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Elle appuya sur le bouton rouge. Elle détestait parler aux répondeurs. En particulier à celui-ci qui lui serinait la même rengaine à chaque appel.
- Toujours pas ? demanda la si jolie serveuse en déposant sur le comptoir le thé rouge de son amie.
- Evidemment que non, soupira la jeune fille sur le thé brûlant.
Le "Dernier Paradis" était pesant de quiétude. Le temps s'écoulait dans un tic tac sonore. La réunion était finie.
Cid était parti le premier, pour cause de longue route. Clad s'était empressé d'enfourcher sa moto. Nanaki s'était élancé majestueusement bien qu'à regret dans les plaines. Barret et Reeve étaient partis ensemble retravailler sur les plans de reconstruction de Midgard.
Youffie avait envie de passer encore un peu de temps avec Tifa, avant de reprendre sa longue route à dos de chocobo. Vincent, évidemment, n'était pas venu. Youffie fixait l'écran de son PHS. Il restait désespérément injoignable depuis l'éclat du groupe à la suite de la mort de Sephiroth.
- J'avais laissé un message, pourtant, dit Tifa.
- C'est pas ça qui le f'ra venir, lâcha Youffie de sa voix teintée d'accent Wutaïan. D'ailleurs on s'échine pour rien, son PHS doit sûrement être au fond d'un lac !
- Il ne sonnerait plus si c'était le cas, rit Tifa.
- Dans une grotte quelconque, alors, rétorqua-t-elle.
- Youffie, enfin...Où est la jeune fille si joyeuse à laquelle tu nous avais habitués ?
La petite princesse soupira. Il était vrai que quand il s'agissait de ce sujet, elle perdait toute bonne humeur. Elle essayait de se raisonner pourtant.
- J'y peux rien, ça me mine ! dit-elle en avalant une gorgée de thé.
- Laisse faire le temps. On est sûres qu'il est quelque part : si son PHS sonne, c'est qu'il le recharge régulièrement !
- La question est de savoir où...
Et la jeune fille noya tristement ses yeux bougons dans le liquide brunâtre.
- Un peu de gaieté, Youffie ! Vincent t'a dit lui-même qu'il reviendrait. Il te suffit de croire en lui !
- Mouais. Mais chuis pas du genre à attendre les marins sur le quai, moi, ironisa-t-elle.
- Oui. T'es plutôt du genre pirate !
- Exactement !
Elles rirent de bon coeur. Après quoi la petite ninja se leva, pour prendre congé.
- Merci encore, Tifa. C'était très sympa, mais je vais y aller. J'ai une longue route, et j'ai qu'un dos de piaf pour ça...
- Ne te justifie pas ! C'est moi qui te remercie, sourit Tifa.
Elles se sourirent, se serrèrent l'une dans les bras de l'autre, et se firent mille promesses de retrouvailles. Après quoi, Youffie marcha vers le vague hangar aménagé pour son chocobo. Elle y chargea ses bagages et y grimpa. Après quoi elle l'incita à avancer en caressant le plumage noir de l'animal "Tout doux, Kabuki...". Lentement, les griffes de l'animal passèrent devant le bar où Tifa attendait sur le seuil.
- Au revoir, ma belle ! cria-t-elle à Youffie. Et te tracasse pas trop !
- Oh, c'est pas mon genre ! Bon courage à toi, et à bientôt ! lança-t-elle avec un clin d'oeil à son amie. Elle eperonna son chocobo et s'élança sur le long chemin du retour.
Elle délaissa la ville en ruines, restes d'une Babel ravagée, pour l'immensité des plaines rocheuses. La route serait interminable, parmi ces nombreux et envoûtants paysages. Et les pensées remuées ne lui laisseraient sûrement aucun répit.
Evidemment, il ne cessait de la hanter. Où et comment le retrouver ?...Son sourire s'envola. Ce souvenir l'obsédait...Son départ...Si seulement elle avait su le retenir.
¤
Ils se regardaient tous sans mot dire, assis en cercle. Ils avaient vu la mort en face, leurs combats les avaient liés comme nuls amis sur cette terre. Et maintenant...Il leur fallait s'en retourner. Plus jamais leurs foyers ne seraient les même après cela. Pour ceux qui avaient un foyer. Le leader, après s'être éclairci la voix, brisa le silence :
- Eh bien...Je crois qu'il est l'heure...De nous dire au revoir, dit Clad d'un ton monocorde.
Elle, comme à son habitude, mitrailla le dit silence pour qu'il n'eût plus envie de revenir de si tôt.
- Non, non, c'est trop triste ! s'écria Youffie avec moults bonds et gesticulations. On se reverra, les amis, hein, dites, pas vrai !
- Evidemment, dit Nanaki de sa voix sage.
- Ha ! Comment s'oublier après tout ça ! tonitrua Barret.
Après ça...Sephiroth était mort, tout était fini. En étaient témoins le Highwind, Midgard, et une bonne partie du globe dévastés.
Lui ne disait rien, comme d'habitude. Son visage ne trahissait rien non plus. Elle le regardait en coin ; ses yeux étaient ailleurs, perdus dans quelque labyrinthe mental.
Après les embrassades et les saluts de coutume, chacun s'en allait à regret vers son lendemain. Cid se proposa de ramener tout le monde, mais deux refusèrent. L'une balbutia quelque prétexte pour rester avec l'autre qui se contenta de nier brièvement. Alors qu'il s'en retournait déjà pour ne pas voir le vaisseau s'éloigner, elle l'interpella brusquement :
- Hey, Vincent !
Il stoppa son pas, visiblement agacé.
- Tu vas où, comme ça ?
- Bonne question, ironisa-t-il mornement.
- Tu vas pas retourner à Nibelheim, j'espère ?
- Non, soupira-t-il.
- Mais alors tu vas...
- Je ne sais pas, Youffie, fit-il, pressé d'en finir. Je ne peux, ni ne veux rentrer nulle part. J'ai besoin...d'un peu de répit.
Il reprit sa marche tandis qu'elle s'élançait vers lui.
- Hé, mais attends, Vincent !
Il se retourna et stoppa la course de la jeune fille en posant sa main de fer sur sa frêle épaule. Elle se vit ensuite dénouer son bandeau frontal par son autre main. Elle lança vers lui le regard de l'enfant abandonné. Ses yeux de braise glacés ne pouvaient la rassurer. Il déposa un léger baiser sur son front, avant de dire lentement, serrant le bandeau dans sa main :
- Je te le rendrai.
Et lui de disparaître subitement, laissant la jeune fille seule, sur une lande déserte.
Le même genre de solitude dans laquelle elle chevauchait à présent. Déjà six mois. Six mois de recherches infructueuses, d'attentes insupportables, et d'appels inutiles. L'angoisse la rongeait à petit feu. Il pouvait être n'importe où, faire n'importe quoi. La recharge du téléphone ne prouvait rien ; le PHS pouvait être branché quelque part, loin de lui ou pire...Il s'était peut être même rendormi.
Elle ravala une larme. Elle devait lui faire confiance, mais elle se sentait terriblement trahie. Tous ses efforts, jour après jour, pour faire fondre sa prison de glace, pour lui arracher ses sourires, pour gagner un peu d'espoir...Ce baiser sur le front était sa seule récompense. Elle n'arrivait pas à s'en contenter.
Un voyage interminable. La route était accidentée mais droite. Elle était perdue dans ses péregrinations mentales. Celles-ci partaient de ses peurs passées, pour arriver à ses angoisses futures, en tournant en spirale autour de son amour obsédant. C'était loin d'un béguin bégnin.
Mais un de ces amours
véritables et incurables qui n'existent pas que dans les
contes. La seule fallacie de ceux-ci est la fin heureuse.
Youffie
n'était pas du genre à se lamenter, c'était ce
sentiment d'impuissance qui la tourmentait. Elle ne pouvait rien
faire, c'était la pire souffrance pour son hyperactivité.
Enfin Wutaï se dessina en contrebas. Elle en éprouva un grand soulagement.
"Chez moi..."
Les rues étaient désertes dans la nuit frémissante. Elle ne s'attarda pas dans la ville froide et inhospitalière, mais se précipita chez elle. Dans le grand hall marbré elle laissa tomber paresseusement son manteau pour signaler son arrivée. Puis elle alla s'écrouler dans sa chambre sur son futon. Elle bascula immédiatement dans le monde des rêves.
Elle se vit seule dans une immense étendue de paysages sauvages. Elle y vit Vincent, allongé paisiblement dans des herbes dansantes. Seulement, lorsqu'elle le secoua pour le réveiller, il ne bougea pas. Il n'était pas mort, il dormait, et dormait malgré ses cris et sa détresse.
.:¨:.
C'était toujours son visage qu'il voyait lorsqu'il se réveillait. A bien y repenser, c'étaient ses yeux sombres qui étaient apparus, après la lumière aveuglante, lorsqu'elle avait ouvert à grand peine le couvercle du cercueil.
Lorsqu'il défaillait, au combat, toujours ces yeux bienveillants qui le ramenaient à lui. Et maintenant ?...
Il était parti et se refusait à revenir, toujours et encore par pénitence. Mais il ne se défaisait pas du petit instant de chaleur que lui inspirait chaque appel. Elle ne l'oubliait pas.
Oh, c'était contre son gré. Son esprit inflexible ne lui permettait pas d'éprouver la moindre joie. Simple autodiscipline.
Bien sûr il voulait répondre. Mais qu'aurait-il dit ? Quant aux messages de réunion...Non. Non seulement son ego se trouvait malmené en nombre, mais il voulait fuir ces espoirs fallacieux. Il avait été trop déçu. Ce vieux soldat n'avait plus la force de croire. Pourtant l'espoir l'avait gagné, mais c'était un désir coupable.
Alors...Qu'est-ce qui maintenait cette carcasse en vie ? Cette ombre qui n'a rien ni personne, et qui n'en désire même pas ? Et qui contemple, perché sur cette falaise, le délicieux flux et reflux de la mer. Il ne sautera pas. Il ne sait exactement quoi l'accroche à la vie. Son désir de souffrance sur le chemin de la redemption, peut-être. Mais il était las de souffrir, et ses souvenirs s'étaient embrumés sous une étincelle de vie.
A l'instant sa survie
s'organisait sur ce plaisir à vider son esprit devant
l'immensité des paysages. Il se sentait tellement moindre, et
ses obnubilants tourments semblaient se cacher dans une boîte.
Ah.
Une sonnerie. Evidemment, c'est elle. Pauvre fou. Que ne décroches-tu
pas ? Elle finira par ne plus appeler, si tu ne le fais pas. Et tu
dépériras définitivement oublié de tous.
Il regarde le nom clignoter sur l'écran. Il laisse sonner,
flegmatiquement. Il ne décrochera pas.
Il se laisse choir, dans les herbes folles, et se laisse emporter par le sommeil. Elle n'a pas laissé de message.
