamin n'aura plus à être protégé, qu'il aura enfin réussi à te venger, pour que je puisse tirer ma dernière révérence et te rejoindre mon amour, dans ton repos éternel.
Chaque heure qui s'écoule, augmente mon impatience et ma rage, quand je réalise qu'il me faudra attendre encore un jour de plus, sans toi. Chaque soir me voit prier que le sommeil m'emporte à jamais et chaque lendemain me déçoit et désespère.
Rêver de toi ne peut me suffire, je me tords de douleur devant l'absence, ton absence. Que l'attente est cruelle, que la tentation est forte de tricher pour te retrouver, et abandonner ce monde froid, obscur et vide, puisque sans toi, à leurs batailles stériles. Qu'importe le vainqueur, qu'importe le bien triomphant sur le mal ou l'inverse, puisque ce monde n'est qu'un désert sans toi. Chaque jour je manipule des fioles de poison, j'en garde toujours une à portée de doigts que je caresse comme une amante. Je la vois comme cette clé qui ouvrira la porte de l'unique paradis. Te rejoindre mon aimée, occupe chaque seconde de mes pensées.
Mais je ne peux me laisser aller, je dois résister à l'appel de la mort, tant que je n'ai pas achevé ma mission. Je sais que si je laisse mourir ton fils, tu me repousseras. Et je crains ton rejet plus encore que la damnation divine. Rassures-moi que ta haine est partie…dis-moi que tu vas m'accueillir à tes côtés, mon ange. J'ai peur. J'ai peur de ton rejet. Et si tu ne me pardonnais pas? Si quoi que je fasse dans cette vie ou l'autre ne suffisait pas?
Non je ne dois pas douter. Je dois croire en Elle, je dois croire. Je dois patienter encore, résister toujours, l'aimer à jamais